Les clips de la semaine #257 – Partie 1

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Tout de suite, la première partie de notre 257ème sélection des clips de la semaine.

Bleu Berline – Jeu vidéo

Avec sa créativité, son sens de la mise en image, la direction artistique léchée qu’on lui connait et son investissement à toutes les étapes de la production, les clips de Bleu Berline sont toujours des évènements. Celui-ci ne fait pas exception.  

D’abord, l’histoire. Dans Jeu vidéo, Bleu Berline explore l’idée de la réalité alternative, abordant la question de la superficialité des relations avec la fuite comme seule échappatoire. Un sujet sombre en soi, qu’elle a l’idée géniale de traiter en utilisant la métaphore du jeu vidéo poussée à l’extrême. On retrouve cette métaphore dans le texte bien sûr, mais aussi dans la prod au travers de très nombreuses références aux jeux vidéos et dans le clip qu’elle co-produit, avec Juliette Kiekens aux manettes. 

Conçu en animation, le clip nous plonge logiquement dans l’univers des jeux vidéos. On appuie sur « Start » et c’est parti pour 3 minutes de pur régal pour tous les amateurs de pop culture. Bleu Berline devient l’agent bleu et progresse dans le monde de « Bleu Ber’hill » pour réaliser sa mission : détruire « l’homme avide de pouvoir et de destruction ». Elle multiplie les clins d’œil à son univers kawaï et aux jeux vidéos cultes tels que Pac Man, Mario kart, Pokemon, etc. Spoiler : l’agent bleu a gagné par KO. 

 L’EP Verre d’amour est disponible sur toutes les plateformes. Bleu Berline fêtera sa release party le 15 mai dans la salle parisienne FGO-Barbara.

Peter Doherty – The Day the Baron died

Sorti le 9 avril 2025, The Day The Baron Died marque un retour remarqué de Peter Doherty. Troisième extrait de son prochain album solo Felt Better Alive (attendu le 16 mai), il s’agit de son premier disque solo depuis Hamburg Demonstrations en 2016, faisant suite au succès de All Quiet on the Eastern Esplanade des Libertines en 2024.

Doherty décrit ce titre comme « un numéro de jazz étrange, avec une petite mélodie accrocheuse et idiote », clin d’œil à Instant Karma de John Lennon et sa batterie décalée. The Day The Baron Died mêle simplicité mélodique et force évocatrice, comme une comptine ludique, poétique et intemporelle. Le pouvoir de conteur et de poète de Doherty s’y révèle pleinement.

Dans une veine folk-jazz expérimentale, le morceau se distingue par une narration à la fois lyrique et mélodique, teintée d’humour et de mélancolie. Le refrain entêtant et l’atmosphère légère donnent vie à une balade étrange autour d’un personnage légendaire : le Baron, et sa prothèse dorée sertie de pierres précieuses – la « claw ». Objet de fascination quasi magique, cette griffe incarne pouvoir, mystère et héroïsme.

À travers le regard naïf d’un narrateur enfantin, le Baron devient une figure de légende locale : père, héros, icône. Après avoir sauvé une famille des flammes au prix de sa chair, il reste debout, griffe levée, en quête d’applaudissements. La chanson explore l’érosion de la mémoire collective, soulignée par le refrain : « we forget what we’re told / we forget what we know ». Doherty évoque la légende, le temps qui passe et l’héroïsme avec une nostalgie teintée d’absurdité poétique. Le Baron devient un mythe flou, évoqué avec tendresse, mais conscient que même les figures héroïques s’effacent.

Cette légende, entre folklore et mélancolie, fait écho aux récits qu’on se raconte pour se souvenir de qui l’on est.

Le clip, réalisé par Thad & Numa avec TwinPiix, accompagne magnifiquement le morceau. Tourné à Étretat, il alterne entre un huis clos à la lumière d’un feu de cheminée et les paysages grandioses des falaises. Doherty y incarne le Baron – cape et chapeau haut –, aux côtés de Katia de Vidas en Baronne en dentelle. L’esthétique gothique et cinématographique, entre portrait romantique et conte fantastique, renforce la dimension légendaire du Baron et de sa claw, symbole de sacrifice et de grandeur.

Une tournée européenne débutera fin avril, avec une date au Trianon à Paris le 26 avril.

Gwenno – Dancing on Vulcanoes

Trois ans après Tresor, son album en cornique salué par une nomination au Mercury Prize 2022, Gwenno revient avec un projet ambitieux : Utopia, prévu pour le 11 juillet 2025 chez Heavenly Recordings. La multi-instrumentiste galloise, dont le parcours va des Pipettes à ses aventures solo mêlant pop expérimentale et engagement culturel, opère un tournant significatif avec ce premier album majoritairement en anglais. Une évolution qui dévoile une dimension plus intime et introspective, tout en poursuivant son exploration des thèmes d’identité, de mémoire et d’émancipation.

Son premier single, « Dancing on Volcanoes », est une déflagration musicale. Ce morceau puissant et poétique fusionne le groove motorik, la pop baroque et des influences évoquant The Smiths, voire Blondie . Gwenno y célèbre une pulsion de vie indomptable, une détermination à danser malgré – ou peut-être à cause de – l’instabilité du monde. Comme elle l’explique :

« Jarvis Cocker dansant seul sur scène, noyé dans la fumée, incarnait parfaitement le vide laissé par la disparition de nos dancefloors et de nos petits bars… danser jusqu’à l’aube au Mandela à Grangetown, les observations justes et acides des Pet Shop Boys, l’ombre de Johnny Marr sur les guitares, ses résonances celtiques transmises à travers les générations… le besoin vital de danser pour exister, pour s’oublier — c’est tout cela, Dancing on Volcanoes. »

« Dancing on Volcanoes » s’affirme comme un poème lyrique et un manifeste percutant. Plus encore, c’est une déclaration d’intention vibrante : danser, même au bord du gouffre.

L’artiste y entrelace brillamment l’intime et le collectif, sondant les effets de la mémoire, des ruptures et des traumatismes avec une écriture aboutie, travaillée.

Ses paroles, formulées comme des questions enfantines mais chargées d’une profondeur adulte, nous interpellent directement : « Who becomes your Mother? / And who becomes your Father? » « Are we all here because of trauma? » « Do you remember when you were nine or ten / When everything shattered? » Le refrain, à la fois tragique et euphorique, résonne comme un cri de résistance. Gwenno nous encourage à cette pulsion vitale de danser comme acte cathartique face à l’adversité mondiale.

« The dictators are dictating / We’ll keep dancing on volcanoes. »

Le clip réalisé par Clare Marie Bailey accompagne parfaitement le morceau. Tourné à Las Vegas – ville où Gwenno a vécu comme danseuse dans sa jeunesse – cette œuvre en noir et blanc baigne dans une atmosphère cinématographique et onirique.  L’alternance entre sa voix cristalline rappelant Debbie Harry et des passages parlés, regard caméra, crée une proximité saisissante.

L’esthétique intemporelle nous fait hésiter : sommes-nous en 2025 ou dans les années 60, avec cette Gwenno métamorphosée en blonde platine, lunettes noires, combinaison cuir et manteau léopard, arpentant les rues de Vegas ? Dans ce décor quasi désert, elle traverse des motels fantômes aux néons fatigués et des enseignes lumineuses d’une ville qui ne dort jamais. Gwenno s’y présente comme une héroïne désorientée mais libre, oscillant entre rêve et désenchantement, effet accentué par la double exposition visuelle monochrome.

Jazzy Bazz – Gizeh

Sorti le 28 mars, Nirvana de Jazzy Jazz est, selon ses mots, « [son] album le plus personnel, le plus intime ». Il faut dire qu’il marque un tournant dans la carrière du rappeur, qui co-produit l’album, aux côtés de nu_tone. Cette implication dans la prod lui permet d’être au plus près de ce qu’il a dans la tête et dans le cœur. 

Et ça ne s’arrête pas là, puisqu’il co-réalise avec Geordy Couturiau le clip de Gizeh, sorti cette semaine.

Sur un sample d’Aphex Twin (Stone in Focus), Jazzy Bazz évoque les sentiments truqués, les sourires qui cachent la haine et l’amertume des bons souvenirs. Dans un décor futuriste et post-apocalyptique, il mène une introspection mélancolique. S’il laisse parfois filtrer l’espoir, le doute revient sans cesse comme les nuages sombres.

« Tous ces moments se perdront dans le temps comme les larmes dans la pluie ». Sous la pluie battante, ses larmes sont peu de choses. Avec une référence directe au mythique monologue du réplicant Roy Batty dans Blade Runner, l’artiste rappelle finalement l’insignifiance des questionnements existentiels qui l’assaillent. 

C’est un retour en force que nous offre Jazzy Bazz après trois ans d’absence – un disque et un clip qui, on en est sûr, ne se perdront pas dans le temps.

Asfar Shamsi – 2006

En 2006, Asfar Shamsi versait une larme devant la coupe du monde de football. Près de 20 ans plus tard, elle tease son prochain titre sur Planète Rap (Skyrock). Un morceau intitulé sobrement 2006, en référence à cet événement marquant.

Si ses problèmes ont depuis changé, certaines choses demeurent. L’amour de la musique, en premier lieu. Celle de « Mélanie » a.k.a. Diam’s qui rappait Ma France à moi la même année. Celle de Disiz, grande influence de l’artiste dont elle nous parlait récemment dans son ADN. Mais aussi la rage de rapper, et les rêves – qui semblent en bonne voie de se réaliser. 

Le clip, réalisé par François Chatain, recrée ce moment de communion entre supporters dans un PMU. Tourné avec un caméscope des années 2000, il nous replonge immanquablement vingt ans en arrière. Qu’on soit ou pas fan de ballon rond, on se laisse tout de suite embarquer par la douce nostalgie des images et le refrain entêtant.

La bonne nouvelle ? Pas besoin de rembobiner pour se le passer en boucle. 

Arcade Fire – Year of the Snake

Malgré les affaires de harcèlement sexuel visant leur leader Win Butler, Arcade Fire ne vacille pas. Le groupe avance, toujours aussi prolifique. Dans le clip de leur nouveau morceau Year of the Snake, on devine même quelques clins d’œil bien sentis à leurs détracteurs. Les membres se retrouvent pour mener une vie à la marge pour se rendre au carnaval décalé à la Nouvelle-Orléans. Win, en hippie échappé de Woodstock, et Régine, en bad girl flamboyante, rejouent la carte du duo inséparable. Main dans la main, ils s’affichent fièrement dans un stade NBA où Win a jadis brillé chez les All-Stars des célébrités — un clin d’œil osé pour réaffirmer la solidité de leur couple.

Et ça fonctionne : Year of the Snake respire l’étrangeté douce et la liberté retrouvée. Sa mélodie, plus subtile qu’à l’accoutumée, montre que le groupe va bien. Ce titre, aux airs nostalgiques et planants, figurera sur leur prochain album Pink Elephant, attendu pour le 9 mai. Une référence au calendrier chinois, bien sûr, symbole de transformation et de renouveau — exactement ce dont Arcade Fire avait besoin après le départ de Will Butler. Régine passe à la basse, Win s’éclate à la batterie : moins audacieux peut-être, mais toujours habité. Le groupe nous tend la main, et cette fois, c’est pour chanter la suite, avec joie et sérénité.

ARNE VINZON – JEREMIAH JOHNSON

Le futur repose sur le passé. Pour ouvrir leur nouvel album (À propos de fantômes paru la semaine dernière), le duo Arne Vinzon opère un flash-back de six ans, à l’époque de leur EP La dernière flèche. Une reprise de leur titre hommage à Jeremiah Johnson, personnage solitaire du film éponyme de Sydney Pollack.

Mais le passé se réinvente. La structure coldwave qui régissait la première version laisse la place à des arrangements plus voluptueux. Un élan vers un minimalisme musical qui s’harmonise avec la quête d’un idéal rousseauiste entreprise par le mountain man. La mélodie jaillissant du texte devient plus prégnante et la poésie, plus touchante. L’animation vidéo, réalisée par Arnaud Vincent et Stéphane Argillet, illustrant la chanson, reprend les codes et les images du clip précédent, mais en y adjoignant de multiples touches de couleurs, comme pour s’extraire – au moins momentanément – de la Lente dépression qui accompagne le projet Arne Vinzon depuis 2011.   

Si toi également – comme Jeremiah Johnson – tu cherches à vivre « jusqu’à la dernière flèche », Arne Vinzon te donne rendez-vous en compagnie de La Chatte, le 4 juillet à Petit Bain pour fêter la sortie de leur nouvel album. L’été s’annonce torride et spectral (pour laisser la part belle aux fantômes d’Arne Vinzon).   

Pulp – Spike Island

Qui l’aurait parié sur sa vieille cassette audio ? Après vingt-quatre ans d’absence, Pulp, l’un des emblèmes les plus stylés de la britpop, revient tambour battant avec un nouveau morceau qui fleure bon l’âge d’or du groupe. Jarvis Cocker et ses acolytes ne s’en cachent pas : ils jouent à fond la carte de la nostalgie, et ils le font avec panache. Leur prochain album, More, a germé dans l’euphorie de leur tournée de 2023 — comme quoi, le live a parfois des vertus créatives insoupçonnées.

Trois petites semaines de studio plus tard avec le prolifique James Ford aux manettes, et voilà que Noël débarque en avril.Alors non, Spike Islands ne déclenchera peut-être pas une émeute dans les charts — ce n’est pas Common People version 2.0 — mais il rafraîchit l’écoute comme un gin tonic bien tassé : riffs efficaces, mélodie accrocheuse, et ce zeste de Pulp qui fait sourire les vieux fans et intrigue les petits nouveaux. Et parce que Jarvis Cocker ne fait jamais les choses à moitié, l’idée du clip est aussi brillante qu’iconoclaste : ressusciter les vieilles photos de l’ère Different Class via l’intelligence artificielle.

Résultat ? Un voyage visuel entre passé flou et futur pixelisé, aussi déroutant que attachant. Vite, la suite !

Smerz – Roll the dice

Le duo norvégien Smerz (formé par Henriette Motzfeldt et Catharina Stoltenberg) n’en finit pas de nous surprendre. Avec Roll the dice, un nouvel extrait de leur futur album Big city life à paraître fin mai, Smerz nous propulse dans la surréalité d’un monde dans lequel nos perceptions résulteraient de vibrations de la réalité. Enivrés par les décors factices de Las Vegas et pris par le désir de se libérer, on peut chercher à défier le destin. S’en remettre au hasard – Roll the dice – sans toutefois suivre le manifeste subversif théorisé par Luke Rhinehart dans l’Homme Dé. Jouer entre les lignes du réel et du rêve pour au final reprendre le contrôle du chaos que l’on a commencé à semer : « And when you start to get bored, take your jacket and run ».

Un laisser-aller nonchalamment maîtrisé, à l’image de la structure musicale de la chanson constituée de pièces fragmentées qui se ressoudent, amalgamées par une ligne de piano saisissante aux notes profondes et solennelles. L’atmosphère qui s’en dégage est à la fois poétique, hypnotique et percutante. Et comme dans les films de David Lynch, on prend un incommensurable plaisir à s’y égarer. Avec Roll the dice, Smerz écrit la musique de demain. Smerz sera la musique de demain.

Garbage – There’s No Future in Optimism

On les croyait rangés au placard, mais Garbage tourne sans relâche depuis trente ans. Et les voilà de retour, plus sombres que jamais, avec un titre à la lucidité tranchante sur l’état du monde. There’s No Future in Optimism claque comme un avertissement, porté par un clip en noir et blanc à l’esthétique film d’action des 90s.

Deux femmes fuient une ville oppressante, sans obstacle malgré des caméras — étrange pour une cavale — avant qu’elles ne trouvent refuge en pleine nature, ultime soupçon d’espoir. Si la mise en scène laisse un goût de bricolage, la musique, elle, frappe juste.

Garbage réussit le tour de force de sonner furieusement actuel sans renier son ADN. Les beats électro, graves et lancinants, croisent un rythme dansant qui donne envie de courir dans le chaos avec le sourire en coin. Ce titre percutant figurera sur leur huitième album Let All That We Imagine Be the Light, prévu pour le 30 mai. 

OJOS – Adieu

On aurait pu penser qu’Ojos avait sorti tous ses clips mais c’était sans compter sur Adieu. Le duo formé par Hadrien et Elodie n’en finit plus de se mettre en scène !

Tel un voisin un brin voyeur avec sa paire de jumelles, nous assistons à la rupture. Elle depuis sa fenêtre, lui est dans la rue, occupant un banc. Chacun vit sa vie de son côté en avançant comme en miroir. Tifaine Joulié et Ojos ont travaillé main dans la main pour réaliser ce clip scénarisé qui prête à sourire offrant à cette chanson ce qu’elle a de coloré dans sa gravité.

Le duo a récemment raconté les coulisses de ce clip qui aurait dû être très différent. On vous recommande vivement de lire sur Instagram la petite histoire.  Tous ces éléments mis bout à bout témoignent de la sincérité inscrite dans le cœur du projet Ojos. Un rendez-vous clipesque qui fait plaisir !  

Emilie Loizeau – Eclaire-moi

La chanteuse Émilie Loizeau revient avec un clip intitulé Éclaire-moi. Près de six mois après son dernier clip, l’artiste partage un morceau poétique qui aborde la nuit sous toutes ces symboliques. Ce titre est construit comme une prière, une litanie dans laquelle l’artiste demande qu’on lui apporte la lumière. Eclaire-moi est un morceau doux, vaporeux, de variété, de chanson française qui frôle les accents jazz.

Cette luminosité évoquée par Emilie Loizeau, le réalisateur Romain Winkler l’a met en image. On aperçoit la musicienne et chanteuse face caméra en train de chanter. Les dindes sont noires et blanches.  Avec une prédominance pour le blanc, la lumière que mes en avant une photographie grainée. Eclaire-moi est extrait de La souterraine, le dernier album d’Emilie Loizeau, sorti en 2024.