La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Tout de suite, la première partie de notre sélection 285 des clips de la semaine.

CABADZI – La Fable
CABADZI ne fait rien comme tout le monde. Le duo était de retour ces dernières semaines avec 59 secondes, un rendez vous hebdomadaire qui a vu sa première saison se terminer le 30 novembre dernier.
Pour sceller cette première partie de leur histoire, CABADZI en profite pour affirmer son retour musical et dévoile cette semaine La Fable.
Et une fable, c’est exactement ce que CABADZI nous offre, une histoire courte, une leçon de vie percutante et liée à l’actualité et aux pensées du groupe. Le morceau démarre comme une sorte de comptine inquiétante et voit la musique gagner en rythme et en intensité.
Avec La Fable, CABADZI s’interroge sur notre monde mais surtout sur un dialogue qui devient de plus en plus impossible. Que reste-t’il quand on est incapable de discuter avec des gens qui ne pensent pas comme nous ? Deux robots qui récitent des discours qui n’impactent pas l’autre ? Des éclairs qui tonnent dans le silence et dont l’écho n’atteint personne ? Surtout, il reste la violence, celle qu’on finit par ne plus pouvoir surmonter et qui finit par briser des liens et l’existence elle-même.
Loin d’être manichéenne, la fable de CABADZI interroge, place ses héros face à leurs propres contradictions et pousse à ouvrir des brèches dans le chaos pour continuer à exister en tant que communauté.
La vidéo de Marian Landrieve nous entraine au plus près du duo. Dans un noir et blanc affirmé et une simplicité de façade, on regarde CABADZI évoluer avec ses instruments. Des incrustations animées laissent passer des images qui piratent le réel, qui transforment notre vision de ce qui se passe devant nous.
Deux garçons autour de leurs machines qui cherchent à trouver des solutions, à échapper à une réalité de plus en plus violente et intolérable. Comme toujours avec CABADZI la vérité se trouve dans la musique, dans ce qu’elle leur apporte et apporte aux autres. Une manière évidente de recréer un dialogue et de tisser à nouveau des liens.
Juste pour ça, on est heureux du retour de CABADZI.
You Man – Go Back To Paradise
Ce weekend, on s’offre un retour bien mérité en Calaifornie pour découvrir le fruit de la rencontre entre You Man et Loup Blaster autour de Go Back To Paradise.
Issu de leur dernier projet, Aftersome, Go Back To Paradise réuni tout ce qu’on aime chez You Man : une sorte de transcendance musicale, un morceau qui nous pousse au delà du réel et qui nous permet aussi un jeu de mot idiot entre la transe et la danse.
Car c’est sur ce terrain parfait que joue You Man, une musique à la fois hypnotique, efficace et dansante. Go Back To Paradise frappe le corps et l’esprit, ajoute des touches italo disco à une boucle répétitive et entêtante.
Et qui de mieux que leur camarade Loup Blaster pour sublimer le tout ? L’artiste pluridisciplinaire met au service du duo son sens de l’image, de la couleur et du découpage pour pousser encore plus loin les intentions de Go Back To Paradise.
On s’enfonce donc dans un univers hyper-coloré qui transforme le réel en univers de tous les possibles. On y rencontre des personnages qui voient au delà du monde, qui explore les univers et qui se réunissent pour danser et vivre.
C’est une aventure qui se vit au rythme des basses, où un univers se fissure pour en dévoiler un autre et nous inviter à l’explorer et à s’échapper pour trouver son propre paradis.
Josy Basar – Le chien
Alors qu’il sera en première partie de La Maroquinerie -complète) de Jeanne To la semaine prochaine, Josy Basar en profite pour dévoiler Le chien, nouveau single qui porte aussi le nom de son nouvel album attendu en avril prochain chez Coco Machine.
Basse répétitive, tension grandissante, rythme obsédant et poésie faussement absurde, le chien est un retour parfait pour Josy Basar.
Le chien à la noirceur musicale de ce qu’il raconte, une espèce de tension sourde, une colère froide qui se ressent dans la musique de tellement manière que même la voix de Josy Basar s’y transforme susurre comme un serpent qui cherche à séduire avant de mordre.
Car derrière le texte et les images qu’il amène se cache une charge à peine voilée contre le patriarcat et une société qui semble plus que jamais régresser vers le pire. Dans le chien, Josy Basar exprime à sa manière l’incompréhension face à cette violence qui continue de se diffuser, face à ce monde qui se replie dans des théories fumantes et dégueulasses.
Le clip pousse le côté surréaliste de la musique et nous entraine dans la nuit. Dans un plan fixe en noir et blanc, on observe Josy Basar évoluer au rythme de son morceau, proie dans la nuit et la noirceur, expulsant de lui dans une danse expiatrice et improvisée aux accents DIY prononcés.
Nikita Lev – Kill Her Mind
Les cordes du début de Kill Her Mind, premier titre de suspend l’EP de Nikita Lev sorti en octobre dernier, imitent presque les tics-tacs d’une horloge. Ou plutôt d’un compte à rebours. La première phrase du titre sonne comme une déflagration : “Feels like / I wake up / Having never loved anyone at all”. Nikita Lev veut sortir de ses pensées intrusives post rupture.
C’est à Paris que le clip de Kill Her Mind a été tourné, entre un appartement haussmannien, la station Saint-Michel de la ligne 4 et le Pont Notre-Dame. Les couleurs chaudes sont presque absentes des images dominées par un vert-bleu qui tourne autour de la dispute et de la rupture. Une rupture amoureuse jouée en duo avec le mannequin et photographe Adam De la Tour… Nikita Lev veut redémarrer la machine créative. Machines qui ont d’ailleurs beaucoup plus de place sur “suspend” qui abandonne le modèle folk jusque-là suivi par la new-yorkaise. Justement, on voit très bien la chanteuse utiliser “suspend” comme le blueprint d’un projet plus long où la machine devient organique.
Calamine – POLY
36 ans après la tuerie féminicide de l’École Polytechnique, les discours masculinistes et le symbolisme des trad wife gagnent du terrain. Les chiffres le confirment : chez les jeunes générations, le fossé idéologique se creuse, avec des femmes de plus en plus progressistes face à des hommes qui glissent vers des positions conservatrices.
Sur des basses lourdes et insistantes, Calamine répond par un texte frontal, irrévérencieux, qui appelle à la désobéissance face aux injonctions patriarcales toujours bien ancrées. POLY s’impose comme une charge directe contre les rôles genrés, les mâles alpha autoproclamés et celles et ceux qui crient à un féminisme “d’aller trop loin”. Quitte à déranger, Calamine choisit justement cette voie : un manifeste féministe sans compromis, porté par une colère maîtrisée et un humour noir tranchant.
Princesse – J’en prends encore
Vous ne connaissez pas Princesse ? Ce duo formé par Alfred et Aurélien, amis d’enfance, vient tout juste de dévoiler son premier album, Nouvelle Romance. Pour l’occasion, on s’intéresse à leur morceau « j’en prends encore ». À travers ce titre, les deux artistes explorent le thème du manque en filant la métaphore de l’addiction : le narrateur réalise qu’il est toujours accro à une histoire passée et tente d’apaiser ce manque sans jamais vraiment y parvenir.
Cette semaine, Princesse nous ouvre encore un peu plus les portes de ce morceau avec une live session où la sincérité et le désarroi se lisent autant dans les voix que dans les regards. Une interprétation dépouillée qui met en lumière la fragilité du texte et l’intensité de leur univers.
Flora Hibberd – Headlights
Headlights est le nouveau single de Flora Hibberd, dévoilé dans une version enregistrée en live au Studio Ferber à Paris le 20 janvier 2025, et extrait de la réédition deluxe de son premier album Swirl, parue le 6 février. Swirl — « tourbillon » — est un album qui parle de communication, thème intime pour cette ex-Londonienne installée à Paris depuis dix ans. Conçu comme « un enregistrement de ses sentiments », à la manière d’un journal émotionnel, l’album tisse un lien constant entre voix, ondes, radios et messages envoyés dans le vide. Headlights est une chanson bouleversante sur les relations conflictuelles, où l’amour flirte avec la mort, où le drame semble parfois être la seule langue possible. Flora Hibberd y confesse : “I don’t know how to do it any other way”, avant d’ouvrir, presque à voix basse, une brèche vers l’espoir — “With or without me, you will always be OK”.
Musicalement, Headlights est un bijou d’indie folk poétique, d’une élégance désarmante. La pedal steel guitar aérienne de Stew Crookes dessine de vastes paysages émotionnels, apportant une sensation d’évasion et de vertige, tandis que la voix grave et fragile de Flora Hibberd porte le récit avec une intensité feutrée. Elle chante comme on dirait un poème, en phrases libres et au rythme parfois saccadé. Chaque note semble suspendue, chaque silence chargé de sens. Le morceau avance dans un équilibre subtil entre tension et douceur, entre amour et perte, avant de s’achever sur cette phrase scandée comme un mantra lumineux : “You will always be OK”.
Le clip, simple enregistrement live capté au Studio Ferber, adopte une sobriété qui laisse toute la place au morceau, sans artifice. La caméra nous plonge au cœur de l’intimité du groupe, attentive aux moindres vibrations. Les plans d’ouverture et de clôture sur la pedal steel guitar ancrent la chanson dans quelque chose de presque tactile : on voit la musique naître, respirer, se jouer. Aucun détour, aucune mise en scène superflue. Un clip qui ne cherche pas à illustrer la chanson, mais à la laisser exister, et qui nous invite, le temps de quelques minutes, dans le tourbillon émotionnel de Flora Hibberd, là où chaque mot compte et où chaque note apporte de la lumière.
Flora Hibberd sera sur la scène de La Maroquinerie le 20 janvier prochain, une occasion précieuse de vivre Swirl en live et d’en découvrir toute la beauté, la délicatesse et l’intimité, au plus près de la voix et des émotions qui traversent son répertoire.
Persephone’s Revenge – Alright Alright
Persephone’s Revenge, c’est un duo qui s’est construit autour de deux personnages, Hiero et Eaurra, et d’un mythe revisité : celui d’une Perséphone puissante, qui ne laisse plus dicter sa place. Leur musique mêle électro-pop, rock et une esthétique sombre qui rappelle les codes du metal. Sur scène, tout devient performance : lumières, attitudes, énergie, comme une immersion dans leur propre royaume. Après leur premier album sorti l’an dernier, ils ouvrent aujourd’hui une nouvelle phase de leur univers. Alright, Alright en est le premier éclat.
Ce nouveau single reprend leur identité musicale : des arpégiators qui se frottent aux guitares saturées, un chant qui oscille entre refrains lyriques et couplets pop. L’ensemble dégage un mélange d’émotion et de tension qui fonctionne immédiatement. Le texte raconte une relation déséquilibrée, où les mensonges s’accumulent et où l’autre joue avec les limites. On y entend la volonté de reprendre le pouvoir.
Pour accompagner le morceau, le duo dévoile une live session réalisé par Ilias de Neon Noir Production. Hiero y incarne une figure brûlante et déterminée, tandis qu’Eaurra lui donne la réplique comme un partenaire inséparable. Cette énergie empruntée aux metalheads prend naissance dans un décor sombre, traversé d’éclats lumineux rouge qui renforcent la tension du morceau. Une manière d’annoncer que la nouvelle ère de Persephone’s Revenge commence ici.
Echo Says Echo – Stuck In Eternity
Echo Says Echo, c’est ce groupe parisien de post-rock qui avait déjà marqué les esprits avec un premier album en 2021. Leur spécialité : des morceaux progressifs qui prennent le temps de construire des paysages sonores où l’on se perd volontiers. Cette année, le groupe revient avec une belle annonce : un nouvel album, Aithaleia, prévu pour février 2026. Pour ouvrir la marche, ils dévoilent un premier single, Stuck In Eternity, accompagné d’un clip somptueux.
Stuck In Eternity nous ramène immédiatement dans leur univers, avec une guitare arpégée qui s’installe doucement avant d’être rejointe par une seconde ligne plus lumineuse et aérienne. Le morceau prend son temps, pose l’ambiance, puis bascule dans un passage beaucoup plus intense, où les saturations se mêlent à une batterie lourde et ample. Cinq minutes durant lesquelles le groupe joue avec les émotions comme ils savent si bien le faire. Si vous êtes sensibles au post-rock, vous aurez très probablement à plusieurs reprises la chair de poule en l’écoutant. Le clip a été réalisé en 3D par Thomas Baratte, le batteur du groupe, qui a tout animé lui-même, sans aucune IA. Le groupe insiste d’ailleurs volontiers sur ce point, comme un petit tacle à la tendance actuelle à générer tout et n’importe quoi artificiellement. Le résultat est superbe. On y suit un astronaute qui traverse différents décors, comme coincé dans une boucle sans fin, en quête d’une sortie ou d’un sens à ce voyage dans l’éternité.
Arthur Fu Bandini – Nos cœurs font du freejazz
Ca n’a jamais été mieux avant (vol.2) est désormais disponible partout ! Arthur Fu Bandini profite de cet heureux événement pour mieux le célébrer avec un nouveau clip, celui de Nos cœurs font du freejazz.
A prime abord, le garçon nous assène la phrase qui a donné lieu au nom de l’EP avec une instrumentation qui se veut déjà bien énergique pour mieux partir dans un mood hyper instable qui se traduit visuellement par un Arthur Fu Bandini qui vit sa musique plus qu’à fond. Micro à la main et son fidèle bob vissé sur la tête, le garçon est comme ensorcelé par son morceau. D’un noir et blanc fort en contraste, il bascule dans un univers coloré presque psychédélique.
Morceau super dopé, Nos cœurs font du freejazz est tel un moteur complètement débridé. On s’emballe avec Arthur Fu Bandini. On se laisse porter par une espèce de transe. Il n’y a aucun doute sur le fait qu’une fois joué sur scène, le morceau est promis à un avenir radieux où le public ne pourra pas se contenter de rester assis ! Par les temps qui courent, un morceau comme celui-ci est la porte ouverte au lâcher prise dont on a tous besoin.