Musique confinée : Trente, Teenage Bed, Pabloe

Si le monde s’est arrêté de tourné pendant presque deux mois, certains artistes ont profité de cette période d’enfermement pour offrir à nos oreilles des sorties confectionnées pendant le confinement. On revient sur trois projets qui nous ont frappé en plein coeur, avec les sorties de Trente, Teenage Bed et Pabloe.

Trente – Confinée

Après la nuit vient la lumière. Alors que pendant cette période les ombres de la dépression et de l’anxiété nous entouraient, nous entrainant parfois dans des danses funestes et périlleuses, Trente a percé les sombres pensées qui pouvaient nous assaillir avec Confinée. Patronus musical, la musique d’Hugo prend des tournures solaires, nous permettant d’oublier en cinq titres la morosité ambiante pour nous offrir une bonne dose de chaleur et d’amour. On ferme les yeux et on laisse les rayons du printemps nous caresser les joues, bercé par la tendresse des cinq titres qui composent Confinée. Comme toujours, on est face à des poèmes mis en musique, des petites pastilles toutes en tendresses qui traitent du quotidien. Ici, comme il le dit lui même « l’orage nous tourne le dos », Trente préfère regarder le soleil droit dans les yeux plutôt que les ombres qu’il laisse derrière lui, nous invitant à en faire de même. On fond alors avec Des Fleurs Pour Calmants qui portent la joie et l’envie de lendemain en moelle épinière. On redécouvre Été , déjà présente sur Meilleure, mais habillée d’une instrumentalisation bien différente, plus pleine, joyeuse et dansante. Confinée, qui donne son nom à l’EP et qu’il partage avec Tomasi (et Felix au pet), est une petite perle de douceur qui voit sa course s’accélérer au fur et à mesure du morceau et qui a vu sa naissance se faire sur notre instagram en collaboration avec nos followers. Lundi est une ode a l’imagination, transformant le quotidien en vacances et le café en cocktail tandis que Partout termine le voyage calmement, nous laissant avec deux mots avant que le calme ne revienne : « C’est bon« . C’est Trente qui le dit, et à l’écoute de Confinée, on ne peut qu’être d’accord avec lui.


Teenage Bed – Since we’re stuck at home

Une musique à deux visages, voilà ce qu’on ressent en écoutant Since we’re stuck at home de Teenage Bed. Alors qu’il avait déjà mis nos sentiments sans dessus dessous avec son EP Expectations en début d’année, on s’attendait à ce que le lorientais nous offre une nouvelle fois une musique qui accompagnerait les moments, nombreux pendant le confinement, où l’on avait envie de vivre en boule sur une couverture. C’est en partie vraie. En partie, car cet album se constitue en réalité de deux parties distinctes, un peu comme la nuit qui laisserait progressivement place au jour, la jonction se faisant ici avec ‘Scott’, interlude assez drôle qui nous raconte un confinement sans fin porté par des parties répétitives de Yahtzee et des discussions avec son chat. Dans le premier acte, on retrouve ce qui faisait la beauté de Teenage Bed dans son précédent effort, cette vulnérabilité, cette manière de se mettre à nue de manière presque suicidaire, posant son cœur sur la table pour que chacun l’ausculte à sa convenance, le tout porté par une musique dépouillée ou la guitare guide les émotions pas toujours très positive. Dans ces quatre premiers morceaux, Plague, Fall, Stuck et Sober, on y voit la perte, l’amour qui fane, les amitiés qui disparaissent et les pensées qui tournent en tête encore et encore jusqu’à perdre conscience de la réalité et des lieux qui entourent. Surtout, Teenage Bed apostrophe toujours des gens, les questionnent, comme si il attendait des réponses et des validations à ses propos. La bascule commence donc après ‘Scott’, l’ambiance musicale se fait plus légère et surtout les questionnements ne se tournent plus vers les autres mais vers lui même, comme si apparaissait une prise de conscience. Cette évolution, consciente ou non, gagne en profondeur en faisant apparaitre des éléments extérieurs, en laissant la place à Stephanie Grace sur Quick!, sans doute la plus belle chanson de l’EP, et à Yung Sham sur Snails, Teenage Bed force lui même son évolution, transformant ainsi les monologues en dialogues, stoppant la passivité pour se tourner vers l’action , délaissant même la guitare omniprésente jusque là pour des ambiances plus atmosphérique et électroniques, laissant sa musique s’aérer. Si le volet de sa chambre était jusqu’ici fermé, Teenage Bed, avec Since we’re stuck at home, a entrouvert la fenêtre pour laisser passer la lumière. La suite s’annonce passionnante.


Pabloe – Room Relics #1

Avec ce troisième projet, avons nous envie de remercier le confinement ? Sans doute un peu, car si il nous a éloigné les uns des autres, il nous a aussi permis de prendre des nouvelles de vieux amis qu’on avait un peu perdu de vue. Et Pabloe est de ceux là. Alors qu’il nous avait délivré un superbe premier EP chez Lofish Records en 2018, porté notamment par la sublime Sweet Lion, Pabloe, qu’on avait retrouvé l’année suivante pour une superbe session live chez les amis des Capsules, a profité de cette période d’enfermement pour nous donner de ses nouvelles et offrir à nos oreilles une mixtape nommée Room Relics #1. Plus qu’une bête collection de chansons, Quentin nous invite à un voyage temporel et musical de l’hiver à l’été, trouvant Mars en son sein, période centrale de notre enfermement physique mais pas spirituel. Ainsi, le garçon nous offre neuf titres comme une odyssée avec ses embuches, ses accélérations et ses moments de contemplations. Crooner solaire, Pabloe nous susurre ses histoires d’amour en s’affranchissant des genres. L’exemple le plus frappant étant l’excellente You Can Do It, passant ainsi en 5 minutes de la soul à la funk pour finir sur des notes électroniques, portée par cette voix évanescente qui s’amuse des émotions. Ce besoin de mélanger les intentions se retrouve aussi sur Winter, portée par des chœurs que n’aurait pas renié James Blake, sur Electronic et ses bidouillages auditif du plus bel effet ou encore Mars, titre atmosphérique et psychédélique qui bascule vers une reprise réjouissante de la vie en rose. On fond aussi pour la sensuelle Sorry (If I Can’t Catch The Moon) tandis qu’on s’envole avec l’aérienne One qui nous offre un moment de beauté bienvenue. Summer termine l’aventure de manière inattendue avec un titre bien plus électronique et dansant, prouvant que Pabloe n’a pas fini d’ouvrir les portes pour pouvoir explorer toutes les pièces qui s’offrent à lui. On en viendrait presque à fantasmer un nouveau confinement pour qu’il nous offre un Room Relics #2. Chiche ?