Les clips de la semaine #241 – Partie 2

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans plus attendre, la seconde partie de la 241ème sélection des clips de la semaine.

BASIC PARTNER – New decade

Le paysage post punk français continue à évoluer. Parmi les petits nouveaux, Basic Partner tout droit venus de Nantes qui projette de révéler un premier album en avril 2025. Histoire de patienter, le groupe nous partage le single clippé New Decade. Pour les bretons et ceux qui y seront, le quatuor fait escale aux Transmusicales de Rennes le 7 décembre prochain.

En ouverture, la typo se la joue très serrée, exagérément étirée. Le réalisateur Quentin Latéral ne montre jamais le groupe à l’image et choisit de concentrer l’histoire sur deux personnages masqués. La ville de Nantes comme décor profondément urbain. Des plans dans une gare ferroviaire se mêlent aux déambulations des deux protagonistes. Spoil alert : vous ne verrez jamais leurs visages. Et nous non plus.

Tout au long du morceau plane un mystère, une tension désespérée martelée. Et par cette météo froide, on adore ! New Decade promet une énergie scénique à la Chalk. Et comme on les aime ces irlandais, il y a de grandes chances que les nantais se fassent une place de choix dans nos cœurs.

LISA PORTELLI – Granit (feat. Nosfell)

Lisa Portelli continue de distiller son nouvel album qui laisse place à beaucoup de surprises. La dernière en date s’appelle Granit. Elle s’accompagne pour l’occasion de celui qui se fait appeler Nosfell qui chantera dans son langage imaginaire : le klokobetez.

Dans son précédent clip, Lisa Portelli était sous contrôle d’une figure spectrale que l’on retrouve ici. C’est Nosfell qui la campe. Dans un monde graphique coloré en tons pastels créé de toutes pièces par l’illustratrice Marlène Ciampossin, les deux artistes nous embarquent dans un genre de transe électronique dans laquelle les corps onduleront. La voix de Nosfell si singulière apporte une touche organique au morceau et celle de Lisa Portelli s’adosse, tourbillonne autour. A eux deux, ils nous entraînent tous les deux dans un univers propice aux rêves doux les plus surréalistes.

Jan Verstraeten – Wolfman

Le belge pluridisciplinaire a tout récemment fait la première partie de Zaho de Sagazan lors de son passage au Zénith de Lille. Cette semaine, il revient dans l’actualité avec un nouveau single clipé intitulé Wolfman, premier single d’un nouvel EP à venir. Jan Verstraeten reviendra en son nom le 13 mai à Bruxelles et le 21 mai à La Maroquinerie à Paris.

Wolfman est un morceau haut en couleurs, un groove séduisant porté par une pièce maîtresse : un violon. Ce titre savoureux s’offre un clip qui teinte le morceau d’une mélancolie – certes présente dans le texte – renforcée.

Son protagoniste n’a pas de visage si ce n’est un sac cartonné sans yeux ni bouche. Dirk Hendrix prête son corps et ses gestes dansés à ce personnage déboussolé, désespéré et affreusement seul. Une poésie très visuelle se déroule sous nos yeux. Wolfman ouvre la porte vers une nouvelle forme de singularité qui caractérise le travail de Jan Verstraeten.

PRAA – Doomed

La chanteuse française Praa, connue pour son mélange de pop alternative et de soul moderne, a récemment dévoilé le clip de son morceau Doomed, offrant une nouvelle facette de son univers musical.

Cette chanson, à la fois introspective et puissante, s’accompagne d’une esthétique visuelle qui amplifie son impact émotionnel. Dans ce clip, Praa joue sur des contrastes visuels et une mise en scène minimaliste qui reflètent les thèmes de fragilité et de résilience explorés dans la chanson. La production, signée par l’artiste elle-même, illustre son engagement dans une approche artistique globale et cohérente.

Doomed s’inscrit dans la lignée de ses précédentes créations, marquées par une profonde sensibilité et une recherche d’authenticité. La combinaison d’une mélodie envoûtante et d’une réalisation visuelle élégante confirme son statut de nouveau talent de la scène musicale actuelle.

JAMES BLAKE – Like the End

Un homme en brancard venant récupérer sa commande à emporter dans un fast-food, un Teletubby brandissant une Kalashnikov, l’interview télévisée d’un homme encore coincé dans sa voiture accidentée, une influenceuse aux oreilles de lapin se gavant en live de spaghettis et pizzas dans un jacuzzi, un chimpanzé enlaçant un coussin à l’effigie d’une héroïne de manga… Si la bizarrerie de ces scènes les voudrait tout droit sorties d’un cauchemar à 40° de fièvre, elles sont extraites du clip de Like the End, dernier single de James Blake, réalisé par l’artiste canadien Jon Rafman avec l’aide de l’intelligence artificielle.

Des images générées par l’IA donc, mais utilisées justement pour dénoncer les excès de cette ère de la post-vérité, et s’alarmer face à la trajectoire dystopique que semblent prendre nos sociétés – « Doesn’t it feel like the end? / When we can’t even agree on what was said ». (Trad : « Est-ce que ça ne ressemble pas à la fin ? / Quand on ne peut même pas s’accorder sur ce qui a été dit ».)

Le message est on ne peut plus clair, à l’image et dans les paroles, générées elles par un artiste en chair et en os qui dépeint, avec sa mélancolie contagieuse, la fin d’un monde. Comme pour appuyer son propos apocalyptique, le morceau gagne en puissance pour exploser sur un refrain aussi épique que désespéré. James Blake renoue ici avec la chanson, qu’il avait un peu laissée de côté depuis son album Friends that break your heart (2021). Et c’est peut-être ici que se trouve la lueur d’espoir sans laquelle on ne pouvait pas vous laisser : Like the End est un superbe morceau, puissant, cathartique, qui interpelle… et depuis peu doté d’une live session magnifiquement réalisée par le duo anglais The Reids.

PRIA – White Crystal Mirror

Pria est le projet de deux sœurs Emilie et Stéphanie – chanteuses et pianistes – qui unissent leurs forces créatrices pour tisser des mélodies baroques s’inscrivant dans une avant-pop onirique. Pria est également leur nom de famille sous lequel elles peuvent laisser libre cours aux émotions qui les animent. Elles nous apparaissent – soit tangibles, soit abstraites – comme les choses dont on observe le reflet. White Crystal Mirror. Une vision fantasmagorique posée sur les images nées des réflexions.

Les lignes musicales se forment, presque étales, avant de se mettre à vibrer et nous mener au cœur du tain d’un miroir. On y cherche des réponses sans savoir si leurs contours seront fidèles ou déformés. À la frontière du monde que l’on connaît et de celui dont l’image se fait le reflet. White Crystal Mirror. Un entre-deux propice à l’égarement. « And if I am the white crystal mirror. Who will see me then ? ».

Axell Katomba illustre White Crystal Mirror de splendides images en noir et blanc dont les textures vibrent en jouant avec une multitude d’artéfacts visuels. Une ambiance surréaliste qui accompagne le halo de mystère qui entoure la chanson.

Pria a ouvert vendredi dernier au DOC ! pour Ema Alkala. Un album – Who Will See Me Then – est prévu au printemps 2025 chez Wedge / Believe. A suivre donc !

BILOU et FLAVIEN BERGER – Amiallié.e

Quand les mondes de Flavien Berger et de Bilou se rencontrent, cela crée des objets sonores non identifiés qui ne connaissent que les limites de leurs imaginaires presque infinis. Amialllié.e est le reflet et le récit de l’amitié militante, car alliée qui est née entre eux. Un dialogue s’instaure entre les deux artistes dans lequel s’immisce subrepticement les commentaires d’une tache de peinture blanche. Un tableau fantasmagorique ébauché à grands coups de pinceaux surréalistes. Visuel 360, avec une caméra fish eye pour ne perdre aucun des détails présents dans les scènes de leur self-made vidéo. Une Amiallié.e qui se revendique comme une évidence et dans laquelle créations et créateur.rices s’interpellent et se confondent en totale liberté.

Le premier album de BilouSursoleil – sortira la semaine prochaine (le 5 décembre). Il vous conduira à explorer d’autres chemins qui seront tout sauf bornés par les conventions et la monotonie.

JYEUHAIR – Défiler

JYEUHAIR dévoilait cette semaine son nouveau projet MYLNUI. Un projet qui plaçait le jeune homme en observateur de notre époque, créant un univers moderne au croisement des genres musicaux, cherchant sans cynisme à plaire au plus grand monde tout en développant un propos intelligent et subtil.

Un jeu d’équilibriste entre le fond et la forme que l’on retrouve pleinement dans DÉFILER, single mis en avant pour la sortie de l’album. Ici, le garçon montre une véritable appétence pour le rap mais aussi pour la pop, proposant une production à la fois lumineuse et dansante sur laquelle il ausculte notre époque et notamment notre addiction aux réseaux sociaux.

DÉFILER interroge ce monde où tout va vite, où tout s’enchaine à une allure dingue, le positif comme le négatif. Un monde hyper-connecté qui fait défiler le temps et l’existence et où si l’on semble connecté les uns aux autres, on est souvent bien seul face à son écran et aux images qu’on scrolle encore et encore.

Malin, c’est aussi ce que le normand mais en images avec Reborn sur la vidéo qui accompagne DÉFILER. On se retrouve ainsi face à une autre facette visuelle de l’artiste, plus minimaliste et onirique. Sur un dézoome qui prend son temps, on retrouve JYEUHAIR, expressif à l’extrême, les émotions passant en un clin d’œil sur son visage alors qu’il semble être entrainé dans une course folle.

Lorsqu’on le retrouve complètement, on réalise alors que le garçon glisse sur un téléphone se succèdent des images en continue, ne laissant que peu de répits et de repos à l’artiste. Alors que la vidéo se termine, elle transforme ce rêve étrange en petit cauchemar, ou en film de zombies, alors que des personnes jaillissent de l’ombre pour s’attaquer au téléphone ou à JYEUHAIR.

C’est donc une nouvelle aventure qui s’apprête à démarrer pour JYEUHAIR, puisqu’après la sortie de l’album, c’est désormais sur scène qu’il ira défendre sa musique partout en France en 2025.

JEANNE CÔTÉ – Le poids

Avec Le poids, dévoilé le 13 novembre 2024, Jeanne Côté nous plonge dans un univers intime et envoûtant, annonçant avec émotion le premier extrait de son album prévu pour le 28 février 2025. Ce titre, qui reflète à merveille l’univers intime et minimaliste de l’artiste, est accompagné d’un clip réalisé par Mariève Harel-Michon. Ce visualizer pop, groovy et coloré s’appuie sur une séance photo signée Alexya Crôteau-Grégoire (Studio Maison Jaune). À travers des jeux de lumière subtils et des compositions géométriques, il capture parfaitement l’essence du morceau tout en offrant une expérience visuelle immersive et envoûtante.

Dans une publication touchante sur ses réseaux sociaux, Jeanne Côté partage les origines de cette chanson : « J’ai imaginé un soir d’hiver à peser chaque question comme chaque pas avant d’arriver à la maison. Le début d’une décision, une longue (longue) marche qui annonce que tout sera plus léger après. » Cette métaphore évoque la difficulté des choix importants, mais aussi l’espoir d’un renouveau. Pour Jeanne, cette introspection traduit une volonté de réconcilier le poids des doutes avec la légèreté des résolutions, résonnant avec quiconque traverse des moments de questionnement personnel. Cette introspection fait écho aux sentiments universels de doutes et de résilience.

Lauréate du concours-vitrine des Francouvertes en 2023, Jeanne Côté a su séduire le public et les professionnels grâce à son talent et son authenticité. Cette distinction a marqué un tournant dans sa carrière, lui permettant de consolider sa place dans la scène musicale québécoise tout en attirant l’attention de maisons de production et de nouveaux auditeurs.

Avec Ruel Tourneur, Jeanne Côté poursuit son cheminement artistique avec une authenticité déconcertante. Dans une interview accordée à La Face B, elle décrit son travail comme « une recherche d’équilibre entre la vulnérabilité et la force», un contraste que Le poids illustre à merveille.

Ce premier extrait annonce un album prometteur, empreint de sincérité et d’une finesse musicale qui saura captiver les auditeurs. Avec ce clip, Jeanne nous invite à une exploration visuelle et sonore marquante, confirmant son statut de voix incontournable de la scène musicale québécoise. Le poids marque une étape décisive dans son parcours, annonçant un album qui promet de réaffirmer son talent tout en explorant de nouvelles dimensions artistiques.

KIDS RETURN – Time to time

Une belle séquence émotion cette semaine avec un excellent clip empreint de nostalgie afin de mettre en lumière ce nouveau titre annonçant le retour de nos deux camarades des KIDS RETURN !

En effet, sous la houlette de Tara-Jay BangalterAlice Gariépy et Luca Lellouche , on nous propose là deux petites lucarnes mettant en lumière d’un côté des images d’archive familiales où l’on devine Clément Savoye et Adrien Rozé quand ils étaient enfants.

De l’autre, nos deux protagonistes chantent et jouent en plan serré ce nouveau morceau au rythme entêtant, et efficace à souhait. La petite originalité réside dans le fait que les visuels d’époque sont en couleur et ceux d’actualité en noir en blanc. Time to Time est annonciateur d’un album à venir que l’on a déjà hâte de découvrir !

RICHARD DAWSON – Boxing day sales

Nous sommes le premier décembre. Ça y est, il ne vous reste plus que quatre semaines pour faire vos emplettes, si ce n’est déjà fait. Le compte à rebours est lancé et… Vous n’avez pas l’impression d’un déjà-vu ?

Les blagues les plus courtes sont souvent les meilleures, non ? Cette idée, où une courte durée garantit la qualité, pourrait-elle s’appliquer aux fêtes de fin d’année ? La passion qui animait les enfants envers Noël évolue en grandissant. Les sensations s’estompent avec le temps, laissant place à de nouvelles, tandis que beaucoup s’efforcent de préserver cette magie de l’enfance.

Richard Dawson, armé de sa guitare et de ses lunettes de soleil, s’immerge dans le décor urbain pour observer par lui-même une vision douce-amère de ces corps et de ces esprits humains lancés dans une course effrénée : cette frénésie consumériste, ces discussions stériles qui se répètent sous un ciel gris et froid, malgré les décorations de Noël qui illuminent les rues.

Une vision sans doute cynique d’une période censée apporter joie et chaleur. Pourtant, il existe une part de vérité dans ce tableau. Parfois, il est salutaire que des chants de Noël se démarquent pour rappeler certaines réalités, peut-être peu reluisantes, mais nécessaires à reconnaître et à assimiler. Néanmoins, grâce à sa forme mélodique, Boxing Day sales parvient, à sa manière, à nous guider vers un émoi doux, voire légèrement réconfortant.

Garçon – Yakisugi

Un mois à peine après son premier single, Garçon trace son chemin et revient cette semaine avec un nouveau morceau, Yakisugi.

On est allé voir, le yakisugi est une technique de renforcement du bois crée en brûlant profondément la surface d’une planche.

L’image est intéressante, encore plus si elle se rapporte à l’être humain. Ainsi, on sent dans le morceau, une sensibilité à fleur de peau, une acceptation de la mort qui arrive et des émotions qui submergent trop. Vient alors l’idée de renforcer son cœur, de se préparer à un monde trop compliqué.

Yakisugi c’est une lettre du futur envoyé à son passé pour le rassurer, pour rappeler que la vie c’est aussi le temps qui passe et les blessures qui se réparent.

Enfant des 90’s, Garçon développe une musique qui mélange des boucles oniriques et des sonorités de guitares plus grunge où les boucles textuelles et musicales se mélangent pour gagner en intensité.

Clin d’œil ultime : la vidéo qui accompagne le morceau est la crémation filmée de son tout premier violoncelle, celui qui accompagnait Garçon depuis toujours.

Une vidéo émouvante, alternant entre la couleur et le noir et blanc et une belle métaphore d’un passé qu’il faut parfois cramer pour pouvoir avancer et grandir. Une sorte de passation de pouvoir, un moment qui renforce et purifie, comme le yakisugi.

Avec ce morceau, Garçon ouvre les portes d’un monde musical qu’on a envie de découvrir plus et qu’on suivra avec grand intérêt.