[Live Report] Alvvays : NEVER FORGET !

Les fans du groupe canadien méritent la palme d’or de la patience. Voilà désormais cinq années que le groupe Alvvays n’a pas foulé les terres françaises et la dernière fois était déjà au Trabendo. La Face B a eu l’immense privilège de les voir hier soir et d’en garder des souvenirs qu’on n’oubliera jamais. Retour en texte et en image.

C’est en 2011 que Molly Rankin, leadeuse et chanteuse du groupe, rencontra peu à peu les autres membres à Toronto. Ils étaient encore loin d’imaginer qu’en quittant le Cap-Breton pour la métropole, ils allaient se retrouver en 2023 au Trabendo devant des fans surexcités de les voir ! Et ils en ont bavé pour y arriver car ils ont accumulé de petits jobs pour payer leurs premières tournées. Comme quoi, nous voir, ça se mérite !

Bien entendu, le public attend les classiques des deux premiers albums Alvvays (album éponyme) et Antisocialities. Cependant, la troisième et dernière sortie en date, Blue Rev, apparaît comme la reconnaissance totale de leur talent. Plus rock, plus énervé, plus électrique, plus joyeux, le quintet n’a pas pour autant perdu de son sens mélodique qui mêle à la perfection nostalgie et sentiments. Fort logiquement, Blue Rev fut acclamé par l’ensemble des médias spécialisés comme la Face B (et oui, on assume!) Vous l’aurez compris, les superlatifs ne vont pas manquer dans cet article.

Si les fans ont attendu 1924 jours pour les admirer sur scène, seront-ils d’accord pour rajouter une demi-heure d’attente pour la première partie Katie Malco ? L’artiste anglaise suit le groupe sur l’ensemble de leur tournée et propose un indie rock intimiste. En tout franchise, nous ne connaissons pas l’artiste mais on est prêt pour la découverte ! Les premiers titres sont très plaisants. La guitare rugit par moment. Mais il fait chaud, l’intérieur du Trabendo est une fournaise. De plus, le temps estival qui se marie avec la terrasse du lieu nous pousse à profiter de cet air frais tout en appréciant d’un peu plus loin le concert. Le merch nous tend les bras et la bière est trop rafraîchissante. Vingt minutes avant le début du concert, on se place là on peut dans une salle remplie et électrique.

Une musique cérémoniale amorce ce show qui sera millimétré en temps et en justesse. Alvvays défend essentiellement Blue Rev et balance sans vergogne les tubes de l’album tel que Pharmacist et After the Earthquake dès le coup d’envoi. Les bonnes surprises s’accumulent vite : la qualité sonore du live retranscrit à merveille la version studio. Le rendu est donc aussi propre que pro. Cet élément est terriblement important à prendre en compte lorsqu’on joue autant sur les émotions. Très vite nous sommes emportés par les harmonies teintées de mélancolie du groupe. Un technicien est spécialement attribué aux très nombreux changements de guitares de Molly qui cumule une petite collection de cinq de très haute gamme. Tout cela afin d’assurer une véritable fluidité dans le live ainsi qu’un rendu musical exceptionnellement fidèle. Un tel dispositif démontre bien qu’Alvvays grimpe en standing.

Pour ne pas frustrer ses fans, la formation mélange savoureusement Blue Rev avec ses classiques. Alors que notre corps tremblait déjà aux vibrations de After the Earthquake, Molly prononce ses premiers mots en français pour saluer son public déjà conquis. In Undertow se lance aussitôt et les premiers fredonnent de la salle se font entendre sur ce premier single de Antisocialities. La joie de changer en choeur « There’s no turning » se mêle à des pointes de tristesse. Magique

Many Mirrors et Very Only Guy sont défendus très rapidement et sans difficultés avant de retourner vers le mythique Adult Diversion. Ces morceaux power-pop s’articulent de manière cohérente entre eux et sans interruption. Leur durée moyenne de trois minutes nous donnent l’impression que la discographie du groupe ne contient que des bangers. Y’aura-t-il un temps mort ? En tout cas, Alvvays jouera dans la soirée tous les morceaux du dernier album. Le choix peut paraître risqué mais il est divinement bien opéré. La formation a dû assister aux concerts de Placebo pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. D’une part, Blue Rev est un album exceptionnel, d’autre part, le groupe complète la setlist par huit titres des deux premiers albums. Simple et intelligent. 

Il y a également une autre explication. Les membres du groupe se sont renouvelés de manière mystérieuse ces dernières années. Alvvays est désormais un quintet à 80% féminin. La batteuse Sheridan Ridey au sourire radieux s’éclate littéralement. Sur son visage, s’opposent les diverses projections de l’écran qui ne semblent nullement la gêner. Une belle révélation. Quant à la nouvelle bassiste, Abbey Blackwell est restée plus discrète en se plaçant au fond de la scène et à gauche de Sheridan. La claviériste Kerri MacLellan, dont la police de l’habillement aurait pu intervenir pour son T-Shirt Hard Rock Café, intervient plus régulièrement depuis Blue Rev grâce à ses touches de synthés aiguës qui viennent donner ampleur et rythmique à la guitare. À l’image du morceau Tyle by Tyle qui marque une rupture entre la ballade de Molly Rankin et l’intervention cathartique de Kerri. L’audience est totalement hypnotisée par ce moment collégial de toute beauté. 

Si on essuie quelques larmes devant ces notes magnifiques et un tantinet joyeuses, on s’effondre de larmes quand Alvvays revient à ses premiers amours. Le public crie de satisfaction en entendant les prémices de Not My Baby et se met de manière étonnante à applaudir sur les rythmiques de la batteuse. Étrangement, on sent notre esprit emporté dans nos rêveries tandis que notre corps se relâche entièrement en bourdonnant le morceau. Impossible d’élever la voix tant celle de Molly Rankin est déjà à une perfection inatteignable. Le groupe nous ressaisit avec Hey, morceau plus punchy et dont l’enchaînement avec Not My Baby se retrouve également sur Antisocialites.

Le paroxysme de la soirée se tient sur la suite tout autant magistrale que maligne de Fourth Figure, Archie, Marry Me et Pomeranian Spinster. La première se lance dans un silence de cathédrale, porté par le duo Molly et Kerri. Ce court titre surprend par son atmosphère intimiste. Il s’agit pourtant de la meilleure amorce pour leur tube Archie, Marry Me qui fera lever en l’air tous les smartphones de la salle. Impossible de se retenir sur le refrain. C’est beau, putain. Les lyrics des deux morceaux évoquent le même thème : l’attente de l’être élu. Ils sont donc tellement connectés. Les sanglots sont proches, les têtes oscillent et sur le dernier drop toutes les voix s’emballent sur « Hey, hey, Marry Me« . Encore une fois, Alvvays ne souhaite pas nous voir au fond du précipice et lance leur titre le plus rock’n’roll Pomeranian Spinster. Ça fait du bien de danser un peu.

Le groupe ne fera pas l’impasse non plus sur l’autre masterclass Dream Tonite qui émerveillera tout le monde. On aurait pu imaginer le set se finir par cette ballade romantique mais le groupe avait pour objectif de finir le rappel avec Next of Kin et deux autres morceaux de Blue Rev : le sublime Velveteen et le très bien écrit Lottery Noises.

Il est impossible de ne pas évoquer la pièce maîtresse de ce concert : la leadeuse Molly Rankin. On ne lui trouve que des qualités en plus de porter un t-shirt de The Damned. Il s’agit très certainement de la plus belle voix de la scène pop rock actuelle. C’est assez impressionnant de l’entendre sur Tyle by Tyle partir dans des aigus pour retourner subtilement sur un octave avec un souffle totalement maîtrisé. Époustouflant. C’est aussi elle qui, derrière cette panoplie instrumentale, pose ses influences de folk celtique. On l’entend très distinctement sur le dernier morceau avant le rappel Saved by a Wait. Ses interventions rares entre les morceaux sont à l’image du groupe : sensibles et adorables. Sous la chaleur étouffante de la salle, elle demanda au public la traduction de sauna en français. Évidemment, les nombreux « On t’aime » en guise de réponse ont résumé assez bien la classe à la française. Enfin, devant toute cette technicité musicale, elle s’excuse de prendre dix secondes pour régler sa pédale. C’est touchant.

Le concert se termine au bout de 22 titres sur une 1h15 d’émotions non stop (mieux que RFM). Les larmes de la foule sont partagées dans le calme et l’euphorie. Alvvays est parvenu à transmettre ses idéaux musicaux afin de nous transcender. La salle était pleine à craquer et la file d’attente pour le merch après le show fut interminable. Chacun souhaitant repartir avec un petit bout d’âme du groupe. Sans aucun doute, on les reverra très vite dans une plus grande salle parisienne. Le groupe canadien a su jouer de son charme pour nous faire passer le meilleur dimanche soir de notre existence. Merci !

Crédit photo : Cédric Oberlin