Derrière ce nouveau projet musical, se cache un artiste aux multiples casquettes : ingénieur du son, co-fondateur du label Pain Surprises (Jabberwocky, Salut C’est Cool, Miel de Montagne…), multi-instrumentiste insatiable. Après nous avoir éveillés à ses Plus Beaux Matins (son premier album sorti en 2020 sous le nom de Petit Prince), Elliot Diener revient avec un nouveau nom MaMaMa, de nouvelles envies et un nouvel opus intitulé Hier sera meilleur.
S’il dort peu, Elliot réfléchit beaucoup. Des pensées émergeant entre chien et loup (et accessoirement oiseau) donnent naissance à des sentiments qu’il prend soin d’organiser et de mettre en musique. Des chansons empreintes de nostalgie, mikado de souvenirs souvent tendres, parfois acerbes. Hier sera meilleur entretient la mémoire des moments passés qui construisent la personne que l’on est devenue, avec ses qualités et ses failles. Jamais dans la démonstration, toujours dans la suggestion, la composante intemporelle et universelle des chansons fait que l’on peut aisément se les approprier en y calquant nos propres histoires.
Simples, mais efficaces, les morceaux se structurent autour de lignes mélodiques aux teintes délicatement psychédéliques où musiques et chants se répondent dans des boucles qui s’étirent ou se referment sur elles-mêmes. Des boucles que l’on garde longtemps en tête et qui reviennent ensuite subrepticement, marquant peut-être les prémices d’un effet MaMaMa. Les instruments organiques utilisés – violoncelles, clarinette, saxophone… – apportent chaleur et justesse à la narration musicale des morceaux. Hier sera demain se pose – avec toutes ses références chronologiques et antichronologiques – comme un disque immémorial – plein et entier – qui nous emporte loin dans un voyage intérieur.
Juste avant la sortie de son album nous sommes allés à la rencontre de MaMaMa. Nous avons discuté de son nouveau projet, de son album et de l’évolution de ses aspirations.
La Face B : Bonjour Elliot, comment vas-tu ?
MaMaMa : Ça va. Même si faire de la musique c’est dur et faire de la musique seul, ça l’est encore plus. Mais ça va. Franchement, je n’ai pas à me plaindre.
La Face B : Depuis ton dernier album publié sous le nom de Petit Prince, il s’est passé beaucoup de choses. Tu as changé de nom, monté un nouveau label… Quelles ont été les étapes de ce renouveau ?
MaMaMa : J’ai sorti mon premier album sous le nom de Petit Prince sur le label Pain Surprises. C’était aussi le label que j’avais créé avec Étienne [Piketty], mon associé depuis quasiment 12 ans. Je pense que l’on est arrivé au bout de notre relation. On s’est dit qu’avant que les choses ne se dégradent d’un point de vue amical, on devait faire chacun nos routes. On a gardé Pain Surprises mais en exploitant seulement le back catalogue, sans faire de nouveautés.
Je n’ai pas immédiatement recréé un autre label parce que j’avais d’abord envie de me focaliser sur mon projet artistique. C’est ce que j’ai fait – déjà – en changeant mon nom. Je ne me voyais pas vieillir en continuant à m’appeler Petit Prince. C’est un nom que l’on m’avait proposé et que j’avais accepté, car je le trouvais cool et qu’il marchait bien avec ce à quoi je ressemblais et ce que je dégageais à l’époque. Mais les choses ont changé et j’ai voulu m’approprier un peu plus mon projet. C’est très limitant d’avoir un nom de projet qui est associé à un personnage.
La Face B : Mais c’est un personnage très ouvert qui véhicule un imaginaire énorme.
MaMaMa : Oui, mais qui est déjà construit. C’est un personnage qui collait très bien au moment où j’ai fait mon premier morceau. J’étais un peu perdu, en tant que jeune naïf, dans une nouvelle galaxie de la vie adulte. Maintenant ce n’est vraiment plus le cas. Je suis quelqu’un de beaucoup plus drôle, plus cynique. J’ai des traits de personnalité que je n’arrivais pas à mettre en avant dans ma communication parce que je m’appelais Petit Prince. Je trouvais cela déroutant. Et ça a été mûrement réfléchi parce que le fait de changer de nom a cassé beaucoup de choses. On perd en visibilité. Ça a été une grosse décision.
Et après – le naturel revenant au galop – j’ai recréé un label [Byebye Records]. Au fur et à mesure des rencontres – je traîne beaucoup avec les artistes – je vois qu’ils ont besoin d’aide. Donc ça vient là. J’ai des connaissances qui me permettent d’aider les artistes. Et c’est plus fort que moi ! Ainsi j’ai eu envie d’aider Albert Newton [que l’on connaissait auparavant sous le nom de Gussstave] à la première sortie de notre label. C’est un label que j’ai créé avec ma femme, Florine, qui travaille également chez Grand Musique Management. C’est donc venu assez naturellement. Créer une structure pour sortir mon nouveau projet et pour ensuite aider d’autres artistes.
La Face B : C’est vrai qu’avec une expérience chez Grand Musique Management elle doit avoir une vision 360.
MaMaMa : Elle a toujours le pied dans l’industrie alors que moi plus trop. On se sépare les rôles de façon intelligente. Avec Etienne on faisait un peu tous les deux tout et c’était dur d’avoir chacun son indépendance. Or là on a chacun nos spécificités.
La Face B : Tu t’occupes de la direction artistique, je suppose.
MaMaMa : Oui et j’apporte aussi l’argent qui vient de Pain Surprises.
La Face B : Tu prévois d’inclure d’autres artistes sur ton label.
MaMaMa : Oui et justement le rendez-vous d’après est avec une artiste dont je tairais le nom. On aimerait beaucoup qu’une artiste femme nous rejoigne parce qu’on est deux hommes [Albert Newton et MaMaMa] et amener un peu de pluralité fait toujours du bien.
La Face B : Avec MaMaMa, qu’est-ce que tu as souhaité mettre derrière ton nouveau projet ?
MaMaMa : Ma personne. Essayer d’y retrouver un personnage qui me ressemble plus. MaMaMa est un mélange en la « Mama », la mère italienne, et « Mamama », la grand-mère alsacienne. Deux cultures qui forment mes racines. J’ai un arrière-grand-père italien et mon berceau familial se situe en Alsace. Et puis, esthétiquement je trouve que c’est un très beau nom. Je l’imagine avec beaucoup de choses graphiques avec cette redondance – MaMaMa – très proche du son que je fais, très répétitif avec ses échos et ses réverb.
La Face B : Tu as gardé un lien avec l’Italie ?
MaMaMa : Malheureusement, non. Souvent, j’essaye de me mettre à l’italien. J’apprends à parler avec des applis. J’écoute des podcasts. Mais c’est impossible d’apprendre une langue – à moins d’être ultra motivé – si tu ne la pratiques pas. Ce qui fait que souvent j’abandonne.
La Face B : Pour en revenir à ton album et à son nom. Hier sera meilleur, c’est faire ami avec le passé pour mieux se projeter dans le futur ?
MaMaMa : Cela correspond à un penchant nostalgique – lorsque l’on parle du passé – que j’ai souhaité transformer en quelque chose de positif. J’ai voulu jouer sur ambivalence.
Hier sera meilleur est aussi un morceau nostalgique de l’album qui parle d’une personne qui a fait partie de ma vie et qui a beaucoup de mal à avancer. Je vivais avec quelqu’un dans un tout petit appartement – 8 ou 9 m² – dans le 18e au dernier étage d’un immeuble. Récemment en passant dans la rue j’ai regardé. Il y avait toujours les mêmes plantes. J’ai compris qu’après ces années elle était toujours là.
La Face B : Le titre de ton précédent album Les plus beaux matins avait lui aussi une accroche temporelle.
MaMaMa : Ce sont des choses qui viennent naturellement. Ce n’est pas issu d’une réflexion.
La Face B : Cela provient de ton inconscient.
MaMaMa : Je ne cherche pas à avoir un storytelling marketé qui dirigerait mon album. Ce sont simplement des captions, des photos d’émotions. Il n’y a pas d’explications particulières au titre Hier sera meilleur. En tout cas, cette phrase a évoqué quelque chose chez moi et j’espère que ce sera également le cas à d’autres personnes.
La Face B : Ce qui marque de prime abord dans ton album, c’est la place importante laissée aux instruments « organiques ». Une mue que tu avais déjà entamée avec « Les plus beaux matins »
MaMaMa : En fait, je viens de là. Petit, le premier album que j’ai aimé était celui d’un best of de Beethoven. J’adore les instruments organiques. J’essaye d’utiliser des techniques de production très modernes en utilisant ces instruments. Mais je ne suis pas allé jusqu’à utiliser de vieilles bandes, tout est très numérique. Je fais des boucles.
Ce n’est pas une contrainte que je me suis imposée. Mais quand on fait de la musique tout seul, c’est agréable de se caler des idées ultras théoriques qui permettent d’avoir un semblant de cadre. Mais qui serait assez large pour qu’il ne soit pas un frein au processus créatif.
C’est un cadre complètement arbitraire que je me suis donné. J’ai retiré des parties jouées avec des synthétiseurs et j’ai travaillé avec un arrangeur : « Cette mélodie on pourrait la faire jouer par un violon » « Ça, on pourrait le faire au piano » « Cette partie, comme c’est une suite d‘accords on pourrait faire un arrangement avec… ». Et petit à petit, cela a donné ce qui est dans l’album.
La Face B : Quel a été l’apport de l’arrangeur par rapport à ce que tu as proposé en première écoute ?
MaMaMa : Ce serait intéressant de te faire écouter les deux versions, mais c’est un travail d’arrangement assez classique où on enlève des pads qui jouent des accords et on remplace ces notes par de la basse, du violoncelle, la note du milieu par l’alto…. Je caricature.
La Face B : Tu n’en as pas profité pour pousser les morceaux vers d’autres directions ?
MaMaMa : C’est assez proche. Les structures n’ont pas bougé, mais ce sont les textures qui sont différentes.
La Face B : Tu as travaillé avec des musiciens issus de la « musique savante ». Comment s’est déroulée cette rencontre, cette collaboration ?
MaMaMa : C’est par mon voisin de studio, Jordan Costard, un excellent violoncelliste. C’est lui qui a trouvé cette troupe. Ce sont des amis à lui, provenant du monde de la musique classique. C’est tout un milieu. On est allés au studio de JB Dunckel de Air, le Studio Atlas dans le 19e. Et on y a passé deux jours.
J’ai souhaité ne faire que des prises stéréo. Je n’ai pas isolé les instruments. Je les ai positionnés au sein d’une structure un peu étrange. Dans la musique classique, on met les instruments graves à droite et les aigus à gauche, du plus grave au plus aigu. Là, je les ai mélangés en mettant l’aigu au milieu et les graves, un à gauche, un à droite. On avait un quintet de cordes parce que je voulais deux violoncelles, une clarinette basse, une clarinette, un saxophone et aussi un euphonium – un petit tuba. On avait choisi l’euphonium pour les parties basses et étonnamment, c’est dans les aigus qu’il était le plus intéressant.
La Face B : Et tu as joué personnellement du violoncelle sur le disque ?
MaMaMa : Il y a deux ou trois trucs de moi, notamment sur le morceau en italien [Il mondo è pieno di parole].
La Face B : Ensuite, un autre élément fort de ton album, c’est l’intime des thèmes abordés. J’ai l’impression que tu as eu envie de te dévoiler.
MaMaMa : J’ai essayé d’avoir des textes clairs. Je veux que l’on comprenne de quoi je parle. Je me suis souvent basé sur des situations ou des histoires vraies. Cela, je souhaitais que cela transparaisse.
La Face B : Et pour autant on ressent à son écoute un sentiment de sérénité.
MaMaMa : On fait tous un travail sur nous. Je réfléchis beaucoup la nuit quand je ne dors pas. Je pense à mes relations avec mes parents, mes amis, avec ceux que j’aime. J’essaye d’être bouddhiste au plus de ce que je peux. C’est-à-dire, ne pas être dans des sentiments négatifs. Le fait de perdre des amis – pas au sens de mourir – mais de s’en éloigner, comme un ami d’enfance perdu de vue, c’est quelque chose qui peut être difficile.
J’essaye de voir ma vie comme une entièreté et de me dire que ce n’est pas parce qu’une chose n’est plus dans le présent qu’elle ne peut plus encore m’habiter de manière positive. J’essaye de garder le positif de mes relations. Même s’il est vrai que pour rester dans une certaine forme d’honnêteté, mes textes peuvent, parfois, prendre un aspect un peu abrupt.
La Face B : Dans tes morceaux tu insères aussi des bouts d’enregistrements. D’où proviennent ils ?
MaMaMa : Ce ne sont que des enregistrements que j’ai effectués. J’enregistre beaucoup de choses. Ce ne sont que des mémos.
La Face B : Des bribes de souvenirs ?
MaMaMa : Oui. En fait, je regarde dans mes vidéos et j’extrais le son. Pour la chanson sur ma chienne [Joséphine qui clôt l’album], j’ai regardé toutes les vidéos que j’avais d’elle et j’en ai retiré des sons. J’adore faire ça, souvent en intro. Il y a un morceau – Dannazione – où j’avais un énorme extrait d’un passage radio, je l’ai enlevé dans sa version finale.
La Face B : Et quand il n’y a plus les mots, il reste les instruments comme le passage au saxophone à la fin du morceau Message à toi-même. Et justement en reprenant le titre de ce morceau, quel serait le message que tu souhaiterais laisser à toi-même ?
MaMaMa : Le message que j’essaye de suivre en ce moment, c’est… La sortie de mon premier album a été assez dure, car ça a été beaucoup d’énergie mise dans un album qui est sorti pendant le Covid. Ça a été très, très dur. J’ai mis énormément de temps à refaire de la musique parce que cela m’a profondément touché. Là j’essaye de me focaliser sur les choses essentielles. Pas sur ce que j’entends retirer personnellement de la musique, mais déjà être en accord avec moi-même.
Je fais de la musique, je raconte des histoires et j’adore faire ça. Même si c’est très dur parce que si je fais de la musique tous les jours et des choses bien, je n’en fais vraiment pas tous les jours. C’est le cas pour beaucoup de musiciens, à l’exception peut-être de Paul McCartney. Lors de ces moments où je n’ai pas envie de faire de la musique, j’ai l’impression que mon existence devient vide. C’est ce qui est très dur. Quand je n’ai pas envie, je me dis « Waouh, pourquoi suis-je sur terre ? ». Et ça, cela peut être vertigineux.
La Face B : Que fais-tu quand cela t’arrive ?
MaMaMa : Je vais vers des choses techniques. Je regarde des vidéos de tutos. Comme je joue de beaucoup d’instruments, j’essaye de prendre du temps pour les pratiquer. Ou alors, je regarde des tutos de mix.
La Face B : On en a un peu parlé tout à l’heure, le dernier morceau de ton album est un hommage à Joséphine.
MaMaMa : Oui, ma chienne Joséphine est morte. Je l’ai eue de 20 à 30 ans. Elle représente aussi une sorte de moment de ma vie.
La Face B : Et puis au-delà de l’affection que tu lui portais, elle a été source d’inspiration avec en particulier la chanson Chien Chinois qui a déclenché plein de choses.
MaMaMa : Oui, elle a été ma muse. Je ne voulais plus de chien après elle. Et puis, pour la petite histoire, lors d’un voyage au Monténégro, j’ai croisé dans la rue un chien abandonné. Je l’ai ramené avec moi. Et cela a été une excellente décision parce que c’est un chien extraordinaire.
La Face B : La sortie de ton album coïncidera presque avec ton concert de la Boule Noire (on croise les doigts). Comment as-tu prévu de le faire vivre sur scène ?
MaMaMa : On sera trois sur scène. Aucune bande, tout est réarrangé pour le live. On joue tout. C’est important pour moi parce que les lives que je préfère sont ceux des années 70 où ce n’était pas produit, où il n’y avait pas de bandes. Les concerts qui m’ont donné le plus d’émotion dans ma vie de très loin, ce sont ces concerts. C’est donc le parti que j’ai voulu prendre.
La Face B : Guitare, clavier, batterie ?
MaMaMa : C’est cela. Un batteur qui ne fait que de la batterie. Un claviériste qui joue un peu comme les Doors, main droite synthé lead et main gauche synthé bass. Et moi, guitare-voix.
La Face B : Et pour finir, que peut-on te souhaiter ?
MaMaMa : De pouvoir continuer à faire de la musique, d’être dans l’expérimentation et ces questionnements que j’adore.
Hier sera meilleur, le premier album de MaMaMa sort aujourd’hui, ce vendredi 1er mars. Allez le découvrir !
Il sera en concert le 12 mars dans la très belle salle de La Boule Noire à Paris. Son envie de jouer sur scène est tellement grande que ce serait vraiment dommage de le louper. On s’y retrouve ?
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