Les clips de la semaine #31 – partie 1

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont à la fois fait vibrer ses yeux et trembler ses oreilles. Cette semaine encore, on a décidé de diviser notre sélection en deux parties, on commence donc avec la première partie de cette 31ème session des clips de la semaine.

Sébastien Tellier – Domestic Tasks

Il aura fallu attendre six ans depuis L’Aventura pour que Sebastien Tellier s’attèle à la confection d’un nouvel album. Domesticated, prévu pour le 29/05, signe le grand retour de l’artiste, bien qu’omniprésent ces dernières années sur des bandes originales de film ou autre collaboration. 
Le génie impose son retour avec un titre, Domestic Tasks, et un clip vidéo totalement psyché et absurde. 
La voix vocodée s’associe à merveilles avec le style d’animation du clip qui propulsent dans un vrai décor de Sims. La production est assez froide, propose quelques envolées bien électrifiantes. 
C’est l’étude de ce titre, celui de la rengaine éternelle des tâches ménagères, du quotidien, de la routine qui étourdit. Un éternel recommencement ou notre protagoniste, le léopard, part bosser la journée dans un désert décoré par un piano à queue, à la recherche de soucoupe volante accidentée. Le retour à la maison est alors le moment des tâches ménagères, des jouets des gosses qui traînent partout et des produits ménagers qui envahissent la déco. 
Sébastien Tellier s’attèle donc au sujet de la routine des tâches ménagères, de cet éternel recommencement du propre qui deviendra sale, quoi qu’on fasse, et de cette aliénation du chez soi bien rangé. 
C’est absolument absurde mais absolument fantastique

Alison Mosshart – Rise 

Si son nom vous dit quelque chose, ou que son visage vous est familier, c’est normal. Alison Mosshart est la moitié des Kills, la femme cachée derrière Baby Ruthless ou encore la chanteuse de The Dead Weather. Elle est partout, et elle revient désormais sur le devant de la scène en son nom. 
Pour l’occasion, elle nous dévoile un clip home made pour lequel, cloitrée dans sa maison de Nashville, elle a compilé des vidéos archives de voyage à Los Angeles. On alterne des plans de démonstration de véhicules old school à la manière d’une réunion de club de motards avec des plans où elle se confronte à la caméra. On la retrouve blonde, telle Kate Moss, l’eye liner en yeux de chat, avec un regard persan et une énergie caractéristique qui nous manquait. Le clip ressemble à un cross over de Peaky Blinders, propulsé au XXIème siècle dans le Los Angeles des gangs
Un retour en force pour un morceau bien rock qui annonce à merveilles son retour, d’ne manière épique et percutante. 

Camille Delean – Fault Line (Late July) 

Camille Delean revient pour tease son prochain album, Cold House Burning, dont la sortie est prévue le 5 juin, avec un clip pour le titre Fault Line. L’écriture de l’album a trouvé son inspiration dans l’isolation. En ressort un titre mélancolique et d’une douceur presque déchirante. La guitare folk marque le rythme, et la voix cristalline enjolive cette forme d’isolement raconté. 
Le clip n’est qu’un plan fixe sur des draps qui sèchent au vent, qui nous ramènent à une forme d’hypnose, fasciné par la danse silencieuse des draps. On s’imagine assis, seul, face à ces draps, à réfléchir, à se laisser aller à des dialogues internes, à éprouver cette solitude. 
C’est aussi une ode à ce que les artistes tireront de cette époque : que cette solitude imposée, cette mise à l’écart du monde, trouvera sans doute grâce dans les notes et les mots des musiciens. C’est l’avènement de l’isolement comme moteur à la composition
C’est très pur et très beau. 

Westerman – Waiting On Design 

Le londonien prépare également petit à petit la sortie de son nouvel album, Your Hero Is Not Dead, dont la sortie le 5 juin est très attendue. Pour combler notre impatience, il nous dévoile le clip de Waiting On Design
Centré autour de la thématique de la rupture, le titre se nourrit des plus belles inspirations du musicien. S’il démarre sur une forme de nappe synthétique planante et contemplative, le chant minimaliste et la guitare plus rythmée prennent en suite le relai, pour un titre alternant pop électronique et humeur froide.
Le clip propose une animation minimaliste, sur fond blanc, avec une mouvance de formes géométriques rouges, qui se tendent, se détendent, ondulent, se maculent de couleur, puis disparaissent.  Une interprétation visuelle de ce que crée la fin d’une relation, l’envie de s’accrocher, puis la rupture, la tentative de se retrouver, de se lier ensemble encore, puis de se laisser partir, enfin. 
Un clip à la hauteur de la superbe subtilité du génie de Westerman. 

Baauer – Planet’s Mad 

4 ans après le premier album de Baauer, Aa, tous les fans de musique électronique sont d’accord pour admettre que ce premier opus n’a pas pris une ride. La faute à un style des plus uniques, une volonté de pousser les limites de l’EDM dans l’expérimentation la plus totale sans oublier l’objectif de faire bouger des têtes. Après quelques singles dans la lignée de ses sonorités hallucinées, Baauer revient avec Planet’s Mad, morceau annonçant son prochain album du même nom qui sortira cet été.
Que penser de ce nouveau morceau ? Baauer surprend toujours par sa capacité à faire du banger avec minimalisme, sans pour autant tomber dans de la big room téléphonée. Le drop consiste en un pur enchaînement de lourdes percussions qui laissent progressivement place à une seconde partie du morceau, plus mélodique et expérimentale, qui rappelle de très bonnes choses de Aa, comme Sow. Le clip, quant à lui, est une bizarrerie, mi-glauque, mi-drôle, dont on commence à avoir l’habitude avec Baauer. Le DJ modélisé en 3D parcoure une ville en train de s’effondrer, envahie par d’étranges créatures dignes d’une vidéo de Cool 3D World. La vidéo finit par nous emmener sur la planète de ces monstres tout droit sorties d’une partie de Spore.
Baauer ne va jamais trop loin, Planet’s Mad est l’annonciateur d’une explosion musicale qui va, encore une fois, donner une claque à la scène électro prochainement.

Double Dose : The Weeknd – Until I Bleed Out

Léa :Album très attendu de ce printemps 2020, After Hours a fait une sortie fracassante et attendue il y a quinze jours. Si les thématiques abordées dans l’album ne nous sont pas étrangères, c’est bien parce que The Weeknd a repris les exacts sujets de ses précédentes œuvres. Au programme, infidélité, drogue et solitude. Du vu et déjà vu mais qui a su se renouveler grâce à ses mélodies aux ambiances 80s avec des envolées de synthés et de cuivres. Dans Until I Bleed Out, toujours vêtu de son costume rouge et emblématique de sa personnalité maléfique, Abel Makkonen Tesfaye semble rattrapé par ses vieux démons : la drogue, la fête, les femmes… Dans un clip à la réalisation soignée, on le voit subir plus que vivre et être en proie à une réalité devenue nébuleuse.

Thibaut : L’épopée de Abel Tesfaye, alias The Weeknd, continue dans ce cinquième clip de l’album After Hours, sur le morceau Until I Bleed Out. Après avoir parcouru la ville sous psychotropes, l’excentrique personnage incarné par le chanteur subit une descente terrible au milieu d’une fête à laquelle il ne semble pas comprendre grand chose : le sol bouge, les couleurs lui sautent aux yeux et cette fille qui le dévore du regard semble inatteignable. The Weeknd reprend ses esprits par intermittences, se rendant compte de son état, tant physique que psychologique. La lente mélodie, qui contraste avec les précédents morceaux, accentue la retombée d’énergie, la fatigue extrême. Sans comprendre où il se trouve, le chanteur finit par s’effondrer au milieu d’une plage après une soirée beaucoup trop étrange pour lui.
Plus productif que jamais suite à la sortie de son album, The Weeknd passionne son public à travers une série de clips surréalistes dignes d’un Las Vegas Parano. Mais ce nouveau clip ne semble pas apporter toutes les réponses au background de After Hours, la suite arriverait-elle bientôt ?

Nicolas Godin – Concrete and Glass

Pour la vidéo de Concrete & Glass, quatrième single de son album éponyme, Nicolas Godin nous propose des images des bâtiments et mobiliers urbains modernistes, autoroutes, poteaux télégraphiques, immeubles, usines ou encore stations-services, qui ont inspirés la conception des morceaux de son deuxième opus. Mais si les éléments montrés paraissent lourds et pour la plupart mornes, la musique est tout le contraire. Le musicien nous emporte avec légèreté et élégance en des sonorités aériennes rappelant Air (dont Godin est la moitié) où synthétiseurs et basse s’entremêlent pour un voyage galactique planant ponctué par la voix vocodée du chanteur. Morceau (et album) à écouter pour s’échapper du béton et du verre (« concrete and glass » donc) dans lequel nous somment enfermé.es.

Hania Rani – F Major

La pianiste polonaise Hania Rani que nous aurions du retrouver au festival Nouvelle(s) Scène(s) il y a quelques jours, dévoile cette semaine un clip pour son morceau  F Major. L’artiste nous livre un clip filmé en Islande, par moins 7 degrés, face au vent en plein mois de février. Sous l’œil du réalisateur et photographe Neels Castillon, trois danseuses se laissent emporter par les mélodies musicales de la pianiste. Le film conçu en une séquence, dans un paysage où tout semble possible, sans barrière, Fanny Sage, Mellina Boubetra et Janina Sarantšina nous livrent une hymne à la liberté, comme une échappatoire qui ne peut qu’être agréable en ces temps-ci. 
Entre montagnes enneigées, tempête de sable, la pianiste et ses danseuses semblent avoir trouvé l’équilibre parfait, comme deux éléments qui ne font qu’un. 
Si ce n’est pas encore fait, nous vous proposons de plonger et de vous échapper pendant presque cinq minutes, dans ce clip d’une beauté inqualifiable. 

Les Gordon – L.E.D 

Tout ce qu’il nous faudrait ces jours-ci, c’est bien du soleil et des amis. Marc Mifune, cerveau du projet électronique Les Gordon, l’a bien compris et nous propose un grand bol d’air frais vers des terres orientales dans son dernier album Altura, sorti la semaine dernière alors que le confinement battait son plein. Cette semaine, pour le clip de L.E.D, il a fait appel à son public pour illustrer le titre. Danses endiablées en mode selfie, emojis et animations en tout genre. Quoi de mieux pour résumer cette période de confinement propice à la procrastination et à ce genre de gadgets cocasses qui nous font oublier la distance sociale le temps d’un instant ? Le public de l’artiste rennais s’est donc prêté au jeu, donnant ainsi vie à un clip solaire aux allures de FaceTime géant et absurde avec tes potes. 

Clip Gogo Penguin – Kora

Deuxième single de leur album à venir, Gogo Penguin nous présente une version live de Kora. Ce morceau est inspiré d’un musicien de rue Londonien jouant de l’instrument Africain du même nom, point de départ de la recherche de Chris Illingworth qui a souhaité s’approcher de ce son au piano. Le trio Britannique nous livre une performance agrémentée de jeux de lumière qui soulignent les nouveaux effets qui s’introduisent dans leurs productions et qui devraient épicer le reste de l’album également… Ceci dit rassurez-vous, on retrouve les atmosphères extrêmement affutées auxquelles la formation nous a habitué jusqu’à présent. Ce qui marque systématiquement dans les performances de Gogo Penguin, c’est l’équilibre parfait entre subtilité technique et accessibilité mélodique qui permet de séduire aussi bien les néophytes que les amateurs de jazz les plus initiés. On a hâte de découvrir le reste de ce nouvel album à paraître au début du mois de Juin prochain.

Joysad – Coup d’avance

Après Hiver, le jeune toulousain Joysad revient avec un morceau hors-série Coup d’avance. Artiste prometteur, il réunit toutes les caractéristiques pour aller loin dans le monde du rap. En attendant il monte les échelons petit à petit en proposant plusieurs clips. Ce dernier a été tourné dans les rues de sa ville, on y retrouve donc l’ambiance propre aux villes du sud. L’artiste y traine avec ses proches, ceux qu’il côtoie au quotidien. C’est ce dernier qu’il met en avant dans ce clip, entre viré au studio, Fifa entre potes et visite de backstage, la vie de jeune rappeur à l’air de bien l’occuper. Que cela soit dans les paroles ou grâce au clip on en apprends plus sur Joysad, mais aussi sur la vie d’un jeune artiste émergeant. Cette vie qui est envié par beaucoup de monde est ici décrite avec réalisme, loin de vouloir vendre du rêve, joysad se retrouve partagé entre sa vie social et les impératifs de ce qui est devenu son métier. Et le rappeur a l’air de bien gérer sa nouvelle vie. 

Jacopo Planet – Silenzio

L’instant what the fuck de la semaine porte un nom : Jacopo Planet. Honnêtement à la première écoute, on ne sait pas vraiment quoi penser du bonhomme, on se demande clairement si on est face à Lorenzo qui se serait mis à l’euro-dance dopée au vocoder. Et puis après un premier fou rire nerveux, on écoute et malgré tout on se laisse porter par cette étrange mélancolie qui se dégage de Silenzio et de ce garçon qui mélange sans trop se poser de question le français et l’italien. Alors oui c’est assez spécial, oui il y a de forte chance que beaucoup soit rebutés par cet artiste étrange, et sans doute bien plus sincère que les cyniques pourraient le croire. Alors, on se laisse bercer, on danse et on pleure un peu. C’est sans doute ce dont on a besoin en ce moment non ? De la joie dans nos larmes, de la danse dans notre enfermement, des sourires sous nos cheveux qui poussent trop vite.

Hervé – Trésor

Si il y a bien une chose que le confinement nous a confirmé c’est celle-ci : on aime vraiment beaucoup la sensibilité de Hervé. Généreux à l’extrême, le garçon continue de dévoiler pièce par pièce un premier album qu’on attend de plus en plus. Cette semaine il a donc présenté Trésor, dans laquelle on retrouve sa ligne directrice : des beats qui tabassent et un amour sincère pour la chanson française. Dans ce titre, il se dévoile encore plus, parlant de ses maladresses amoureuses, du besoin de stopper les choses pour mieux se retrouver et repartir. Et pour mettre en image ce titre, Hervé nous propose une session live-confinée, en compagnie de Vincent et Stéphane, les deux musiciens qui devaient l’accompagner sur sa nouvelle tournée après deux ans de concerts solo. Une session à l’image du titre, chaleureuse et intime et qui nous donne vraiment envie de retrouver Hervé sur scène.

Mont Joseph – Dolce Baci

Sur la vidéo de Marianne Barthelemy plane un étrange brouillard onirique qui ne nous quittera pas. La réalité n’existe pas, ici nous naviguons clairement dans un fantasme, un cauchemar tendre duquel Mont Joseph a du mal à se défaire. Toute la fantasmagorie de Dolce Baci résonne dans ses notes mais aussi les images qui l’accompagnent : déterrer un souvenir, une histoire terminée, pour la nettoyer, la revivre et faire à nouveau exister ces réminiscences dont ont voudrait se débarrasser mais qu’on finit toujours par revenir caresser du doigt par nostalgie ou masochisme. La musique de Mont Joseph est une catharsis, lui servant à élucider les questions qui tournent et tournent encore dans sa tête, quitte à prendre la place de l’être en face de soi. C’est ce qui se déroule sous nos yeux, alors qu’il conte à nos oreilles ses souvenirs italiens, cette histoire d’amour fugace, Mont Joseph devient dans la vidéo le souvenir, l’objet de se culte étrange qu’il semble vouer à son amour perdu. Une bien belle manière de nous ouvrir les portes de son Paradis dont la sortie est prévue le 29 mai.

Half Moon Run – Sun Leads Me On (live in isolation)

Un clip de Half Moon Run : rien de tel pour égayer des journées qui paraissent parfois ternes, souvent longues. Le groupe nous propose une version live de Sun Leads Me On comme une brèche vers la liberté, quelques minutes d’évasion au son du tambour et de la guitare. Alors que cette période d’isolement commence à peser sur les âmes, le groupe créé à travers ce live une forme de solidarité et d’union, comme si tous ensemble, on se comprenait. L’atmosphère est chaleureuse, rassurante, reposante. Allongés sur une petite parcelle d’herbe pour les plus chanceux d’entre nous, le casque sur les oreilles et le nez vers le ciel, le soleil nous frôle et guide la mélodie, nous donnant l’impression que cette vidéo n’aurait pas pu arriver à un meilleur moment. Les 4 musiciens investis par leur musique nous livrent une version live parfaitement ajustée, équilibrée et vivante, qui n’a rien à envier à un enregistrement studio. Oublions le graphisme et les belles images que l’on recherche souvent dans les clips et concentrons-nous plutôt sur l’attitude des musiciens, preuve ultime d’une passion inaltérée et décuplée au vu des circonstances, et écoutons ce son qui nous pousse à chanter l’été à l’unissons, depuis chez nous.

Basile Palace – Audace

On termine notre première partie des clips de la semaine avec un garçon que vous avez déjà croisé dans notre sélection. En fin d’année dernière, on vous invitait à découvrir la naissance de Basile Palace. Le garçon est de retour en ce mois d’avril avec un nouveau titre Audace. On retrouve ce mélange qui nous avait déjà charmé auparavant : entre phrasé rappé et chant, rythme effréné et beaucoup d’humour pour un rayon de soleil musical qui nous réchauffe clairement le cœur. Donnant autant d’importance à sa musique qu’aux visuels qui l’accompagnent, ce bon Basile Palace fait aussi exploser les couleur dans la vidéo réalisée par Luca Lellouche entre promenade délirante dans Paris, sur un lit canapé accompagné de sa bouée donut et animations en mode jeux vidéo retro, le garçon à la casquette rose nous offre une bonne dose d’évasion et de sourires.