Les clips de la semaine #244 – partie 2

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Sans plus attendre, la seconde partie de la 244ème partie des clips de la semaine.

emmanuel emo — nocturnes

Mélancolie urbaine pour une balade aux confins de nos solitudes insondables dans lesquelles s’engouffrent nos âmes vagabondes. Sur un texte de Vivian Petit, les lignes sonores tracées par Emmanuel Emo dessinent les murs en spirale qui s’enroulent autour de nous, nous coupant du monde dans lequel nous évoluons. La voix délicatement autotunée résonne en écho aux instruments à la granularité organique, tar iranien compris. Dialogue intériorisé entre nos persona imaginés, noctures est un film sur notre errance psychique.

Un road movie linéaire qu’Am_Aflower illustre en replongeant le musicien dans le décor architectural de la ville du Havre qui l’a construit, confortant les lignes orthogonales d’Auguste Perret aux courbes d’Oscar Niemeyer. Des images à la texture VHS qui agissent comme autant d’apostrophes mnémiques aux souvenirs que le temps a ensevelis.

Nocturnes est un des morceaux présents sur le dernier album d’Emmanuel EmoTue l’amour – sorti à la fin de l’année dernière. Nous ne saurions trop vous encourager à explorer les autres titres qui le composent. 

The Lumineers – Same Old Song (S.O.S)

Le duo folk alternatif The Lumineers annonce son grand retour avec un cinquième album studio intitulé Automatic, prévu pour le 14 février 2025. Ce nouvel opus célèbre deux décennies de collaboration entre Wesley Schultz et Jeremiah Fraites, qui ont opté pour une approche résolument live : jouer ensemble en limitant les retouches pour capturer une énergie brute et authentique.

Dans un communiqué, Schultz a déclaré : « Cet album explore certaines absurdités du monde moderne, comme la frontière floue entre le réel et l’illusion, ainsi que les façons dont nous nous anesthésions face à l’ennui ou à la surstimulation. »

En prélude à Automatic, le groupe a dévoilé le 7 janvier 2025 un avant goût avec Same Old Song, accompagné d’un clip réalisé par Anaïs LaRocca (Hundred Waters). Same Old Song, à la fois nostalgique et novateur, débute avec une batterie énergique qui rappelle des classiques comme Gloria. Les mélodies de piano et de guitare ont des sonorités de Salt in the Sea et Cleopatra, tout en intégrant des influences électriques à la sauce Brightside. Ce voyage sonore à travers les différentes époques du groupe, renforce le caractère introspectif de la chanson.  

Mais Same Old Song, ça nous raconte quoi?  Rien que le titre résonne sur plusieurs niveaux. L’abréviation en « SOS » agit comme un appel à l’aide implicite, tandis que les paroles traduisent un profond sentiment d’aliénation et de fatigue face à la répétition des mêmes schémas. Schultz chante avec vulnérabilité :  « Je ne sais pas ce qui ne va pas avec moi / J’ai tué l’ambiance si naturellement / Les invités commencent à me faire sentir seul. »

Same Old Song nous emmène dans différentes réflexions sur le sentiment de stagnation et de déconnexion avec notre monde. Ce premier titre résonne profondément avec les thèmes de ce nouvel album, qui explore la dissociation entre le réel et le virtuel. 

Le clip de Same Old Song réalisé par Anaïs LaRocca amplifie les thèmes de l’album en jouant sur l’incertitude et le malaise. Il encapsule parfaitement cette frontière entre le réel et le virtuel présente tout au long de Same Old Song: Tourné sur un plateau minimaliste, il juxtapose Wesley Schultz (chant/guitare) et Jeremiah Fraites (batterie) qui interprètent la chanson avec des images en VHS générées par une intelligence artificielle generative aux visuels étranges et chaotiques. Ce contraste entre authenticité et virtualité reflète bien les explorations conceptuelles de l’album, où la technologie intrigue autant qu’elle dérange mais sert parfaitement le propos du titre. 

Pour accompagner la sortie d’Automatic, The Lumineers entament en mai 2025 une tournée européenne, avec un passage très attendu à Paris. En première partie, le public pourra découvrir l’artiste folk Michael Marcagi.

Gus Englehorn – Metal Detector

Gus Englehorn revient avec Metal Detector, un titre hypnotique accompagné d’un clip fascinant signé Estée Preda. Ce single, entre doom-folk envoûtant et récit absurde, témoigne une fois de plus de l’univers singulier et audacieux de l’artiste.

Le clip, véritable bijou visuel, nous plonge dans un monde surréaliste où le chaos devient poésie. Inspiré par une anecdote improbable – un ami discutant avec un buisson parlant à Portland – Gus évoque une tension entre créativité et absurdité : « J’imagine quelqu’un jouant du metal dans son garage, avant qu’un voisin en furie ne débranche les amplis. » Ajoutez à cela la participation en spoken-word de Paul Leary (Butthole Surfers), et vous obtenez une œuvre aussi étrange que magnétique.

Ce titre est extrait de The Hornbook, le deuxième album d’Englehorn, attendu le 31 janvier 2025. Co-produit par Mark Lawson et mixé par Paul Leary, cet opus promet de revisiter les grandes époques du rock, tout en les projetant dans un univers résolument moderne.

Pour ceux qui souhaitent découvrir l’énergie brute et inimitable de Gus Englehorn en live, rendez-vous le 6 février à l’Escogriffe (Montréal), dans le cadre du Taverne Tour. Une occasion parfaite de plonger dans l’univers chaotique et captivant de cet artiste unique.

Destroyer – Bologna (feat. Fiver) 

Dan Bejar, l’âme créative derrière Destroyer, frappe fort avec le clip de Bologna, premier extrait de son prochain album Dan’s Boogie, attendu le 28 mars 2025 via Merge Records. Ce morceau, marqué par les harmonies envoûtantes de Bejar et Simone Schmidt (Fiver), s’inscrit dans la veine onirique et alternative propre à Destroyer, tout en explorant un nouveau territoire émotionnel.

Réalisé par David Galloway, le clip de Bologna illustre la banalité du quotidien avec une poésie inattendue. Entre une quincaillerie, des petits pois surgelés, et un chat, les scènes évoquent une étrange mélancolie. Galloway résume cette esthétique minimaliste dans une réflexion mordante :

«Comment commence-t-on une lettre de rupture ? Je suppose qu’il existe de nombreux outils en ligne pour aider ceux qui ont un téléphone à se lancer dans ce genre de chose. En fait, on peut apprendre toutes sortes de choses avec Internet. C’est incroyable. Comment crocheter des serrures, accéder au Wi-Fi de ses voisins, relever un ‘défi’, ou encore se maquiller. Le maquillage, c’est assez populaire ces jours-ci, non ? On peut aussi trouver des conseils pour commencer une toute nouvelle vie si celle qu’on a ne semble pas convenir. Ou plutôt, Bologna

Ces mots résonnent avec la chanson elle-même, où la voix de Bejar semble lutter pour donner corps à une menace de disparition, rendant cette collaboration avec Schmidt essentielle. Le clip, tout comme le morceau, capture l’essence d’un adieu étouffé dans les gestes du quotidien.

Avec Dan’s Boogie, Dan Bejar semble prêt à redéfinir une fois de plus les contours de son univers musical. Le voyage commence avec Bologna — une lettre de rupture captivante qui marque déjà les esprits.

BAD BUNNY– BAILE INoLVIDABLE

Le phénomène Bad Bunny frappe à nouveau. De visage incontournable de la musique portoricaine à superstar internationale, il a su imposer sa patte et ses racines dans la musique mondiale. Ce 5 janvier, il dévoile DeBÍ TiRAR MáS FOToS son sixième album, d’ores et déjà une grosse réussite, accompagné du clip dansant de BAILE INoLVIDABLE.

Dans le mini-film qui accompagne la présentation de l’album, on y découvre un portoricain plutôt âgé, toujours habité par le désir de capturer et d’immortaliser ses racines, et de les partager avec son ami grenouille Concho, ainsi qu’à la nouvelle génération. Cette fois, il se retrouve dans une classe de salsa, bien décidé à garder les pas d’une danse qui lui échapperait avec le temps. Après quelques hésitations, Benito Antonio Martinez Ocasio, de son vrai nom, se laisse porter par le rythme envoûtant de BAILE INoLVIDABLE. Et surtout par une femme captivante, dont les mouvements font danser autant son corps que son cœur. Ce moment est aussi l’occasion pour lui d’intégrer de nouveaux pas à son show final, déjà salué par le public. Le clip se clôt sur un Bad Bunny vieillissant, mais rayonnant d’un sourire universel, partagé par quiconque aura vu cette œuvre.

BAILE INoLVIDABLE est une porte d’entrée parfaite dans l’univers festif, vibrant et audacieux de DeBÍ TiRAR MáS FOToS. Avec une quête profondément personnelle, Bad Bunny sublime l’identité portoricaine, mêlant émotion et génie pour la rendre plus grandiose que jamais.

OJOS  – Je dors tout le temps

L’année 2025 sera celle des amis Ojos que l’on suit depuis leurs débuts à La Face B. En effet, le duo sort OUI FUTUR son premier album le 24 janvier prochain et dans la foulée pour fêter ça, un premier grand rendez-vous est prévu au Trabendo le 5 février. Le teasing avait commencé avec deux singles : Et puis au revoir et Pas si dangereuse dont on vous parlait juste avant la pause hivernale. Jamais deux sans trois, ils reviennent avec une petite nouvelle pour attirer la foule : Je dors tout le temps.

Fins observateurs de l’époque chahutée, Elodie Charmensat et Hadrien Perretant ont décidé de se pencher sur les aventures à l’heure du zapping. Les nuits agitées sans lendemain, le bon coup qu’on rappelle sur un coup de tête, une envie soudaine, une fringale sans grand intérêt. N’est-ce pas un malaise moderne ? Prendre le risque de se perdre pour combler un désir ponctuel.
Finement, Ojos joue sur une mise en scène sobre – bien qu’une bouteille de vin soit de sortie ! – et fait passer efficacement son message. Je dors tout le temps se présente comme une balade à la conclusion très électrique comme si les nerfs se brisaient soudainement.

Un écho à Et puis au revoir où le duo chante que « les amants ne feront pas d’effort ». Les amants modernes ne font plus d’effort, ils se consument autant qu’ils se consomment plus ou moins intelligemment. On a connu Ojos énervés, les voilà désormais apaisés. C’est bien connu, le premier album c’est un premier signe de la maturité artistique, alors peut-être que nos Ojos s’assagissent et mûrissent. Mais comme le dit justement Erasme « C’est bien la pire folie que de vouloir rester sage dans un monde de fous ». A bon entendeur…

Heartworms – Extraordinary Wings

Ambiance cinematographique accentué par des images en Noir & Blanc dans le nouveau clip de la londonnienne Jojo Orme et son projet HEARTWORMS, afin d’annoncer la sortie de son premier album intitulé Glutton For Punishment à venir pour le début du mois de Février.

En effet, un enchaînement de plans fixes avec vue aérée sur la campagne anglo-saxonne et de plans serrés pour mettre en valeur Jojo et son guest Jamie Delaney dans leur jeu d’acting, tendent à nous tirer la larme à l’œil. Une ambiance pesante pour un texte lourd de sens où sont évoqués tous ces êtres sacrifiés au nom de la guerre…

De quoi nous mettre l’eau à la bouche d’un premier opus concocté de main de maître par le génial producteur de musique en vogue Dan Carey (FONTAINE DC, WET LEG, GRIMES…). 1, 2, 3, action !

Tessa Dixson – Uuu

Chaque début d’année se ressemble et nous pousse, inévitablement, à vouloir tout changer : résolutions à la pelle, nouveaux projets, meilleure version de nous-même, j’en passe. Mais à force de courir vers l‘après, on en oublie de chérir ce que l’on a sous les yeux, comme les amitiés précieuses qui nous ancrent et nous élèvent. Avec Uuu, Tessa Dixson nous le rappelle et signe une belle déclaration à l’amitié et à ces liens forts qui résistent même quand le reste vacille.

Figure incontournable de la scène belge depuis ses premiers singles et ses collaborations remarquées (Stereoclip, John NosedaTessa Dixson a su imposer sa patte entre pop mélancolico-digitale et hyperpop lumineuse. Avec Uuu, elle continue de tisser son univers sonore avec une production léchée et entraînante, qui dépeint avec brio ce paradoxe entre isolement et ultraconnexion.

Alors que l’hyperpop s’est imposée comme un genre central des dernières années, parfois au risque de tourner en rond, Uuu se démarque par son approche sincère et sa production impeccable. Avec ce morceau, clipé par la brillante Pauline Hudelot, Tessa Dixson injecte une fraîcheur bienvenue dans une scène presque saturée, confirmant qu’il y reste encore de jolis territoires à explorer.

Sophie Jamieson – Vista

Cette nouvelle année commence comme un tableau animé, un spectacle en constante évolution. Le monde défile sous nos yeux, sous toutes ses formes, des plus urbaines aux plus sauvages, de jour comme de nuit. Contempler ce spectacle depuis la vitre d’un bus ou depuis chez nous rend le réel plus proche et perceptible, tout en offrant un espace de réflexion.

Cette semaine, nous avons découvert Vista, un nouvel extrait de Sophie Jamieson, avant la sortie de son second album, I Still Want to Share, prévue pour le 17 janvier. Ce morceau, empreint de mélancolie et dominé à la guitare, exprime cette sensation indéfinissable liée au voyage. Si l’image de la route comme symbole des choix de vie n’est pas nouvelle, l’artiste y ajoute sa propre sensibilité. Avec une grande élégance, elle chante et compose sur ce thème universel, imprégné de poésie et d’un goût doux-amer des souvenirs marquants, lorsqu’on se remémore le passé. Ce moment de contemplation nous rappelle qu’il est aussi temps de choisir la voie qui nous a conduits là où nous en sommes.

La chanson déploie tout ce que la mélancolie peut offrir de plus plaisant. Sa composition en dégage une sensualité, comme si l’on pouvait sentir l’air frais effleurer nos joues, l’odeur de l’herbe, de l’essence fraîchement versée ou encore du bitume humide. C’est ce qui rend ce titre captivant. Cette écoute organique touche une corde sensible en nous, une vibration persistante, avec l’espoir de revivre cette sensation intense et douce. Elle nous incite à choisir un chemin, en sachant que, même s’il ressemble à un précédent, il peut receler quelque chose de différent au bout.

C’est ce message que ce morceau peut transmettre, comme il l’a fait pour nous en ce début d’année : saisir l’importance de cette réminiscence et de ces scènes passées, qui vous serviront de moteur, vous encourageant à dépasser la peur de l’incertitude. Vos moments de joie sont bien trop précieux pour ne pas les saisir.

Joni Île – Loin d’Ici 

Le dimanche, c’est un jour pour le self care. Et quand on pense self care dans le paysage musical Lillois, Joni Île n’est jamais très loin. On les retrouve cette semaine dans un très joli clip, qui met à l’image un très joli morceau, bourré de nostalgie et de beauté. L’oeuvre est géniale de simplicité, dans les arrangements, dans la mise à l’image, et pourtant ça fait mouche. Dans la musique on dit souvent que “Less is more”, une façon de se rappeler qu’une chanson n’a pas besoin d’une orchestration de mille pistes pour être belle ou sophistiquée.

Loin d’Ici est une très belle incarnation de ce principe, qui met d’autant plus en valeur le texte qui parle de séparation et d’éloignement (loin des yeux, loin du coeur ?) sur un fond sonore sublime et qui donne très envie de partir Loin d’Ici avec Joni Île. On n’a pour l’instant pas plus d’informations sur la prochaine destination du duo (nouvel album ? Nouvel EP ?), ce qui peut-être aussi bien : ça évite d’être trop impatient(e) de la suite, et ça permet de profiter de l’oeuvre au présent. Merci pour ce cadeau !

Rilès – Survival

Pour fêter la sortie de son nouvel album vendredi, Rilès est revenu avec un nouveau clip pour le morceau Survival

On le voit, dès les premières secondes, englouti par l’eau, une immersion symbolique qui semble l’emprisonner dans ses propres pensées. Cette scène d’ouverture pose d’emblée une sensation de chute dans les profondeurs. Peu à peu, le clip s’éclaire, et l’artiste apparaît torse nu, extrêmement maigre, presque squelettique, comme un reflet de la fragilité humaine face aux épreuves. Le feu, brutal et incandescent, surgit alors, apportant une intensité visuelle qui contraste avec la froideur de l’eau initiale. Ce jeu d’éléments souligne la lutte intérieure de l’artiste, tiraillé entre deux forces opposées.

À travers les paroles, le message du morceau devient clair : « You can Fly, your shadow is still behind ». Une fuite physique ne suffit pas à échapper à ses sentiments, toujours là, invisibles mais inévitables. Le clip, tout en tension, devient ainsi une métaphore de la survie émotionnelle, de l’impossibilité de fuir ses démons intérieurs. Rilès, à travers cette image brute, nous montre que la véritable bataille se joue à l’intérieur.