Quand la Face B rencontre April March Meets Staplin

Quand April March rencontre le duo de Rouen, Staplin, cela donne naissance à un très bel album qui synthétise à merveille les univers étrangement proches portés par les artistes. Hors du temps, les 14 titres aux sonorités délicieusement psychédéliques forment la bande-son d’un film imaginaire dont les séquences se formeraient inspirées par les notes de musique. Nous avons retrouvé Elinor Blake (aka April March) et Staplin représenté par Noman Langolff (Arno Van Colen n’ayant pu venir) au salon de thé du musée de la Vie Romantique de Paris, à deux pas de l’immeuble où Serge Gainsbourg passa son enfance.

Crédits Antoine Quittet – April March et Norman Langolff (de Staplin)

La Face B : Première question que l’on pose toujours, mais qui a son importance, comment allez-vous ?

April March : Je suis un peu fatiguée, mais cela va quand même très bien.

Norman : Moi, ça va très bien.

La Face B : Elinor, même si vous êtes ancrée en tant qu’April March dans le paysage musical international et français depuis longtemps, vous avez été très active ces dernières années.

April March : Oui, j’ai fait un album avec Mehdi Zannad et pendant la période du Covid, je suis allée à Nashville pour enregistrer un EP dans la maison de Jack White avec sa femme Olivia Jean.

La Face B : Pour reprendre le nom de votre dernier album, April March Meets Staplin, comment vous êtes-vous rencontrés ?

Norman : Tout d’abord, mon acolyte Arnaud de Staplin ne pouvait être là et s’en excuse. Comment cela s’est-il passé ? On enregistrait notre album précédent [Neon Shades] et l’on avait besoin de voix. Et Thomas Jamois, qui produisait l’album, nous a proposé d’essayer de collaborer avec April March. On lui a envoyé un morceau et elle a réagi positivement. On s’est alors rencontré et elle a écrit le texte de la chanson qui figure dans notre album Neon Shades, Celluloïde. D’ailleurs, Lay Down Snow White qui figure sur l’album April March Meets Staplin date aussi de cette époque, mais comme au niveau du mood il ne correspondait pas aux autres morceaux, on l’a mis de côté.

La Face B : Qu’est-ce qui vous a donné envie de collaborer ?

Norman : C’est déjà une rencontre facile au niveau de l’esprit, du mood, des goûts.

April March : Oui, ça marche bien !

Norman : On ne se pose pas trop de questions quand ça coule tout seul. Et après on a envie de continuer. Ça se fait naturellement.

April March : C’est un plaisir naturel.

La Face B : Il y a donc eu quelques morceaux faits ensemble à l’époque de Neon Shades et après l’envie de continuer

Norman : Le projet de collaborer encore plus. Comme cela marche bien, on a envie de continuer, d’aller plus loin. Nous avions avec Arnaud cette envie, Elinor également. Et dans la collaboration, tout s’est fait très naturellement. On lui partage un titre et elle a envie ou pas d’écrire dessus. Après, on monte ça tous ensemble.

April March : En fait, il n’y a pas eu de chanson que vous m’avez envoyée que je ne voulais pas faire. J’avais envie de les faire toutes parce qu’entre nous trois, nos esprits sont très proches.

Norman : Oui, je confirme. Cela se joue dans l’inspiration – ce que la personne t’inspire – et tu crées autour de ça.

Crédits Antoine Quittet – April March devant la porte du 11bis rue Chaptal, immeuble où Serge Gainsbourg passa son enfance

La Face B : Justement sur votre album y a-t-il eu une ligne directrice adoptée dans la composition des morceaux aussi bien en termes de musique que de narration ? Y a-t-il quelque chose qui les relie ?

April March : Norman et Arnaud m’ont envoyé des démos. Et ils avaient toujours un titre très mystérieux. Et il y en a un que j’ai jeté immédiatement. Je ne veux pas de celui-là.

La Face B : Il s’agissait de quel titre ?

Norman : Guy B ?

April March : Non, ce n’était pas celui-là, c’était celui qui a donné Villain’s Whisper. La démo arrive et dans la démo, il y avait la voix de Norman, mais sans lyric.

Norman : C’était en yaourt.

April March : Mais de temps en temps, il y avait un mot qui s’échappait du yaourt que je prenais. C’est un peu comme le jeu du cadavre exquis. Et avec les chansons d’Arno, c’était un peu la même chose, comme pour Le Rayon Vert.

April March : Pour Ombres, je n’ai pas écrit les paroles. Arno s’en est occupé. Mais lui autant que moi aimons beaucoup Guy de Maupassant. Il y a composé les paroles en s’inspirant de l’atmosphère de ses romans.

La Face B : Elle est d’ailleurs très belle.

April March : J’adore cette chanson.

La Face B : Et musicalement, il y a eu une ligne directrice dans cet album ?

April March : Quand j’ai reçu les musiques, elles me sont apparues comme des petites musiques de film. Elles m’ont toutes suggéré des scénarios. Aussi, écrire des paroles m’a semblé très facile et amusant. Dans la musique d’Arno et de Norman on retrouve toujours un trait cinématographique. Une atmosphère qui me conduit dans un endroit et vers des personnages. Par exemple dans Get Wild, Elevator Man.

Norman : La bossa de l’album.

April March : Elle est très intrigante dans sa production. Le Rayon Vert est quant à elle complètement différente, la lumière, le sens…  

La Face B : C’est vrai qu’avec même son nom Staplin est un projet qui prend racine dans les films. Staplin fait référence à un personnage du film Série Noire de d’Alain Corneau

Norman : Et pas le personnage le plus sympathique [Rires]

La Face B : De même en termes de références, vous venez d’enregistrer à Villerville – le Tigreville d’Un Singe en Hiver d’Henri Verneuil.

April March : Ce sont des enregistrements que l’on a faits pour notre prochain album. Et pour Un Singe en Hiver c’était Michel Magne qui a en composé la musique.

La Face B : Et c’est un point commun entre April March et Staplin de réussir à se projeter dans des images ou des ambiances cinématographiques ?

Norman : Oui avec des références, communes ou pas. Et puis d’attaquer les titres avec une structure couplet-refrain, avec des thèmes, en s’accordant plus de liberté.

La Face B : Et côté cinéma, Elinor, j’ai lu que vous alliez collaborer avec Marie Losier sur un film.

April March : Deux films, un court métrage et un long métrage. Une comédie musicale qu’elle est en train d’écrire. Ce qui est chouette entre Staplin et moi, c’est qu’ils font de la musique et moi dans mes backgrounds, j’ai fait des dessins animés. Il y a beaucoup d’acting. Quand je pense, je pense comme le ferait un acteur. Ça marche parce qu’il y a toujours un personnage.

La Face B : Une performance d’actrice dans la façon de concevoir ou de chanter les chansons. Et pour faire le lien avec les dessins animés, la vidéo qui accompagne Les fleurs invisibles fait penser à La Planète Sauvage de René Laloux.

Norman : C’est Oscar Jamois qui l’a réalisé.

April March : Le fils de Thomas Jamois qui l’a fait tout seul

Norman : De sa propre initiative. Il a eu envie de le faire. Il nous a demandé si cela ne nous dérangeait pas s’il le faisait. Au contraire. Cela lui a pris énormément de temps.

La Face B : Et par conséquent, cela vous rapproche de votre univers d’illustratrice. Et sur ces sujets vous avez également un projet en cours.

April March : Oui c’est un livre qui va sortir l’année prochaine. J’ai déjà illustré un livre pour enfant, mais pour celui-là je me suis occupé du texte et il y a un très bon illustrateur français – Marc Boutavant – qui va en faire les dessins.

La Face B : Et son sujet portera sur quoi ?

April March : Avec un humour un peu dans la veine de Maurice Sendak que l’on connaît particulièrement pour avoir écrit et illustré Where the Wild Things Are [en français : Max et les Maximonstres].

La Face B : Marc Boutavant a son petit succès en France avec ses personnages de Mouk et d’Ariol.

April March : Il est très bon. J’ai beaucoup de chance de travailler avec lui.

La Face B : Pour revenir à votre album, les compositions ont parfois des reflets rock progressif ou psychédélique. C’est complémentaire des années 60 auxquelles on a tendance à vous associer ? Quelles ont été vos influences ?

Norman : Ce n’est pas vraiment précis. On écoute plein de trucs et nos chansons, on les compose sur le moment. On se sert de plein d’éléments en essayant d’en faire quelque chose. Ça a une cohésion globale, mais ça s’arrête là.

La Face B : Le disque s’ouvre sur Rayon Vert qui nous propulse sans transition dans l’univers du disque. Il y a une voix en introduction, à qui appartient-elle ?

April March : C’est celle de Toby Dammit, notre batteur fabuleux. Il a joué avec Iggy Pop et Nick Cave. J’ai fait un album avec lui. Il a beaucoup travaillé avec Tricatel.

Norman : Il joue super bien.

La Face B : Quels sont vos projets à venir ? Vous parliez tout à l’heure d’un autre album.

April March : Il est fini et il est magnifique. Dans cet album, Norman a tout fait – musique et instruments – sauf les paroles que j’ai écrites. Ce n’est pas Staplin. Quant à moi, je me suis occupé d’écrire les paroles et de les chanter. Et pas toute seule, car Norman chante aussi.

La Face B : C’est un album April March meets Norman ?

Norman : Non, juste April March. Je suis le shadow [Rires]

April March : C’est le producteur !  

Norman :  Le dark shadow ! Pour le moment, nous n’avons pas de date de sortie de prévu. On l’a fait parce qu’on avait envie de le faire. On verra après.

La Face B : Et des concerts ?

April March : On aimerait bien à l’automne.

Norman : Ça se prépare et oui, on aimerait bien !

La Face B : La transition entre studio et live ne doit pas être aisée.

Norman : Mais c’est bien de le faire. C’est une autre aventure et une autre façon de faire vivre les morceaux. C’est intéressant. Et de pouvoir les proposer à des gens qui nous feront face, c’est mieux que devant un ordinateur !

La Face B : Et pour conclure, que peut-on vous souhaiter ?

Norman : A long happy life !

April March : Je ne sais pas. J’espère pouvoir faire d’autres musiques.

Norman : More money !

Crédits Antoine Quittet
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