Une étude récente montrait que 31% de la population française avait déjà consulté un thérapeute. Après de nombreuses recherches, on a décidé de faire confiance au Dr Bolivard, hébergé chez Cookies Records. On a donc pris rendez vous avec cet être en noir et blanc pour cette première séance en 8 titres.
La vie c’est de la merde. Non, non ne mentez pas, on a tous pensé ça à un moment ou à un autre de notre existence. Quand les sentiments sont trop forts et que la dépression nous enfonce profondément le nez dans notre merde, il est souvent assez compliqué de prendre du recul et de réaliser que tout n’est pas noir ou blanc mais que souvent l’existence se situe dans une zone grise où le bon et le mauvais se côtoient avec une certaine complaisance, jouant souvent à un jeu de corde pour nous faire basculer d’un côté ou de l’autre.
En se créant un personnage tout en noir et blanc, Bolivard a bien saisi cette idée. Comme toute œuvre artistique, il force ainsi le trait pour nous divertir avec cet alter-ego en forme de thérapeute qui donne son nom à ce premier EP : le Dr Bolivard.
La dernière fois qu’on avait fait face à un psychiatre en musique, c’était avec Tyler, The Creator lors de ces deux premiers albums Bastard et Goblin. Comme chez l’américain, Bolivard créé un personnage, se poussant dans une sorte de schizophrénie, dont le but principal est de créer un dialogue, l’un et l’autre s’affrontant dans le rôle à la fois de juge et de contradicteur pour réaliser au final que l’un et l’autre sont aussi frappés et irraisonnables.
Ainsi, cette première séance musicale commence par une introduction, l’entrée dans le cabinet médical et l’installation puis se voit coupée par une interlude.
De chaque côté trois titres explorent des sujets aussi divers que la vie, la dépression, le nihilisme, la nécessité de la mort et par extension le besoin de vivre l’existence du mieux possible. Le tout enrobé dans un style musical entre la pop synthétique et la funk, souvent porté par une guitare légère et entêtante, offrant un projet qu’on pourrait voir comme le croisement improbable de Mr Oizo et Vladimir Cosma.
Ainsi, la première partie laisse la parole à Bolivard : celui-ci expose ainsi toutes les choses qui lui font penser que « l’existence est un énorme tas de merde« .
Ainsi La Vie s’amuse à nous raconter tout un tas de petit tracas du quotidien, entre disputes conjugales sur fond de personnages de séries, sandwich qui ne correspond pas à nos attentes et travail qui ne répond pas forcément aux exigences et aux ambitions que l’on souhaiterait pour soi même.
Ces problèmes accumulés, pas réellement important pris individuellement, créent chez Bolivard une sorte de poussée de fière le poussant dans une sorte de nihilisme qu’il exprime avec Sauvons. Le morceau pointe ainsi du doigt l’idée qu’à force de vouloir tout sauver, on finit par ne rien sauver du tout et que l’époque a tendance à mettre sur un pied d’égalité la fin dans le monde et la liberté du maire de Levallois-Perret. Les deux morceaux permettent aussi de mettre en exergue la philosophie musicale de Bolivard : si on ne peut pas changer les choses, autant en rire. C’est d’ailleurs aussi ce qui sauve Réalité de la sinistrose totale : si le morceau est extrêmement sombre, il trouve une respiration dans cet humour et cette idée saugrenue de mettre le personnage en conversation avec le SAV de la vie. Ainsi les trois morceaux, montre une véritable évolution, une explication assez claire de ce qui amène le personnage à consulter le Dr.Bolivard.
Après l’exposition des problèmes, vient donc l’heure de la Prescription (interlude), donnant la parole au thérapeute qui se trouve être aussi taré et drôle que la personne qu’il est sensé soigner. Et, si les morceaux semblent jouer le rôle de miroir de ce que l’on vient d’écouter, un changement se fait tout de même assez significatif : Ici la parole, et par extension le personnage de Bolivard, élément pourtant central de la première partie, se retrouvent relayés au second plan pour des morceaux qui deviennent presque instrumentaux à l’image de Mélancolie et Focus. Ce n’est pas le cas de La Mort, mais elle aussi rabat les cartes de la première partie puisqu’elle transforme le « je » en « il ». Ainsi, dans ce morceau étrange qui se déroule comme un petit film, il n’est plus du tout question de Bolivard mais d’idées et d’émotions à appliquer afin de l’aider à faire fasse à ses sentiments et à retrouver le chemin vers sa guérison.
Plus qu’un premier EP, Dr Bolivard est un concept, une séance thérapeutique aussi drôle que dansante qui nous rappelle que si la vie est importante, il est aussi nécessaire de ne pas trop la prendre au sérieux et de savoir prendre parfois du recul sur ce qu’on peut croire insurmontable. Un EP qui fait du bien au final. On a déjà pris rendez vous pour la prochaine séance.
PS : on a volontairement inclus dans l’article les trois vidéos qui accompagnent certains titres de Dr Bolivard et ce n’est pas sans raison. En effet, si Bolivard fait de la musique, le projet est aussi porté par un visuel important et les clips créés pour les titres font donc parties intégrantes de cette expérience, il est donc nécessaire de ne pas passer à côté d’eux, tant ils sont des appendices indispensables pour profiter pleinement du projet.