Le monde est frappé depuis plus d’un an par l’épidémie de Covid 19. Un an que le monde culturel est dans une sorte de coma artificiel, réveillé par moment pour être presque aussitôt remis en sommeil. Alors que les lieux culturels amorcent leur réouverture avec un protocole sanitaire adapté, La Face B et Dans Ton Concert poursuivent leur projet : Not Dead. L’occasion de mettre en avant des artistes et des salles de la région Hauts-de-France afin de leur apporter soutien et visibilité. Pour ce 15ème épisode, on retourne aux 4 Ecluses pour découvrir les photographies et les interviews de SCRTCH et La Bête.

SCRTCH

Pouvez-vous présenter votre projet en quelques lignes ? 

Luc & Rouag : SCRTCH est un duo basse/batterie créé en 2015, avec l’idée  simple de faire du son brut, viscéral. On a du mal à se catégoriser précisément (et d’ailleurs, on ne veut pas trop rentrer dans une case), mais disons qu’on joue quelque chose allant vers le noise avec des influences punk et grunge. 

Le monde de la musique est resté à l’arrêt plus d’un an, comment  avez-vous vécu cette situation ? Quel impact cela a eu sur votre  projet ? 

Luc & Rouag : C’était une situation compliquée, d’autant plus qu’on enchaînait  pas mal de concerts juste avant le premier confinement. Cependant, travaillant tous les deux dans le médical, on a été pas mal sollicités durant cette  pandémie. 

On avait peur que ça ralentisse le projet, mais finalement cette « pause »  forcée s’est révélée être un mal pour un bien si on peut dire : on s’est  concentré sur d’autres aspects, on a composé et travaillé de manière  acharnée, on a d’ailleurs eu l’occasion de continuer à enregistrer et tourner 2  clips ; ça a donné notre nouvel EP « MÖTHER/SÜMMER », dispo partout par  ailleurs. 

On a souvent parlé de « non essentiel ». Que signifie pour vous cette  expression ? 

Luc & Rouag : on a bien compris qu’entasser des centaines de personnes dans  un lieu clos n’était pas la meilleure idée quand on fait face à un virus d’une  telle contagiosité et dont on connaît l’évolution parfois/souvent fatale.  Cependant, le terme « non-essentiel » sonnait comme un dénigrement et un  manque de respect vis-à-vis de tout ce que peut représenter le monde de la  culture, d’autant plus lorsque des métiers et des destins sont menacés.  

À quand remonte votre dernier concert ? Quel souvenir en gardez-vous ? 

Luc & Rouag : 7 février 2020. Précisément. C’était avec Lofofora, on assurait  leur première partie au théâtre d’Anzin. Et franchement, c’était le feu, le public a été super réceptif quand bien même peu de personnes nous connaissait. Et  les gars de Lofo’ sont des gens en or. Une super expérience musicale et humaine. 

Lorsque vous pourrez remonter sur scène devant un vrai public, vous  allez faire quelque chose de particulier pour célébrer ça ? 

Luc & Rouag : On devrait pouvoir faire notre premier concert depuis 1 an et  demi en juillet prochain ; on va peut-être pas sortir les feux d’artifices mais  l’émotion sera sans aucun doute au rendez-vous. 

Avez-vous un souvenir ou une anecdote d’un concert sur la scène du  lieu où nous avons fait les photos ? Ou un souvenir en tant que  spectateur ?

Luc & Rouag : Absolument, et pas n’importe quel souvenir héhé. Avant que  SCRTCH n’existe, on était dans un trio stoner rock avec notre meilleur pote  Lucas (big up frère). À l’époque, on a décidé de participer au Tremplin Music  Ado, et on a réussi à atteindre la finale, qui s’est déroulée… juste ici, sur cette  même scène. On a gagné d’ailleurs, avec le groupe Rollin’ Bunkers ; – dont les  anciens membres ne sont autres que L’Animal Exquis (anciennement Ali Danel) et Winston B (batteur d’Eastern Trade notamment). Ça remonte à 10-11 ans,  mais les souvenirs sont intacts. C’était cool ! 

Quels sont vos projets à venir ? Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter ? 

Luc & Rouag : à court terme, on a surtout très hâte de remonter sur scène !  On se considère comme un groupe live, on a besoin de partager toute notre  énergie avec d’autres personnes. 

Dans le même temps, on continue à composer, dans l’optique de créer un  album dans un futur plus ou moins proche. 

La séance photo s’est déroulée dans un lieu culturel qui travaille à sa  réouverture selon un protocole sanitaire adapté (concerts assis, jauge  réduite). Avez-vous un message pour ce lieu ? 

Luc & Rouag : content que les choses reprennent de plus belle malgré ce  protocole pas toujours simple à mettre en place. On est impatients de pouvoir  à nouveau assister à des concerts dans cette super salle des 4 Écluses ! Big Up à Benjamin, Sylvain et toute la team !

La Bête

Pouvez-vous présenter votre projet en quelques lignes ?

Ce projet est une chimère, un mélange entre trois univers. Nous avions toutes des projets musicaux avant La Bête. Manon vient du rock garage et alternatif, Loup du hip-hop, de l’electronica et du RnB, et Coline de la musique traditionnelle. Nous aimons à définir notre musique comme épique et cosmopopulaire. Nous jonglons régulièrement entre nos différents instruments: la guitare, le banjo, la basse, le clavier, l’accordéon, la MAO. Ce projet est né en octobre, entre les deux confinements, et d’une envie de faire un projet féminin.

Le monde de la musique est resté à l’arrêt plus d’un an, comment avez-vous vécu cette situation ? Quel impact cela a eu sur votre projet ?

Ce fut un choc et un gros questionnement sur notre position d’artiste car nous ne vivons pas de la musique pour le moment, même si c’est une source de revenu non négligeable. Mais cela nous a aussi donné le temps et l’espace pour lancer le projet, de créer et de composer. Parallèlement, nous nous sommes investies dès le début dans le mouvement d’occupation des théâtres, avec l’occupation du Channel, la scène nationale de Calais. Cela a permis de se concerter sur la réalité du travail artistique, culturel et technique, la réalité des politiques culturelles, la place des artistes dans la société, l’importance de l’art dans la vie quotidienne des gens, ainsi que la place laissée aux femmes dans le milieu musical, et leur professionnalisation.

On a souvent parlé de « non essentiel ». Que signifie pour vous cette expression ?

C’est un choix subjectif et surtout politique que de décréter qu’un ou des secteurs d’activité sont non-essentiels. La culture, pour son fonctionnement, irrigue plein d’autres secteurs économiques comme les transports, les bâtiments, l’agriculture… Et aujourd’hui en France, elle rapporte plus que le secteur automobile. Quelle hypocrisie de la qualifier en tant que secteur non-essentiel! Alors que la culture est aussi une industrie et qu’elle doit aussi se remettre en question.

L’objectif de déprécier comme cela la culture est surtout de faire taire les personnes qui ont des choses à dire et à revendiquer. Les artistes ont toujours eu un rôle critique dans la société, et ceux qui nous dirigent le savent très bien. La culture est le ciment de celle-ci. Elle tente de créer un « nous » collectif et favorise le vivre ensemble.

La doxa du gouvernement, c’est le néo-libéralisme et l’individualisme. Le procédé de stigmatisation du secteur culturel n’a finalement rien d’étonnant. 

À quand remonte votre dernier concert ? Quel souvenir en gardez-vous ?

Il se trouve que nous avons fait notre première scène ensemble samedi 19 juin au Channel à Calais! C’était complet! Nous sommes très émues d’avoir retrouvé le public, et des retours que nous avons reçus. Le Channel c’est un peu notre maison, et c’est une forme de reconnaissance et de confiance de nous programmer alors que nous n’avions sorti aucun morceau sur les réseaux.

Nous avons joué dans la Grande Halle qui est une salle intimidante mais aussi très belle et qui a une âme. L’ambiance était chaleureuse car nous avions beaucoup d’ami.e.s dans le public. Nous avons ensuite enchaîné avec le spectacle des Occupant.e.s du Channel que nous avons co-organisé et que Coline a mis en scène. C’était un moment incroyablement émouvant. 

Lorsque vous pourrez remonter sur scène devant un vrai public, vous allez faire quelque chose de particulier pour célébrer ça ?

cf réponse précédente 🙂

Avez-vous un souvenir ou une anecdote d’un concert sur la scène du lieu où nous avons fait les photos ? Ou un souvenir en tant que spectateur ?

Manon: Pour moi, la dernière grosse claque musicale que je me suis prise aux 4 Ecluses était le concert de Emma Ruth Randall, avec Brutus en première partie. Aussi, le concert de Shannon Wright, pour lequel nous avions fait la première partie avec mon ancien groupe (Ma Main).

Loup: J’ai découvert Juicy à la Fête de l’Îlot et j’ai adoré!

Coline:  J’ai découvert les 4 Ecluses en septembre dernier. J’y ai joué avec le duo Marie Paulette, co-créé avec mon compagnon Vincent Evrard. C’était à l’occasion des Veillées de l’Îlot, dans un cadre extérieur, intimiste, éclairé au flambeau. Je n’avais donc pas eu l’occasion de découvrir l’intérieur des lieux, les studios, l’équipe au complet. Y revenir pour cette résidence avec la Bête fut un immense plaisir ! L’accueil, la rencontre, le lieu. Il ne me reste plus que d’y aller en tant que spectatrice !

Quels sont vos projets à venir ? Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter ?

Nous aurions dû jouer à la Fête de l’Îlot mais ça n’a pas pu se faire pour cette fois. Ce n’est que partie remise ! Notre prochaine date c’est le 24 juillet à La Grange à Vieille Eglise. C’est un événement organisé par le Théâtre de l’Ordinaire.

Sinon, nos projets autour de ce groupe : faire des résidences pour étoffer notre set et notre son, enregistrer les compositions, chercher à bénéficier des programmes d’accompagnement et de professionnalisation, être programmées de la Côte d’Opale à la Côte d’Azur en passant par la Ouest Coast Sauvage (yeah!).

La séance photo s’est déroulée dans un lieu culturel qui travaille à sa réouverture selon un protocole sanitaire adapté (concerts assis, jauge réduite). Avez-vous un message pour ce lieu ?

Nous souhaitons qu’ils puissent profiter pleinement de cette période qui va être intense et complexe. On les encourage à continuer à ancrer davantage les artistes sur le territoire, chose qu’ils font déjà très bien avec leurs ateliers en lien avec d’autres structures, l’accompagnement et la mise à disposition de leurs locaux. Et on a hâte de célébrer cette réouverture avec eux !

Photos : David Tabary / Dans Ton Concert

Pour les autres épisodes du Not Dead Project c’est par ici