Le R&B a ses dernières années regagné une place centrale dans le monde de la musique. En atteste notamment l’effervescence populaire autour de figures comme celle de SZA. L’un des prodiges du genre, Daniel Caesar, a cette année sorti son troisième album, Never Enough. Un disque écrit sous le prisme du défi personnel et du dépassement de soi.
Avec deux premiers projets longs ardemment remarqués et appréciés, le canadien avait de quoi appréhender l’étape de la confirmation. L’explosion de Freudian suivi du très bon CASE STUDY 01 avaient placé la barre très haute en termes d’identité et de qualité. L’artiste qui détonne de par son passif, ayant été sans domicile fixe avant de se lancer, s’est rapidement créé une communauté fidèle et dévouée. Cette dernière attendait l’originaire de Toronto au tournant, espérant de la nouvelle musique, annoncé depuis décembre dernier.
Il faut dire que le style de Daniel Caesar représente tout ce que le genre, dans sa vision la plus moderne et actuelle, revendique. On y retrouve une voix versatile, parfois très charismatique comme vulnérable et touchante, enrobée d’un talent certain pour la composition et l’arrangement. Ces addresses peuvent notamment se faire remarquer sur le premier single de promotion du projet, Do You Like Me?. Doté d’une capacité à aper l’attention, le titre possède une structure simple et une répétition envoûtante. Ce travail étant sublimé par l’interprétation vocale parfaite qui donne une couleur d’autant plus mélodique.
La première et sans doute plus grande qualité de Never Enough est la gestion de son rythme et de ses dynamiques. Avec un ton globalement calme, le canadien nous offre cependant de réels moments de douceur rare. On peut mettre en avant les exemples du sublime Always ou encore de l’excellente collaboration avec Mustafa, Toronto 2014. Cette richesse est mise en œuvre par le biais d’une production précise qui magnifie les différentes ambiances offertes.
L’enchaînement des morceaux Buyer’s Remorse et Shot My Baby démontre parfaitement l’importance capitale de ce travail. Certains passages sonnent comme un seul et même titre divisé en plusieurs mouvements comme en musique classique. Les ambiances se suivant et progressant naturellement, Never Enough propose un flot de sonorités cohérent et progressif.
Le canadiens est capable d’offrir des performances sobres, comme la balade Cool, pour ensuite continuer avec un morceau plus produit comme Disillusioned en collaboration avec serpentwithfeet. Ce fait de réussir à œuvrer dans une telle variété de tons permet à ce troisième album de ne jamais s’essouffler. La balance est parfaitement équilibrée et nous porte le long des quinze titres.
Never Enough est conçu comme un défi personnel. Celui pour Daniel Caesar de s’impressionner, de se surpasser et de se donner une nouvelle base sur laquelle se reposer. De son propre aveux au micro d’Apple Music, l’attention toute particulière apportée aux détails fût primordiale. Ce soin et cette rigueur permettent au projet de se rapprocher de la perfection et de constituer une pièce addictive.
Ce challenge se trouve être le théâtre de délibérations et de thématiques introspectives. Les textes de ce troisième album sont authentiques, parfois brutalement personnels. Cette plume, associée à une voix douce et intime, va chercher une corde émotionnelle très sensible. On retrouve des morceaux très universels comme Let Me Go et Do You Like Me?. Mais le canadien creuse des sujets plus intérieurs et évoque notamment son passé dans Toronto 2014. Il évoque également sa peur de vieillir et de son rapport au sentiment amoureux.
Avec son troisième album, Daniel Caesar signe un nouveau témoin de tout son talent et de son génie. Celui que l’on présente désormais comme le souverain du R&B contemporain réalise un nouveau sans faute. Never Enough est consistant, constant et très réussi que ce soit sur le fond ou sur la forme. À croire que celui qui a un temps résidé dans les rues de Toronto est incapable de rater quoi que ce soit…