La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Continuons janvier en beauté avec la première partie de notre sélection des clips de la semaine à ne pas manquer !

Cathédrale – Where The Fire Is
Le groupe toulousain Cathédrale nous prépare gentiment à sa cinquième frappe. Ne reste plus qu’à attendre le 14 février pour enfin rencontrer Poison, cet uppercut que nous espérons. En attendant, quoi de mieux qu’un petit single à se mettre sous la dent. Ainsi, c’est avec Where The Fire Is que nous allons patienter jusqu’à la date fatidique.
Atmosphère lugubre au premier plan. Avec un parti pris en noir et blanc, on longe les courbes d’un corps inanimé en écoutant des paroles se rapportant aux champs lexicaux liés à la mort, la solitude, la dépression, l’exil émotionnel et tout ce qui tourne autour. Rapidement, cette enveloppe corporelle s’éveille brutalement à la manière d’une zombie. La déambulation commence.
Elle se déroule dans les tréfonds d’une grotte et le personnage qui l’explore semble perdue dans ce vaste trou béant. On peut faire un parallèle avec ce qu’on peut ressentir lorsque tous les voyants se mettent au rouge en nous pour laisser la place au noir qui s’inscruste. Comme aspirés dans un trou noir, il est souvent ardu de s’en dépêtrer. Cet aimant nous aspire et nous laisse dans une servitude absolue alors même que cette noirceur ne nous ressemble pas.
Cathédrale tient une ligne continue dans Where The Fire Is. Pas de grandes envolées donc. Cependant, on leur trouve une noirceur qu’on ne leur associait pas auparavant et des thèmes plus graves et marqués. Le morceau est entêtant et confortable. On lui prête certaines caractéristiques du post-punk tout en gardant un côté pop très agréable qui vient aciduler le propos. Alors, vivement le 14 février pour en découvrir un peu plus !
Lucy Dacus – Ankles
Après Limerence, Lucy Dacus, artiste folk-rock à la voix de velours, sort cette semaine Ankles, le deuxième single de son album à venir.
Pour illustrer ce morceau sur le désir et le contrôle de soi, le clip suit Lucy Dacus dans une imposante robe baroque rouge, traquée puis escortée par une jeune femme (l’actrice Havana Rose Liu) dont le costume-cravate strict contraste avec l’extravagance de Dacus.
Ensemble, elles traversent Paris, sous le regard amusé des passants. La femme au costard semble agacée face à la résistance de l’artiste, mais s’efforce de préserver sa robe intacte, alors qu’elles s’aventurent dans le métro ou parcourent les pelouses du parc des Buttes Chaumont. Elles développent finalement une affection l’une pour l’autre, alors que s’achève leur épopée… le plan final, qui donne tout son sens à cette belle histoire, mérite d’être tenu secret au risque d’en gâcher la magie.
M. Amberson réalise un clip poétique et décalé, scénarisé par l’artiste elle-même, où se succèdent des tableaux touchants, parfois humoristiques, à l’esthétique toujours impeccable. L’évolution de la relation entre ces deux personnages, qui passe dans le regard, tout en retenue, colle parfaitement au propos du morceau. Le titre – « chevilles » en français – suggère d’ailleurs à la fois cette retenue, cette pudeur, et une forme de sensualité, exprimée très clairement dans les paroles.
Plus connue ces dernières années pour son trio Boygenius formé avec Phoebe Bridgers et Julien Baker, dont l’album the record sorti en 2023 a été largement acclamé par la critique, on est ravi de voir Lucy Dacus dévoiler une nouvelle étape de son projet solo. Ce deuxième single ne fait qu’accroître notre impatience à l’approche de son album Forever Is A Feeling, attendu pour mars.
Lémofil – Ceux qui restent
Lémofil donne une deuxième vie à son titre Ceux qui restent, dont la première version était sortie en 2021.
Il s’accompagne d’un clip qui parvient à capturer magnifiquement la mélancolie de cette chanson dédiée à celles et ceux qui restent en arrière quand un être cher s’en va. En cela, elle fait joliment écho au morceau Le Grand Départ, dont on vous parlait ici.
Dans cette version de Ceux qui restent, plus intime, l’artiste est accompagné de Martin Vigne au piano et Marion Gourvest au violoncelle. L’arrangement épuré donne encore plus de force à cette lettre adressée aux absents. Les images touchent par leur justesse, la voix de l’artiste par son intensité, qui va crescendo. Elle porte le poids de la solitude, mais aussi la colère de l’abandon. Reprenant les mots de poètes comme Lamartine ou Léo Ferré, il évoque le manque, voire le deuil, et doute que le temps atténue la douleur.
Le clip, réalisé par Solal Moisan, voit l’artiste revenir dans son village enneigé. Il rejoint ses musiciens et musiciennes dans un salon à l’atmosphère chaleureuse, où brûle un feu de bois. La pièce est peu à peu vidée par des déménageurs, que la musique n’arrête pas. La caméra mobile qui filme en plan séquence nous plonge dans le tourbillon d’émotions que procure l’absence, et les murs blancs rendent cette dernière tangible.
Cette nouvelle version et son clip constituent un bel hommage à ce morceau touchant, l’un des tout premiers sortis par l’artiste. Il sera d’ailleurs en concert aux Étoiles le 10 avril, l’occasion de découvrir en live la poésie moderne de Lémofil.
Peter Doherty – Felt Better Alive
Actuellement en tournée avec The Libertines, avec plusieurs dates prévues en France en février 2025, Peter Doherty revient sur le devant de la scène avec son cinquième album solo, Felt Better Alive, dont la sortie est annoncée pour le 16 mai prochain. Ce nouvel opus, qui arrive neuf ans après Hamburg Demonstrations, se distingue par une joyeuse insouciance tout en conservant l’ADN mélodique caractéristique de l’artiste, une poésie réaliste et décalée, et une narration visuelle, marque de fabrique de Peter Doherty.
Pour nous faire patienter et donner un avant-goût de cet album, il dévoile cette semaine le premier single éponyme, Felt Better Alive, un morceau folk-country rythmé par des pedal steels et sublimé par de belles envolées de violons.
Peter décrit Felt Better Alive comme une chanson au style enjoué, presque country. « Le refrain me touche particulièrement : ‘And I’d always planned / To sing in a sweet and soulful way as only cowboys can / But my saddle strap snapped like a dog-chewed tourniquet…’. C’est une métaphore précise de certains moments de ma vie », confie-t-il.
Dans une interview accordée à NME, il ajoute : « Pour moi, Felt Better Alive est l’équivalent anglais de Pancho and Lefty. C’est une chanson sur l’âme d’un vieux cowboy rock’n’roller désabusé, toujours sur la route, essayant de tenir bon pour continuer à faire ce qu’il doit faire. On ne peut pas lutter contre le temps, vous savez. On perd toujours. »
Ce morceau explore des thèmes profonds tels que la nostalgie, la résilience et le poids du temps sur l’existence de l’artiste. Tout au long de la chanson, Peter Doherty tisse des images poétiques, comme un artisan, évoquant cette quête incessante d’un sens et d’une émotion authentique à travers la musique et la vie.
Le clip de Felt Better Alive a été réalisé par la cinéaste française Rose Bosch (1492 : Christophe Colomb, La Rafle), en collaboration avec TwinPiix. Il met en scène les actrices françaises Sophie Renoir, dans le rôle de la Mort, et Laura Genovino, dans celui de la Vie. Tourné début décembre à Étretat, en Normandie, le clip rend hommage à la beauté naturelle de cette région où Peter Doherty et sa famille se sont installés il y a quelques années.
Le clip débute par une vue majestueuse des célèbres falaises d’Étretat, où l’on découvre Peter Doherty allongé près des vagues, une guitare et une rose posées à ses côtés sur le rivage, au son apaisant de la mer. Il raconte une quête poétique à travers Étretat : ses plateaux, ses falaises, ses jardins et la Manneporte. Peter Doherty y incarne un genre de cowboy romantique errant en quête perpétuelle de la jeune femme à la rose, une allégorie de l’espoir et du passage du temps.
Claire Days – Archeology
Claire Days dévoile cette semaine Archeology, le 2e extrait de son prochain album I remember something, dont la sortie est prévue en mars prochain. Un titre à la délicieuse mélancolie dans lequel Claire Days évoque les souvenirs furtifs d’une relation passée. A moins qu’il ne s’agisse de visions ? Ces images qu’on rêve si fort qu’on pense les voir, et qui se mélangent au ciment de notre mémoire.
Pour illustrer le morceau, Claire Days a confié la réalisation du clip à Adrien Cothier et Andrea Montano. La cité des anges comme décor, on y retrouve la musicienne dans une chambre vide, emplie de souvenirs vécus ou perçus dans lesquels elle se plonge pour tenter de les faire revivre.
The Wombats – Can’t Say No
Alors que leur sixième album approche à grand pas (14 février 2025), le groupe de Liverpool nous partage l’un de leur morceau préféré de l’album Can’t Say No. Le clip est aussi amusant que splendide. Le chanteur Matthew Murphy sort de sa maison mitoyenne de Manhattan Beach et voit son véhicule s’éloigner de lui pour respecter les distances de sécurité. Filmé par la caméra de recul de la voiture, il s’épuise à petits feux à vouloir la rattraper comme s’il laissait échapper sa vie. Au bout de ses forces, il se fait surprendre par l’effet boomerang en devenant la proie de son véhicule qui fonce sur lui en reculant. Bien que ces images peuvent nous paraître décalées, The Wombats parle du comportement autodestructeur qui ne prend pas en compte les conséquences des choix du présent. Comme à son accoutumée, la bande impose sa patte mi pop, mi indie-rock et nous balade avec ses mélodies captivantes et entêtantes.
JE T’AIME – Unbroken sleep
La bande de dboy signée chez Icy Cold Records s’apprête à revenir dans le game avec Useless Boy, quatrième album au compteur après le double album PASSIVE/AGRESSIVE paru presque 3 ans plus tôt. Useless Boy sort le 24 janvier prochain et sonne le départ d’une tournée commençant le même jour au Point Ephémère jusqu’au 7 mars prochain en Belgique. D’autres dates sont à prévoir jusqu’en Pologne. Le trio pourra compter sur le duo montpellierain Denuit pour assurer sa première partie.
Avec un clip à nouveau très urbain, le trio évolue dans le décor nocturne d’une casse automobile. Il n’est pas peu dire qu’Unbroken sleep a du coffre – sans vouloir à tout prix poursuivre dans le champs lexical de l’automobile -. Ce clavier très speed très synthwave, cette rythmique folle, on vous laissera apprécier le riff déchaîné de Little Bastard à partir de 2’44, Unbroken sleep nous cueille et témoigne de la toute puissance sonore du trio.
Etienne Daho – Les derniers jours de pluies
Il fêtait cette semaine ses 69 ans, on vous parle ici du cultissime Etienne Daho. Fin 2024, la figure iconique de la pop à la française était très présent dans l’actualité musicale : un double album live et un DVD. Quatrième single de l’album Tirer la nuit sur les étoiles, Les derniers jours de pluies confirme la plume romantique de Daho. Sa grande sensibilité se dévoile toujours quelque part. Les derniers jours de pluies est un single d’une grande délicatesse, la tendresse omniprésente.
Douce répétition sur certains mots « reste », « mètres » comme des gouttes de pluie fines qui tombent au ralenti d’une devanture. A la manière de la sublime Ouverture, on parlera volontiers de chanson poème. Toute cette poésie se met en scène dans un clip d’une grande sobriété réalisé par Nicolas Despis où le chanteur de Duel au soleil, est pour le moins central. Se juxtaposent des silhouettes en transparence colorée sans fin. Pour notre plus grand bonheur, son petit déhanché si reconnaissable n’échappe pas à la caméra.
Fernie – Hopeless Dreams
Le chanteur canado-brésilien Fernie nous offre un aperçu saisissant de son prochain EP Hopeless Dreams à travers le clip éponyme réalisé par Thomas Fontaine. Prévu pour le 14 février prochain sur le label Secret City Records, cet EP marque une nouvelle étape dans la carrière de l’artiste, connu pour son R&B cinématographique et ses textes empreints de vulnérabilité.
Le clip de Hopeless Dreams nous plonge dans une ambiance sombre et nébuleuse, où chaque image semble une fenêtre ouverte sur un rêve introspectif. Le traitement visuel, à la fois brut et onirique, reflète parfaitement l’univers brutaliste imaginé par Fernie. Une esthétique à la fois déroutante et magnétique, qui invite le spectateur à se perdre dans les méandres de l’esprit tourmenté de l’artiste.
Fernie explique que ce titre est né d’un moment de catharsis, après la fin d’une relation toxique de cinq ans. Ce sentiment d’épuisement émotionnel transparaît dans chaque note et chaque plan du clip, où la colère et la tristesse se mêlent pour raconter une quête de résilience.Hopeless Dreams s’annonce comme un EP intense et introspectif, revisitant les traumatismes et relations marquantes du passé de Fernie, pile ce qu’il nous faut pour la Saint Valentin ! En attendant sa sortie, vous pouvez retrouver l’artiste sur scène à Montréal, Québec et Toronto en février. Un voyage à ne pas manquer pour plonger encore plus profondément dans cet univers aussi personnel qu’universel.
Ariane Roy – Agneau
Ariane Roy dévoile Agneau, un morceau intense et mordant qui ouvre la voie à Dogue, son deuxième album attendu le 21 mars prochain. Coréalisée avec Félix Petit (Les Louanges, Hubert Lenoir), la chanson explore une facette plus sombre et caustique de l’autrice-compositrice-interprète, alternant entre sensualité et agressivité.
Réalisé par Elizabeth Landry, le vidéoclip sublime cette atmosphère avec des images percutantes et captivantes, sur fond de chalet et de petit chaperon rouge, annonçant un projet audacieux. Après le succès de medium plaisir et une reconnaissance marquée par le Félix « Révélation de l’année » à l’ADISQ 2022, Ariane Roy confirme sa place parmi les étoiles montantes avec cet extrait puissant.Avec Agneau, elle invite à plonger dans un univers où l’émotion brute et l’audace musicale se rencontrent. Dogue promet de mordre là où on l’attend le moins.
Richard Dawson – Gondola
Si l’on nous demande ce que l’on a pensé du dernier clip de Richard Dawson, Gondola, on l’avoue, on est tenté de s’en remettre à ce commentaire d’un internaute : « it’s 9 am and I’m crying in my coffee ». Non pas parce que l’on manque d’inspiration, mais parce que le dit commentaire, au fond, a quelque chose de parfait en ce qui concerne la musique de Dawson – et son clip, réalisé par le collectif Clump.
Une grand-mère avec un air mélancolique chante dans un sm57 – c’est un microphone tout ce qu’il y a de plus prosaïque. Dans son salon, sur un parking britannique, dans le reflet d’une flaque d’eau. Mais sa voix n’est pas la sienne, c’est celle de Richard Dawson qui raconte son histoire. Rarement lip sync aura-t-il été si bien réussi. Parce qu’on s’y projette : Dawson donne voix à celles et ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas parler. Ici, la grand-mère qui souffre d’avoir vu ses rêves mourir « comme des dauphins dans un filet ». Qui aurait aimé qu’on l’appelle plus souvent. Qui se demande combien d’années il lui reste.
L’artiste britannique ne s’interdit rien. Ni les envolées en voix de tête, ni les structures asymétriques. Sa beauté à lui est affaire de déséquilibre. L’objet est unique parce qu’il est étrange, mi-folk, mi-punk, évident et complexe tout à la fois ; prosaïsme où, lorsqu’on s’y attend le moins, surgit la poésie extrême d’un détail. La grand-mère, en bout de chanson, s’offre un voyage à Venise avec sa petite-fille. Sur une note que personne n’anticipait, une gondole apparaît et clôture le morceau. Parce qu’elle n’était pas attendue, Dawson restitue à la gondole tout son miracle. Il ne fallait pas que cela fût, et pourtant cela est. Alors, désormais, on attend avec impatience son huitième album End of the middlequi paraîtra le 14 février. Et ce, pour une raison très simple : « It’s 9 am and I’m crying in my coffee
Bon Enfant – Minimum
De la beauté ces derniers jours pour Bon Enfant : en début de semaine, iels nous offraient un fabuleux clip pour Minimum, morceau tiré de leur dernier album Demande spéciale. Pour accompagner au mieux ce titre shoegazy célébrant la magie d’un bonheur simple, le groupe québécois a fait fort. À la réalisation, iels ont en effet fait appel à Léa Taillefer : équipée d’une caméra Super 8, elle signe de sublimes et abstraites images d’un noir et blanc élégant. On plonge tête la première dans leurs superpositions et on se laisse volontiers bercer par leur poésie et la quiétude ambiante. Si vous êtes aussi charmé.e.s que nous, foncez les voir dans les prochaines semaines à Paris, Lyon, Cholet, Orléans, Tourcoing, Bruxelles ou Liège