La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Voici la première partie de notre 209ème sélection.
Eels – Time
L’inclassable groupe californien Eels annonce la sortie de son prochain album, intitulé Eels Time!, et nous offre par là même un single délicat, une ballade folk introspective et vibrante simplement nommée Time.
Une fois de plus, Eels nous prouve son génie mélodique avec une guitare-voix sobre aux allures de lullaby. Une comptine bercée de lumière douce, la même qui éclaire l’âme du groupe, Mark Oliver Everett, dans le clip qui accompagne le single. On y voit défiler des photos de famille, celle de ce dernier, depuis les jeunes années de ses parents jusqu’à celles de son fils, en passant par un diaporama des 60 années de sa vie à lui. Hautement intimiste comme toujours, mais fort d’une simplicité déconcertante, l’artiste nous livre quelques-uns de ses souvenirs, heureux ou douloureux, se questionne ouvertement sur le temps qui passe et l’idée de maturité.
Le temps qui passe et son éternel recommencement semblent appuyés par la mélodie répétitive de la guitare, formant une boucle qui gagne en intensité lorsque des violons viennent étoffer l’instrumentation dépouillée. Une fois de plus, Eels nous livre un morceau authentique, touchant, qui n’effleure jamais le pathos. Maturité ou non, le groupe prouve une fois de plus que son talent d’écriture ne bouge pas avec les années, se bonifie peut-être, et encore. Quoi qu’il en soit, Eels Time!, qui sortira le 7 juin prochain, promet déjà d’être un album fantastique.
Croma ft Leo SVR — Résidence avec jacuzzi
Pour marquer le lancement de son nouveau projet Une journée dans mes shoes, Croma nous offre le clip du feat avec Leo SVR sur le titre Résidence avec jacuzzi. Les deux rappeurs nous emmènent dans un pass-pass électrique, mettant en lumière leur maîtrise et leur technique.
Dans la première partie plutôt entraînante, les caméras de Ledon & Ervin nous plongent dans le quotidien des rappeurs. Entre séances photo, virées à la pizzeria et sessions studio, ils nous servent une ambiance survoltée tout au long du morceau, nous invitant à bouger la tête sans arrêt. Après un changement d’ambiance, la deuxième partie prend une tournure plus tranchante, avec une instru plus agressive, laissant place aux deux rappeurs qui débitent leurs couplets sans relâche. Une alliance explosive qui révèle tout le potentiel des deux rappeurs. Avec Une journée dans mes shoes, Croma confirme de plus en plus son statut de rookie à surveiller de près.
Bleu Reine – Le Bal des Sabres
On ne va pas se mentir, Le Bal des Sabres c’est probablement notre petit préféré de l’album de Bleu Reine paru en fin d’année dernière (on vous remet la chronique ici). Alors on vous laisse imaginer la joie quand on a vu qu’il s’offrait un clip à quelques jours de sa grande messe – le 13 mars au Point Ephémère avec les amies Championne et Pencey Sloe -.
Dans un format carré et comme dans une espèce de fish-eye, Bleu Reine nous embarque sur le plateau calcaire du Mont Saint-Quentin, près de Metz. Elle y est accompagnée de la danseuse Lena Angster. Ralentis et plans rapprochés s’accumulent, les corps se distordent sans jamais être dans une logique symétrique sur la paille. Parfois, seule Lena Angster esquisse des mouvements à même le sol. Les corps se désarticulent, les cheveux se laissent porter par l’autorité du vent, Bleu Reine chante aussi face caméra. On se réjouit de cette mise en images champêtres et très humaines, naturelles.
King Hannah – Big Swimmer
En attendant l’album éponyme à venir pour le mois de mai chez City Slang, les prometteurs King Hannah nous font patienter avec le single Big Swimmer en duo avec Sharon Van Etten.
Ambiance fin de bal de promo dans un gymnase déserté. Hannah Merrick est assise sur un banc. Si elle a gardé sa robe de gala rouge vif, elle a chaussé les baskets. Déception ? Désillusion ? Simplement rêveuse ? On n’en saura rien. Sous le panier de basket, une guitare l’attend.
Et comme dans une rêverie douce nostalgique, le complexe sportif se remplit d’un groupe composé de deux enfants aux guitares acoustiques et électriques et son binôme Craig Whittle à la batterie miniature. Dans des couleurs qui ne sont pas sans rappeler l’esthétique des images de caméscope des années 1990, on interchange les musiciens, on fait des paniers gagnants et on chante. Un nouveau single alléchant. À noter dans votre agenda, le duo de Liverpool passera à la Maroquinerie le 12 septembre prochain. Stay tuned !
Pythies – Eclipse
Les plus grunge des oracles de Delphes sont en train de créer un petit autel à leur gloire. Après la sortie de deux titres l’année dernière, Pythies sort les grands moyens pour affirmer leur style, leur vision et leur son. Fortes de dizaines de dates partout en France et bientôt à l’étranger, les musiciennes sont d’une assurance désarmante. Ce n’est pas une Eclipse qui leur fera de l’ombre, mais bien tout l’inverse.
Eclipse est une ode à l’indépendance, à la sensualité et la provoque. On retrouve les trois musiciennes dans un appartement, dans une soirée en non-mixité à faire frémir les plus conservateurs et à faire fuir Christine Boutin. Toutes les jouissances y passent, le sucre, le sexe, le tabac et l’alcool, sans oublier le grunge. Déchaînées, elles s’adonnent à l’excès de sensualité, provoquant le spectateur laissé pour compte de l’autre côté de son écran. Petite leçon d’humilité.
Les refrains sont d’une efficacité parfaite, rappelant le charme désabusé des mythiques L7 ou Hole, porté par la voix charmeuse de Lise C, les guitares saturées d’Aurélie et la tempête de batterie d’Anna. Le contraste entre le mix saturé ultra grungy avec la voix claire est percutant, à l’image du morceau. Les Pythies ont, pendant la Grèce antique prédit l’avenir, celles du rock le créent. Nous, à la Face B, on vous annonce que ce groupe va cartonner. Et notre prophétie ne restera pas un mythe.
Irnini Mons – Elis Police
Alors, comme annonce, bravo ! Deuxième single du premier album à venir d’Irnini Mons, Elis Police se la joue treize à la douzaine avec un clip peuplé d’enfants qui jouent à la police. L’idée est ici de porter un regard critique sur l’institution policière en portant en évidence la dissonance cognitive entre une institution qu’on nous présente comme missionnée pour protéger la population, mais dont tout le monde finit par avoir peur. Le meilleur exemple étant qu’en voiture, il est quasi impossible de voir une présence policière sans avoir un moment de stress à l’idée de se faire arrêter (alors qu’on se sait très bien en situation régulière). Belle ironie.
De même, les messages de manistestant.es ou de minorités régulièrement prises pour cible nous rappellent bien les défaillances systémiques d’une institution qu’on aimerait voir (a minima) se remettre en question. Bref, on s’éloigne un peu, Elis Police est un très chouette titre de Rock avec un très chouette clip. Vivement la suite !
MaMaMa — Apprends-moi
Apprends-moi, c’est par ce morceau que débute Hier Sera Meilleur, le premier album qu’Elliot Diener a publié la semaine dernière sous le nom de MaMaMa. Celui que l’on connaissait avant en tant que Petit Prince a fait évoluer son un projet afin explorer de nouveaux horizons sans toutefois renier ses aspirations initiales.
Apprends-moi nous apporte quelques éléments de compréhension. Tout en conservant leurs structures répétitives, les lignes électro qu’il affectionnait lors de ses premières compositions se sont muées en des sons plus organiques. Les instruments à cordes apportent une texture à la granularité argentique, aux chansons qui l’accompagnent. Il en émane une atmosphère aux reflets nostalgiques propice aux lignes narratives que trace Elliot. Intériorisés, ses textes font écho aux sentiments qu’il éprouve. Un dialogue songé. Celui que l’on engagerait en pensées avec l’autre malgré son absence. Des mots à mi-voix, dits sur le ton de la confidence, auxquels finissent par répondre les notes d’un saxophone aux accents presque humains apportant espoir et réconfort.
Certainement tournée dans le massif des Vosges, la vidéo suit le cheminent du musicien au travers de la forêt entre les rochers de grès ou de granit vers les sommets harmonieusement galbés de montagnes vosgiennes. Symbolisant un renouveau, la lueur de l’aube redessine la ligne d’horizon de manière de plus en plus précise au fur et à mesure que la lumière diffuse. Espoir et réconfort. Hier Sera Meilleur car il permet de construire nos lendemains.
MaMaMa sera en concert mardi prochain (12 mars 2024) dans la très belle salle de La Boule Noire. Ne le loupez surtout pas !
Golden Bug & The Limiñanas – L’effet domino feat. Anna Jean
Deux ans après son dernier album Piscolabis, Antoine Harispuru aka Golden Bug revient avec L’Effet Domino qui annonce un deuxième volet à son précédent opus. Les compositions de Golden Bug se définissent de prime abord par l’atmosphère si caractéristique qu’elles dégagent, forte et omniprésente. Pour L’Effet Domino, le musicien a fait appel à The Limiñanas et à Anna Jean (Juniore). Ils ont chacun apporté leurs touches personnelles – intenses et graves – à la toile musicale peinte par Golden Bug.
Le rythme du morceau appuyé par la guitare de The Limiñanas laisse à la voix profonde et déterminée d’Anna Jean, l’espace nécessaire pour nous avertir des dérives et des risques auxquels notre société est confrontée en les ayant engendrées. La vidéo mise en images par Pierre Magnol illustre, en plusieurs tableaux dans des tons rouge sang et emprunts de mythologie, des thèmes aussi prégnants que notre dépendance aux écrans, la déforestation, l’impact des pesticides sur notre santé… « Tu as rendez-vous avec le chaos. Ça te fait de l’effet, l’effet domino ».
Gabriel Auguste (ft. Dominique A) – Homo Sensibilis
Gabriel Auguste s’associe avec des artistes de la nouvelle scène française comme Diane Saigner et Calypso Valois. Cette fois-ci, pour le morceau Homo Sensibilis, le musicien forme un duo avec l’un des pères du mouvement, Dominique A.
Le morceau est un hymne à un autre monde. Une renaissance où l’homme serait sensible aux choses qui l’entourent, à la nature. Un chant dont les refrains fédérateurs se chantent en chœur : « là soudain la vie me tend les bras, je me sens bien, quand tout autour de moi, la terre danse et prend le plus grand soin de protéger le plus petit des siens ».
Une nature flamboyante, aux couleurs vives, à l’image des peintres fauvistes qui inspire le clip. Réalisé par Gabriel Auguste lui-même, il met en scène des hommes-animaux et des décors de montages, de paysages et de nuages peints. Homo Sensibilis fait partie La Grande Gomme, le prochain album de Gabriel Auguste, qui sortira le 15 mars.
Chalk – Bliss ft. Fears
Cette semaine, on vous parlait de Conditions II, le nouvel EP de Chalk et notamment du dernier morceau de celui-ci, Bliss, qu’ils partagent avec Fears.
Un morceau lumineux, positif et dansant qui venait comme une belle respiration après un EP plutôt sombre et désespéré.
Avec la sortie du projet, le groupe accompagnait le morceau d’une vidéo réalisée par Benedict Goddard.
Dans la vidéo, Chalk évolue dans un noir et blanc intense tandis que les daneurs Phoebe Comiskey & Conor Quinn leur répondent du côté de la lumière.
Appliquant à la lettre les propos du morceau (Dance, Rythm) Phoebe et Conor s’élancent dans une chorégraphie libératrice qui gagne en intensité à mesure que le morceau se dévoile et qu’ils ne soient rejoints dans ce moment de communion par le chanteur de Chalk.
Une fois encore, le son et l’image font bon ménage dans l’univers du groupe de Belfast. Un dernier édifice visuel parlant avant de se lancer dans une grande tournée en Europe avec notamment des passages à Paris et à Tourcoing en avril prochain.