Sept soirées de concert, plus de 80 artistes présents dans 10 salles disséminées à travers la capitale : vous l’aurez deviné, il est temps pour nous de revenir sur la nouvelle édition de notre cher et tendre Pitchfork Festival. Du 4 au 10 novembre dernier, l’équipe de La Face B a eu l’opportunité de découvrir les stars de demain à travers une édition allongée, grâce à l’extension du parcours Avant-Garde, qui s’est déroulé sur 3 jours au lieu de 2 les années précédentes.
Autant vous dire que l’envie de se dédoubler pour pouvoir profiter des quelque soixante performances de la semaine ne manquait pas. En attendant de trouver la formule magique qui nous le permettra, on vous propose un retour sur les performances qui nous ont le plus marqués.
Lundi 4 novembre : Okay Kaya et Anastasia Coope à l’Église Saint-Eustache
Direction l’Église Saint-Eustache pour inaugurer cette nouvelle édition. Dilemme cornélien ce soir entre deux concerts simultanés : l’un avec la prodige espagnole Judeline au Trabendo, l’autre donné par les talentueuses Okay Kaya et Anastasia Coope. On a finalement opté pour ces dernières, intriguées par le cadre unique où elles se représentaient. Et on est loin d’avoir été déçus : les deux artistes ont su profiter de l’atmosphère mystique et de l’aura envoûtante du lieu pour sublimer leurs prestations, bercées par l’écho de leurs voix, afin de nous offrir un moment hors du temps.
C’est dans une ambiance intimiste, plongée dans l’obscurité éclairée à la lueur de bougies, qu’Anastasia Coope a ouvert le bal. Une performance qui mettait à l’honneur son album Darning Woman, sorti en mai dernier, devant un public suspendu à ses lèvres dans un silence de plomb.
L’acoustique de l’Église ajoutait une dimension particulière à sa prestation, sa voix résonnant parfaitement, reflétant la justesse impeccable de chaque note. Émotion palpable dans chaque recoin de la salle.
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La soirée s’est poursuivie avec Okay Kaya, accompagnée de son guitariste pour un set plus décontracté mais tout aussi impressionnant.
Une setlist taillée sur mesure pour le concert, avec plusieurs titres poignants dont The Wannabe, Undulation Days, ou encore les sublimes Dance Like U et IUD dont les paroles plus crues sont venues rendre la performance plus chaleureuse, et presque plus ironique et osée. On a particulièrement apprécié les interactions de l’artiste avec le public, venant rajouter une touche de légèreté et d’humour et ainsi casser la gravité solennelle du lieu. Essayant de parler quelques mots de français, (« Je suis au bout de ma vie » notamment) ou encore de faire résonner un bruit de corne, qu’elle a avoué avoir toujours rêvé de faire au sein d’une église, on pouvait deviner le plaisir qu’elle prenait à se produire au sein de ce lieu sublime. Pari réussi puisque c’est sous un tonnerre d’applaudissements qu’elle a tiré sa révérence devant un public conquis.
Crédit photo : Maureen
Une soirée d’autant plus touchante qu’il était évident que l’émerveillement général était partagé par les deux chanteuses, émues au possible d’avoir l’occasion de jouer dans un lieu aussi impressionnant. Bref, un début de festival plus que convaincant !
Mercredi 6 novembre : Kiss Facility, Florence Sinclair et Sega Bodega au Trianon
On enchaine mercredi avec l’une des soirées les plus en vue du festival. L’attente était palpable pour l’arrivée de Sega Bodega, le producteur et petit prodige anglais qui était une des têtes d’affiche pour un concert sold out. C’est Mayah, sa moitié sur le projet Kiss Facility, qui entame la soirée avec son shoegaze oriental réinventé, empreint d’une atmosphère sombre et mystique. Elle interprète les morceaux de leur premier EP Esoteric avec cette aura spirituelle qui nous avait déjà séduit à sa sortie il y a un an et semble avoir conquis le public.
La scène est ensuite prête à accueillir Florence Sinclair, enveloppée de blanc et de dentelle, qui livre un show sous des projecteurs verts intenses. Sa prestation est une belle découverte, parfaitement en phase avec l’univers de la soirée.
Enfin, place à Sega Bodega, révélant son nouveau spectacle qui accompagne la sortie de son album Dennis. Entre morceaux récents et plus anciens, la mise en scène s’appuie sur des jeux de lumière et des nappes de fumée imaginées par Shaun Murphy. L’émotion gagne la salle lorsque les notes de Um Um retentissent, en hommage à SOPHIE, l’artiste figure de proue du mouvement hyper-pop disparue en 2021 dont il était très proche. Mayah revient alors sur scène, ayant troqué sa longue robe noire pour une tenue légère en plumes blanches, évoquant le Lac des Cygnes. Elle le rejoint pour interpréter de nouveaux morceaux plus dynamiques, le duo captivant la foule par son alchimie et son lien créatif, né l’année dernière de leur relation amoureuse.
Les trois artistes restent assez distants avec leur public, concentrés sur l’expérience immersive qu’ils proposent. Ce soir, c’est la musique qui parle en premier, laissant aux spectateurs le soin de se plonger dans leur univers sans concession.
Crédit photo : Laura Tonini-Bossi
Vendredi 8 novembre : Avant-garde
Bby
Après un jeudi soir pauvre en spectateur, le Pitchfork Avant-Garde a retrouvé de sa superbe lors de cette deuxième soirée. Ce n’était pas la faut aux artistes mais plutôt à une soirée où les gens ont, semble-t-il préservés leurs forces pour le week-end. Au Supersonic, le groupe américain Friko nous aura fait frissonner en puissant dans l’ensemble des gammes mélodiques de l’indie rock. Le chanteur Niko Kapetan varie sa voix avec brio et sensibilité dans des moments étonnants quand les guitares gémissantes laissent un vent de silence. Les Digustings Sisters nous auront fait danser avec leur disco sous la boule de disco de la Mécanique Ondulatoire tandis que deep tan nous a partagé un set désastreux dans la même salle.
Le lendemain, on revient déjà dans cette salle située dans le onzième arrondissement qui nous avait tant manqué pendant sa longue fermeture. En effet, ce lieu underground et si atypique à Paris accueille dans sa cave l’un des groupes les plus prometteurs de la programmation : bby. Déjà programmé à We Love Green cette année, le quintet ne cesse de nous impressionner par sa force tranquille. On a l’impression d’avoir trouvé le futur des Red Hot Chilli Peppers mais avec de la qualité cette fois-ci ! Sûr de leur force, le groupe nous balance leur bombe kinky pour exciter la foule.
Le chanteur a certes la carrure d’un mec qui va à la salle, sa voix perce dans les aigus sous la pluie de riffs frissonnants. On est sur un tube radio dont on avait besoin de réentendre. Sur le temps de pause du morceau, c’est-à-dire, après seulement trente secondes de concert, les cris se font entendre dans cette forêt de smartphone allumé. Bref, ils étaient en terrain conquis. Ils nous épatent à enchainer les quatre premiers morceaux sans discontinuité, ne laissant aucun souffle ni à nous, ni à ce BG de batteur. Ces cinq-là s’éclatent et font partager leur amour du live. Voilà de vrais musiciens qui arrivent à nous faire vibrer sur n’importe quel morceau qui s’apparent toujours à un tube.
C’est la régalade ave l’émotif u come near qui laisse place à un solo de guitare larmoyant et leur plus grand hit très nerveux hotline. On ne s’ennuie jamais tant les bons titres tombent en trombe. Le dernier dont la bande en est fier est Breathe. Porte par un soufflé obsédant, la mélodie est porté par les effets des pédales qui ne sont jamais superflus. Le chanteur viendra même dans le public, grand sourire, pour chanter avec nous sur le refrain. Une vraie pile électrique ! La suite ne nous étonne moins puisque Fucked Up est un simulacre de Give It Away du groupe de rock le plus surcoté de la Terre. On ne boude pas notre plaisir sur le final Leftside, beaucoup plus doux et berçant qui nous permet de reprendre un rythme cardiaque convenable. bby sera très grand, nous voilà convaincus !
Chanel Beads
Pom Pom Squad
Pom Pom Squad a déjà tout d’une pop star. Avec la sortie fin octobre de son album Mirror Starts Moving Without Me, on avait très hâte de la voir sur scène. Bien que son esthétique pop girly semble décalée dans l’univers de Pitchfork, et que la salle du Supersonic n’était pas pleine, les fans présents ont assuré une belle ambiance pour l’artiste américaine, qui a même confié que cette date à Paris était l’une de ses préférées de sa tournée européenne.
Avec son look de pom-pom girl un peu princesse, évoquant par moments l’esthétique de Madison Beer, Pom Pom Squad projette une énergie résolument rock. Elle se donne à fond, interagit avec ses musiciens et son public, et n’hésite pas à se jeter au sol dans des élans théâtraux. Collants brillants et micro scintillant en main, elle a su capter l’attention, même si le cadre et le jeu de lumière de la salle ne rendaient pas toujours justice à son univers visuel.
En tout cas, tout était là pour nous séduire : une esthétique maîtrisée, des morceaux accrocheurs, et une présence scénique déjà affirmée. Sans réinventer le genre, elle a ce qu’il faut pour se faire une place, avec une personnalité attachante qui ne laisse aucun doute sur son avenir prometteur.
Infinity song
Issu d’une fratrie de quatre, Infinity Song est un groupe de soft rock new-yorkais formé en 2014 qui a gagné en popularité depuis que leur titre Haters Anthem a fait son chemin sur l’espace viral des réseaux sociaux. Et quelle agréable surprise ! En entrant, on découvre une salle comble, baignée d’une chaleur contagieuse. La performance vocale des membres est magistrale, avec Momo, une des plus jeunes qui prend la lumière comme personne et le guitariste, visiblement transporté, qui ne semble pas vouloir lâcher la scène, nous gratifiant d’un solo incroyable. Le public en redemande, et le groupe revient pour un rappel.
Ce n’est que leur deuxième passage à Paris, mais une chose est sûre : ils semblent aussi impatients que nous de revenir.
Fcukers
Qui de mieux que Fcukers pour terminer cette soirée du 8 novembre et s’échauffer face au week-end imminent ? Personne, cela relève presque de l’évidence. Le trio new-yorkais était attendu de pied ferme dans la capitale, et on en est certains, car lorsqu’il nous arrivait de tendre l’oreille d’une curiosité malhabile, le groupe semblait être sur les lèvres de toutes et tous. Adoubée par les plus grands, à savoir Julian Cablancas, Fontaines D.C. ou encore Yves Tumor, la belle bande ne cesse de grandir et de se faire une place parmi les superstars de demain. Il nous fallait donc comprendre pourquoi.
Avec un set à 21h30, il valait mieux s’y présenter quelques trente minutes en avance afin de nous garantir une place aux premières loges, voire une place tout court. Sans retard aucun, on y voit le trio prendre progressivement possession de la scène, Shannon Wise lançant les festivités d’un « What’s Up Paris, we’re Fcukers !’.
Il aura donc suffi d’un morceau – Devils Cut (reprise du Devils Haicut de Beck) – pour que la foule ne fasse qu’un avec leurs beats addictifs. Et quand bien même certains se montraient encore timides, l’enchainement avec le tubesque Homie Don’t Shake aura sans aucune difficulté réussi à déchaîner le Badaboum tout entier, aussi comble fut-il. On aura même retrouvé parmi le public quelques visages familiers que sont les membres de Papooz ou encore d’Oracle Sisters (vrais reconnaissent vrais).
De la setlist, quelques inédits se sont fait une place parmi les morceaux issus de leur premier EP Baggy$$ (Tommy, UMPA…) paru en septembre dernier. Ainsi, dans l’obscurité de la salle réputée du quartier de Bastille, les corps se sont laissés aller au rythme de la basse centrale de Jackson Walker, et du jeu de batterie assuré par leur acolyte Ben Scharf, sans pour autant perturber le flegme déstabilisant de leur chanteuse.
Cette date parisienne n’aura alors pas fait faux fond à leur bonne réputation tant elle aura séduit à l’unanimité de son combo house-indie rock-trip hop. Une première entre nos murs dont on ne cesse depuis de vanter l’excellence aux oreilles les plus averties de notre entourage. Le futur leur est déjà prometteur, et il nous tarde de le découvrir avec eux.
Crédit photo : Clara De Latour pour Pitchfork
Samedi 9 novembre : Avant-garde
June McDoom
On commence notre samedi soir avec June McDoom qui est une véritable pépite de douceur avec son style indie. On l’a découverte cette année avec ses projets de 2022 et 2023 et elle a déjà conquis assez de cœurs pour être choisie en première partie de Clairo à Paris en mars prochain, une nouvelle qui avait décuplé notre impatience de la voir sur scène. Malheureusement, nous arrivons en toute fin de set, mais ce bref moment suffit pour saisir l’essentiel de son univers. Avec les quelques privilégiés présents dans la petite salle du Supersonic, nous avons fortement apprécié ce moment de calme bienvenu au milieu de l’énergie frénétique du Pitchfork.
Rimon
Ce jour-là c’est le seul concert qu’on a vu jusqu’au bout, et pour cause : on suit Rimon depuis son morceau Dust sur Colors sorti en 2019, et sa voix en live est tout simplement bluffante alors on ne voulait rien en manquer. Pourtant, le début du show de l’artiste R&B néerlandaise a eu du mal à s’installer, avec des soucis techniques et une artiste qui n’était pas remontée sur scène depuis un moment. Pour ne rien arranger, Snowstrippers jouait en même temps (et affichait plus que complet au Badaboum), ce qui n’a pas aidé l’ambiance initiale.
Mais heureusement, le concert a pris de l’ampleur progressivement. Plus elle trouvait ses marques, plus l’énergie montait, et la salle, avec quelques fans parfois venus de loin, s’est animée, surtout sur les titres les plus rythmés qu’elle a gardés pour la fin. Elle nous a même offert quelques exclusivités de son album qui n’était pas encore sorti, Children of the Night, en partageant quelques anecdotes personnelles, ce qui rend toujours l’instant plus intime.
Je pense que le contexte ne l’a pas vraiment aidé, mais je suis curieuse de voir ce que son set donnera une fois qu’elle aura mieux travaillé sa prestation. En tout cas, on ne regrette pas d’avoir fait le choix de manquer Snowtrippers pour la voir.