La légende raconte que dans la nuit rennaise, des ombres se déplacent et chuchotent un langage inconnu et ancien appelé l’Obscurien. Ces ombres mystiques sont au nombre de cinq et se nomment Le Groupe Obscur. Ces chants, comme ceux des sirènes, ont attirés à eux Midnight Special Records grâce auquel ils ont fait les présentations avec Selesȼa. Un an après, les voici déjà de retour avec un nouvel EP totalement en obscurien : Pondecen.
Grimpez avec eux dans leur barque magique et laissez vous guider sur le fleuve des sentiments du Groupe Obscur.
La musique est un voyage, un voyage qui nécessite parfois qu’on se détache des mots et de leur sens pour en découvrir toutes les saveurs. Dans cette optique on pourrait prendre deux exemples concrets pour exprimer notre point de vue : ne pas parler norvégien ne nous a jamais empêcher d’apprécier à sa juste valeur la musique de Casiokids tout comme, si elle existe en anglais, on préférera toujours la version islandaise de la musique d’Ásgeir. Concrètement, la musique est une émotion, brute, intense, qui jaillit sans qu’on s’y attende vraiment et qui nous ramène parfois à des souvenirs ou des sensations. Il est donc important de se détacher de ce besoin de sens et de concret pour se laisser bercer par l’inconnu, par ce sentiment de déstabilisation qui s’empare de nous lorsqu’on se retrouve face à quelque chose qui nous échappe.
On imagine, c’est notre théorie, que c’est cette idée qui a poussé Le Groupe Obscur à développer l’obscurien. Porté par des références dans lesquelles se confrontent aussi bien Le Seigneur des Anneaux que Zelda ou Final Fantasy, leur langage devient une matière à malaxer, un terrain de jeu infini et instrument aussi important que la basse, la batterie ou la voix. Ici les mots se créent et se malaxent, ils se mélangent les uns aux autres. Bien sûr tout cela a un sens, comment ils nous l’expliquent avec humour et amour sur leur chaine YouTube. Cependant, alors que Selesȼa alternait entre français et obscurien, Pondecen lui n’utilisera que la seconde, leur langue, pour développer un imaginaire luminaire ou l’on croise à la fois des poissons, des sirènes et le temps qui passe et file comme un court d’eau.
Il y a quelque chose de l’ordre du Moyen-Âge et des bardes dans ce Pondecen, comme une histoire qui se raconte en chantant, qui se transmet et qui se diffuse de bouche à oreille, du vieillard à l’enfant, chacun entend l’histoire et y trouve une morale ou une opinion qui lui appartient. Dream pop éthérée et intemporelle, la musique du quintette est aussi une ode à la rêverie, au laisser aller. Elle s’écoute, elle s’écoule et nous emporte. Fhëmë ouvre les portes d’un monde merveilleux. On est pris par la main et ce titre aux airs d’introduction nous embarque dans un voyage aussi calme qu’inquiétant, comme si les eaux sur lesquels Le Groupe Obscur nous invitait à naviguer regorgeaient autant de trésors que de monstres mortels. Voliansor nous ramène sur des terres plus connues, proche de ce que le groupe avait développé dans son premier EP, dans les sonorités, on sent une vraie influence du compositeur Nobuo Uematsu de par certaines textures sonores et des répétitions musicales aussi discrètes qu’entêtantes.
Mais la vraie pièce d’importance de de cet EP est évidemment Pondecen. Divisé en trois actes distincts mais pensé comme un tout, le titre, long d’une dizaine de minutes, est une petite merveille d’inventivité et d’imagination. Un morceau monstrueux qui nous berce et nous bouscule, qui maintient notre attention à chaque seconde tout en nous poussant vers l’imaginaire, le notre autant que le leur. Pondecen est un morceau fait pour la divagation, pour la contemplation des nuages à la recherche de formes qui nous rappellent des chimères. C’est une œuvre mouvante à la beauté fulgurante qui s’écoute pour ne pas s’oublier. Avec ces trois parties aussi différentes que finalement complémentaires, Le Groupe Obscur frappe très fort et nous enchante une nouvelle fois. Une petite merveille pop inventive, humaine, illuminée et rêveuse comme on aimerait en écouter plus souvent. Plus qu’un groupe, Le Groupe Obscur est une utopie à laquelle on adhère totalement.
Crédit photo : Lise Dua