Rock en Seine 2024 : une programmation variée et alléchante

Le plaisir est immense de retrouver une artiste que l’on suit depuis ses débuts à Face B. On se souvient encore très bien des Kimono Party de Tomasi qui invita sur la scène de la Java en 2019 une jeune chanteuse Joanna.  On avait déjà pu entendre cette voix douce et prometteuse sur J’ai plus peur entre les cris de son camarade alors qu’elle était encore concentrée sur la danse et la comédie. Ce fût même une révélation. Le temps du confinement a permis de construire son projet. Ses titres d’abord d’elle-même mais se reflètent à travers nous également. Alors, peut-être pas sur le titre chanson triste en particulier. On pense plutôt à Nulle et Appartement. Les productions sont toutes soignées entre pop rock, minimal techno et progressive R&B. On est vite charmé par cette future pop star.

Le groupe 100% féminin est l’une des success story de l’année dernière. Un premier titre, un premier tube : Nothing Matters. S’ensuit rapidement le premier album Prelude to Ecstasy et même un Olympia ! The Last Dinner Party se veut ambitieux et semble avoir les moyens pour. On sent une maîtrise parfaite du marketing musical qui peut autant plaire que déplaire comme leur registre. On vogue dans une pop western très cinématographique. Chaque titre propose presque un orchestre où fusent les mélopées. Les idées puisent très certainement dans les comédies musicales new-yorkaises d’après guerre. Ce qu’il nous plaît, c’est aussi l’horaire adapté pour s’échauffer et s’émerveiller devant leur puissance harmonique.

Évidemment, les suédois sont immanquables alors qu’ils sont régulièrement en tournée. Pourquoi donc ? Parce qu’on aime les fous en live. Le chanteur Pelle Almqvist est un véritable animateur de soirée dont on aimerait tant avoir en un mariage. Il provoque le public, exige le désordre sur leur tube et peut bien balancer un peu de son eau aux spectateurs. On est sûr de s’amuser avec eux. En plus de cela, les hymnes sont trop nombreux pour être manqués : Tick Tick Boom, Hard to Stay I Told You So, Walk Idiot Walk ou encore la musique de Ikea : Come on! Court, tonitruant, puissant et d’une totale efficacité, la liste des qualités ne manque pas pour qualifier l’entièreté de leur discographie.

De retour douze ans après leur précédent album, le groupe iconique de Beth Diddo revient et nous avait bien manqué. Leur sixième album Real Power est une excellente surprise. Non seulement Gossip a gardé sa patte dance-rock tout en ayant évolué positivement vers un son moderne de ces deux dernières années. Deux titres majeurs sortent du lot : Real Power vire vers la néo soul et Crazy Again est une merveille pop dansante. Ils se glissent à merveille dans une setlist qui contiendra sans nul Heavy Cross et Standing in the Way of Control. Puis, n’oublions pas que Beth Diddo est une star fashion déchaînée en live.

Le trio féminin de Brooklyn a pris de l’ampleur en un an. L’univers est radicalement différent de la journée précédente qui misait sur le punk et le hard rock. On plonge ici dans une vibe disco et soul assez détonante. C’est totalement des sons sortis tout droit d’Hollywood dans les seventies. Les thèmes abordés ne sont pas pour autant sombres. On reste sur les relations de couple ou familiales. Les voix suaves de El Michels Affair, Nya Brown et Sabrina Cunningham se mélangent dans un tourbillon de tendresse comme des corps s’enlacent. Cette sauce sucrée nous réconforte et nous donne également plus d’assurance. Les premiers pas de danse se feront sentir sur le groove de Slippery People qui en étonnera plus d’un.

La scène hip-hop britannique a connu un renouvellement pour le moins surprenant à la fin des années 2010. Usé et fatigué des morceaux trap et brutaux qui finissaient par tous se ressembler, une nouvelle génération de rappeurs émerge. Une vague qui se réapproprie les instruments sur scène. Loyle Carner en fait partie. Le rappeur nous propose un « hip-hop confessionnel » qui fusionne avec le jazz. Langston Hughes et Benjamin Zephaniah sont les deux poètes majeurs qui l’inspirent. Les droits humains et la lutte contre le racisme font partie des sujets traités par Loyle. Il délaisse la force pour combattre ses ennemis et ses peurs et opte pour l’émotion et la justesse des dires pour les éloigner. Et nous émouvoir comme sur Loose Ends où il est en duo avec Jorja Smith. Est-ce que nous verrons Roméo Elvis l’accompagner sur Les oiseaux ? Nous ne l’espérons pas.

Quelle surprise de les voir !  Les heureux gagnants du concours Firestone proposent une panoplie de morceaux pop rock saisissants. Les quatres amis originaires de Rambouillet ont baigné dans le meilleur de l’indie rock (Arctic Monkeys, The Strokes, Two Door Cinema Club,…). Alors, bien sûr,  les riffs et les synthés flirtent avec les mélodies de cet ère. Sauf que Adam, Bernard, Loam et Valentin trace leur propre route avec un son plus épuré que jamais single. Si leur premier single The Deputy affichait une fougue digne d’un Julian Casablanca, les derniers virent vers une pop rock mélodieuse, peut-être plus commerciale mais d’une grande classe. Entropie se positionne comme une relève prometteuse de la scène rock française. Et pour 1020€, vous pouvez les louer pour un set de 30 min sur le site linkaband.com lors de votre prochain événement. Ils coûteront bien plus cher d’ici quelques mois.

Ennolandy Vicuña alias eyedress explose en 2019 grâce à Jealous, un hit pop lo-fi, nonchalant et prenant. Mais il serait réducteur de résumer puisque l’americano-philippien puise son talent dans l’expérimentation, le psychédélisme et le post-punk. Son album Let’s Skip to the Wedding connaîtra la consécration et lui permettra de travailler par la suite avec King Krule, The Drums ou encore Dent May. Alors qu’on est forcément attiré pour assister aux artistes les plus renommés, il est à la fois bon de s’épanouir sur ce que propose la future génération.

Revoilà nos idoles belges des années 2000 ! Nous étions nombreux à enfiler nos lunettes de soleil au lycée pour se déhancher sur Do You Read Me. La période était riche en groupe électro rock outre-Quiévrain. La hype était si forte qu’on ne savait pas encore l’existence d’une bonne équipe des Diables Rouges. On pense notamment à Soulwax qui sera de la partie la vieille mais qu’on aura déjà plusieurs fois à Paris et dans divers festivals ces dernières années. Là, les Bruxellois remettent les pieds dans le plat pays et en France, quinze après leur troisième et dernier album.  Que s’est-il passé depuis, malgré les annonces infinies d’un retour en studio en 2013 ? On n’en sait rien mais ils sont enfin sortis de leur léthargie. Alors, évidemment, quand Rock en Seine nous offre une énième chance de voir le show d’un tel groupe, on n’hésite pas. On fonce. Do you read me?

Il y aura une forte concurrence à cet horaire puisque les mythiques Pixies joueront sur la scène de la Cascade également. Cependant, on privilégiera la valeur montante américaine, le Prince actuel. À la fois hypnotiques et transcendantaux, les albums de Yves Tumor se dévorent sans modération. Le nom de son troisième album résume parfaitement son esprit : Heaven to a Tortured Man. L’artiste aime être en habit de velours ou de cuir pour bondir sur les coups de batteries sur fond de riffs tranchants. Cela nous promet un beau show visuel. Il nous accroche aussi vite avec ses titres expérimentaux qui se révèlent plus accessibles à la masse que jamais. Yves a bien dix ans dans d’avance sur sa génération 

Il s’agit sans aucun doute du must du dance-punk. La référence du genre pour tous. James Murphy et sa bande ont réalisé un sans-faute dans leur carrière jusqu’à présent. Leur fougue punk à chien n’est jamais rassasié même si  Drunk Girls ne devrait pas faire partie de la setlist. En effet, les new-yorkais doivent proposer une heure et demie de set, bien loin des deux heures voire plus qu’on a l’habitude de voir en salle. Peu importe, LCD Soundsystem se concentrera, comme d’habitude, sur ses trois premiers albums mythiques C’est même inespéré de les voir encore en 2024 tant le groupe a voulu s’arrêter maintes et maintes fois. Profitons-en alors pour voguer sur leurs pistes électriques et dansantes qui nous feront planer jusqu’au bout de la nuit. Assurément, on a tous hâte de quitter le festival  dans la joie après avoir entonné l’hymne All My Friends.  Et qui sait peut-être, nous aurons le droit à Dancer, le duo avec IDLES ?