Lesram, avec peu il fait beaucoup

La vie n’a pas vraiment été un long fleuve tranquille pour Lesram. Porté par son amour inconditionnel du rap, il en a fait son outil de survie. Remarqué par la critique, c’est petit à petit et sans trop faire de bruits qu’il impressionne et déroute par une technique implacable. Depuis les rues du Pré-Saint-Gervais, il continue de mettre son quotidien en mots sur son nouvel opus : Du peu que j’ai eu, Du mieux que j’ai pu.

Le titre sonne comme une introspection, ce qui, au vu des précédentes sorties du rappeur parisien peut étonner. Effectivement, sur Wesh Enfoiré (sa précédente mixtape, ndlr), Lesram contait plus les vices et espoirs de son écosystème que ses propres aspirations et désillusions. C’est dans cet esprit qu’il poursuit pour l’ouverture de son tout premier album : un rap froid qui met plus l’accent sur la technique que sur l’émotion. L’esprit qui habite sa musique règne sur cette introduction et met directement dans le bain les amateurs de sa musique. Tours de passe-passe textuels, schémas de rimes mathématiques et rage au corps viennent habiter les trois premiers morceaux du projet avant qu’un changement s’opère. Avec Aperçu, il vient donner à son authenticité une dose d’introspection inédite. Cette fois ce n’est plus son quotidien qui balise le morceau, mais bien le passé turbulent qui l’a mené jusque là. Sans perdre sa maitrise, il la transpose sur un autre terrain plus personnel. Si on pouvait lui reprocher de rapper comme un robot sans émotion, il prouve ici qu’il attendait simplement le bon moment pour le faire.

On m’avait averti, le vice avant la vertu mais j’te raconte pas toute ma vie, c’est juste un aperçu

Lesram – Aperçu

S’en suit, un morceau tout aussi symbolique puisque qu’il s’agit d’une collaboration avec son frère de toujours PLK. Les deux hommes ont évolué au sein du collectif Panama Bende dont le spectre plane autour de ce disque puisque l’introduction, Du peu que j’ai eu a été composée par Elyo, autre ancien membre du groupe.
100x, c’est l’occasion pour les deux rappeurs de regarder brièvement dans le rétroviseur et de se féliciter du chemin parcouru. Le tout avec une alchimie qui ne semble pas avoir bougé d’un poil.

Le projet se poursuit et la balance s’équilibre entre le récit de vie de Lesram et ses images percutantes. Des sujets qu’il transpose sur des productions toujours aussi froides, modernisant le boom-bap et la trap qui balisait ses anciens morceaux. Une ouverture qui lui permet d’appuyer sa seule et unique envie : celle de rapper. Effectivement, peu importe l’instrumentale : glaciale, percutante, texturée ou encore lancinante, il s’y adapte en posant son flow singulier avec des placements d’une justesse presque mécanique.
Une ouverture qu’il poursuit en s’essayant de temps à autre à la mélodie comme sur le morceau Histoire du quartier.

Dans la parfaite continuité de Wesh Enfoiré, le rappeur du 93310 poursuit discrètement mais surement son chemin. Sans trop s’exprimer, il est devenu un rappeur respecté aussi bien par le public que par ses collègues. Détaché de l’industrie actuelle, il nage à contre-courant des plans marketings bien huilés qui pullulent en ce moment pour livrer un rap viscéral aussi authentique que son mode de vie.
En portant sa musique sur d’autres terrains sans la dénaturer, il livre un premier album complet qui appuie là où il excelle le mieux tout en laissant un terrain de jeu encore large à explorer pour la suite.

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