Lorsque les choses vont mal, lorsque le monde ne tourne plus rond, une bande de héros de différentes couleurs débarquent pour nous sauver, remettre les pendules à l’heure et laisser briller le soleil. Non, on ne parle pas des Power Rangers mais bien des Lunatiques, gang québécois et coloré qui vient réveiller notre printemps. Après une poignée d’EPs, le quintette passe au long format avec Orange Flottant et ça se découvre aujourd’hui en primeur sur La Face B.
Dans la musique, il y a des groupes qui ont un style et puis il y a des bands qui ont LE style. Pas besoin de s’attacher à un genre musical, comme des petits voyageurs, ils passent d’un style à un autre, d’une époque à la suivante, avec le même talent, la même aisance et une facilité qui en rendrait jaloux plus d’un.
On va couper court à toute interrogation : oui Les Lunatiques fait parti de la seconde catégorie. Même si ils ont une appétence certaine pour les sonorités des années 70/80, le quintette composé d’Antoine Bourque, d’Ariane Roy, de Simon Guay, de François Pelletier et de William Lévesque s’amuse à ne pas choisir et nous entraine avec eux dans un premier long format foutraque et réjouissant. Une entité jouissive et bigarrée : prenez 12 pièces uniques, 12 idées de la couleur différente, passez le tout au shaker et vous obtiendrez Orange Flottant.
Un voyage organique, parfois étrange, souvent chaleureux dans lequel on croise des distorsions, de la country, de l’amour doux-amer et une pointe d’égo-trip bien senti.
Les Lunatiques
Pourtant tout semblait démarrer comme un trip classique, mais au combien plaisant, dans la musique québecoise moderne : Entre Marie Dans Le Coma et Faire Danser Les Morts, on se retrouve des gimmicks de guitares parfaits, un orgue, des synthés et un groove inattaquable qui ferait remuer n’importe quel popotin, le tout saupoudré d’une pointe de mysticisme et de ton cryptique dans les paroles.
Et puis … et puis débarque Popcorn et d’un coup tout bascule. Comme si on se retrouvait dans l’upside-down de Strangers Things, nous voilà dans une dimension parallèle. Un titre heavy au possible, qui commence par une introduction bien lourde avant de nous entrainer dans une énergie folle où l’on prend des psychotropes au maïs pour profiter du show des Lunatiques.
Un bad trip hilarant, où le groupe semble prendre la place d’un spectateur pas forcément au meilleur de sa forme qui marque par le talent du groupe à se réinventer, à rebooter sa musique de la plus simple des manières. Une manière maligne et forte de maintenir l’intérêt et de surprendre.
Cela continue juste après avec 21h30, un titre qui prend les apparats de la pop-song un brin psychédélique qui laisse une nouvelle fois toute la place aux guitares et à un rythme trépidant et saturé.
Histoire de permettre à l’auditeur de reprendre ses esprits, Les Lunatiques ralentissent légèrement le rythme et nous offre deux morceaux fort à propos en milieu d’aventure : Il y a d’abord la planante OH NO, complainte amoureuse désabusée et These Boots Aren’t Made For Playing Drums, hilarante escapade country qui rend un subtil hommage à Nancy Sinatra.
Les Lunatiques
Il est ensuite temps de remettre le pied sur la pédale d’accélération et cela tombe bien puisque c’est ce moment que choisit Nous Sommes De La Drogue pour débarquer. Une chanson au rythme frénétique et aux paroles limpides qui laisse une nouvelle fois place à tout les talents de ces cinq musiciens et nous laisse avec une idée qui semble résumer tout l’album : « avale, avale toutes les couleurs« . Le genre de drogue légale dont on aura clairement du mal à se passer.
Toujours Les Faces poursuite cette aventure qui bouge et appelle au changement et à la révolution. Des boucles sonores, des solos de guitare bien senti et le besoin de botter les c… pour prendre la place des faces vieillissantes. Oui Les Lunatiques en ont sous le pied, et ils le prouvent divinement.
Cyber Seduction prend la suite et porte parfaitement son nom. En parlant des relations amoureuses par le biais des réseaux et des écrans, le groupe se transforme le temps d’une chanson en temple de la dance music. Un terrain bien plus synthétique et obsédant qui colle aux idées du morceau.
Le Demon et Kick Of Laurie Foster remettent les guitares au centre du jeu, d’une manière très différentes, puisqu’on passe d’un plaisir cinématographique ) un autre qui, en anglais, pourrait rappeler le meilleur moment des Ramones.
J’ai Vomi termine l’aventure comme un feu d’artifice. Un titre imparable, qui nous dit qu’après avoir avaler les couleurs, il est temps de les recracher. Un trip parfait pour achever un album qui n’en demandait pas tant.
Orange Flottant est un grand album, un kaléidoscope qui mélange le genre et les émotions sans pour autant lasser ou déconcerter. Si on nous demandait d’expliquer pourquoi on aime tant la musique venue du Québec, c’est certainement l’album fait par Les Lunatiques qu’on présenterait à un auditeur novice.