Rencontre avec DJ PONE

DJ PONE a récemment dévoilé son nouvel album 1978. On l’a rencontré juste après son concert à La Maroquinerie. L’occasion de parler avec lui de ce nouveau projet, de l’importance du live, de ses collaborations et de sa longue et brillante carrière.

La Face B : Salut Thomas, comment ça va ?

DJ PONE : Je suis fatigué. Non ça va très bien. Je sors d’un très beau weekend, enfin d’un beau vendredi soir, suivi d’un très beau samedi et d’une petite, qu’on appelle en Espagne, resaca le dimanche. Tranquille.

LFB : Je te parle un peu de la Maroquinerie. Comment tu as ressenti cette soirée et surtout cette libération ? Parce que cet album, tu le portes en toi depuis plusieurs années déjà.

DJ PONE : J’ai l’impression d’être une vache et d’avoir fait une gestation de trois piges. Oui, ça fait longtemps qu’il est là ouais. Comment j’ai vécu la Maroquinerie ? J’étais hyper heureux une salle pleine à ras bord devant moi. Il y avait une pure ambiance, les gens ne savaient pas ce que j’allais faire, à quoi s’attendre.

L’album venait d’arriver mais personne n’avait pu encore le digérer. Déjà pour moi, c’était une réussite pour ça et puis, je ne sais pas, il y avait un truc, tout le monde était content, tout le monde souriait. C’était hyper agréable. Sur mes prestations solo, c’est la plus belle soirée que j’ai vécue franchement. Et avec l’after derrière, c’était parfait quoi.

LFB : Le premier album que tu as sorti en solo, tu l’avais sorti sous le nom de Pone. Quelle différence tu fais entre Pone et DJ Pone ? Est-ce que tu en fais une ou est-ce que c’est juste un truc que tu regrettais ?

DJ PONE: Regretter, non. Parce que ce n’était pas très grave. C’est sûrement une erreur mais c’est des discussions que j’avais eues avec Para- One, avec Superpoze beaucoup. Est-ce que DJ ce n’était pas un peu chiant ? Est-ce que ça me mettait pas dans une catégorie ? Des fois, tu as des problèmes existentiels qui ne servent à rien et notamment celui-là on va dire.

Je ne sais pas pourquoi j’avais retiré le DJ. Peut-être qu’à ce moment-là, j’avais envie de porter cette étiquette et qu’on me cantonne pas toujours à ce rôle : tu es DJ, tu fais des scratchs et basta. Donc je pense que voulais retirer pour faire ça et puis finalement, c’est comme ça qu’on me connaît, c’est mon blaze. Je l’ai retiré aussi facilement que je l’ai remis. Ça n’a pas été un long débat. Je ne sais pas pourquoi j’avais fait ça. Enfin si, je le sais mais ça n’a pas vraiment d’intérêts.

LFB : J’ai écoute l’album avant de lire tout ce qu’il y avait autour. La première impression que j’ai eu en écoutant l’album, c’est celui d’une autobiographie en musique. J’ai plusieurs points qui me laissent penser ça. Je me demandais si toi, tu l’avais imaginé comme ça un peu ou pas du tout.

DJ PONE : Euh oui. Je ne me suis pas dit que j’allais faire un album autobiographique qui va s’appeler 1978. Non. La phrase n’est pas sortie comme ça mais en tout cas, Je n’avais pas envie de me restreindre et j’avais envie de retourner sur certaines bases. Radiant, il avait quelque chose… Déjà, la vibe que j’avais pour Radiant était complètement différente parce que je sortais d’une séparation hyper difficile et tout.

Donc, j’étais plutôt dans un mood dégueulasse. J’étais plutôt très triste. Je pense que 1978, c’est un truc beaucoup plus assumé. J’avais envie de faire des morceaux de rap français, j’avais envie de faire des morceaux plus électro, plus agressifs comme BCN Squad qui ressemblait un peu à ce que j’aurais pu faire avec Birdy Nam Nam à l’époque. J’avais envie de me faire plaisir et donc de pas me restreindre et de ne pas me demander ce que les gens allaient penser.

Est-ce que les gens vont être perdus ? Je me suis dit que j’allais faire confiance aux gens et dire que le lien entre tout ce que je fais, ce n’est pas un désavantage, c’est plutôt un point positif et qu’il y a des gens qui arrivent à relier entre les concerts avec Triptik ou Gringe. Le lien là-dedans, c’est moi en fait. De toute façon, je ne suis pas capable de me contenter de faire un seul truc. J’ai trop d’influences. J’ai toujours été comme ça donc je n’ai pas envie de me restreindre. J’ai l’impression que ça serait dérangeant en fait.

LFB : J’ai l’impression qu’il est un peu chapitré par bloc. Il y a des titres comme Feelings ou BCN Squad qui font une sorte de transition entre les différents blocs.

DJ PONE : Ouais. Le Feelings arrive à un endroit précis parce que les voix disent des choses précises et le morceau d’après, c’est aussi ça. Le tracklisting, c’est quasiment le truc que je préfère faire en fait. Quand tu as tous les morceaux.

J’écris tous les morceaux, je regarde déjà si je trouve que c’est joli quand ils sont écrits à la main. Après l’ordre, tu changes. C’est pour ça que j’ai du mal à ne pas faire d’album en fait.

A un moment donné, tu te dis : bon, est-ce qu’on pourrait pas sortir un morceau par mois ? Ou deux morceaux par mois ? Ou même des séries de trois et tout. J’ai pensé à tous ces trucs là et en fait, je n’y arrive pas.

C’est peut-être hyper à l’ancienne mais je ne crois pas que ce soit à l’ancienne, je crois que c’est normal en fait. Pour moi, un album, c’est ça. Kendrick Lamar, ce n’est pas une mixtape où il fout des morceaux à la suite quoi. C’est une œuvre, un truc complet.

Pour moi, c’est évident que l’ordre des morceaux, comment les morceaux s’appellent et dans l’ordre où je les ai mis, il n’y a rien qui est mis au hasard. Absolument rien. Tout est mis dans le bon ordre, à mon sens. Parce qu’il y a une suite logique et je suis quand même DJ.

Quand je construis mes sets en soirée, il y a quand même des temps forts, des moments calmes. Pour le live, c’est pareil. Le moment où Melissa Laveaux arrivait des fois dans le live, c’était à la fin d’un truc tranquille. Après, il y avait Awir Leon derrière. Si j’en avais rien à foutre, je le mettais à un autre endroit. Mais c’était évident que c’était à ce moment-là qu’il fallait le faire. Oui, c’est sûr que c’est quand même réfléchi pour avoir un ordre précis.

LFB : Tu as un côté un peu plus électronique. Après, tu as un côté un peu plus rap et à la fin, tu reviens sur des choses un peu plus posées, presque chanson avec des ambiances.

DJ PONE : Ouais, et après, ça finit avec Jeanne Added. Ça finit un peu en explosion. Mais bon, il y a aussi du hasard des fois et certains morceaux… Les morceaux là, il y en a 14 mais j’en avais fait beaucoup plus. Il y a des trucs que je n’ai pas gardés et que peut-être, je réutiliserais plus tard. Mais on va dire qu’il y a des trucs complètements réfléchis et des heureux hasards. Et c’est cool. Mais même dans les textures de son, il y a des endroits… BCN Squad, pour moi, il arrivait bien après Disiz, le truc un peu sombre, un peu chelou. Ça me paraissait logique.

LFB : Ce que je trouve beau, c’est que finalement tu as tous les genres qui ont traversé ta carrière, Mais j’ai l’impression que l’album a quand même une couleur qui lui est propre et il y a une vraie réflexion pour avoir, comme tu disais, un truc d’ensemble même dans le son et dans la chaleur du son, qui fait que c’est quelque chose de cohérent au final même s’il y a tout un tas de genres différents.

DJ PONE : Ouais, ouais. Parce que je trouve ça tellement fatiguant quand tu as un album où c’est quasiment le même style à chaque coup. Alors que tu peux avoir une cohérence juste dans le style de mélodie ou dans la texture du son. Après, j’ai eu la chance de travailler d’une part avec Fabrice Dupont qui a mixé l’album et qui est un master de chez master, qui m’a fait un son… Il m’a fait un son super vénère et oui, après j’utilise toujours le même genre de basse à chaque fois. C’est toujours des subs parce que je voulais toujours garder une modernité, etc. Dans les beats, c’est pareil. Les textures que j’utilise sont toujours hyper modernes.

LFB : Tu as tout fait pour garder une cohérence, avec l’arrivée des cordes aussi.

DJ PONE : Oui, alors ça c’est Pierre qui a fait ça. C’est un arrangeur incroyable, qui a produit des morceaux aussi avec moi. Et donc pareil, moi mes rêves de cordes, c’était Mélodie Nelson... Et c’est vrai que le fait qu’il mette des cordes partout, déjà c’était un truc un peu old school qui me plaisait de ouf, qui me rappelait Björk ou des choses de ce genre là. Et finalement, ça a aussi fait un truc un peu homogène et ça a mis une espèce de vernis. Par exemple, si je refais des morceaux ou si je refais un EP dans quelques semaines ou dans quelques mois, je pense que j’appliquerais le même genre de formule. Parce que j’ai l’impression que j’ai réussi à trouver un truc qui me correspond bien tu vois. C’est cool.

LFB : Ce qui va un peu à l’encontre de l’autobiographie et ce dont tu as parlé un peu, c’est que finalement l’album est hyper moderne. Il n’y aucune mélancolie, aucune réflexion sur un son du passé qui n’existe plus. Même si tu traverses ta carrière, c’est vraiment le DJ Pone de 2020-2022 qui est présent sur cet album.

DJ PONE : Oui. Ca je pense que c’est de la texture de son. Mes morceaux All I Need et All I Want, qui est juste après, qui est la part 2 parce que c’est exactement les mêmes accords. Celui-là me fait penser à un morceau de Modeselektor mais en plus lent. Moi, je le trouve assez old school mais justement, c’est plus dans les tempos. Ils sont quand même très banger mais après, c’est des textures qui modernisent l’album. Mais effectivement, oui, je ne me voyais pas faire des feats avec les Svinkels. Oui, mon passé est à travers tout cet album mais il est dilué par le son et par les textures. Je ne dis pas que ce n’est pas moderne mais il y a des trucs qui sont pour moi à l’ancienne mais que j’ai modernisé. Il suffit juste de déplacer une caisse claire et de mettre le bon son et d’un coup, ça paraît être le turfu. Alors que cinq minutes avant, c’était le passé.

LFB : Est-ce qu’il y avait une volonté à trouver l’équilibre entre « satisfaire » les gens qui connaissaient déjà DJ Pone et qui te suivent depuis un moment et permettre à des gens qui ne te connaissent pas encore, de te découbrir.

DJ PONE : Ah non. Clairement, l’intérêt, c’est déjà de faire un truc qui me plaît à moi et qui va plaire aux gens. Sur un album comme ça, j’ai été plus ouvert à aller chercher d’autres gens et à essayer… C’est pour ça que j’ai fait des chansons. Quand je fais un truc comme All I Want, je me rappelle le jour où je compose les séries d’accords, je vois que la série d’accords est simple, classique. Je me dis bon, là tu sens qu’il y a un truc. Il y a quelques années, j’aurais dit : non, trop facile, je ne vais pas faire ça. Mais là, je m’en fous en fait. C’est aussi un album de quelqu’un qui n’a plus rien… Ce n’est pas que j’ai rien à prouver mais c’est bon, les efforts je les ai faits. Là, je n’avais pas envie, je n’avais pas envie de faire l’angle, j’avais envie de l’ouvrir.

LFB : Et de faire quelque chose de populaire ?

DJ PONE : Ouais, mais sans être racolo quoi. Tu peux faire du populaire. Populaire, c’est pop quoi. Bien sûr que le morceau avec les voix de gospel. Je ne crois pas en Dieu, je m’en foutais. C’est juste que la voix, quand je l’ai entendue, je l’ai essayée et j’ai vu que ça marchait trop bien. Après, on a fait un tout un trafic pour que tu aies l’impression qu’il y ait 50 personnes alors qu’il n’y en a qu’une.

Je ne me suis pas posé de question : qu’est-ce qu’ils vont penser ? Non. Je ne me suis jamais posé la question de qu’est-ce que va penser telle ou telle personne. Ça, je ne me suis jamais posé cette question. Je me dis : tiens je veux faire des chansons, je veux structurer comme des chansons, je veux que le refrain arrive au moment où il doit arriver, que le pont soit au bon moment. Voilà. Mais des trucs qui ne soient pas élitistes, qui soient disponibles.

LFB : En te faisant plaisir et en te libérant de certaines choses, c’est peut-être aussi le meilleur moyen d’aller vers les gens, avec cet amour de la musique et ce besoin de le partager aussi quoi.

DJ PONE : Ouais, après je n’ai jamais vraiment fait de la zik pour empêcher les gens. Quand je faisais des trucs, je croyais que c’était abordable tu vois. Mais là, ça devient… J’ai mis du temps à m’assumer. Je pense que c’est ça aussi. Et le prochain, ça sera encore plus ouvert, ou pas. Je n’en sais rien.

LFB : Tu parlais des voix. Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que sur l’album, il y a aussi une vraie recherche des voix. C’est quelque chose que tu avais déjà exploré mais pas à ce point.

DJ PONE : Ça, c’est l’exemple type. J’ai toujours eu l’impression qu’il fallait faire moit’ moit’. Il faut quand même que j’ai des morceaux instrumentaux parce qu’en live, et parce que machin, parce que les gens. Mais non, si j’avais voulu faire zéro instru, j’aurais fait zéro instru. Mais ça c’est des questions que je m’étais posées. A faire un truc un peu moit’ moit’. A un moment donné, sur celui-là, il y avait vraiment que deux morceaux que je trouvais, qui en instru valait le coup : BCN Squad et All I Need. Pour moi, ceux-là, avec l’intro, tenaient la route tout seul. Mais les autres, j’ai voulu mettre des feats dessus et en faire aussi… Tu vois Disiz, il est particulier, il n’y a pas vraiment de refrain. Le Jeanne Added, c’est pareil. Elle, elle est là mais pas trop là. Ça c’était important aussi pour moi, que les featurings s’intègrent dans mon album. Je ne suis pas arrivé en mode : j’ai dix prod’, laquelle tu veux ? Non, il y en a une ou deux et ça ne sera rien d’autre. Et souvent, j’ai modifié les prod’ après qu’ils aient posé.

LFB : On parlait d’éviter le côté racoleur. Il y a aussi le fait d’aller chercher des gens nouveaux. Tu as des gens comme Awir Leon ou comme Blasé qui ne sont pas forcément des gens très installés ou connus.

DJ PONE : Ça, je le fais naturellement. Mais là, j’étais content de pouvoir avoir quand même aussi des gens confirmés. Même si ce sont des gens que je connais, etc. Avoir Jeanne Added qui a quand même pris un essor important depuis cinq ans. Georgio et Gringe, même si c’est des gens que je connais bien et que ce n’est pas un miracle qu’ils m’aient dit oui. Mais quand même. Parce que mine de rien, un featuring, même si c’est ton pote ou quoi, ce n’est pas aussi simple que ça, de caler le texte, la musique, le lieu, le moment.

S’il a de la promo avant, s’il a de la promo après, s’il n’est pas en créa. Le laps de temps où tu peux travailler avec quelqu’un, surtout un featuring, c’est ultra court. Le mec ne dit pas : j’écris là et on se revoit dans un mois. Non, non. C’est genre quatre jours. Comme je disais toujours, quand tu as fait beaucoup de featurings comme je l’ai fait, après, tu as envie de ne plus en faire. Tout s’est bien passé mais c’est beaucoup… Après tu veux faire un clip, il faut que les gens soient dispos pour le clip. Il faut que le clip plaise. Enfin, tu vois, c’est un nombre de paramètres. Ça multiplie les possibilités que ça soit galère. Mais ça vaut aussi grave le coup.

LFB : Est-ce que dans la création de l’album, même si ça a dû te rendre fou aussi le Covid, est-ce qu’il t’a aidé aussi dans la création ?

DJ PONE : Le Covid m’a permis de rencontrer Pierre qui a fait les arrangements de cordes. C’est pendant le Covid que j’ai connecté avec un pote à moi, qui était à Barcelone. Moi je n’étais pas encore à Barcelone à ce moment-là. Il y a une fois, je suis allé à Barcelone le voir. Et je lui disais que l’album était fini mais que j’avais peur qu’il manque un truc. Il m’a dit : attends, je connais un mec, tu vas voir, il est incroyable. Et je lui ai envoyé All I Want, qui n’avait pas exactement cette gueule là et le mec m’a envoyé une version. Il m’avait remis des cordes, il m’avait remis des effets, des trucs et tout, des arrangements qui étaient chan-mé. Après, on a fait tout l’album sans même qu’on se rencontre. Le Melissa Laveaux, le titre était exactement comme tu l’entends sauf que lui, il a rajouté des petits effets, des cordes ou quoi qui ont donné l’aspect un peu oriental. Mais ça c’était déjà ce que j’avais fait mais il y a vraiment des cordes et tout. Donc oui, ça c’était arrivé pendant le Covid. Mais après bon, tout le mal que ça m’a fait. Et pas qu’à moi. Je t’avouerai que j’aurais préféré l’éviter. Mais bon, c’est comme ça.

LFB : Comment on évite de faire un album de producteur ? C’est-à-dire un album où il y a tellement de featurings que les featurings finissent par être envahissants sur la musique. Ce qui n’était pas du tout le cas ici parce qu’il y a vraiment une vraie cohérence. Et j’ai l’impression qu’ils se sont tous adaptés à ta musique et à ton désir, plutôt que l’inverse.

DJ PONE : Ça me touche que tu me dises ça. Parce qu’ils ont posé leur voix. Moi je le vois comme ça. Ils m’ont laissé leur voix en gros et moi j’en ai fait ce que je voulais. Disiz, il n’a même pas posé sur la rythmique. Il m’a juste dit ce qu’il voulait en boucle et il a fait tout ses trucs. Moi, j’ai découpé ses voix, j’ai refait tout le beat.

Oxmo, le morceau il l’a posé, le beat n’était pas du tout comme ça. La guitare n’était pas du tout comme ça. C’était ces notes là et tout mais elles ne tournaient pas exactement pareil et j’ai retravaillé le morceau derrière et j’en ai fait autre chose. Donc, forcément le refrain n’existait pas, c’est moi qui l’ai trouvé. Dans des prises qu’il avait faits, il avait dit ces phrases-là.

C’est plusieurs couches. Jeanne Added, elle m’a donné ses phrases, elle en avait fait plusieurs mais le morceau ne partait pas en couille comme ça. C’était beaucoup plus simple. Busy All The Time, à la base il l’avait posé sur l’intru de Remède. Et ensuite, on a accéléré la voix et on a fait une espèce de truc afro. Et ça, ce côté, c’est exactement ça. Ça, c’était toute la différence. Mais après, le mec aurait pu me dire : non mais là, j’ai pas posé là-dessus donc ça va pas. J’ai gardé l’essence du truc mais c’est vrai.

Si je te faisais écouter les versions complètement originales, tu te dirais : ah ouais. Et c’est ça qui est bien je pense.

LFB : Limite, il y a un travail de remix en fait.

DJ PONE : C’est exactement ça, ouais. Mais je ne vois pas pourquoi ça ne se passerait pas comme ça en fait.

LFB : Faire ça, ça te permet aussi d’avoir la liberté de complètement transformer les morceaux pour des live.

DJ PONE : Ça, c’est ma culture. Aller voir un concert et te manger exactement le même son que l’album, tu es comme ça et tu te dis : boring. Et encore, à la Maroquinerie, les gens ne connaissaient pas bien l’album. Le jour où les gens vont vraiment le connaître et qu’ils vont voir le live, là ils vont de dire : ah ouais d’accord, il est parti loin. Parce que là en fait, ça part dans tous les sens.

LFB : Le morceau avec Disiz, j’avoue que sur scène je me le suis pris dans la gueule quand même.

DJ PONE : Ouais, mais surtout que je mets la première partie mais je change un peu le début et après, je switche complètement. Après, à un moment donné, ses paroles reviennent sur la boucle du morceau Friends. Parce que ce sont les mêmes accords. Et tout le long du live, c’est comme ça. Mais je suis certain que je sortirai une version du live de toute façon. Parce que ça change tellement. Comme Justice. Effectivement, tout est revisité et ça, c’est chan-mé.

En fait, je n’ai jamais réussi ça moi, à faire l’album et à me dire que je le compose comme si je faisais un live. Je n’y arrive pas. C’est qu’après. Ça fait deux fois plus de travail. Bref. Chiant. Ca fait un deuxième disque quasiment.

LFB : Est-ce que c’est un album qui t’a apaisé ? Même sur les morceaux les plus sombres comme Remède ou Paradis, il y a un côté hyper lumineux qui ressort de cet album. Sur les cœurs gospels par exemple ou sur le titre avec Blasé, je trouve qu’il y a une vraie chaleur et une vraie lumière.

DJ PONE : Je te dis, je ne l’ai pas fait dans les mêmes conditions mentales de toute façon. Donc forcément. Le truc avec Blasé, je crois que mon ex était enceinte de mon fils. On était à New-York quand je faisais le morceau Friends. T’es à New-York avec ta meuf, il fait beau, tu es dans un hôtel. Bon c’est pas pareil que quand t’es dégouté, t’habites chez un pote. Non.

Donc apaisé, je ne sais pas parce que je ne suis pas le genre de mec dont on peut dire : ce gars est apaisé. Mais heureux et plus joyeux, oui, ça c’est sûr. C’était une vraie volonté. J’avais pas envie. Mais je suis certain que mon prochain, je vais réussir à pousser encore plus loin l’énergie. Je crois que le prochain, je pense que j’ai vraiment envie de faire danser les gens pour de vrai. C’est-à-dire que quand tu l’écoutes, tu as déjà envie de danser en fait. Vraiment un truc qui te porte quoi.

LFB : Il y a déjà un peu ce côté-là, sur All I Want notamment.

DJ PONE : Ah oui, oui. Clairement. All I Want, pour moi, il est calibré pour tourner en radio tu vois.

LFB : Ouais, clairement pour moi, c’est le tube de l’album.

DJ PONE : Quand on parle de single de l’album, pour moi, on parle de All I Want. Mais bon après, est-ce qu’il rentre dans les codes d’aujourd’hui ? J’en sais rien. Après, t’es jamais à l’abri. Tu sais, il peut se passer un miracle. Comme gagner au loto. Il rentre sur MTV là. Incroyable.

LFB : J’ai une question sur la pochette. Comment tu l’as créée ? Quelle est l’importance de la couleur rouge pour toi parce que sur le live, c’est la couleur qui vient au départ et qui te présente un peu.

DJ PONE : Ça, c’est Nicolas Galloux, qui a choisi cette couleur-là. Moi, je lui fais confiance. Alors pourquoi ? Déjà la pochette, à la base, je n’étais pas censé être dessus. C’était juste marqué : 1978. Pour quelle raison j’ai sorti la photo ? Parce que c’est une tof que ma mère avait prise. C’est vrai que l’original est quand même mythique. Dans le hip hop, c’est un truc qui se fait vachement. Je ne sais plus pourquoi j’ai sorti celle-là. Pour 1978, j’ai dit au gars… J’avais donné des réf’ de graphisme que je kiffais. Donc là, on est plutôt sur un truc 70 quand même. En fait, il avait fait des essais et tout. Le 1978, il me l’a quasiment sorti du premier coup. Et je lui ai dit, c’est marrant parce qu’avec les deux bandes comme ça, ça me fait penser à Starsky & Hutch. Pour le rouge, on a essayé plein de couleurs et le rouge, ça frappait super fort. Je ne vais pas dire que j’adore le rouge.

LFB : Ça reste sur l’idée de Starsky et Hutch aussi.

DJ PONE : Il y a un truc un peu pour moi. Après, j’ai jamais revu. Ça se trouve, c’est n’importe quoi. Mais non, c’est qu’on avait fait plusieurs essais de pochettes et le rouge frappait super fort. La pochette en vinyle, elle est mortelle parce qu’elle marche bien. Je suis assez content en fait parce que c’est un graphiste qui faisait tous les flyers d’un pote à moi quand il fait des tournées dans des stations de ski. J’adorais son style mais je voulais quand même m’orienter vers quelque chose d’autre. Je lui ai donné 15 réf’. Il y a Mike D des Beastie Boys qui font une émission qui s’appelle Echo Chamber sur Apple Musique et à chaque fois il a des petits graphismes. Ils sont tous sur chan-mé. Il y en a genre 150, les 150 tuent. Et je lui ai dis que je voulais quelque chose dans cette mouvance. Donc c’était très 70s, néo-je ne sais pas quoi tu vois. Voilà, c’est aussi simple que ça.

LFB : Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter avec cet album ? Où est-ce que tu te vois l’emmener ?

DJ PONE : Le problème, c’est que moi, par habitude, j’ai l’habitude que les projets que je fais vont rarement très loin en termes de ventes. Donc j’ai l’habitude de ne jamais vraiment espérer grand-chose sur mes projets. Mais j’aimerais bien que cet album ait énormément de succès et surtout, que je puisse le défendre sur scène, à mort. Faire une vraie tournée comme je le faisais, à l’époque quand j’étais avec Birdy Nam Nam. Faire les festivals, faire des grosses stages. Parce que je pense que cet album le mérite et que ce live a carrément la structure et le son pour aller sur un gros truc quoi.

LFB : Est-ce que tu as des coups de cœurs ou des artistes dont tu as envie de partager ? Des choses qui t’ont plu récemment ?

DJ PONE : Curtis Harding, l’album de 2017 qui s’appelle Face Your Fear. J’adore. Ce n’est pas récent mais je trouve ça extraordinaire. Et sinon, mon coup de cœur, c’est le morceau Tic de Maureen. Rien à voir mais moi je kiffe.

Crédit Photos : Célia Sachet