L’homme aux mille projets. Alors qu’il a définitivement relancé la machine Gorillaz pour le meilleur et pour le pire, et que certains espèrent toujours un retour de Blur un jour ou l’autre, Damon Albarn revient aujourd’hui, 11 ans après un premier album exceptionnel, avec The Good The Bad & The Queen. Merrie Land sent la désillusion autant qu’un besoin réel de s’unir à une époque assez troublée en Grande-Bretagne.
Un parfum de fin de règne qui plane sur la Grande-Bretagne. Un repli identitaire de plus en plus présent dans les esprits d’un pays pourtant connu et fondé sur l’ouverture et la place du monde en son sein. Il y a une odeur de merde de chien dans un Brexit qui inquiète autant qu’il déprime la plupart du monde. Un pays connu pour son unité mais qui est désormais régi par les égoïsmes et les individualités.
Ces inquiétudes, ces peurs et ces questionnements sont au cœur du retour au charbon de The Good, The Bad & The Queen. Fervent défenseur d’un nouveau référendum, Damon Albarn a décidé de mettre ses observations et son analyse de la situation au service d’un collectif plutôt que d’un quelconque projet solo. Il est donc allé chercher Paul Simonon, Simon Tong et Tony Allen pour reformer ce carré d’as musical et repartir à l’assaut de nos oreilles. Le résultat se nomme Merrie Land, il est tout ce qu’on attendait, et peut-être même plus.
On s’est demandé comment résumer Merrie Land et notre conclusion est simple : on pourrait voir dans ce nouvel album de The Good, The Bad & The Queen un livre de nouvelles. Chaque chanson est une histoire, un conte musical anglais. Il y a une sensation de fin de soirée dans un pub anglais, quand on regarde le fond de sa pinte de bière et qu’on se demande comment on en est arrivé là, qu’on laisse rejaillir ses pensées, ses souvenirs et ses névroses dans un mélange mal dosé porté par les vapeurs d’alcools et les conversations éthyliques des tables qui nous entourent.
Albarn reste toujours ce merveilleux conteur et parolier qui nous emmène dans la psyché de personnages, dans des moments aussi intimes que puissants. Cette ambiance mélancolique trouve sa respiration jusque dans la musique. Presque désinvolte, le groupe trouve une espèce d’épure dans des moments en apesanteur, laissant la part belle aux orgues, à une basse toujours ronde et cajolante et à une batterie qui n’hésite pas à partir là où on ne l’attend pas vraiment. On tombe ainsi en amour d’un album toujours cohérent, porté par cette colère sourde et cette détachement so british. Comment ne pas s’emballer sur les envolées de Nineteen Seventeen, les chœurs aéries de Lady Boston et son orgue entêtant, la douceur 60’s de Gun To The Head l’inquiétante The Last Man To Leave ou la ballade Ribbons ?
Ironiquement, on pourrait presque remercier le Brexit, qui nous a permis de voir ressurgir The Good, The Bad & The Queen. Le groupe nous offre un album qui sent la mauvaise bière, le bruit et le chaos, le tumulte et la mélancolie. Merrie Land est un album anglais en somme, porté par une grâce et une douceur qui ne masquent pas un projet dur et plein de fureur. Alors laissez-vous emporter par cette analyse pertinente d’un pays, et au final d’un monde, qui se barre sévèrement en couille. Car oui, si ces chansons pointent du doigt la situation en Grand Bretagne, elles sont aisément transposables à tous les pays du monde.
Au passage, on ne peut que vous conseiller de vous jeter sur les vidéos qui accompagnent chaque titre de l’album, toutes portées par une marionnette aussi glauque que fascinante et qui offrent un écrin visuel sublime à des chansons qui le sont déjà.