La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Le retour du printemps, c’est bien. Le retour du printemps avec des chouettes clips à regarder, c’est encore mieux ! Voici donc notre 256e sélection, à savourer en terrasse, au parc mais surtout sous le soleil.

Magi Merlin – see!igetit
Magi Merlin transforme l’angoisse en art, l’intime en manifeste. Avec see!igetit, extrait de son EP surprise A Weird Little Dog sorti le 3 avril, elle déploie une vision aussi personnelle qu’incisive : un R&B psyché teinté de glitch pop, où l’âme brûle en rythme.
Le clip, qu’elle coréalise avec Walid Jabri, s’ouvre sur un plan fixe : Magi danse seule, casque sur les oreilles, dans une cafétéria déserte. La scène pourrait sembler banale — elle devient rituel. Au fil du morceau, la même chorégraphie se rejoue : dans une bibliothèque, un couloir de métro, un parking, un hall d’immeuble de bureaux. Autant de lieux fonctionnels qu’elle détourne, habite, bouscule, jusqu’à les rendre poreux à l’émotion.
Sur des paroles désarmantes — « I’m mistreated / All mistreated » — le corps devient langage. La phrase revient en lettres clignotantes, martelée comme une vérité qu’on aurait trop longtemps tue. À l’opposé du repli, Magi oppose la répétition comme résistance : un geste, un rythme, une présence. Elle danse sa peine, mais aussi la nôtre.
“I want want / the best for us all” devient alors un cri d’espoir, discret mais acharné. Entre colère, héritage et tendresse, Magi Merlin compose une œuvre viscérale, qu’elle produit elle-même avec Funkywhat.Avec see!igetit, elle ne signe pas seulement un clip fort : elle affirme qu’on peut être brisé.e et magnifique, tout à la fois.
Car Seat Headrest – CCF (I’m Gonna Stay With You)
Il y a ces instants où simplement être présent, devient un acte en soi. Non pas un acte de courage, mais un simple choix de ne pas se laisser emporter. Nous avons tous connu cette sensation, lorsque nous n’avons plus les mots pour avancer, mais que nous refusons de disparaître. Rester pour soi-même, quand le monde devient flou. Rester pour l’autre, lorsque l’on cherche une connexion, un fil invisible pour ne pas se perdre dans le vide. C’est dans ces moments suspendus que Car Seat Headrest nous emmène, dans CCF (I’m Gonna Stay With You), un morceau où la fragilité de l’être humain se mêle à la beauté brute du son.
Les huit minutes de chanson ne se contentent pas de nous bercer, elles nous interrogent. Tout commence dans une lenteur presque palpable, un frémissement discret où chaque hésite et titube un peu. Puis, peu à peu, quelque chose se transforme. L’intensité monte, les éléments se libèrent, et les gammes explosent dans une clarté lumineuse. Cette transition est l’image même de cette lutte intérieure, cette tension se situe entre la lassitude et l’espoir. Le groupe nous fait vivre cette transformation.
Il est question de souvenirs qui nous hantent, de promesses fragiles qui cherchent à tenir face aux épreuves. Nous nous reconnaissons dans ces gestes apparemment simples mais chargés de sens. Ce single veut traverser un monde où l’amour et la douleur coexistent. Une promesse de fidélité au-delà des failles, une invitation à nous accrocher, à ne pas sombrer. C’est cette fragilité partagée, cette humanité brute, qui fait de ce morceau une expérience à la fois personnelle et universelle. Plus qu’à patienter sagement jusqu’au 2 mai, avec la sortie de leur nouvel album : The Scholars.
Sum 41 – Radio Silence
Comme le dicton le dit : toutes les bonnes choses ont une fin. Même les artistes qui semblent nous accompagner depuis toujours finissent un jour par ne plus produire de nouvelles oeuvres, que ce soit par choix ou parce que le temps les aura rattrapés (toujours trop vite). Peu nombreux et nombreuses sont celles et ceux qui ont le luxe de pouvoir choisir quand s’arrêter, et d’en profiter jusqu’à ce que la dernière note aie fini de résonner. Les Canadiens de SUM 41 ont fait ce choix aujourd’hui et ont livré leur dernier album au même moment que la fin de leur tournée d’adieu.
C’est sans doute la plus belle fin qu’on puisse espérer pour les têtes d’affiche du pop punk qu’ils ont presque inventé avec les confrères de Blink-182, Good Charlotte ou encore Green Day, il y a déjà plus de 25 ans désormais. Extrait de leur 9ème et donc dernier album Heaven :x: Hell, Radio Silence est un très bel hommage à la carrière de ces jeunes garçons devenus grands avec nous et sans qui il nous faudra désormais continuer à avancer. Alors une dernière fois : Merci Sum 41 pour tout ce que nous avez offert.
Miso Extra – POP (A COLORS SHOW)
Oui, c’est vrai, nous avons laissé passer le clip de POP paru il y a deux semaines. C’est pourquoi nous faisons une petite entorse aujourd’hui, car non seulement un clip, mais un live COLORS a été mis en ligne. Une excellente nouvelle, car il fallait bien que nous vous présentions tôt ou tard cette musicienne, qui mêle R&B suave, rythmes dynamiques et touches de pop japonaise.
POP, c’est cette petite friandise qui apporte bien plus qu’un simple goût, mais une narration sur l’intensité d’une attirance irrésistible. Miso Extra déploie la frontière entre désir et innocence. Elle parvient à jouer avec les nuances, en mélangeant des influences occidentales et asiatiques, pour offrir une expérience sonore parfaitement maîtrisée.
Cette session live est l’occasion parfaite pour découvrir l’univers unique de cette musicienne anglo-japonaise. Son timbre doux et son énergie explosive s’entrelacent, créant une alchimie captivante. Chaque geste, chaque parole infuse cette envie de s’approcher, d’explorer l’autre, tout en restant dans cette légèreté propre à ses compositions.
Avant la sortie de son premier album Earcandy le 16 mai, ce passage musical offre une belle introduction à son univers coloré et dynamique. Mais aussi, un aperçu de ce qui nous attend, à savoir, un mélange de volupté et de rythmes pop, parfaitement maîtrisé. Ce premier disque s’annonce comme une expérience musicale aussi savoureuse qu’envoûtante. N’hésitez pas à jeter un œil au clip de POP ainsi qu’aux autres extraits déjà parus, dont le titre Good Kisses, en featuring avec Metronomy.
Nadah El Shazly – Kaabi Aali
L’artiste égyptienne Nadah El Shazly nous plonge dans un Caire nocturne et contemporain avec son morceau électronique Kaabi Aali. Un titre planant qui évoque des « nuits sans sommeils » qui n’en finissent pas à l’image du rythme lent de Kaabi Aali. Un instant de liberté où tout serait possible comme nous laisse imaginer Selim El Sadek qui réalise le clip. Il donne des images floues, une vitesse décalée de la capitale égyptienne. On suit la chanteuse dans ses divagations a travers le Caire. Elle est plongée dans un univers onirique, sobrement éclairée de néons et de phares de voitures. Nadah El Shazly livre avec ce morceau l’extrait d’un deuxième album qu’elle prépare en ce moment.
KaS Product – I don’t care
Quand en 2019 Mona Soyoc a décidé de remonter KaS Product, elle y avait accolé « Reload » dans le nom. C’est finalement le nom originel qui sera conservé en 2025, Reloaded fera office du nom d’album prévu pour le 11 avril prochain. Si certains titres ont déjà été révélés à l’occasion de concerts parsemés, les singles sortent plus lentement, le jeune deuxième I don’t care fait revivre la machine après Last chance.
Exit la froideur, place à la pétillance ! Mona Soyoc cherche définitivement l’optimisme. On la comprend quand on voit le niveau des actualités qui rythment nos vies… Le clip d’I don’t care joue la carte d’un imaginaire à mi-chemin entre le rétro et le futuriste. Ce dernier aspect dans l’espace pour sans doute espérer fuir le présent pour le moins anxiogène. La composition est plus fraîche que froide, plus pétillante que clinique mais tout à fait revigorante. Avec I don’t care, KaS Product fait un pas de côté et élargira son public.
The Hives – Enough is enough
Avec Enough Is Enough, The Hives allument la mèche d’un retour que l’on pressent déjà explosif. Premier extrait de leur prochain album The Hives Forever Forever The Hives, attendu pour le 29 août, ce brûlot garage punk annonce la couleur avec fracas. Co-produit par Mike D (Beastie Boys) et Pelle Gunnerfeldt, avec une contribution explosive de Josh Homme (Queens of the Stone Age), ce titre marque un retour en fanfare pour le groupe suédois, toujours aussi percutant sur la scène rock internationale grâce à son énergie contagieuse et son goût du spectacle.
Enough Is Enough frappe fort : la castagne selon Pelle Almqvist. Fidèles à leur style garage punk survolté, The Hives signent un retour incisif, rageur, implacable. Connus pour leur énergie scénique et leur sens du sarcasme, les Suédois livrent ici une charge frontale contre l’absurdité ambiante. Le refrain scandé : « Enough is enough is enough is enough« , sonne comme un cri d’exaspération collective, une saturation face à l’autorité, au conformisme, ou tout simplement à l’ennui moderne. Ce n’est pas juste un refrain, c’est un exutoire à haute tension, une incantation saturée pour réveiller les masses.
La chanson dégaine une critique féroce du conformisme et de la passivité généralisée. Dans une société de clones dociles, The Hives dégainent leur ironie acide et leur énergie incendiaire : Forever marching in single-file / You follow orders and toe the line, balance Almqvist en mode uppercut. L’esprit punk originel et l’ironie mordante du groupe suédois sont intacts, la colère est palpable : insolent, provocateur, joyeusement chaotique. Enough Is Enough est un manifeste déguisé en pogo, un électrochoc : un appel à sortir du rang, à reprendre le contrôle, à hurler stop quand la coupe est pleine.
Réalisé par Eik Kockum, le clip pousse encore plus loin cette logique de confrontation. Tourné à Budapest, il met en scène Pelle Almqvist, boxeur flamboyant, qui encaisse des coups sur le ring mais revient toujours plus fort, plus combatif, métaphore évidente de la longévité du groupe. L’intro nous plonge dans l’arène : Pelle entre en scène, drapé d’une robe royale et coiffé d’une imposante couronne. Le son est étouffé, comme après un KO : les cris et les acclamations semblent lointains, jusqu’au retour brutal au réel.
Pelle prend alors possession du ring, s’auto-présente comme lors des concerts mythiques du groupe, et chauffe la salle tel un maître de cérémonie punk. Deux récits s’entrelacent : celui du combat, et celui d’un hôpital d’un autre temps, où le groupe officie en blouses blanches, tantôt dans un camion de SAMU, tantôt en salle de réanimation. On oscille entre ambiance médicale et fureur du ring, jusqu’à un final en crescendo où Pelle distribue les punchs en rafale à toute personne qui intervient, tout en scandant Enough is Enough à qui veut (ou ne veut pas) l’entendre.
La vidéo, fidèle à l’humour irrévérencieux du groupe, propose une mise en scène littérale et théâtrale de la confrontation. Dans la droite lignée de leurs clips percutants, Enough Is Enough renforce l’image des Hives en groupe audacieux, toujours prêt à en découdre.
En somme, Enough Is Enough fait l’effet d’une déflagration qui ouvre un nouveau chapitre hautement prometteur. The Hives prouvent une fois encore leur maîtrise de la colère canalisée, entre humour noir et élégance sauvage. Et pour le public français, ce retour tonitruant prendra vie sur scène le 20 novembre au Zénith de la Villette, pour un show qui s’annonce aussi survolté que mémorable. Plus de vingt ans après leurs débuts, The Hives ont toujours la rage. Et surtout, ils savent encore dire stop avec panache… et majesté.
Styleto – Amour Cyclone
La tempête Styleto revient cette semaine avec Amour Cyclone, un nouveau single accompagné d’un clip aussi poétique que décalé. Fidèle à son univers singulier, l’artiste fusionne à nouveau pop, trap et électro dans un tourbillon d’émotions brutes, relevé d’une bonne dose d’autodérision. Depuis ses débuts, elle s’impose avec une esthétique forte : entre mélancolie contemporaine, fragilité assumée et du fun bien dosé. Refrains pétillants, textes incisifs : Styleto transforme ses douleurs en manifestes pop, oscillant entre rage et tendresse, chaos intérieur et élégance visuelle.
Mais Amour Cyclone, ça parle de quoi ? Styleto nous embarque dans les méandres d’un amour aussi passionné que destructeur. La chanson s’ouvre sur une question abyssale, “Dis-moi où on va quand on touche le fond” et plante le décor d’une relation où tout déborde, et tout blesse. L’amour y est cyclone : imprévisible, violent, impossible à fuir. On encaisse autant qu’on donne : “Pas d’amour sans bleu sur le cœur”, “Un coup tu prends trois, tu donnes”, “Comme un boomerang qui revient me casser les dents”. Le refrain, entêtant, nous agrippe tout en nous faisant danser : “Dans l’œil de l’ouragan / Nous contre les vents violents / Crois-moi, on s’aimait trop grand”. Il raconte une passion qui consume. Mais au fil des couplets, la douleur devient lucidité, et l’amour peut s’en aller : “J’en ai fini de creuser / J’ai touché le fond, je fais demi-tour sans toi”. Avec Amour Cyclone, Styleto injecte une lumière inattendue : les mots pleurent, mais la musique danse — comme si les ruptures pouvaient quand même briller. Une question demeure – est-ce qu’aimer trop fort, c’est forcément aimer trop mal ?
Le clip, coécrit avec Mila Runser (qui en signe aussi la réalisation pour Pélican Paris), nous plonge littéralement dans une piscine. Dès les premières secondes, une nageuse traverse le cadre telle une banderole annonçant le titre du morceau : une entrée à la fois absurde et brillante. Le ton est donné. Deux récits s’entrelacent. D’un côté, Styleto, mi-sirène moderne, mi-héroïne cabossée, en robe à sequins bleu pâle et traîne de flotteurs, fixe la caméra avec intensité et nous chante « Amour Cyclone », les yeux dans les yeux. De l’autre, elle tente tant bien que mal d’intégrer une équipe de natation synchronisée. Styleto y incarne une candidate décalée, à la traîne, maladroite mais très attachante. La direction artistique, signée UN (Anis Gabsi), sublime cette tension entre émotion brute et humour tendre avec une jolie palette pastel et un univers chorégraphique plein de grâce aquatique. Le clip épouse ainsi la rythmique du morceau, oscillant entre absurdité, fun et sincérité. À la fin, les deux récits se rejoignent dans une scène à la fois tendre et burlesque : Styleto, désormais acceptée dans le groupe de natation synchronisée, se fait sécher les cheveux par ses coéquipières dans les vestiaires. Ce contraste entre la légèreté visuelle et l’intensité émotionnelle renforce la fraîcheur du propos, et affirme un style aussi fun que singulier.
En mars 2024, Styleto nous avait touché en plein cœur avec Faut que tu m’aimes, sur l’acceptation de soi. Son premier album de compositions originales, Fille lacrymale, sorti le 7 mars 2025, sublime les failles, met en scène les contradictions amoureuses avec une sincérité désarmante. Une tournée commence ce weekend (5 Avril) et se poursuivra jusqu’au 5 décembre 2025 au Zénith de Paris.
APOLLO DRAMA — Héroïne
En ces temps où la masculinité toxique aimerait redevenir hégémonique, il est bon de rappeler que, peu importe notre sexe, nos origines, nos façons de vivre, c’est la part d’humanité qui est en nous qui compte le plus. Et pour ce qui est d’humanité, Apollo Drama en regorge. Héroïne est un vibrant hommage aux femmes souvent invisibilisées, mais dont le courage insuffle nos aspirations et nos espoirs.
Le chant d’Apollo Drama, à la fois doux et méticuleux, accompagne une montée mélodique à la verve épique que Marianne Hell a su mettre en images en préservant la déférence et le merveilleux qu’incarne le personnage. Dans le clair-obscur hivernal d’un sous-bois, Apollo Drama se dirige vers la statue pure et étincelante de l’Héroïne. Telle la statue du commandeur témoin de nos confusions, elle nous absout et nous soutient en nous enveloppant de ses ailes nourricières et protectrices. L’œuvre d’Apollo Drama se dévoile inaltérablement. Et n’en doutons pas, il saura rajouter encore quelques temples à son Olympe. Si vous sentez en vous des talents de bâtisseur, vous pourrez retrouver Apollo Drama en concert le 7 mai au Couvent-Roubaix.
Attic birds – No time
Les lillois d’Attic birds dévoilent cette semaine No time, dernier extrait de leur EP Beyond the sea. Un morceau rock à la fois puissant et léger comme on les aime, où il est question du paradoxe entre urgence de vivre et en même temps de respirer.
Dans le clip qu’ils ont réalisé et post-produit avec Huke, on retrouve d’abord les garçons qui s’appliquent avec humour, et de moins en moins sérieusement, à jouer leur morceau dans un décor ultra minimaliste digne d’un shooting photo pour un magazine feel good. Et puis boom, explosion et changement de décor. Les Attic birds qui n’auront eu de cesse de scander leur refrain libérateur We have no time to take our time passent aux actes et nous embarquent en voyage, tout en ralentissant le tempo.
On vole au-dessus des nuages, on plonge dans la mer, on surfe, on profite d’un diner entre amis, etc. Une ode au carpe-diem en somme, bande-son parfaite pour l’été qui arrive à grands pas.