On suit Mélissende depuis quelques temps désormais. En live d’abord et désormais avec Ailleurs, son EP qu’elle a dévoilé il y a un mois. Un écrin de douceur pour des tumultes intimes. On a longuement échangé avec Mélissende de sa musique, de l’importance de la voix, de son entourage et de la douceur dans la musique et dans la vie.

La Face B : Bonjour Mélissende, comment est-ce que ça va ?
Mélissende : Et bien tu m’aurais posé cette question hier, ça allait super et tu me la poses demain je pense que ça va bien mais là c’est un jour entre les deux pour être honnête.
LFB : Je sais que tu portes ces chansons avec toi depuis un petit moment. Et je me demandais ce que ça te faisait de sortir cet EP ?
Mélissende : Oui je crois. Donc oui il y en a vraiment beaucoup qui m’accompagnent depuis un petit moment. Et je sais pas, elles sortent vendredi mais j’ai l’impression que ça fait déjà un petit moment qu’elles ne m’appartiennent plus.
Donc je suis plutôt tranquille avec ça. Ça va. Pas de stress particulier.
LFB : Il y a un truc que j’ai trouvé hyper intéressant autour de cet EP qui s’appelle Ailleurs et qui est quelque chose de visuel. Et en fait tu fermes les yeux sur les pochettes de tous tes singles.
Mélissende : Tu as remarqué ? Je pensais que ça passerait inaperçu.
LFB : En fait ils sont grand ouverts sur la pochette de l’EP et j’ai l’impression que pour moi ce que ça dit c’est qu’il est temps de un peu de quitter ton confort intérieur et d’affronter les regards comme dans le morceau.
Mélissende : Oui c’est vrai. Déjà je suis touchée que quelqu’un ait remarqué qu’il y avait un petit lien de pochettes. Parce que ça s’est un peu construit tout seul en vrai. Je pense qu’il y avait une sorte de petit repli et ce regard ouvert. Je voulais montrer que non seulement je regardais à l’extérieur mais comme le titre s’appelle aussi Ailleurs, il y avait aussi un truc où je porte mon regard sur ce qui peut se passer autour de moi. Parce que le regard que j’ai posé à l’intérieur de moi ça y est, je l’ai fait. Il y avait un peu ce contraste là.
LFB : Et puis il y a un côté un peu onirique aussi sur les pochettes qui est un peu dans la musique mais qui l’est moins que sur un morceau comme Que les Rêves par exemple.
Mélissende : Oui c’est vrai. Les photos c’est Capucine de Choqueuse avec qui j’ai eu la chance de faire plusieurs fois des shootings et c’est ce que j’aime bien chez elle. Elle amène toujours une petite brume je trouve dans ses photos. Quelque chose d’un peu magique et j’aimais bien. J’aime bien l’esthétique qu’elle apporte. Ça m’a parlé. Il fallait que ça corresponde à quelque chose de doux. Et puis j’aime bien aussi ce qu’on montre et ce qu’on cache.
Il y a un truc un peu comme ça dans ces petits effets de lumière et tout ça ça laisse apparaître aussi autre chose que juste moi. Ça raconte quelque chose et ça me plaît bien.
LFB : Il y a une sorte de voile un peu.
Mélissende : Oui c’est ça. On ne peut pas complètement m’attraper quoi.
LFB : Mais qui perce à travers la musique malgré tout.
Mélissende : Complètement. C’est une musique qui n’a pas de voile. Qui est très premier degré sur les émotions.

LFB : Tu avais sorti ce morceau que des rêves quelques temps avant de lancer l’EP et j’ai l’impression que sur ce morceau là il y avait encore une espèce de voile et que c’est aussi pour ça qu’il n’est pas sur le tracking list de l’EP.
Mélissende : Oui c’est vrai qu’il y avait cette idée de voile et c’était un moment où musicalement en tout cas je cherchais à tendre un peu vers quelque chose comme ça. Par exemple sur Que les rêves j’avais une référence. Elle n’est pas très connue mais elle s’appelle Anne Brun. J’aime beaucoup ce qu’elle fait. C’est une chanteuse islandaise je crois. Il faudra vérifier la source. Et bref il y a un truc très très vaporeux comme ça qui s’étend tout le temps.
Et en fait, surfait là sur cette EP j’avais envie de quelque chose de plus direct. Mais parce que je pense que j’assume plus mes chansons et que j’avais envie que ça soit moins distendu avec les gens. Parce que j’avais l’impression que ces chansons là finalement c’était compliqué d’attraper quelque chose.
Donc c’est plus un cheminement et aussi parce que Que les rêves elle a fait son petit chemin. J’avais envie qu’elle reste un petit single isolé comme ça.
LFB : C’était un peu un pont j’ai l’impression.
Mélissende : C »est une transition. Il vient d’une période où j’ai fait un EP qui n’est jamais sorti, qui a fini à la poubelle, puisque j’ai rencontré une équipe avec qui ça s’est très mal passé.
Et Que les rêves était du coup sur cet EP qui a fini à la poubelle. Et c’était du coup une façon aussi de reprendre le pouvoir que de l’enregistrer chez moi avec mon petit copain de l’époque. Et avec vraiment les moyens du bord mais avec beaucoup d’amour.
Et je l’ai réalisé et j’avais besoin de me prouver que je pouvais aboutir à quelque chose et pas que ça finisse à la poubelle comme ça avait pu se passer. Donc c’était effectivement un pont pour après m’amener par la suite quoi.
LFB : Et si je te dis que pour moi cette EP qui s’appelle c’est un bouquet d’émotions. Est-ce que c’est une image qui te convient ?
Mélissende : Oui j’adore, ça me fait trop plaisir. Bah oui parce que le bouquet c’est les fleurs et les fleurs sont essentielles à ma vie. J’ai trop besoin de ça, c’est un rapport à la nature qui me fait trop du bien.
Et un bouquet d’émotions, bah oui je pense que c’est un EP effectivement qui aborde plusieurs thèmes qui ne sont pas forcément des émotions tristes mais en tout cas ça évoque, je trouve à chaque fois quelque chose d’assez sincère. En tout cas j’espère.
LFB : Pour moi, le thème caché c’est que chaque morceau est traversé par la même idée : ressentir une émotion, la comprendre et la retranscrire après.
Mélissende : Oui c’est très juste. C’est vraiment le travail que je fais ou ce qui me plaît en tout cas quand j’écris une chanson. C’est de la ressentir, comprendre ce que je ressens, m’aider à travers la musique et puis après lui trouver une forme qui va me plaire à la fin.
LFB : Oui c’est ça, chaque sentiment doit être ressenti pour pouvoir être transformé en quelque chose de poétique en fait.
Mélissende : Complètement.
LFB : Je n’ai pas l’impression que tu pourrais écrire sur des choses qui ne te traversent pas trop intimement.
Mélissende : Exactement. J’ai déjà essayé ou je peux écrire des textes sur des choses que je trouve intéressantes mais ça finira jamais en chanson parce qu’il y a un truc où ma voix bloque, je n’arrive pas à lier ça avec la musique et la musique c’est tellement proche de mes émotions que je crois qu’à chaque fois il faut que je ressente les choses de manière forte, que ça sonne juste pour pouvoir après les retranscrire.
LFB : J’aime beaucoup l’écriture des textes, je trouve ça important et moi je trouve que l’écriture sur cet EP a un rôle essentiel. Je vais t’expliquer, je trouve qu’il y a une recherche de simplicité dans l’écriture. Pour moi il y a une sorte de refus du snobisme et une volonté que les morceaux soient le plus accessible possible.
Mélissende : Ça me touche parce que je ne pense pas que je recherche à faire quelque chose de simple, ça me paraît compliqué de chercher à faire du simple. En revanche j’essaie d’accorder le fait qu’avec des mots assez directs, assez simples, je puisse vraiment dire les choses telles que je les ressens et que ça suffit pour peut-être toucher les gens.
Par exemple moi dans ma vie je fais beaucoup de musique à l’hôpital avec des enfants et j’ai toujours trouvé ça nul qu’on considère les chansons pour les enfants comme des petites chansons, simplement parce que musicalement c’est assez simple ou que les mots aussi le sont.
Je trouve que c’est toujours très réducteur et je trouve ça chouette effectivement qu’une chanson soit la plus directe possible et qu’on n’ait pas besoin de passer par une poésie très complexe pour toucher les gens, je trouve qu’on n’a pas besoin de ça.
LFB : Ce que j’ai noté c’est que la façon dont tu écris les morceaux permet la transcription, tu vois un morceau que ce soit Petite Voix, L’amour m’a quittée ou Courage, il y a une sensation d’impact sur l’intime de l’autre qui passe par cette approche très directe. Je pense qu’il y a quand même une vraie recherche esthétique.
Mélissende : Il y a quand même, on se pose un peu des questions mais en tout cas oui il y a cette volonté comme une discussion qu’on pourrait avoir avec un ami tu vois parfois ça ne sert à rien de sortir des grandes phrases, quelques mots suffisent pour se sentir bien et accueilli et j’aime bien essayer de chercher ça dans la musique en tout cas parce que ça je pense que ça me ressemble en fait.
LFB : Et le texte c’est quelque chose que tu retravailles beaucoup ?
Mélissende : Que je retravaille de plus en plus oui. J’ai quand même beaucoup l’écriture assez directe comme ça accompagne souvent mon chant en général, il y a quelques mots qui arrivent et je me dis ah tiens c’est ça ce que je ressentais et tout ça… donc il y a quand même souvent un premier jet où il y a souvent beaucoup de mots qui vont rester par la suite.
Mais effectivement j’ai appris à retravailler, à me questionner aussi sur le texte, c’est avec Albin de la Simone que j’ai fait ça pour la première fois quand je lui faisais écouter mes chansons. On n’avait même pas encore enregistré mais j’ai adoré. Il écoutait et il me disait « pourquoi ce mot ? Pourquoi tout d’un coup tu dis tu alors que tu disais je pendant toute la chanson ? »
Des questions comme ça qui sont vraiment pertinentes et maintenant j’essaie de faire cette gymnastique quand j’écris je me dis est-ce que vraiment c’est ce mot là ce que tu veux dire ? Est-ce que c’est l’image qu’on va avoir dans la tête si tu dis ce mot ou qu’est-ce qu’on va penser ? Enfin voilà ce genre de trucs, quitte à poser des questions autour de moi cette phrase pour toi elle évoque quoi ?
Désormais, j’aime bien être sûre que de ce que je veux dire soit hyper lisible donc j’essaie de faire ce travail là.


LFB : J’ai l’impression que cette évolution vient aussi du fait de d’être entourée, d’avoir une espèce de collectif autour de toi qui permet aussi de faire évoluer ta musique en dehors de ta personne.
Mélissende : Ça peut être un piège aussi parfois de n’avoir que soi pour sa musique. Et c’est chouette d’évoluer, de voir comment d’autres personnes travaillent et s’en inspirer. Pour le coup ça m’a fait beaucoup de bien de sortir un peu de ma grotte.
LFB : Cette idée du mot juste et du mot pensée est, je trouve, portée par la voix. Je trouve que la voix c’est vraiment le véritable fil d’Ariane, l’élément qui relie tout, qui consolide et qui fait un tout entre la musique, le texte, l’interprétation forcément. La voix est au cœur de tous les morceaux.
Mélissende : Tant mieux parce que ça pour le coup c’est vraiment la volonté depuis le début mais même à l’époque de Que les rêves. J’ai vraiment envie de faire des productions où le centre c’est la voix et ensuite on trouve comment faire un beau tapis de fleurs pour la voix mais je veux vraiment que ça soit l’élément central parce que c’est comme ça que je défends sur scène.
Je me considère vraiment comme chanteuse et pour moi c’est un instrument puissant parce qu’il peut mettre des mots sur des notes et du coup j’ai vraiment envie qu’il y ait un écrin autour de la voix.
LFB : Est-ce que c’est important pour toi de faire passer toutes les émotions, qui sont très diverses, à travers la douceur ? Parce que ta voix quand on l’écoute n’estnest vraiment que douceur.
Mélissende : C’est sûr que c’est pas trop du métal. (rires) T’en disais quoi par rapport à la douceur ?
LFB : Si c’est important pour toi que toutes les émotions passent à travers ce filtre là parce qu’il y a de la gravité dans l’EP,. Ça parle de deuil, de dépression, d’ennui mais ça passe toujours par le filtre de la tendresse.
Mélissende : Ah oui c’est vrai parce que je pense qu’au moment où j’écris mes chansons il y a toutes ces émotions un peu dites « négatives » qui sont un peu digérées et du coup ça peut me permet de les retranscrire de manière plus tendre.
Si je peux en parler c’est que je ne suis plus forcément dans la douleur, je suis dans le souvenir d’une tristesse ou de quelque chose et j’ai envie d’en parler mais c’est digéré tu vois.
Il y a quelque chose où c’est ok et donc je trouve que ça laisse la place à la tendresse et je pense que dans la vie de manière générale j’aborde des choses un peu comme ça. Je pense que c’est logique que je le retranscrive en musique.
LFB : Mais il y a un double effet en fait finalement dans ta musique. Parce que quand tu vas écouter un morceau comme Petite voix par exemple tu vas te dire au premier abord tu vas te dire ah c’est joli, c’est doux etc … Et en fait quand tu reviens dessus et que t’écoutes le texte tu te dis ah ce n’est pas si doux. C’est une affaire de santé mentale.
Après l’amour m’a quittée le titre est assez évident mais il est traité de telle manière où l y a peut-être un refus du mélodrame je trouve dans ta musique.
Mélissende : Ah ouais ? Écoute, je pense que ce n’est pas volontaire parce que je me vois plutôt comme quelqu’un d’assez dramatique en règle générale.
Mais je crois que j’ai aussi cette envie que ça ne soit pas plombé tu vois. Je suis totalement ok de parler de sujets tristes, de deuil, de dépression, la preuve ce sont les thèmes de mes chansons mais je trouve que c’est… Enfin j’ai toujours été gênée en règle générale dans la société que ça soit toujours des sujets un peu tabous ou qui mettent mal à l’aise les gens. Alors que pour moi ça fait juste partie de la vie et plus on y accordera des formes un peu différentes et plus ça sera facile pour nous peut-être de s’en emparer. Mon prisme à moi c’est plutôt quelque chose autour de la douceur et de la tendresse mais j’en parle quand même.
LFB : Pour faire entre le texte et la musique, je trouve qu’un morceau comme L’amour m’a quittée par exemple, il aurait pu justement être beaucoup plus ample, tu vois, intense tout ça et je trouve que la beauté du morceau vient aussi du fait que finalement c’est un guitare-voix et tu sens qu’il y a un truc un peu sec et à vif qui le représente bien.
Mélissende : C’est vrai et d’ailleurs ce morceau on a voulu l’enregistrer en live donc c’est vraiment une prise guitare-voix live et on s’était dit que justement que de le faire en live ça permettait de retranscrire aussi une émotion où pendant 3 minutes je suis obligée de me plonger dans le texte et ce que je voulais dire, une histoire d’un couple qui ne s’aime plus. On a du coup utilisé le subterfuge du live pour que je puisse rajouter un peu de cette émotion dans l’audio.
LFB : On parlait de bouquet d’émotions. Musicalement il y avait aussi cette volonté de multiplicité sur Ailleurs et d’étendre un peu les branches de musique qui est folk au départ et qui a été construite sur le live. L’amener justement ailleurs sans faire de mauvais jeu de mots tu vois.
Mélissende : Complètement. Jusqu’ici j’avais pas vraiment trouvé mon son de manière studio tu vois, l’EP inachevé c’était du coup en piano-voix live, que les rêves c’est une expérience un peu à part.
Là c’était un peu pour moi le moment de trouver un peu quel son, quelle sonorité, quelle ambiance et j’ai été bien conseillée.
Moi la folk de toute façon c’est ce que j’écoute, c’est ce que j’aime et j’avais envie de ça parce que je trouve que la musique folk en fait c’est ça, ce sont des chansons tristes mais qui t’accompagnent dans la vie en fait et j’avais envie d’être un bon compagnon, que les arrangements soient plutôt subtils et en même temps un peu tranchés par exemple les mix de Bénédicte, (Schmitt ndlr) je trouve que ça a apporté une autre dimension aussi aux chansons où elle s’est permise de rajouter des effets sur ma voix, où ma voix reste toujours très douce mais malgré tout je trouve qu’elle a essayé de trouver des petits trucs pour ça ne fasse trop lisse non plus.
En tout cas c’était l’idée quoi même l’utilisation de la batterie ou du saxophone, des choses qui viennent un peu étendre justement.
Mais ce n’est jamais gadget, chaque chose a sa place parce que c’était vraiment réfléchi même jusqu’au synthé un peu étrange de Rien ne se passe où ça fait un gros bouuuut tout tout et bah au début il n’y avait pas ce synthé du coup c’était vraiment une petite balade comme ça très mimi et on a vraiment, j’ai dit « non je veux un truc qui n’a rien à voir pour vraiment faire un truc qui tranche »… à chaque fois on cherchait des éléments qui provoquaient du contraste mais qui racontent quelque chose.

LFB : Ce sont des personnages. Même un morceau comme Courage qui se finit avec des chœurs où il y a des choses comme ça qui sont des choses que tu fais vivre en live aussi tu vois tu pousses les gens à faire mais qui amènent le morceau, qui l’élèvent.
Mélissende : Pour le coup Courage ça aussi c’est une chanson que je chante… qui date de 2021 en écriture en tout cas et du coup ça fait longtemps que je la fait en concert et j’avais envie, c’est peut-être la seule où je m’étais dit je voudrais faire un petit peu entre le live et l’enregistrement , que ça finisse vraiment en petite chorale sans que ça fasse trop.
J’avais aussi envie que les chœurs ne soient pas bien enregistrés donc on l’a fait avec un iphone et un zoom tu vois et avec les ami.e.s, pour trouver une petite magie de vie quoi, pas que de studio propre.
LFB : Et justement comme tu dis ces morceaux tu les portes en toi depuis plusieurs années, est-ce que t’as l’impression qu’ils ont plusieurs vies et notamment en les ouvrant aux autres ?
Mélissende : C’est vrai qu’il y a plusieurs vies. Je pense en tout cas dans un premier temps et puis à partir du moment où tu la retravailles elle commence déjà un peu à s’éloigner du côté un peu à vif de quand c’est sorti et puis les concerts et le fait que les gens puissent te parler de tes chansons tout d’un coup tu te dis ah c’est vrai que ce n’est plus les miennes et c’est trop chouette parce qu’il y a une vraie passation, chacun entend un peu des histoires qui vont lui parler et je trouve ça trop chouette de voir les voyages que ça peut faire dans la tête des gens quoi
LFB : Et même dans la création et dans l’enregistrement tu vois. J’ai l’impression, que tu as un peu trouvé les bonnes personnes au bon moment pour faire vivre cette musique-là que ce soit Albin de la Simone ou même Jean Sylvain Le Gouic qui a travaillé avec toi sur quasiment tous les morceaux ou Bénédicte qui est très forte et qui des fois surprend les artistes avec qui elle travaille. J’ai l’impression que tu t’es créée justement un écosystème assez sain et peut-être en réaction justement à des mésaventures précédentes
Mélissende : Complètement. J’aime bien le mot écosystème parce que c’est un peu ça Globalement dans ma vie j’ai mis du temps pour beaucoup de choses mais je ne regrette pas, je trouve que c’est bénéfique de ne pas se jeter et faire des choses qu’on aime à moitié.
Là vraiment, cet EP, je sais que je l’aime à 100%, j’admire les gens qui ont travaillé dessus, j’ai adoré les moments qu’on a partagés autour de la création Donc en fait, ça vaut le coup d’attendre et de créer ça, cet écosystème.
LFB : Même au niveau du live, de trouver un attaché de presse, d’avoir des artistes qui t’ont tendu la main comme Barbara Pravi… On parlait de connexion, presque mystique, mais ce truc si tu le penses par la bienveillance, elle viendra aussi à toi
Mélissende : En tout cas, j’espère que ça existe parce que c’est comme ça que je ressens les choses et c’est comme ça que j’ai envie d’aborder cette industrie qui est trop souvent violente. Et j’ai un peu espoir que ça puisse exister, en tout cas la bienveillance, l’envie de faire des choses parce que ça nous plaît, que ça nous fait du bien Et c’est vrai que dans mon parcours, j’ai rencontré des gens que je ne pensais pas du tout atteindre.
Parce qu’il y a quand même toujours une idée de strate dans ce milieu où on a l’impression que les personnes sont inatteignables. Et quand je pense à Philippe Zdar où je lui servais du thé et tout d’un coup j’ai enregistré avec lui, c’est quand même complètement fou.
Et Barbara Pravi, c’est pareil, on ne se connaissait pas, elle a eu vraiment la gentillesse de venir m’écouter à des balances et d’aimer ce que je faisais. Et je crois qu’humainement, elle m’appréciait aussi et c’est une main tendue Et je trouve que c’est les plus belles histoires à chaque fois de vie.
Moi à chaque fois je me dis que la musique c’est trop bien mais ce que je veux c’est avoir la plus jolie vie possible. Et donc à travers ça, ça veut dire faire des bonnes rencontres, prendre soin des rencontres, prendre soin des gens, prendre soin de soi, tout ça C’est un peu culcul hein ? (rires)
LFB : Non mais c’est ce dont on parlait la dernière fois quand on avait fait l’interview avec Julia et Yasmine C’est qu’il y a vraiment, et c’est de plus en plus important justement, ce besoin de se créer quelque chose de positif autour de soi Et que le positif amène le positif.
Mélissende : Ouais, j’ai bon espoir que ça résiste.

LFB : On en parlait juste avant, le fait que l’EP se termine avec Courage et se termine justement par une chorale qui est un élément très collectif, dans une expérience musicale qui est parfois très solitaire, est-ce que c’était important pour toi ?
Mélissende : Ah je ne l’ai pas vu comme ça. Déjà Courage, je termine tous mes concerts avec ce titre donc j’avais aussi envie de terminer l’EP avec ce titre Et effectivement, le fait que même dans les concerts on finisse par un champ collectif comme sur l’EP oui oui pour moi c’est… Je ne sais pas, c’est une sorte d’ouverture. Il y a quelque chose qui est pour moi plus le début que la fin, enfin ça se passe comme ça.
LFB : Et puis on préserve la transmission en fait.
Mélissende : Ouais, exactement.
LFB : J’ai l’impression que c’est un mot qui correspond bien à ce titre, la transmission.
Mélissende : Ça me plaît bien parce que je trouve que c’est une des plus belles qualités qu’on peut avoir dans la vie, c’est de transmettre. Et en tout cas, je crois que j’aime bien cette mission d’être dans la transmission en règle générale.
Je pense qu’on a un peu oublié mais en fait, un artiste c’est quoi ? C’est celui qui sait transmettre ses émotions de manière poétique.
LFB : Et savoir les partager avec d’autres gens
Mélissende : Oui, je pense que c’est un peu ça à la base C’est la racine de la folk, je trouve, de raconter sa vie qui va parler à la vie des gens.
Et que les morceaux soient repris par d’autres Je pense que c’est un beau compliment qu’on pourrait faire.
Que les gens reprennent mes morceaux ça serait fou. Je vois des artistes, justement, qui passent des strats et qui commencent à mettre des stories genre « Ah, on a repris ma chanson »
Je suis là genre, si un jour ça m’arrive mais je ne sais pas ce qu’il va se passer. Vraiment, je pense que je vais pleurer parce que je trouve que c’est vraiment incroyable. De se dire que ta chanson… Parce que moi, je sais que si je chante une chanson d’un artiste c’est qu’elle vient me toucher ou que j’aurais aimé l’écrire, j’aurais aimé avoir cette mélodie.
Du coup, j’ai vraiment envie de à travers l’interprétation de lui trouver un sens avec moi. Donc je me dis, si quelqu’un fait ça avec quelque chose que moi j’ai écrit, c’est fou
LFB : Si tu devais associer Ailleurs Un film, un disque et un livre Tu choisirais quoi ?
Mélissende : Un film, un disque et un livre… C’est super dur et il est content (rires)
LFB : C’est ma torture de fin d’interview (rires)
Mélissende : Ah ouais c’est une vraie torture Parce que tout de suite T’as envie de dire des trucs que tu aimes bien mais ça colle pas forcément.
LFB : Ça peut être des choses qui t’ont accompagnée.
Mélissende : Un film qui m’accompagne depuis toujours , c’est Eternal Sunshine. Gros classique. Mais je dirais cette idée de réalité dans les réalités, un espèce de truc un peu Intérieur et de chemin qui se croisent J’ai un peu cette sensation en tout cas avec cet EP que c’est beaucoup de re-rencontre avec moi-même et d’accepter ses émotions . Le personnage est dans le déni complet mais il est quand même confronté au fait qu’il aura beau essayer d’oublier ça existera toujours, ça reviendra et il va bien falloir y aller.
Un livre ça va être marrant je vais dire Imparfait Heureux de Christophe André. Je trouve ça hyper drôle de mettre un livre de développement personnel, parce que ce livre là a vraiment été déclencheur pour moi dans le fait de s’accepter avec ses imperfections qui est le travail de toute une vie et dans l’EP j’ai vraiment fait ce chemin d’accepter les choses telles qu’elles viennent.
Un disque … c’est tellement dur. Peut être sur cet EP, je dirais Andy Shauf, je réécoute régulièrement et j’adore ce type de folk avec énormément de chaleur, avec des saxophones aussi …il y a une ambiance que je ne m’attribue pas mais il y a cette volonté de réécouter et de comprendre comment mettre autant de chaleur avec des choses un peu triste.
Voilà, ça te va ? (rires)
Crédit photos : Manou Millon