Le Festival Chorus débute la saison des festivals chaque année, et celle-ci n’a pas échappé à la règle. C’est la journée du samedi, composée d’une line-up exceptionnelle composée exclusivement d’artistes rap, qui a attiré notre attention et à laquelle nous nous sommes rendus.
Le festival boulonnais a fait son retour cette année à la Seine Musicale avec une nouvelle édition caractérisée par une programmation pertinente et moderne au possible. Comme à son habitude, la line-up met en avant les musiques actuelles, et quoi de mieux pour l’illustrer qu’une journée entière dédiée au rap ! À guichets fermés, le samedi relève ce pari aisément, d’autant plus réussi que la programmation est particulièrement pointue et parvient à réunir artistes confirmés et nouvelles pépites attendues au tournant par la critique.
On ne compte en effet pas moins d’une trentaine d’artistes qui s’enchaînent durant la soirée, parmi lesquels on retrouve notamment les superstars rap du moment dont Josman, Guy2Bezbar & Leto, et Jok’air, ainsi que plusieurs rookies pour lesquels c’est l’occasion rêvée de faire leurs preuves sur scène, dont font partie Nes, Lazuli, ou encore Winnterzuko et So La Lune. Un programme très dense (pour notre plus grand plaisir) s’annonce, et des choix s’imposent donc inévitablement : retour sur les artistes qui nous ont le plus marqué lors de cette nouvelle édition.
Aussitôt arrivés, c’est avec le concert de Bianca Costa, jeune rappeuse aux refrains entraînants, que l’on a entamé le festival. Programmée sur la Grande Seine, scène principale du site, elle réussit au bout de quelques morceaux seulement à charmer une salle remplie qui l’accompagne en chantant à tue-tête.
Alternant entre messages d’acceptation de soi, danses, et discours touchant sur son pays d’origine, le Brésil (dont on aperçoit d’ailleurs des drapeaux et maillots de foot ramenés par ses fans les plus investis), on est rapidement conquis et emballés par la rappeuse sans grande difficulté. L’artiste conclut sa performance par une belle surprise qui fonctionne et ravit le public, puisqu’elle ramène un casting d’exception pour l’accompagner sur le titre Ahoo : Chilla, Davinhor, Le Juiice, et Vicky R nous font cadeau de leur présence pour terminer le show en beauté.
La journée se poursuit dehors, sur la Scène du Parvis, où l’on retrouve Winnterzuko pour une de ses premières performances en festival. Il vient défendre sur scène les morceaux issus de son premier album, Winntermania, sorti seulement deux semaines avant, ce qui n’empêche pas quelques fans aguerris de déjà connaître les paroles sur le bout des doigts .
Le rappeur s’en sort très bien, surtout au vu du temps qui commence à se gâter mais qu’il ne laisse pas le déstabiliser pour autant. Il nous livre une performance très brute, sans artifices, comme à son habitude. L’artiste est rejoint par son backeur et ami de toujours, Madou, grâce à qui il se lâche de plus en plus au fil du concert et insuffle une énergie au public qui s’adonne à des pogos et sauts en continu jusqu’aux dernier titre.
Proche de son public, il prend le temps de les remercier plusieurs fois de s’être déplacés pour le voir, presque comme s’il n’y croyait toujours pas : on le sent honnête et réellement touché. Cette dimension personnelle et très humaine s’accentue d’autant plus qu’il introduit sans réticence l’histoire derrière certains des morceaux qu’il joue et nous permet de connaître le sens que ces derniers ont à ses yeux et pourquoi il y transmet autant d’émotion.
À peine la fin du dernier morceau de l’artiste retentit-elle que nous nous empressons de nous diriger vers la Grande Seine pour ne pas louper ce qui est sans aucun doute l’un des concerts les plus attendus de la soirée : Leto & Guy2Bezbar. On le remarque directement en entrant dans la salle, noire de monde avant même le début du concert. Peu surprenant au vu des deux têtes d’affiche, qui s’apprêtent à nous livrer un show plus qu’impressionnant du fait de l’énergie et de la cohésion sans faille qui règne sur scène.
L’arrivée des deux rappeurs sur scène suffit à déchaîner le public, qui fait trembler le sol quelques secondes seulement après que les premières notes raisonnent. Excellant déjà dans la performance de leurs morceaux solos, la réunion des deux rappeurs sur les titres de leur projet commun, Jusqu’aux étoiles, les rend inarrêtables. C’est presque à se demander si on a déjà vu un duo aussi fusionnel sur scène.
55 minutes de show durant lesquelles ils font preuve d’une énergie sans faille et prennent chacun le soin d’interagir un maximum avec leur public, mettant en place plusieurs jeux scéniques auxquels le public, autant en gradin qu’en fosse, est très réceptif. Un réel sans-faute qui restera sans aucun doute parmi les performances que l’on a préféré de la soirée.
20h50 : la nuit commence à tomber, c’est l’heure pour So La Lune de faire son apparition sur scène devant un public impatient. Assez timide, l’artiste est accompagné par un proche qui s’occupe d’interagir avec le public pendant qu’il se concentre uniquement sur la performance de ses morceaux. Un choix de garder le silence qui peut certes au premier abord être assez déroutant, mais qui se révèle astucieux puisqu’il permet au rappeur de conserver l’aura mystérieuse qui règne autour de son art et fascine la critique.
So La Lune livre une performance tout à fait convaincante, sublimée par la présence de plusieurs rappeurs invités pour l’occasion. Une surprise qui en ravit plus d’un puisque Captaine Roshi et Lujipeka viendront tour à tour interpréter leur featuring avec le rappeur, avant d’enchaîner avec un morceau solo issu de leur discographie, pour le plus grand plaisir du public qui gagne trois performances en une.
Quelques couacs se laissent quand même entrevoir au fil de la soirée, notamment lors du concert de Jok’air qui doit faire face à plusieurs problèmes de sons durant sa performance sans pour autant se laisser abattre puisqu’il se rattrape en mettant l’accent sur les interactions avec le public. Il fait en effet monter sur scène une vingtaine de fans émerveillés pendant son titre Anniversaire, leur passant même son micro à quelques occasions. L’artiste ne s’arrête pas là puisqu’il prend le temps de descendre de la scène lors de son dernier morceau afin de saluer son public près des barrières et de prendre quelques photos avec eux.
Cette deuxième journée à Chorus se termine toutefois sur une note très positive puisque c’est Josman qui vient la conclure en nous proposant un final très réussi.
Après avoir joué devant un Zénith complet en octobre dernier, il enchaînera l’année prochaine avec une date complète elle-aussi au sein du mythique Bercy. Il s’agit donc certainement ce soir de l’une des dernières occasions de voir la star montante du rap français en si petit comité, de quoi réjouir ses fans les plus déterminés qui l’attendent de pied ferme près d’une heure avant le début de son show, préférant s’assurer une place au plus près de la scène quitte à rater d’autres performances.
On constate avec plaisir qu’une certaine attention a été portée à rendre la scénographie pertinente, dont l’esthétique rappelle celui de M.A.N, le dernier album de Josman : des télévisions brisées s’accumulent, un écran géant surplombe la scène… La setlist est également brillamment divisée en plusieurs mash-ups selon ses albums, ce qui lui permet de présenter un show très diversifié en seulement une heure.
On regrettera peut-être un peu trop de play-back, quelque peu rattrapé par le public très emballé qui rend le manque de performance moins flagrant et nous le fait même presque oublier.
Habitué du festival, l’artiste souligne durant un discours assez touchant la fierté et même le véritable accomplissement que jouer sur la plus grande scène de Chorus représente pour lui aujourd’hui. En effet, il avait déjà eu l’occasion de jouer sur la plus petite scène lors de l’une des premières éditions du festival, puis sur la Scène du Parvis en 2019, avant de finalement atteindre cette année le graal que représentait la grande scène pour lui lors de ses débuts.
C’est avec des étoiles plein les yeux que l’on quitte cette journée de festival chargée, qui appuie évidemment la volonté de Chorus de s’imposer comme un festival majeur en Île-de-France, ce pour quoi il est définitivement sur la bonne voie au vu du succès des dernières éditions. On a déjà hâte de le retrouver l’année prochaine, en espérant que la programmation soit aussi qualitative que cette année et nous en (re)mette plein la vue !