Les clips de la semaine #241 – Partie 1

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Tout de suite, la première partie de notre 241ème sélection.

THE LIMIÑANAS, BERTRAND BELIN – J’adore le monde

The Limiñanas et Bertrand Belin, c’est une histoire d’amour qui dure depuis plusieurs albums maintenant. Comme un point de certitude dans un univers collaboratif en évolution constante, la voix et l’écriture de Belin ont presque quelque chose de rassurant.

Pas étonnant, alors que le duo a annoncé l’arrivée de Faded pour février prochain, de voir débarquer, pour le plus grand bonheur de nos oreilles, une nouvelle collaboration : J’adore le monde.

L’écriture subtile de Belin se prête bien à la musique des Limiñanas : De la répétition psychédélique qui pourtant évolue en permanence, amenant petit à petit des nouveaux éléments, des nouvelles sensations et une vision qui s’élargit, comme un traveling arrière qui part d’un point microscopique pour apporter au fur et à mesure une image de plus en plus lisible, bourré de références à l’existence mais aussi au cinéma.

L’intérêt, c’est que l’histoire de Bertrand Belin nourrit et influence forcément la réalisation de Lionel Limiñana. En effet, en cinq petites minutes, la moitié des Limiñanas réalise à la fois une lettre d’amour au monde mais aussi au cinéma.

Comme si on explorait le rêve étrange d’une personne plongée dans son bain, on explore les facettes du (des) monde(s) et des influences cinématographiques du réalisateur. Un cinéma populaire, filmé en noir et blanc (pourrait-on y voit un hommage aux premiers Romero ?) qui passe de Bollywood à Star Trek en passant par les films médiévaux, les zombies, l’horreur, l’humour, l’amour et une pointe de non sens.

Il faut faire avec : le retour des Limiñanas s’annonce comme toujours qualitatif et excitant : vivement 2025 !

ADA ODA – IMMOBILE

Est-il possible de résister à la musique d’ADA ODA ?

Question rhétorique si il en est tant le quintette belge nous ravi depuis maintenant quelques années. Entre concerts furieux qui ont fait leur réputation à travers l’Europe puis le monde et une musique aux rythmiques aussi imparables qu’obsédantes, ADA ODA a tout bon et ne connait pas la fausse note.

IMMOBILE en est une nouvelle fois la preuve éclatante, avec son duo basse-batterie absolument parfait, les guitares qui surgissent comme des éclairs et le chant de Victoria de plus en plus affirmé et mouvant.

Petite nouveauté de notre côté : on s’est amusé pour la première fois à aller traduire les propos d’IMMOBILE et on se retrouve bien dans ce que le morceau raconte. La sensation d’être une petite anomalie dans l’énergie familiale parfois trop intense avant de finalement accepter son tempérament et sa nature à soi. IMMOBILE est une sorte de morceau d’acceptation, rempli d’humour et d’observations bien sentis tout en étant une grande lettre d’amour à sa famille bien qu’un peu étrange parfois au goût de Victoria.

Filmé lors de leur récente tournée au Québec, la vidéo d’Alexandre De Bueger, batteur du groupe, reprend un point central du morceau : une dispute familiale sur un parking.

Filmé au format Fish-eye, la vidéo alterne donc entre une dispute familiale et des plans du groupe entrain de jouer le morceau. Le tout donne une sensation de non-sens absolument bien venue alors que Victoria s’amuse à faire le lien entre les deux parties de la vidéo.

On suit alors l’escalade dans la dispute, entre chamaillerie et bataille à coup de poireau (ça ne s’invente pas) et autres fruits et légumes. Le tout est filmé avec une énergie particulière, dans une sorte de plan séquence qui transforme la caméra en spectateur de ces deux étranges saynettes qui finissent fatalement par se réunir.

Du tout bon donc, qui nous fera patienter gentiment avant l’arrivée du second album et du concert d’ADA ODA au Petit Bain en avril prochain.

CONTREFAÇON – Do It Right (feat. Lelegenix & Texto Dallas)

Jusqu’ici, l’univers d’ALMA, le futur album de CONTREFAÇON attendu pour janvier, évoluait plutôt du côté sombre de la musique du collectif. Il faut dire que l’idée qui se cache derrière ce second opus l’est tout autant : un monde où la musique humaine est bannie et les émotions contrôlées.

Do It Right prend le parti opposé des premiers singles, nous entrainant dans un univers musical délirant et international, alternant le français, l’anglais et le japonais (bien aidé en cela par les participations de Lelegenix & Texto Dallas) aux textures bien plus pop et à l’énergie qui ne faiblit jamais.

Une sorte de shoot d’adrénaline pure qui pourrait paraître étrange mais qui semble trouver dans la dystopie mise en place mais qui trouve sa justification dans l’autre pan de CONTREFAÇON : la réalisation de clip.

Car oui, les apparences sont parfois trompeuses et cette grande fête musicale et joyeuse est en fait utilisée pour parfaire la rééducation d’Antoine, le flic qui retrouvait une part de son humanité à travers les deux premières vidéos faites pour Soma et Alma.

Clin d’oeil plus qu’évident au cultissime Orange Mécanique, la vidéo de Do It Right voit donc Antoine au prise de ce service de rééducation, forcé de regarder sur la longueur une vidéo faite pour « réadapter » son cerveau à la société « moderne » dans laquelle il évolue.

Aux images hyper-lumineuses et joyeuses qui habitent la vidéo où apparaissent Lelegenix & Texto Dallas (qui fait penser à certains jeux-vidéos de danse japonais) se confrontent l’envers du décor un peu plus glauque où les scientifiques s’échinent à rebooter Antoine.

Une dichotomie absolument parfaite qui permet de rendre la vidéo bien plus impactante et troublante, se terminant par le visage terrifiant, et déshumanisé, du personnage principal en fin de programme.

ALMA s’annonce donc tout aussi excitant et varié qu’espéré. Pour le savoir, on se donne rendez vous le 31 janvier prochain puis le 10 avril à La Cigale pour une date exceptionnelle de CONTREFAÇON.

PAUL PRIER – Dust

Rêvez-vous d’une autre réalité, de vous extirper du monde pour un temps ? Décollage imminent. Paul Prier en fait l’expérience, et nous embarque avec lui, à bord de son nouveau single Dust

Sur une mélodie électro pop intergalactique, la scène se dessine le long d’une intro tout en légèreté. Celle-ci nous projette dès les premières secondes, dans son univers. Lumière tamisée et ambiance futuriste assorti d’un plan grand angle, le tableau est très bien travaillé et maîtrisé. On découvre Paul au beau milieu d’un salon, dans sa capsule. Une capsule ? Réflexion faite, il s’agit plutôt d’un scanner, étrange salle d’hôpital. Les convives l’entourent de regards attendrissants. La scène à huit clos s’achève, laissant le musicien seul avec son clavier. 

Hors du monde et hors du temps, Dust est le son idéal pour braver l’hiver et ralentir nos rythmes cardiaques. 

ELISE BOURN – Pickles 

Je ne sais pas vous, mais moi je n’aime pas les cornichons, vraiment pas. Et pourtant … On peut tomber sous le charme du dernier projet de Elise Bourn au titre semblable, nommé Pickles. Cette jeune artiste franco-néo-zélandaise a dévoilé cette semaine ce petit bijou, aussi intéressant musicalement que visuellement. 

Elle nous propose une pop joyeuse et colorée, avec un petit côté rétro qui nous séduit. Sur un terrain de basket puis dans un parc, l’intrigue repose sur ces deux protagonistes (enfin trois protagonistes) : Elise et sa guitare, un homme portant une canne, un bocal de cornichons. Qui sont-ils ? Peut-on espérer leurs retrouvailles ? On souligne la qualité du jeu d’acteurs, et la belle énergie que transmette ces images. On aurait presque envie de les rejoindre dans ce parc, se prêter au jeu d’une sorte de cours de danse aussi absurde que savoureux. 

Je n’aime pas les cornichons, mais la musique au goût de cornichon, peut être. Pour la douceur et avec une grande curiosité, on continuera à suivre les propositions de cette artiste. 

HITECH ft ZELOOPERZ – Shadowrealm

On va pas se le cacher, cette saison n’est pas la préférée de tout le monde : entre le froid, les journées qui raccourcissent, et ce fichu rhume qui s’accroche, ce n’est pas la joie… Mais heureusement, le groupe de Detroit HiTech débarque avec leur nouveau son SHADOWREALM et son clip, histoire de nous réchauffer un peu.

Composé de King Milo, Milf Melly et DJ 47Chops, ce trio a rapidement marqué les esprits grâce à leur approche originale de la musique. Entre rap, house, ghettotech et miami bass, ils mêlent les genres avec une énergie contagieuse. Leur mission est simple : enflammer les nuits avec leur son brut et leur humour décalé.

Les morceaux de HiTech, c’est un peu ce genre de musique qu’on adore, sans vraiment savoir pourquoi. Toujours là pour te mettre la pêche, et SHADOWREALM en est l’exemple parfait. Avec son clip un brin expérimental, impossible de décrocher : dès que tu appuies sur play, ta tête bouge toute seule, et tes yeux restent rivés à l’écran.

Après le succès de leur deuxième album DETWAT en 2023, les natifs de Detroit reviennent avec une belle promesse : leur nouveau projet HONEYPAQQ VOL. 1, attendu pour 2025. En attendant, SHADOWREALM nous donne un avant-goût explosif.

CASABLANCA DRIVERS – More guns

C’est au bout d’une langoureuse bassline que More Guns entre en course ! Véritable pépite de synthpop, le dernier clip de Casablanca Drivers nous invite dans une genre de … teuf New Wave ? On y retrouve les différents membres, d’une part, autour d’un liveset et d’autre part fuyant quelqu’un ou… quelque chose, dans un parking souterrain.

Ainsi, on peut comprendre que derrière cette légèreté de surface, le thème de la violence est évoqué ! Incarné, ici, par une ambiance visuelle presque burlesque. – ‘‘Alone in the streets. I wasn’t feeling safe’’. En effet, l’humour n’est jamais loin. Notamment dans l’alternance de scènes : entre fuite effrénée et animation d’une birthday party goth (Peut-on appeler ça une deathday party ?). Un certain soin est apporté aux tenues et à la décoration : oui, c’est au kitsch de ses costumes qu’on reconnaît un groupe de goût.

Au niveau musical, le morceau est structuré par un équilibre entre tension et relâchement : des refrains explosifs s’opposent à des couplets plus monotones, créant une expérience sonore à la fois calme et mouvementée.
Par ailleurs, une ligne vocale légèrement distante, voire effacée, ajoute une dimension onirique à More Guns. Renforçant, d’autant plus, cette idée d’un contraste omniprésent lorsqu’on l’oppose à l’intensité instrumentale que les parisiens déploient.

D’un point de vue technique, le niveau de reverb contribue à un sentiment de grand espace… vide. Comme si la musique évoluait dans un espace liminaire (cf. Wikipedia) et oppressant.

Un clip à voir, au moins, pour son énergie décomplexée et son univers à la fois ludique et grinçant !

BLEU BERLINE – J’te promets

Une douceur dans la voix, des influences hip-hop, RnB et électro, un flow sensible et coloré, Bleu Berline revient avec J’te promets, le premier single de son nouvel EP qui sortira début 2025. Une déclaration d’amour version blue pop, avec un solo de guitare déchirant qui, on vous promet, vous donnera forcément des frissons !

La guitare est l’instrument de prédilection de Bleu Berline. Avant de lancer sa carrière solo, la musicienne a accompagné d’autres artistes tels que Beat Assaillant, Yaël Naïm ou encore Adrien Gallo. C’est donc fort logiquement que l’instrument occupe une place majeure dans son projet, et tout particulièrement dans J’te promets.

Dès les premières notes, Bleu Berline capte notre attention et nous embarque dans son univers. Elle raconte son crush et déclare sa flamme avec sensibilité, ardeur et élégance. La promesse d’un amour absolu aux accents d’éternité, porté par la voix délicate de Bleu Berline et un solo de guitare absolument magnifique. Les cordes vibrent, implorent, pleurent et nous font pleurer avec elles.

Le clip a été imaginé, co-réalisé (avec Yoann Avanthey) et monté par Bleu Berline elle-même. Inspiré par l’esthétique épurée d’un COLORS SHOW, il démarre par des visuels pop et lumineux. Il bascule ensuite vers une performance scénique brute où Bleu Berline se dévoile pleinement à travers sa guitare.

Un régal pour les yeux et les oreilles qui vous réchauffera le cœur en cette fin d’automne morose. Vivement 2025 pour découvrir le second EP de Bleu Berline.

KENDRICK LAMAR – Squabble up

Kendrick Lamar est de retour avec son tout nouvel album, GNX, complètement sorti par surprise. C’est à cette occasion que le rappeur de Compton a rendu public le clip du second morceau du disque : Squabble Up. Basé sur un sample de musique électronique des années 2000s, le titre est en réalité la version complète de l’extrait que nous pouvions entendre au début du clip de Not Like Us, sorti cet été.

Plein de références, la vidéo est un hommage à Los Angeles et à la West Coast, que ce soit à sa culture ou à sa scène Rap culte. On retrouve Kendrick dans le registre qu’il maîtrise à la perfection. Un ton cynique, une arrogance flegmatique et un franc sens de l’humour qui donne un ton à la fois très tranchant mais également complètement déconnecté au tout.

KANYE WEST – Bomb

Vultures II n’ayant pas eu la chance de bénéficier d’une réelle promotion à grande échelle, le duo composé de Kanye West et de Ty Dolla Sign nous présente le clip du morceau BOMB. Ce dernier, qui est réalisé en collaboration avec North West, Chicago West et Yuno Miles prend la forme d’un trip complètement barré reposant sur un refrain au gimmick hyper efficace et très frais.

Le clip lui, est réalisé avec l’aide la l’IA et colle parfaitement à sa bande-son. On y retrouve une course de Tesla Cyber Truck avec des aliens en plein milieu du désert. Un ton à mi-chemin entre surréalisme complet et second degrés délicieux qui montre bien une chose : le Rap n’est pas qu’une question de technicité ou de crédibilité, mais également de vision et d’idées.

OPINION – Microrange

« Demain est un autre jour » : entre espoir et résignation, une phrase douce-amère qui, au lieu d’inspirer, peut endormir l’âme. Si demain est toujours un autre jour, nous nous retrouvons pris dans un cycle presque sans fin, où l’espoir de changer le monde se heurte à l’attente d’un moment parfait… un moment qui ne viendra jamais. Chaque matin, nous devenons spectateurs d’un théâtre fictif, pris dans des rêves et des aspirations, sans jamais les voir se concrétiser.

À l’image de Jim Carrey dans Pecan Pie, Opinion navigue lentement au volant d’un lit-voiture, se perdant dans une routine figée sous un ciel orangé. Ce véhicule emprunté fait figure de métaphore de l’immobilité, une illusion de mouvement. Le « demain » devient un mirage, une excuse pour éviter l’effort et repousser l’inconnu.

Pourtant, ce ciel orangé nous suggère-t-il de changer de direction, de modifier notre façon d’avancer ? Ce changement pourrait provoquer une sortie quasi naturelle de la passivité, nous incitant à poser enfin les pieds sur le sol et à transformer nos rêves en actions. Si nous agissions, l’horizon se clarifierait. Le ciel deviendrait une ouverture, une lumière dans laquelle nous pourrions renaître.

Microrange n’est ni un titre déprimant ni un constat fataliste. Chacun traverse des périodes similaires, plus ou moins longues, selon les circonstances. L’essentiel est qu’à un moment donné, ce « demain » devienne aujourd’hui. La décision vous appartient, elle n’est jamais irrémédiable, bien au contraire.

BEN MAZUÉ – C’est l’heure

Le chanteur Ben Mazué exprime ces doutes, ses impressions passagères sur le temps qui passent et les obligations à faire, dire, les choses avant qu’il ne soit trop tard.

C’est l’heure commence dans un certain calme, avant de se conclure par une orchestration. Comme pour symboliser une certaine urgence. Une urgence qui se retranscrit dans l’instantané du clip réalisé par Guillaume Genetet.

Le réalisateur choisi un format vertical, comme celui de notre portable. On observe le chanteur à travers son quotidien jusqu’à l’enregistrement de ce morceau… ou de son prochain album.

Ben Mazué sortira son 5ème album Famille, le 28 février 2025.

SOLANN – Les Ogres

Folie des grandeurs. Solann dénonce les puissants arrogants dans un tableau où « Gargantua est roi » avec son morceaux Les Ogres. Elle y dénonce une quasi-obligation de s’engager pour défier l’autoritarisme et l’abus de pouvoir.

Le réalisateur Farid Malki illustre ce titre d’un repas où se joignent un roi, un commandant, un bourgeois, des politiciens véreux, un prince, une reine et un soldat. Il titre ses influences de peintures de la Renaissance, renforçant l’identité graphique de Solann.

Notre « sorcière réconfortante » déambule dans ce tableau rempli d’émotion et de passion. Les Ogres est un extrait de son premier album Si on sombre ce sera beau, prévu pour le 24 janvier 2025.