Oklou :  « Il y a cette dualité entre vouloir garder un regard émerveillé sur le monde tout en étant consciente des enjeux politiques. »

Quatre ans après le succès de Galore, le projet qui l’a révélé au public, Oklou signe un grand retour très attendu. Avec ce nouvel opus, elle explore de nouvelles sonorités tout en restant fidèle à son ADN hybride : une fusion entre productions éthérées, expérimentations sonores et textes introspectifs sur la vie éternelle et les relations humaines. C’est dans les bureaux de son label aux murs ornés de dorures que nous allons à la rencontre d’Oklou un vendredi de janvier. Vêtue d’une tenue oversize orangée et maquillée d’un fard à paupières bleu, un look soigneusement pensé par son équipe, elle se confie sur son premier album, choke enough.

oklou press photo
© Gil Gharbi

LFB : On est quelques semaines avant la sortie de ton projet. Comment te sens-tu par rapport à cette sortie ?

Oklou : Je me sens bien, pas de stress particulier. Enfin, si, il y a une chose : ça me stresse un peu quand je lis des commentaires comme « Oh là là, ça va être l’album de ma vie ».

LFB : Tes fans semblent assez intenses, non ? C’est vrai que j’ai vu passer beaucoup de commentaires où les gens disent : « C’est vraiment l’événement de l’année. »

Oklou : Oui, c’est surtout ça qui me met un peu de pression. Pour certaines personnes, c’est le cas. Donc évidemment, je n’ai pas envie de décevoir. Sinon, je reste très occupée, ce qui m’aide à ne pas trop y penser. Je ne me rends pas trop compte.

LFB : Ça fait environ quatre ans depuis ton dernier projet. Certains pourraient trouver ça long. Est-ce que toi, tu l’as ressenti ainsi ?

Oklou : C’est vrai que j’ai pris mon temps. J’ai un peu un dilemme par rapport au temps que j’ai pris. Parfois, je ne sais pas si ce ressenti vient d’un manque de maîtrise ou d’erreurs que j’ai commises ou si c’est la société dans laquelle on vit, avec la vitesse à laquelle sortent les choses et les attentes qu’on a, qui me donne cette impression que j’ai été trop lente.
Je crois profondément qu’il ne devrait pas y avoir de format d’années quand on fait de l’art. Certains mettent des années à créer une œuvre, et c’est très bien comme ça. Pour moi, le temps fait partie intégrante de la création. Comme le fait d’accepter qu’un projet sur lequel on a travaillé longtemps puisse ne jamais sortir.

Plein de choses qui ne sont pas toujours compatibles avec ce que l’industrie attend. J’ai choisi de faire partie de cette industrie et je l’assume, donc je dois apprendre à dealer avec ça. Personnellement, j’ai parfois trouvé que les deadlines m’aidaient à avancer, en m’obligeant à poser un point final à certaines choses et ne pas avoir trop de choix. J’ai aussi fait des choix influencés par des forces extérieures en termes de timing. J’ai des sentiments très mitigés à ce sujet-là.

LFB : Par rapport à ce processus créatif, est-ce que ce temps était lié au fait d’expérimenter ou d’essayer de nouvelles idées qui n’ont pas toujours abouti, des morceaux qui ont connu plusieurs versions ?

Oklou : C’est un peu tout à la fois. Dès le début, j’ai décidé de ne pas réutiliser les mêmes codes que pour mes projets précédents. J’avais peur de rester dans un confort sonore ou de reproduire des procédés sans les faire aussi bien. Il a fallu que je base mes recherches et mes premières expérimentations sur des choses qui étaient un poil moins instinctives pour moi. Cela a rendu la construction des morceaux plus fastidieuse, avec davantage de questionnements et de doutes. Certaines démos ont fini par me lasser. Par exemple, pendant un an et demi, j’étais convaincue qu’un morceau ferait partie de l’album mais au final, il n’y est pas.

LFB : Lors de la sortie de Galore, tu avais mentionné dans une interview que tu te sentais un peu seule et émotionnellement anesthésiée pendant sa création. Pour cet album, est-ce que tes émotions ont été différentes ? On voit une facette différente de toi dans ce projet. Cela reflète-t-il un changement personnel ?

Oklou : Oui, totalement. Entre Galore et choke enough, j’ai l’impression d’avoir changé de planète. Bon, j’exagère un peu, je ne suis pas devenue quelqu’un d’entièrement différent mais Galore est né à un moment où je sortais d’une période d’anesthésie émotionnelle. Je venais de traverser cette phase et ça m’avait inspirée. Galore était intense émotionnellement, mais aussi plus « facile » à écrire car il racontait une histoire précise que j’avais déjà en tête. Mon travail a simplement été de la mettre en musique. Avec choke enough ça a été différent. Ces dernières années, j’ai traversé une phase de transition, ma post-vie de Galore aussi.

Il y a un lien évident entre notre perception du monde et comment on transfère cette vision dans l’art. Après Galore, où j’ai vécu des choses quasi traumatisantes, j’ai l’impression sans l’avoir vraiment conscientisé que j’ai dû déconstruire beaucoup de choses, comme si pour ma propre santé mentale j’ai dû reconsidérer ce que je trouvais beau dans la vie.

J’ai commencé à déconstruire ma perception de la beauté, des relations sociales, amoureuses et de mon rapport au monde. Tout cela a eu un impact sur ma création. Ça m’a poussé à me réapproprier ma vision des choses tout en étant en pleine introspection. Créer tout en essayant de comprendre ces transformations intérieures a été un vrai challenge.

LFB : Pourquoi as-tu choisi ce titre pour l’album ? Qu’est-ce qui t’a poussé à penser que ce morceau illustrait mieux l’ensemble du projet qu’un autre ? 

Oklou : La raison est assez simple. Ce choix, je l’ai fait un peu par défaut, sans que ça soit péjoratif. Rien d’autre ne résonnait autant pour moi que choke enough, qui est aussi le titre d’un des morceaux de l’album. C’était le premier titre d’une démo vraiment significative dans le processus de création. Puis quand il a fallu choisir un titre pour l’album, c’est celui-ci qui faisait le plus de sens pour moi, même si j’ai conscience que les mots assemblés n’ont pas de signification claire. Au final je me suis dit que ces mots portent une résonance qui m’appartient. Ce titre a une signification profonde pour moi, même si elle n’est pas évidente pour les autres.

Ce qui est bien avec l’art, c’est qu’il n’est pas nécessaire de chercher une logique à tout. J’ai été un peu convaincue de ça grâce à David Lynch. C’est un état d’esprit qu’il a exprimé dans son travail et ses interviews. Il parle de lâcher prise, de ne pas chercher du sens dans tous les choix qu’on fait, et cela m’a beaucoup influencée inconsciemment, notamment pour le choix de ce titre.

LFB : Certains artistes veulent qu’il y ait un sens à chaque détail de leur musique ou de leur visuel, tandis que d’autres adoptent une approche plus instinctive.

Oklou : J’ai l’impression que de toute façon avec le langage on peut faire du lien avec ce qu’on veut, c’est de la rhétorique, quand on parle des œuvres qu’on apprécie. Pendant le processus d’écriture, j’ai passé beaucoup de temps à chercher un sens, parfois à l’excès. Je me suis pris la tête sur des détails qui, au final, n’étaient pas nécessaires. Même pour des choix cruciaux, comme le titre de l’album, j’ai compris que ce n’était pas toujours nécessaire de tout justifier.

C’est essentiel de laisser une place à l’imagination, de cultiver cette liberté créative sans vouloir tout rationaliser.

LFB : Et tu laisses ainsi ton public libre d’interpréter ? 

Oklou : Oui, exactement. Il faut avoir confiance dans le public et accepter qu’ils puissent interpréter les morceaux à leur manière.

© Gil Gharbi

LFB : Parlons de la production de l’album. Comment as-tu travaillé avec les autres producteurs ? Il y a des moments minimalistes mais aussi très puissants et enveloppants, un équilibre assez rare qui est une vraie force chez toi. Comment avez-vous construit cela ? 

Oklou : J’ai principalement travaillé avec Casey MQ sur tous les morceaux. Il a vraiment apporté une réflexion globale au projet à mes côtés. Cet équilibre dont tu parles, ce n’est pas quelque chose qu’on a consciemment cherché à atteindre, c’est venu naturellement.

Au départ, mes démos avaient des impulsions un peu différentes de ce que j’ai pu faire dans le passé, parfois plus dynamiques ou inscrites dans des genres plus spécifiques. Par exemple, le morceau Harvest Sky, qui est joué dans les clubs, c’est quelque chose de nouveau pour moi. C’est un registre que je voulais explorer, un peu comme un « now or never ». Je ne suis pas certaine de vouloir aller plus loin dans ce registre à l’avenir, mais c’était une opportunité pour moi d’essayer des dynamiques plus « audacieuses ». Je suis habituée à des productions éthérées et douces, mais pour cet album, j’ai voulu voir ce dont j’étais capable. Cela dit, ces choix ne sont pas toujours conscients : je les fais dans l’instant juste parce que j’ai envie à ce moment-là de cette ambiance, puis je les analyse après coup.

LFB : On te rappelle encore en interview que tu as pris très tôt l’habitude de travailler à Londres ou à Los Angeles parce qu’en France il n’y avait pas un public pour la musique que tu avais en tête. Mais est-ce que le fossé est aussi grand encore aujourd’hui ? Tu as sold out deux Cigales et un Trianon en un temps record, j’ai l’impression que le public est très réceptif et attendait ton retour avec impatience et te fait complètement confiance pour acheter leur place sans avoir écouté l’album auparavant.

Oklou : Oui, c’est vrai. Mais ce n’était pas tant une question d’incompréhension en France. Mon choix d’aller travailler à l’étranger était surtout guidé par une envie personnelle : mes artistes préférés étaient ailleurs. Ce n’était pas une fuite du pays, mais une attraction vers ce qui m’inspirait.

Concernant le public, il y a une concentration très forte à Paris. C’est un phénomène que j’ai remarqué et dont j’ai discuté avec d’autres artistes comme Bonnie Banane. On peut remplir des salles à Paris mais c’est plus difficile dans d’autres grandes villes. Ce n’est pas qu’il n’y a pas de public ailleurs mais il semble que Paris concentre une part importante de personnes intéressées par ce type de musique. Je ne saurais pas vraiment l’expliquer.

C’est vrai que j’avais déjà sold out à Paris, mais c’était quand l’album était déjà sorti. Là, c’est différent. Les gens ont pris leurs places sans même connaître les nouveaux morceaux. C’est touchant, ça demande une certaine confiance de leur part. C’est hyper surprenant et un peu intimidant.

LFB : Je crois que tu as fait quelques petits sets récemment. Ça fait un moment que tu n’as pas tourné, mais tu as pu tester un peu des morceaux en live. Pour la tournée qui arrive, tu as commencé à réfléchir à l’ambiance que tu veux créer ? 

Oklou : J’ai déjà commencé les discussions avec les équipes avec qui je travaille pour le live. C’est en train de se construire, mais je dois avouer que je suis un peu en retard sur ce travail-là, ça me stresse un peu.

On a déjà quelques jolis concepts que j’ai hâte de concrétiser avec mon scénographe. J’aimerais vraiment axer ce show sur le travail lumière, c’est un aspect que je n’avais pas encore eu la possibilité d’explorer à fond. 

© Gil Gharbi

LFB : J’ai regardé un peu tes réseaux sociaux. Moi, je t’ai connue à l’époque où tu t’appelais encore Avril Alvarez. Tu postais souvent des photos facetunées rigolotes, tu semblais peut-être plus à l’aise avec l’usage de ces plateformes. Je voulais savoir, aujourd’hui, c’est quoi ton rapport aux réseaux sociaux ?

Oklou : Mon lien avec les réseaux sociaux, il est ancien maintenant. Mais là, j’ai l’impression d’être un peu en rupture. Peut-être que ça se sent pour les gens qui me suivent depuis longtemps, j’ai moins cette capacité ou envie de m’exprimer de manière spontanée.

Je pense que c’est lié à plusieurs choses. Déjà, les plateformes elles-mêmes ne m’émerveillent plus comme avant. Instagram, Twitter, Youtube, TikTok… je les regarde, mais ça ne me nourrit plus. J’ai l’impression d’avoir fait le tour de ce qu’elles pouvaient m’apporter.

C’est dur de continuer à donner du temps ou de l’énergie sur ces espaces quand eux, en retour, ne m’amusent plus. Il y avait ce sentiment d’appartenir à une communauté sur Internet. Mais là, je ne ressens plus ça.

En ce moment, je suis plutôt en train de chercher d’autres espaces, virtuels ou non, où je pourrais retrouver cet émerveillement. C’est un peu une quête et un des thèmes de l’album.

Peut-être que j’ai raté une étape d’adaptation, mais c’est comme ça. Je ne sais pas trop qui est responsable de ce changement, je pense que c’est un mélange de plusieurs choses. D’abord, il y a eu des changements dans mon algorithme, mais aussi dans mes centres d’intérêt. Avant, mon feed était rempli uniquement de contenus d’artistes et d’art alternatif, ce qui me fascinait. Aujourd’hui, c’est devenu plus varié, il y a encore un peu de ça, mais aussi beaucoup de trucs sur comment cultiver du basilic, de la politique… même si j’adore ces choses-là.

LFB : Tu es tout de même assez engagée. Tu as souvent partagé des récoltes de fonds pour Gaza, par exemple. Tu utilises tes plateformes pour des causes qui te tiennent à cœur. Ce n’est pas le cas de tout le monde, il y en a qui ne sont pas à l’aise avec le fait se positionner quand ils ont une grosse audience.

Oklou : Oui, j’essaye. Et je comprends ça aussi. Pour moi, ça a pris un certain chemin avant de me sentir légitime à parler de ces choses-là. Ce n’est pas forcément parler, mais au moins partager des choses qui correspondent à mes convictions. Je ne pense pas qu’on ait l’obligation d’expliquer tout, mais je fais partie de ceux qui pensent qu’avoir une plateforme, c’est une forme de pouvoir. 

LFB : Tu as partagé aussi des extraits de dessins animés qui t’ont marquée comme Bambi par exemple ou The Plague Dogs qu’on retrouve dans un des sons de l’album et aussi en images dans tes clips. Quel est ton rapport aux dessins animés ? C’est lié à ton enfance ou c’est plutôt un médium qui t’inspire par la manière dont les histoires sont racontées ?

Oklou : C’est un format que j’adore. Avec le temps, je me suis rendu compte que j’étais vraiment fan de dessins animés. À un moment, quand j’ai eu le choix sur les plateformes, je me suis retrouvée à redécouvrir ceux que je regardais quand j’étais petite, en les voyant sous un autre œil. C’est un peu ma madeleine de Proust, j’adore cette sensation. Et il y a des œuvres qui m’ont marquée, comme Le Roi et l’Oiseau.

Ce qui me touche particulièrement dans le dessin animé, c’est la liberté esthétique qu’il offre. Les réalisateurs ont une marge de manœuvre plus grande que dans un film avec des acteurs. Même dans les dessins animés pour adultes, le dessin ça rappelle toujours l’enfance.

LFB : Est-ce que pour toi c’est important de conserver une part d’enfance et d’innocence dans ta manière de voir le monde ? Est-ce que tu as beaucoup changé, ou au contraire gardé cette part de toi active ?

Oklou : C’est une question difficile car il y a beaucoup de choses à dire. Mon enfance a été marquée par des expériences qui m’ont façonnée et il y a des choses contre lesquelles je lutte maintenant, comme le patriarcat, les relations hommes-femmes et bien sûr le racisme, qui était omniprésent dans ma famille très blanche comme dans beaucoup. Je me rends compte en grandissant qu’il y a plein de choses qu’il faut déconstruire mais aussi plein de choses que j’ai à cœur de conserver. 

Je pense que les enfants ont cette chance de voir le monde avec un regard ingénu, plein d’émerveillement et d’émotions sincères. J’essaie, en tant qu’adulte, de retrouver cette sensibilité mais c’est difficile. Il y a cette dualité entre vouloir garder un regard émerveillé sur le monde tout en étant consciente des enjeux politiques. C’est une tension constante. Ça me travaille énormément.

J’essaie de m’inspirer d’artistes qui dans leur carrières et dans leur vie ont eu cette volonté active de libérer leur imagination et se libérer du monde autour tout en restant conscient. Parfois, je me sens déstabilisée, surtout quand je vois ce qui se passe dans des endroits comme Gaza, ensuite c’est difficile de revenir à des préoccupations plus futiles et trouver un équilibre. Mais je ne veux pas être coupée du monde non plus, ce n’est pas juste, je veux garder ce lien inspirant avec le monde tout en étant consciente des réalités. C’est un équilibre difficile à trouver et c’est un objectif pour moi dans la vie.

LFB : Dans cet album et dans ta musique en général, tu abordes souvent des thèmes liés à la vie, la mort et tout ce qui les relie. Tu évoques la vie éternelle, l’infini, les fantômes, les anges, la nature, la frontière entre l’humain et l’irréel. Quelle est ta relation avec ces sujets ?

Oklou : Ces thèmes sont présents parce que ce sont des éléments qui me permettent de rester connectée à l’imaginaire et à l’émerveillement, même dans ce que je consomme, que ce soit à travers des films, des dessins animés ou de la musique. J’aime bien explorer ces mondes fictionnels, parce qu’ils m’offrent une échappatoire précieuse. 

LFB : Dans le livre de Julie Ackermann sur l’Hyper pop, elle te définit comme une « Digi fée ». J’ai bien aimé ce terme, sur ton projet Galore tu avais cette aura d’être mystique de la forêt. Est-ce que tu as des créatures ou des légendes qui t’ont marquée ou avec lesquelles tu te sens proche ?

Oklou : Si je cherche, je pense que je pourrais en trouver, mais il n’y a pas vraiment de figure mythologique qui m’ait marquée plus que les autres. Quand j’étais petite, ma maman m’emmenait souvent voir des conteurs. Ce qui est sûr, c’est que j’ai un fort attachement à l’idée de raconter des histoires. Et je reviens souvent sur cette notion de fiction. Mais je n’ai pas de figure particulière qui surplomberait les autres. Petite, j’étais à fond dans l’univers Disney et j’en garde un super souvenir. Même aujourd’hui, j’apprécie toujours Disney, bien que je sois contente qu’on les questionne. J’ai découvert Miyazaki un peu plus tard, c’est intéressant d’avoir cette vision en comparaison avec celle américaine de la vie.

LFB : Concernant l’univers visuel que tu as créé autour de cet album, à quel point es-tu impliquée dans la direction artistique de ton projet ? Qui t’a accompagnée sur les visuels ?

Oklou : Je suis toujours super investie dans la direction artistique et dans tout l’univers visuel de mes projets. C’est un moment que j’adore.

C’est vraiment un moment récréatif pour moi, peut-être même plus que la musique. Parce que c’est un domaine où je suis censée avoir moins de contrôle, où il y a moins d’enjeux pour moi. Et puis, je travaille avec des personnes qui ont des visions et des connaissances différentes des miennes, que j’estime énormément.

Par exemple, mon partenaire dans la vie, Gil Gharbi, qui a beaucoup travaillé avec moi sur la conception visuelle de l’album, notamment pour les photos, les visuels de l’album, les clips et les photos presse. Il a été une personne clé dans tous nos échanges. C’est un super travail que j’ai envie de continuer pour d’autres projets à venir. Il y a aussi ma graphiste Kim Coussée dont j’adore le travail. Il y a également d’autres personnes importantes, comme mon styliste et la personne qui s’occupe de ma « présence physique », qui sont essentiels dans le processus de création visuelle. 

LFB : Et qu’est-ce qui vous a poussé à choisir ces images, ces teintes de bleu ? Ça me fait penser à des films de science-fiction des années 2000-2010 où cette colorimétrie ressortait pas mal. Par exemple, Donnie Darko ou même Requiem for a Dream, des films où ces teintes sont bien marquées, tu vois ?

Oklou : Je n’avais jamais réfléchi à cela. C’est vrai que ces teintes de bleu et de vert rappellent des œuvres cinématographiques de science-fiction comme Matrix. Donnie Darko, c’est un de mes films préférés. Pour être transparente, je pense qu’on a été influencés par l’esthétique de cette époque sans le conscientiser, mais on voit bien les tendances Y2K.

Gil est quelqu’un qui est toujours sur Internet et c’est un peu une tendance dans laquelle on se trouve. On fait partie de cette génération née dans les années 90, qui a grandi avec ça et on arrive maintenant à saisir ce qui faisait leur spécificités. C’est un peu une façon de rendre hommage à cette période-là. Mais ce n’est pas juste une reproduction vide de sens. On cherche à mélanger ces influences avec une vision plus contemporaine. Ça s’est fait naturellement, il n’y a pas eu de moment où l’on s’est dit : « On va faire ça ». Il se trouve que dans nos mood boards, il y avait beaucoup de pochettes d’albums, de campagnes publicitaires avec du bleu et des images de cette époque là.

En tout cas j’avais à cœur quand je discutais avec les gens qui m’accompagnent de ne pas trop chercher à comprendre. Je suis allée vers ce qui m’attirait naturellement.

LFB : Et je trouve que ça change par rapport à ce que tu as pu faire avant. Ça m’a un peu surprise. Je ne m’attendais pas à cette direction.

Oklou : J’avais vraiment envie de m’éloigner de ce que j’avais fait jusque-là. Même dans la musique, j’avais besoin de quelque chose de neuf, de me stimuler par la nouveauté. J’avais l’impression d’avoir fait le tour de ce rapport très terreux, même si c’est quelque chose qui fait partie de moi encore aujourd’hui. Le bleu, ça a toujours été là et c’était le moment de l’explorer pleinement.

LFB : Pour finir, quelles sont les œuvres qui t’ont marquée récemment ?

Oklou : Ah, excellente question. C’est compliqué parce que ces dernières années, je n’ai pas été super attentive à ce qui se passait autour de moi. J’étais vraiment concentrée sur mon travail. Et quand je suis dans ce moment-là, je deviens moins curieuse de ce qui se passe, parce que j’ai peur que ça me rende moins créative. C’est une vraie crainte, même si je n’en parle pas beaucoup. Parfois, je vois ou j’entends des choses que je trouve géniales et je me dis « oh à quoi bon, c’est plus la peine ». Donc ces dernières années ont été moins riches en découvertes que d’autres périodes de ma vie.

Mais ces derniers temps je me suis retrouvée à écouter beaucoup de musique des années 70, des artistes un peu new age, de l’ambient. Des chanteuses des années 70. Je pense à Linda Perhacs. Winter is Blue de Vashti Bunyan. C’est une chanson que j’écoute beaucoup ces derniers temps. C’est un genre de musique d’une douceur extrême, la manière d’utiliser la voix aussi m’a beaucoup touchée. Elle chante un peu dans le murmure, avec peu d’instruments. Ça m’a donné envie de revenir à des formes musicales plus épurées. J’ai même pris du plaisir à revenir à des bases simples, guitare-voix.

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