Love Heart Cheat Code, une ode à l’amour selon Hiatus Kaiyote 

2024 aura été une année riche en révélations musicales, ainsi qu’en véritables explosions créatives. Certains albums continuent à nous questionner sur notre fameux “album de l’année”, tant leur ambition est titanesque. Et l’album d’aujourd’hui en fait partie. Parmi les pépites les plus intéressantes de l’année, aujourd’hui on va vous expliquer pourquoi vous DEVEZ absolument écouter le dernier album du groupe Hiatus Kaiyote, du nom de Love Heart Cheat Code.

Cover de l'album "Love Heart Cheat Code" de Hiatus Kaiyote
@rajniperera

Un groupe énigmatique

Avant de rentrer dans le vif du sujet, il faut d’abord poser un contexte. Hiatus Kaiyote, figure phare du Neo-Soul, est un groupe acclamé par son public et des légendes comme Erykah Badu et Questlove. Le groupe australien fascine par sa créativité débordante, avec des albums uniques et un parcours marqué par des collaborations avec Drake, Kendrick Lamar, et un superbe album solo de Nai Palm. Cependant, en 2018, Nai Palm annonce un cancer du sein. Cette épreuve transforme drastiquement sa manière de composer. En 2020, guérie, le groupe sort Mood Vaillant, un 3e album plus spontané et expérimental, acclamé malgré son audace. Le cancer a changé la vision de Nai sur la vie et l’amour, un thème central de leur 4e album : Love Heart Cheat Code.

Savoir réunir le plus d’univers possible

Love Heart Cheat Code est un album obnubilant, d’abord par son travail de production. L’album est orchestré en collaboration avec un gigantesque nom de la musique : Mario Caldato Jr., membre des Beastie Boys, ayant aussi travaillé avec le chanteur Seu Jorge, Björk, ou encore Yoko Ono. Ici, le maestro du son appuiera grandement sur le côté informe, occulte et distordu des morceaux de l’album. Chaque son renferme en lui quelque chose d’imperceptible, de brumeux qui rend le message d’autant plus frappant. L’album veut nous parler d’amour, un sentiment abstrait difficilement compréhensible et explicable. De fait, le groupe choisira une couleur mystique, sensorielle mais diablement chaleureuse.

On y retrouve ici toute la magie du groupe : une fusion parfaite. Fusion entre la voix à la limite de l’ésotérisme de Nai Palm, Paul Bender et Perrin Moss. Les trois artistes parvenant à poser une consistance, une épaisseur rassurante dans leur synergie. L’un à la basse, l’autre à la batterie. Mais surtout les talents absolus de Simon Marvin. L’artiste offre un cadre de Jazz fusion aux allures électro comme peu savent le faire. Ensemble, le groupe a su infuser une Neo-Soul moderne, puisant dans mille et une inspirations. Le tout, voulant parler de l’amour le plus pur, sur base du champ lexical du cosmos. 

Voyage intersidéral

Commençant l’album avec le sublime Dreamboat, l’interprétation de Nai Palm nous emporte directement dans cet univers grandiose. Un choix lexical très restreint, ici le but est de faire comprendre simplement l’ambition du projet. Vient ensuite le titre Telescope, et l’envie de construire un album aux sonorités spatiales se fait sentir. Ici, on comprend qu’on ne se limite pas à parler d’amour simple, mais plus précisément de sentiment d’euphorie. Make Friends lui, s’inscrit dans une démarche plus traditionaliste du genre. Si plus tôt, nous parlions de Mère Badu ce n’était pas pour rien. Le groupe en est fan, et ce titre est un pur produit de Baduizm, gigantesque classique du genre.

La thématique de l’amour absolu y est traduite ici de manière à la fois enfantine, mais aussi métaphysique. Que ce soit dans le texte de Everything’s Beautiful, qui questionne notre perception de la beauté, que ce soit sur le titre éponyme, optant pour un morceau contemplatif, et optant pour une instrumentale distordue, ou encore sur How To Meet Yourself, fabuleux dans sa rétrospective, tout est fait pour perdre l’auditeur dans un espace-temps incompréhensible et inoubliable. Et sa plus grande qualité se portera évidemment sur sa durée, 36 minutes, concluant sur un véritable chaos auditif jouissif, sur le titre White Rabbit qui pousse ce voyage jusqu’à l’extrême, nous poussant nous-même dans nos derniers retranchements.

L’album est un pur bijou, n’hésitant pas à nous perdre dans un déluge sonore. Il fait partie de ces œuvres qui décident de prendre un parti radical sur la manière de parler d’amour, à l’aide d’une forme extraordinaire, où tout se base sur la sensation de se perdre dans un univers inconnu, dans l’ambition du groupe de parler de leur vision de la vie, plus libre et joyeuse. 

L’ambition derrière l’œuvre

Au fil de leur interview, le groupe a souvent fait référence à un “écosystème”, expliquant que chaque détail apporté à l’album ne sert pas simplement un aspect sonore, mais une véritable diégèse. Et parler d’écosystème est véritablement pertinent. L’album offre un voyage sensationnel, une prise d’altitude vers notre monde, dans l’optique d’explorer, d’expérimenter de nouvelles choses. Le mix y joue d’ailleurs beaucoup, parce que si on a souvent parlé de distorsion, de sonorités cosmiques, il faut aussi comprendre que le tout fonctionne parce que le mix offre une lourdeur, une apesanteur totale aux morceaux. On y ressent toute la profondeur de par ce choix de la lenteur dans les sonorités, et de l’épaisseur dans le mix. Et pour ça, on peut évidemment remercier le génie de Mario Caldato, déjà expert dans le domaine, qui s’est occupé du mixage final de l’album. 

Love Heart Cheat Code est une nouvelle pierre à l’édifice de Hiatus Kaiyote, nous remplissant de joie et d’amour. Parce qu’après tout, il ne s’est jamais agi que de ça, d’amour. 

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