La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles.Tout de suite, la première partie de notre 247ème sélection.
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Th Da Freak – I’m Still
Thoineau Palis et son indécente hyperactivité sont de retour au sein de Th Da Freak pour un nouvel album annoncé pour le 21 mars prochain. Bordeaux, dont le fondateur du groupe est originaire, a sévèrement été remué pendant huit ans avec pas moins de quatorze albums. C’est reparti pour un tour avec ce quinzième, intitulé Negative Freaks, dont le titre I’m Still en incarne les prémices.
Bien que Thoineau eut l’habitude de faire cavalier solo côté compositions, Negative Freaks quant à lui, sera bien un album collectif ! Basta les musiciens au complet qu’on ne retrouve uniquement sur les lives, Th Da Freak a opté pour l’intelligence collective qui marque un tournant sans précédent dans la vie du groupe. L’heure est donc venue de savourer ce nouveau morceau démocratique.
Th Da Freak a le don de prendre des p’tits bouts d’trucs et de les assembler ensemble. Ainsi, le groupe diffuse son univers coloré caractéristique qu’il couple avec une musique bien grunge. Dans le clip, place au fun et au Do It Yourself. La mise en scène est absurdement délirante, les musiciens sont parés de leurs meilleurs ustensiles de cuisson pour jouer leur morceau dans une sorte de terrain vague. Ils ne se prennent clairement pas au sérieux et c’est ça qui est absolument fascinant chez eux.
Beaucoup d’humour, une nonchalance certaine, mais sans pour autant délaisser la qualité du titre I’m Still. Ce renouveau donne réellement un second souffle au groupe, insufflé certainement par la motivation collective et la joie d’imbriquer ses idées ensemble.
Sur la fin du morceau, dont les paroles sont constituées d’un refrain unique, Th Da Freak nous submerge de son souffle du dragon. Terminé la nonchalance et l’humour, ça s’énerve sec pour notre plus grande joie auditive. Ça donne envie de se dandiner sévère et surtout, on a envie d’en entendre plus. Rendez-vous le 21 mars.
Marlon Williams – Aua Atu Rā
Avec Aua Atu Rā, premier extrait de son quatrième album Te Whare Tīwekaweka attendu le 4 avril prochain, Marlon Williams amorce un tournant décisif dans sa carrière. Pour la première fois, l’artiste néo-zélandais signe un album entièrement interprété en langue māorie, fruit d’une collaboration avec son ami, le rappeur KOMMI. Un choix artistique et identitaire fort, inspiré du whakataukī (proverbe) « Ko te reo Māori, he matapihi ki te ao Māori » – « La langue māorie est une fenêtre sur le monde māori ». À travers ce projet qui a mis 5 ans avant de voir le jour, Williams approfondit sa relation avec sa terre (whenua), ses ancêtres (tīpuna), sa famille, ses amis et son environnement. « En construisant ces chansons, j’ai trouvé un moyen d’exprimer mes joies, mes peines et mon humour d’une manière qui me semble à la fois nouvelle et profondément enracinée dans mon héritage« , confie-t-il.
Cette quête d’authenticité se traduit par un album riche et contrasté, où s’entremêlent folk, country et bluegrass aux rythmes māoris et textures pop. Pour ce projet, Marlon Williams s’entoure de collaborateurs variés, de son groupe The Yarra Benders au coproducteur Mark Perkins, en passant par He Waka Kōtuia et même Lorde. Avec Te Whare Tīwekaweka, il tisse un équilibre subtil entre tradition et modernité, avec beaucoup d’audace et d’intemporalité.
Parlons de Aua Atu Rā! Ce premier singleencapsule le songwriting de Marlon Williams: entre mélancolie exquise et résignation douce-amère, le tout teinté de charme et d’humour subtil. Aua Atu Rā raconte avec poésie un voyage solitaire et irrévocable sur l’océan, où le narrateur, seul à bord de sa pirogue, dérive sans vent ni espoir (« Kāore ōku tūmanako » – « Je n’ai plus d’espoir »). L’eau, omniprésente, devient une métaphore du renoncement et de l’exil sans retour. Musicalement, Aua Atu Rā est une sorte de berceuse suspendue entre nostalgie et apaisement avec un groove et des harmonies soyeuses, non sans rappeler The Platters dans les 60s. La voix délicate de Williams apporte de l’élégance et de la vulnérabilité et est portée par la répétition des paroles : « E kore au e hoki anō ki a koe / Kāore e hoki anō ki tō kainga ē« (« Je ne reviendrai pas vers toi / Je ne reviendrai pas chez moi »). À travers cette composition, Marlon Williams capte avec poésie la beauté tragique d’un adieu définitif, où l’océan devient à la fois refuge et horizon ultime.
Réalisé par Marlon Williams et produit par Jessica Todd, le clip de Aua Atu Rā nous plonge dans un univers à la frontière de l’introspection et du rêve éveillé. L’artiste y apparaît d’abord en costume allongé dans le fauteuil d’une psychologue, les yeux clos, comme sur le point de basculer dans une hypnose profonde. Sa psy prend des notes dans ce décor très vintage. Très vite, le réel cède la place à une dimension onirique : toujours assis sur son fauteuil, il flotte désormais sur un lac, entouré des paysages grandioses de la Nouvelle-Zélande, tandis que sa thérapeute, restée sur la rive, continue de prendre des notes. Soudain, le voyage prend une tournure encore plus mystique. Le clip alterne entre Marlon Williams, qui pratique une danse māorie traditionnelle, et une mise en Marlon Williams sur une scène entourée de danseurs en marinière dans un décor vintage. Ce contraste entre sacré et fantaisie, entre enracinement et errance, amplifie le tiraillement entre le poids de son héritage et sa propre quête intérieure. Dans la scène finale, la larme qui s’échappe du regard de la psychologue vient clôturer ce dialogue entre rêve et réalité, modernité et tradition.
Avec Aua Atu Rā, Marlon Williams signe un titre intime et universel et fait présager un album aussi personnel que puissant. Marlon Williams sera également en mini-tournée européenne au printemps 2025.
La Sécurité – Ketchup
Le 27 janvier 2025, le collectif montréalais La Sécurité a dévoilé son nouveau single Ketchup, accompagné d’un clip audacieux réalisé par Philippe Beauséjour. Ce morceau énergique, ancré dans le post-punk, dénonce avec sarcasme la vacuité des conversations superficielles, s’appuyant sur l’expression québécoise « L’affaire est ketchup« , signifiant « Tout va bien« .
La chanteuse principale, Éliane Viens-Synnott, explique que, lors de la composition, elle improvisait principalement des sons, à l’exception de cette phrase clé. Le titre a rapidement démontré son potentiel à faire vibrer le public lors des performances live, une énergie que le producteur Renny Wilson a su capturer en studio.
Le clip, inspiré par le style de Terry Gilliam, utilise des animations en découpage pour illustrer les banalités des discussions quotidiennes, souvent centrées sur des sujets anodins, comme la météo ou les publicités télévisées. Cette approche visuelle renforce le message de la chanson, critiquant les échanges dénués de substance.
Ketchup (Bella Union, Mothland) marque une nouvelle étape pour La Sécurité avant leur tournée américaine débutant le 31 janvier à West Palm Beach.
Le Winston Band – Kia volée
À mi-chemin entre la Louisiane et Montréal, Le Winston Band revient avec Kia volée, un single festif aux accents zydeco boosté par la touche électro d’Oonga. Mais derrière ce groove enivrant se cache une mésaventure bien montréalaise : le vol de leur Kia Rondo 2009. Plutôt que de se morfondre, le groupe a choisi d’en faire un hymne dansant, transformant la tragédie en célébration musicale.
Et quoi de mieux qu’un vidéoclip à l’énergie survoltée pour accompagner la sortie ? Avec une esthétique délicieusement 90’s, la bande part en quête de sa voiture disparue, sillonnant Montréal comme dans un jeu d’arcade grandeur nature. Un road trip musical où l’accordéon frénétique, la batterie entraînante et la basse grondante nous embarquent dans une course effrénée à travers les repères emblématiques de la ville.
L’arrivée de Noam Guerrier-Freud au sein du groupe vient ajouter encore plus de groove à cette aventure. Son expertise du double clutch, ce rythme syncopé signature du zydeco, insuffle au morceau une cadence imparable, prête à enflammer les pistes de danse. Avec son humour et son énergie contagieuse, Kia volée s’impose comme une parfaite mise en bouche avant le grand bal de Mardi Gras aux Foufounes Électriques le 14 mars 2025. En attendant, le clip offre une virée rétro qui, on l’espère, finira par ramener la Kia égarée… ou du moins, par nous faire danser jusqu’à l’oublier
Bleu Berline – La nuit je pleure
Bleu Berline fait son come-back. On l’avait quittée en novembre 2024 transie d’amour dans J’te promets. On la retrouve cette semaine dans un morceau beaucoup plus sombre intitulé La nuit je pleure, 2e extrait de son prochain EP annoncé pour le mois de mars.
Mêmes sonorités hip-hop électro, même direction artistique léchée, même douceur dans la voix : pas de doute, on est bien dans l’univers de Bleu Berline. Pourtant, celle qui nous avait séduits avec un J’te promets solaire renverse la table et décide cette fois de dévoiler ses failles. Bleu Berline propose un morceau intime qui explore la solitude nocturne et la douleur intérieure, dans lequel elle fait rimer douceur et noirceur.
Un contraste qu’on retrouve dans le clip coréalisé avec Yoann Avanthey. On plonge dans deux histoires parallèles aux destins croisés qui résonnent avec les paroles, et dévoilent un terrible twist final…Un clip encore une fois extrêmement soigné, construit sur une alternance de plans de l’artiste – qui a dû puiser dans ses émotions les plus intimes – et d’une maison de poupée dont tous les décors ont été créés par elle et son équipe. De belles performances !
SASAMI – In Love With A Memory (feat. Clairo)
Toujours en route vers son prochain album, Blood On the Silver Screen, SASAMI marque une pause sur une route sinueuse bordant un désert infini. Un moment suspendu, propice à l’introspection, où les souvenirs ressurgissent avec la même intensité que le paysage qui s’étend à perte de vue. Se confronter au passé, dans ce qu’il a de plus doux et de plus douloureux, devient alors un moyen de mieux appréhender l’avenir.
Aux côtés de Clairo, elle livre un duo à la fois poignant et aérien, où mélancolie et éclat s’entrelacent. Ce morceau, d’une pop enveloppante et hypnotique, évoque ces amours révolus qui continuent de hanter nos pensées, non pour nous retenir, mais pour nous guider. Un thème intemporel, profondément intime, que chacun peut s’approprier à sa manière.
Dans ce single, SASAMI démontre une fois de plus son talent à modeler une émotion universelle pour l’emmener sur un terrain qui lui est propre. Portée par une trame acoustique délicate, la composition s’épanouit avec une maîtrise subtile, où chaque élément sonore trouve sa place avec justesse. L’arrivée de Clairo, lumineuse et instinctive, vient alors sublimer l’ensemble, ajoutant une douceur presque céleste à la montée en puissance du morceau.
Pria – From Above
Il y a des morceaux qui semblent suspendre le temps, comme si l’on franchissait une porte invisible vers un autre monde. From Above fait partie de ceux-là. Une chanson qui vous enveloppe d’une atmosphère à la fois irréelle et intime.
La mélodie du piano, légère, mais précise, nous conduit dans un espace à la fois familier et étrange, comme si nous pénétrions un monde entre l’ombre et la lumière. Le rythme de la valse semble flotter, suspendu dans le temps, nous invitant à une danse silencieuse où chaque mouvement fait écho à une émotion lointaine, mais présente.
Les voix, qui se superposent et se fondent dans une harmonie délicate, parviennent à capter toute la douceur et la mélancolie du moment. Elles nous enveloppent comme un souffle léger, presque irréel, tandis que les cordes, discrètes, mais puissantes, apportent une profondeur qui résonne au plus intime de nous-mêmes. Il est impossible de ne pas se laisser emporter par cette impression d’être suspendu, entre deux mondes, un pied dans la réalité et l’autre dans l’imaginaire.
À mesure que le single se déploie, l’atmosphère devient de plus en plus palpable, presque tangible. Un sentiment de flottement s’installe, où chaque note semble glisser entre ce qui est dit et ce qui demeure implicite. Pria nous invite à nous perdre dans l’espace d’une mélodie, tout en nous laissant guider sans résistance dans ce flot d’émotions partagées. Continuons à les suivre jusqu’à la sortie de leur premier EP, Who Will See Me Then, prévu pour le 14 mars prochain.
The Orchestra (For NoW) – Skins
C’est un mélange parfait entre Black Country, New Road et Ghinzu. Le premier pour l’aspect expérimental de la structure du titre, qui s’accompagne de cordes et d’une voie déchirée. Le second pour l’énergie rock de la guitare acerbe, mais également des notes mouvementées du piano. Le tout donne à Skins un morceau dramatique mémorable. The Orchestra (For Now) porte donc bien son nom. Le clip nous fait voyager à la manière d’un Little Miss Sunshine à travers le prisme de trois jeunes qui voguent vers un espace de plus grande liberté et d’expression.
Le groupe, formé par d’anciens membres d’Electric Light Orchestra, a annoncé par la même occasion la sortie de l’EP Plan 75 qui sortira le 28 mars prochain.
Jonathan Personne – Zoé sur la montagne
Trois mois après un premier double single, Jonathan Personne est de retour cette semaine avec un nouveau Zoé sur la montagne et Deuxième Vie, un nouveau double qui annonce l’arrivée de son quatrième album, Nouveau Monde.
Dans la veine du titre qui donnera son nom à l’album, ces deux morceaux laissent transparaître un Jonathan Personne plus apaisé, une musique qui tend vers la folk et une sensation d’épure et de tendresse bien présente qui laisse à Personne la possibilité de développer une écriture rêveuse et vaporeuse qui font du bien à l’âme sur des nappes de piano et de guitare acoustique.
Pour accompagner Zoé sur la montagne, le musicien décide lui-même de s’occuper de la vidéo avec une idée bien claire en tête : évoquer quelque chose de brumeux et flou, comme un souvenir d’enfance qui reviendrait nous hanter, laissant apparaître ses effluves sans jamais se rendre complètement clair et distinct.
En résulte une vidéo très colorée, s’amusant à jouer les couleurs qui se mélangent et nous frappent comme des halos de lumières réconfortants et intrigants.
Nouveau Monde est attendu pour le 14 mars prochain chez Bonsound.
Marianne Mirage – Cielo
Créatrice totale en étant chanteuse, auteure-compositrice et artiste visuelle, l’italienne Marianne Mirage vient de partager le clip Cielo, extrait de son dernier album Teatro. Avec ce morceau, l’artiste qui s’est fait connaitre en première partie de Patty Smith et Benjamin Clementine s’en remet au ciel. Marianne Mirageconfie ses doutes amoureux à Dieu, en espérant trouver dans les perles d’un chapelet une réponse comme l’on cherche dans une boule de cristal. Un titre onirique et doux qui correspond à l’œuvre visuelle de Michele Rossetti dit “The Trotting Cowboy”. Sur une image abîmée rappelant à des souvenirs cathodiques, le réalisateur capture la chanteuse en live. Telle une déesse contemporaine, elle porte un diadème.