Depuis plus d’une décennie, le Jazz revit, mute et fusionne avec d’autres entités musicales aussi parallèles soient-elles. Lorsqu’il s’agit d’une telle mouvance, l’Allemagne n’est pas forcément le premier pays à conquérir nos esprits. Pour nous contredire, le duo berlinois Modha a sorti à la fin du mois de mars son premier album : Through the Cycle.
Les barrières et genres musicaux tombent un à un, au-delà d’être une observation plus ou moins personnelle, c’est un fait. La formation emmenée par Dhanya Langer et Max Scholl en est un exemple limpide. Généralement catégorisé comme officiant dans le genre du Jazz, avec notamment des arrangements riches et des progressions mélodiques complexes, les allemands détonnent. Les deux musiciens explorent d’autres paysages sonores, en passant de la Neo-Soul pour aller jusqu’au RnB ou encore au Hip-Hop. La chose évidente découlant de ce mélange demeure être son caractère résolument moderne et actuel.
Bien évidemment, ce premier album regorge d’illustrations claires de cette tendance. On note par exemple des morceaux comme Growth, en collaboration avec Jermaine Peterson ou encore le paisible Call It Luck avec la jeune okcandice. Les invités ne sont pas les seuls vecteurs de cette fusion mélodique. En atteste le très Neo-Soulien Fog avec ses percussions envoutantes et sa guitare très inspirée du mouvement. La réelle force de Modha dans cette entreprise est de parvenir à entretenir une dynamique efficace et maitrisée. La balance reste équilibrée entre une formelle matérialisation contemporaine du Jazz et sa fusion avec d’autres codes et méthodes.
L’autre particularité de ce premier disque réside dans la thématique générale abordée : la santé mentale. Les textes chantés par les différents invités mais aussi les ambiances posées y font directement référence. Musicalement, le ton et les progressions mélodiques choisies collent à certains sentiments ou états que le duo tente de retranscrire. En termes de paroles, le propos est évidemment mis en avant plus directement tout en prenant le soin de le mettre dans une forme qui s’associe parfaitement à son support.
L’autre point culminant de ce premier disque prend forme avec la section rythmique composée par Biando Lima derrière les fûts et Roman Klobe à la basse. Cette dernière offre un support fondamental à une partie mélodique brillante. S’il faut mettre en avant un titre témoin d’un tel fait, Clear Vision avec le chanteur allemand FAYIM demeure un cas d’école. Entre groove irrésistible et retenue, le duo offre une contribution parfaitement jaugée et rythmée, à la fois présent, mais laissant énormément énormément d’espace.
Il est aussi nécessaire, si ce n’est primordial, de mettre en avant le merveilleux travail de Konstantin Döben à la trompette. Véritable liant mélodique et harmonique, le musicien parvient à faire oublier l’absence de chanteur-se au sein de certaines compositions. L’interprétation est subtile et très raffiné, à l’instar de sa performance sur le magnifique Endless Thoughts. La sonorisation de l’instrument colle parfaitement à la production et l’ambiance amorcée par les autres musiciens. Le tout donnant un monde à part, entre lumière et mélancolie.
Avec un premier album relativement court, Modha montre une vision claire et un potentiel sans limite. Through the Cycle démontre tout le talent et la maturité dont fait preuve le duo de Berlin. Ce disque, au-delà d’offrir de véritables moments de grâce, met en avant une capacité impressionnante à exprimer des idées fortes de manière intelligente et brillante.