Sur la Face B, on vous parle beaucoup de We Hate You Please Die. Mais depuis ce début d’année, le groupe a opéré sa renaissance : passage en trio et nouveaux singles avec Chloé Barabé prenant en charge le chant. Pas mal de choses à discuter avec les trois musiciens pour une interview champêtre dans des transats avec vue sur le magnifique paysage alsacien en marge du festival Décibulles.
La Face B : Bonjour à vous trois! Bienvenue en Alsace, ça fait quelques temps que vous n’étiez pas passé non ?
Joseph : La dernière fois c’était avec Mars Red Sky il y a trois ans et demi, en 2019. On jouait dans la petite salle de la Laiterie en face de Koba La D qui jouait dans la grande (rires). C’était une sacrée soirée de chassé-croisé musical.
LFB : Ce soir c’est un peu pareil, vous avez Tiakola en première partie. Qu’est-ce que ça vous inspire de jouer dans la campagne alsacienne ?
Mathilde : Le cadre est super, jouer autour des montagnes c’est trop cool.
Chloé : On crève un peu de chaud, mais sinon ça va
Joseph : Tu parles à des normands, on suffoque par ces températures.
Chloé : La scène où l’on joue c’est un kiosque, donc le public pourra aller pratiquement tout autour, je trouve le concept très cool.
LFB : D’ailleurs la programmation du jour fais très « vilains petits canards » du rock relégués sur la petite scène face aux styles plus grand public sur la scène principale
Joseph : C’est vrai, apparemment les programmateurs des deux scènes ne sont pas les mêmes. Pour le kiosque, Jérémie est ravi de pouvoir mettre des trucs qui envoient plus comme nous, Guadal Tejaz ou Bracco. Il se met au défi de faire découvrir des choses aux gens.
We Hate You Please Die au festival Décibulles – Photos Manon Badermann
LFB : Pour reparler de vous, vous êtes passés en trio depuis le début de l’année : comment ça se passe ?
Chloé : Ça se passe très bien, on a repris les concerts fin mars et sorti deux singles en avril. Ça a un peu relancé la machine et nous permet de faire une belle tournée cette année avec ces deux titres. On voulait présenter aux gens la nouvelle configuration du groupe.
Joseph : Au départ ça fait un peu bizarre parce qu’on avait nos marques à quatre mais on a vite pris le pli, on était pas complètement dépaysés parce qu’on joue ensemble tous les trois depuis longtemps déjà. Il a fallu se réapproprier l’espace de la scène différemment mais on s’en est sorti.
Chloé : C’est cool aussi de ne jouer quasiment que des nouveaux morceaux, on a recomposé un set complet en deux mois.
LFB : Comment vous vous positionnez avec les deux premiers albums du coup ? Vous allez les enterrer complètement et repartir sur de nouvelles bases ?
Chloé : Pour l’instant on a gardé une ancienne chanson, Minimal Function où je chantais déjà en lead. Mais je pense que petit à petit on ne jouera plus que du neuf oui.
Mathilde : On ne renie pas pour autant ce qu’on a fait avant, on est fiers de ces albums, ils sont toujours dispos au merch mais c’est un nouveau départ.
Joseph : On n’a même pas cherché à réadapter les anciens titres, ce serait compliqué, on a choisi de ne miser que sur du neuf.
LFB : Mis à part les deux singles Sorority / Control, ce que vous jouez ce soir sortira un peu plus tard ?
Chloé : Oui, probablement en 2024.
Joseph : On a pas encore enregistré le troisième album, on est en phase de composition et d’écriture.
LFB : Donc vous avez composé des morceaux pour le live et vous retournerez les peaufiner après la tournée ? C’est assez inhabituel comme démarche.
Chloé : C’est ça, et on veut aussi en écrire d’autres entre-temps pour se laisser le choix.
Joseph : Ca fait un peu bizarre c’est vrai, on a l’impression de faire la promo d’un album qui n’est pas encore sorti et d’avoir un train d’avance. Mais c’est super cool de faire comme ça, on peut un peu tester les chansons devant les gens, on voit ce qui fonctionne en live et certaines resteront peut-être au stade d’expériences live. On ne sait pas. Mais on a bossé hyper vite cet hiver pour remonter un nouveau set et c’est bien de pouvoir prendre un peu de recul sur ces morceaux là avant de les enregistrer.
LFB : A l’image des deux premiers titres, vous diriez que ces nouveaux morceaux sont plus rentre-dedans car composés plus rapidement ?
Mathilde : Ça dépend des morceaux. (Tout le monde s’interrompt en entendant le groupe Soja qui joue sur la Grande Scène se lancer dans une reprise de Take On Me)
Joseph : Appelez la police du bon goût (rires). Non, j’adore le reggae, tu pourras écrire ça dans le papier. Je trouve qu’il y a une aversion mondiale envers le reggae alors qu’il y a plein d’autres trucs nuls dont on ne parle pas assez.
Mathilde : Pour revenir à la question, je pense que les nouveaux morceaux vont plus à l’essentiel oui, surtout au niveau du chant on ne passe plus par quatre chemins. Au niveau instrumental on évolue en permanence tous les trois, on est super loin des premiers albums qu’on a sorti.
Joseph : Je trouve qu’on est sur une évolution musicale qu’on aurait eu dans tous les cas en continuant à quatre.
LFB : Au niveau des paroles, les deux nouveaux morceaux sont explicitement féministes. Est-ce que c’est quelque chose qui était déjà là avant dans le groupe ou est-ce que c’est quelque chose que tu as voulu amener Chloé en prenant le chant ?
Chloé : Avant c’était Raphaël notre ancien chanteur qui écrivait ses paroles, qui n’étaient pas sur ce thème. J’avais écrit quelques morceaux à l’époque mais je ne pense pas qu’ils étaient féministes, enfin je ne sais pas à vrai dire. J’ai repris l’écriture maintenant et j’ai pris la parole là-dessus. Quand j’ai écrit les paroles de Control qui parle du droit à l’avortement ça faisait pas mal de bruit aux États-Unis où dans certains états ils ont limité voire interdit ce droit, et ici on a un peu chaud à nos fesses aussi. Pour l’instant on a le droit mais jusqu’à quand ? Je pense que c’est un sujet qui sera toujours d’actualité, c’est un combat permanent qu’on doit mener.
LFB : J’ai regardé par curiosité la programmation du festival aujourd’hui à part vous, il n’y a qu’une seule autre musicienne à jouer. Est-ce que c’est quelque chose sur lequel vous essayez de peser à votre niveau quand vous jouez dans des festivals ou c’est trop compliqué ?
Chloé : Aujourd’hui je n’avais pas fait attention. Des fois on remarque quand on est les seules filles sur l’affiche, ou au contraire quand il y en a beaucoup, on est étonnées d’atteindre presque la parité. Après est-ce qu’on serait légitime d’aller voir le programmateur à ce sujet, c’est une grande question.
Joseph : Sans forcément gueuler mais c’est faisable.
Chloé : C’est un sujet qui nous touche et ça me perturbe toujours quand je vois qu’on est les seules filles oui.
LFB : J’arrive plus ou moins au bout de mes questions, je voulais vous demander : qu’est-ce que vous mettez dans l’eau à Rouen pour qu’autant de groupes sortent de là-bas ?
Joseph : Tu penses qu’on met vraiment quelque chose de spécial ? (rires)
Mathilde : A Rouen il y a une SMAC plutôt cool qui accompagne vraiment les artistes dans le développement, ça aide pas mal. On est pas loin de Paris non plus, ça peut aider aussi surtout quand on veut faire des concerts et se faire connaître. Et il y a un petit historique du rock français à Rouen avec des groupes mythiques comme les Dogs.
Chloé : Oh non, elle a parlé des Dogs! (rires)
Mathilde : Je ne suis pas forcément fan, mais ça influence forcément. Et puis on a Keen’V aussi.
Joseph : C’est vrai qu’on a Keen’V ! Il ne l’a pas bu l’eau lui. (rires)
LFB : Sur ces bonnes paroles, je pense que c’est une conclusion parfaite. Bon concert à vous, et hâte de voir ce que la suite vous réserve.
Pour savoir comment s’est passé le concert de We Hate You Please Die au festival, direction notre live-report du festival Décibulles.