La Face B et Montréal, c’est une histoire d’amour qui dure. Et parmi les artistes québecois qu’on adore, Les Louanges figure en bonne position. On a donc profité de son récent passage parisien, avant que le monde ne s’arrête de tourner, pour aller à sa rencontre et parler de son dernier EP, de l’influence de sa vie sur ses paroles et de son désir de travailler avec des artistes français.
La Face B : Hello Vincent, comment ça va ?
Les Louanges : Bah très bien ! Encore un peu jet-lagged là. On est arrivés hier matin.
LFB : Tu as déjà joué à la maroquinerie en Novembre : tu es un peu à la maison du coup non ? Comment tu te sens quand tu viens à Paris ?
LL : Là je commence à être venus quelques fois, c’est quand même cool, j’ai été au Pop Up du Label, après j’ai été à La Boule Noire, là La Maroquinerie deux fois… C’est drôle parce que c’était pas le truc auquel je pensais, ça s’est rajouté assez tardivement ce show là. J’ai pas eu le temps de faire de la pub, je connais même pas le festival. Mais je commence à m’habituer, le quartier est super beau, on est plus pris dans fucking Pigalle, c’est nice.
LFB : Ton EP qui est sorti l’année dernière s’appelle Expansion Pack : est-ce qu’on peut dire que c’est un peu des titres qui font la transition entre la couleur de l’ancien album et ce qui s’annonce sur le prochain ?
LL : Bah c’est sûr, maintenant il y a une évolution là dedans. En même temps, je n’essayais pas non plus de me réinventer avec le truc, comme ça c’était assez facile. C’est relatif mais je suis bien installé, on est débrouillard et on a pas à attendre de faire imprimer des CDs ou des vinyles, on peut juste sortir ça sur internet et je trouvais ça intéressant parce que j’avais des trucs à dire, je vivais des trucs et c’est cool. On a fait un petit update en temps réel pratiquement, sur ce qu’il se passait dans ma vie, parce que la majorité des chansons parlent de moi en tournée. Arbois par exemple c’est un message vocal que j’ai reçu après une longue soirée, dans un coin de Besançon.
LFB : J’ai l’impression que l’évolution se fait assez naturellement, qu’il y a plus d’intentions électroniques, et que le rap prend plus d’importance sur les nouvelles chansons. C’est une indication sur ce qui va arriver, ou par rapport à ce que tu écoutais au moment où tu as composé les chansons ?
LL : En fait peut-être plus électro que rap, parce qu’il y a certains trucs que tu apprends toujours un peu des choses que tu as faites. Moi j’écoute pas mal de Vampire Weekend tantôt, Denzel Curry… j’avais envie de me faire du fun aussi avec l’EP. Ce qui est cool c’est que j’ai quand même eu la sympathie des rappeurs à la maison, sans avoir à être un rappeur, je pense que je vais rester dans cette veine là, car je crois que le monde n’a pas besoin d’un autre rappeur de toutes façons. Surtout que moi je n’en suis pas un, j’irais pas à 100% rappeur, je crois que je me tannerai à la langue, je continue à essayer d’être entre les deux. Je suis vraiment dans un genre de musique plus électronique, ça va être beaucoup plus expérimental.
LFB : Sur une chanson comme Drumz, tu rappes finalement dessus.
LL : Ouais ouais, ça c’est cool à faire en show. Celui qui fait le featuring avec moi il me suit en tournée. C’est vraiment cool, il y a pas longtemps j’ai fait un de mes plus beaux show dans ma ville natale, c’était une date supplémentaire dans une salle d’un peu plus de mille personnes, encore sold out. Il est venu pour le rappel, on a fait cette chanson là et on avait des espèces de gros geysers de fumée qui partaient, c’était complètement fou. Mais je sais pas si je vais continuer dans cette veine là. Peut-être plus dans la vibe de Parc Ex sur l’EP, c’est comme la grande oubliée et moi c’est ma préférée. C’est là que je veux plus m’en aller je pense.
LFB : Quand on écoute ta musique en général, on sent que tu as une formation professionnelle, orientée jazz, qu’il y a une vraie ambition dans le son, mais j’ai l’impression qu’avec cet EP tu te libères plus au niveau des paroles. Je ne vais pas dire que c’est moins cérébral, mais j’ai l’impression que l’écriture est plus fluide que ce que tu as pu faire avant.
LL : C’est intéressant que tu dises ça car moi j’ai aussi l’impression que je suis allé beaucoup plus dans le personnel sur l’EP, beaucoup plus proche de ce que je vis tous les jours. Avant c’était beaucoup caché dans la fiction avec l’album, en même temps il y a pleins de trucs, allerdans le personnel ça inclut des gens, des vraies personnes, et puis ça ça a des impacts dans la vie réelle. Mais je pense que mon idéal dans la vie, autant au niveau musical qu’au niveau des paroles, c’est d’aller chercher un peu plus la simplicité. Une simplicité organisée, avec de la profondeur, et j’essaye le plus possible de moins m’oppresser et de mettre plus de sens, plus d’énergie, d’émotions dedans.
LFB : Les Louanges, c’est toi, donc Les Louanges c’est Vincent : est-ce qu’il y a une différence entre Vincent et Les Louanges ? Est-ce qu’il y a une distinction complète ou est-ce que ça devient de plus en plus flou, du fait que ton écriture est de plus en plus personnelle ?
LL : Ouais le fait aussi que ma vie est complètement changée et je me fais reconnaître dans la rue, j’intègre progressivement qu’au Québec certains cercles de gens cools, les acteurs pi les trucs, je commence à en faire partie. J’arrive à un certain niveau où les gens de ton niveau, tout le monde se connaît un peu. Malgré moi je deviens un peu ce personnage là, mais en même temps il n’y a jamais eu de personnage. Ça devient mon identité, quand même, mais ça a toujours été ça quelque part et j’ai tellement toujours travaillé sur ma musique que ça fait partie de moi. Ça ne me dérange pas trop.
LFB : Le fait de revenir en France et d’être un peu inaperçu, ça te remet un peu les pieds sur terre non ?
LL : Ah c’est toujours bon pour l’ego une petite tournée en France. Par contre à Paris c’est vraiment cool, enfin je ne sais pas pour ce soir parce que moi j’ai connu des derniers mois un peu rock’n’roll, puis j’ai pas trop fait de pub pour ce show là, mais là c’est un festival, j’ai aucune idée de à quoi ça va ressembler. La dernière fois c’était vraiment cool, mais après aller faire un show au fin fond de la Normandie c’est sur que c’est bon pour l’égo. Lille c’était fun, un petit endroit, mais c’était quand même plein et les gens appréciaient. Et c’est un autre public quand même en France j’ai l’impression ce qui fait que c’est fun aussi en tant qu’entertainer, c’est cool.
LFB : Et si tu as moins d’attentes, tu peux peut-être plus te lâcher en France que tu ne le ferais au Québec.
LL : Ah bah par exemple au Québec les attentes ça me craint. Là y a plus de limites. maintenant ça me donne envie à chaque fois d’aller plus loin, parfois au risque d’abimer ma santé. Ce que je trouve intéressant ici c’est qu’admettons, les français sont un peu plus réservés quant à leur réaction je trouve, et ça vaut même avec les limites de son, nous on a pas ça à la maison. C’est rare qu’ils faillent faire attention de baisser le son. Après aussi ça fait que je donne beaucoup de show remplis, et les gens sont un peu échaudés, et faut que je deal avec une crowd complètement en état d’ivresse. Ça c’est un petit combat.
LFB : En parlant du live et du son, ce que je trouve cool dans ta musique c’est que, quand on te voit en live, le son est plus ample et plus imposant que ce qu’il est sur l’EP. C’est important pour toi de jouer avec des gens, de venir avec ton groupe ?
LL : Je sais pas moi, car c’est un truc qui nous surprend toujours un peu en Europe, que ce soit difficile d’embarquer sur des tournées. Ça serait plus logique que je fasse la première partie d’artistes qui sont plus gros que moi au lieu d’aller jouer devant 30 personnes au fin fond de la Bretagne, et en même temps le coût de plateau est cher et moi j’ai un background de musique live, j’ai une certaine fierté à dire que, de plus en plus avec l’EP, je fais de la musique de laptop mais avec un band, et il y a peut être aussi le fait qu’on est chanceux d’avoir un bon programme de subventions au niveau de la culture au Québec, du moment où tu chantes en français.
C’est vraiment aussi entre autre grâce à ça, et le fait que ça marche très bien à la maison, je prends l’argent que je fais et je l’investis pour tourner ailleurs. Et en même temps il y a un gros investissement dans la tournée : en ce moment je suis dans le rouge du show, tout va super bien, je vais me faire défoncer par l’impôt cette année, mais mon budget show est complètement dans le rouge. Je ne sais pas, il y a quelque chose où on a tendance à oublier aujourd’hui l’importance peut-être, le plaisir que ça peut procurer d’avoir de la musique live. C’est pas parfait, mais c’est ça qui est cool.
LFB : C’est pour ça moi les deux fois où je vous ai vu, ce que j’ai aimé c’est que tu vois qu’il se passe des choses et que ça peut vriller complètement dans le bon sens comme dans le mauvais. J’ai l’impression que tes musiciens collent vachement aussi à ce que tu fais, si tu vas prolonger une chanson, partir en impro ou te jeter dans les gens.
LL : Oui ils vont me suivre. Je dois quand même cette philosophie là à celui qui est passé tantôt avec le bob, c’est mon saxophoniste, et c’est avec lui que je réalise les trucs. C’est lui qui a monté le band en fait, c’est un peu comme si c’était le grand frère et que je me tenais avec ses amis. Lui c’est des gens avec qui il joue depuis 10 ans, depuis qu’il est arrivé au Québec en fait, car c’était un franc-comtois, un bisontin. Pour cette tournée là on a deux remplaçants aux drums et à la basse. Mais c’est comme des punks du jazz un peu, d’autres qui ont toujours fait qu’à leur tête et on jamais voulu avoir de laptop dans les jambes. Mais on reste quand même actuels et on veut être capables de produire le même son qu’un laptop, mais en live. Il y a des bands qui sont 12 et qui jouent dans les salles sur le plancher avec leurs propres amplis, leurs propres sons. Ils viennent juste eux même s’installer. Il y a aussi cette philosophie là de se dire qu’on veut faire de la musique et qu’on ne va pas commencer à tchiper sur des trucs, on va donner un show, c’est de la musique, jouer par des musiciens. Pourquoi c’est les musiciens en premier qui sont coupés dans le budget tu vois ? Parce que là tu regardes pleins d’artistes qui commencent et un mec comme Voyou ça fonctionne bien, mais j’étais surpris que sa musique il la fasse en solo (au Québec ndlr). J’ai fait la première partie de Vendredi Sur Mer, et c’était impossible d’avoir un band ce qui fait que le band a écouté le show. On s’organise là, on est capable d’arriver en 30 minutes et de repartir en 30 minutes et en même temps je ne suis pas chez moi, je nesais pas c’est quoi la vibe, et on est des invités quoi. Somme toute Vendredi Sur Mer c’est une nice fille, son équipe aussi.
LFB : Je voulais revenir sur les personnes que tu as invité sur l’EP : c’est quelque chose que tu vas réitérer ? Et en quoi ça t’intéresse d’avoir une différence dans la voix sur ta musique ?
LL : C’est ce qui m’a fait comprendre que j’étais dans mon coin, et que le rap c’est pas trop rendu, c’est trop rock encore. Et le hip hop qu’il y avait c’était du rap de gangster de blancs, en banlieue de Québec. Moi je voyais pas trop, je me demandais à quoi ça servait d’avoir un pitbull et un gang. C’est pas difficile de ne pas vivre cette vie là. C’était plus pour le fun d’écrire, un peu plus à la A Tribe Called Quest. C’est les gods. Maky je le trouve trop bon, et Je trouvais ça intéressant car lui est francophone mais rappe en anglais. Il vient de l’ouest de la ville. L’anglais vis à vis du français c’est un gros sujet, depuis très longtemps, et en même temps il y a des trucs comme les francophones la majorité ils sont quand même blanc, et ça fait qu’il y a des gens qui sont réfractaires à apprécier les gens qui ont pas la même couleur de peau que toi. Ce qui fait que des gens comme Maky ,qui a grandi à Montréal, ne se sent pas québécois nécessairement. Il parle en français, ses parents sont tahitiens et canadiens, mais il rappe en anglais. Il y a comme une espèce de solitude et je trouvais ça intéressant. Je veux pas sonner comme un sauveur non plus, c’est pas mon but, mais dans le fond je pourrais juste résumer ça en disant que Maky est très bon, c’est un gars de mon âge qui fait partie de la scène Montréalaise, et c’est ça aussi Montreal, c’est bilingue.
LFB : Est-ce qu’on peut parler du clip de Drumz que j’ai trouvé complètement incroyable, qui explose les codes du hip hop et qui est à la fois hyper drôle dans ce qu’il se passe à la fin. D’où t’es venue cette idée là, toi qui déboule avec tous tes prix là ?
LL : Ce qui est drôle c’est que j’en ai pas gagné tant que ça, et quand on a tourné le clip je m’attendais à en recevoir plus. (rires) Ce qui fait qu’il y a un petit côté ironique de leçon de vie. Mais ouais je trouvais ça drôle. J’avais déjà expérimenté le côté vraie vie avec le clip avant, Attends Moi Pas, qui est juste un documentaire, mais ça faisait longtemps que je voulais faire un clip avec un lance flammes, je savais pas trop quoi faire, et j’étais genre si il y a une chanson qui s’y prête ça va être celle là. Ce qui est fun c’est que tu peux regarder ça comme un diptyque : il y a les deux côtés de la tournée, Attends Moi Pas qui est un truc plus sérieux et Drumz c’est carrément on est on tour et ça représente plus quand ça vire dans les show. Et c’est malade de jouer avec un lance flammes. Mais j’ai pas brûlé le gars pour vrai, c’était un jeu de caméra, mais c’était drôle de pouvoir jouer. J’ai brûlé mes cils pendant le tournage. Il doit tellement y avoir de produits chimiques dans mes poumons à cause de ça. À cause des explosions qui étaient générées en arrière, j’ai comme des brûlures dans mon cou, et le tournage a été super long. Ça a commencé à 7h le matin, et à 7h le soir c’était fini, et je suis revenu directement à Montréal pour aller à Tout Le Monde En Parle qui est l’émission la plus écoutée au Québec. J’ai pris ma douche dans les loges de radio Canada.
LFB : Ça m’a fait un peu pensé au personnage de Di Caprio dans le dernier Tarantino.
LL : C’est drôle parce qu’il était pas sorti encore, et moi ça fait pas longtemps que je l’ai vu et j’ai compris pourquoi tout le monde me disait qu’il fallait que je regarde Once Upon A Time In Hollywood.
LFB : On a une sélection sur le site qui s’appelle Bons Baisers du Québec où on met en avant des artistes québécois, car on les aime beaucoup : est-ce que tu as des artistes à nous faire découvrir ?
LL : Y a Maky qui vient de sortir son album, et il est fantastique At Least My Mom Loves Me. Il y a des gros trucs, et là dessusil y a pleins d’artistes qui sont intéressants, c’est plus des artistes qui chantent en anglais sur cet album là, Sophia Bell une chanteuse qui fait des supers trucs. Il y a Mon Doux Seigneur qui a sorti un truc un peu americana, un peu country, et c’est vraiment beau, c’est un ami à moi. Sinon À la Clair Ensemble ça doit pas être trop inconnu. Y a un gars qui s’appelle Robert Robert, qui fait mes premières parties, il va sortir un album, ça va être vraiment bon, et il a déjà sorti un EP et ça va être en français ça va être vraiment nice. Il a signé sur un label aussi à Paris,il y aurait un beau potentiel avec un public français.
LFB : Et ma dernière question c’est qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour le futur ?
LL : Je ne sais pas, je pense que ça peut être cool si ça peut marcher ici, je mets beaucoup d’efforts quand même. On verra; Mais je suis capable d’avoir encore de l’énergie, j’aimerais bien faire des collaborations ici, des gens avec qui je lance des perches. J’arrête pas de lui écrire sur Instagram, je suis un grand fan de Johan Papaconstantino, j’adore ce qu’il fait. Ou sinon Yseult, qui a fait ma première partie à Québec. Et je l’aime bien, je l’ai invitée à faire du studio avec moi. La chanteuse de l’Impératrice aussi m’a écrit sur instagram, elle m’a entendue à France Inter et elle avait full aimée, et j’étais là genre «ah ouais j’ai hâte de te rencontrer à Marseille».