Rencontre avec Rouperou pour dreamland

Après un premier EP sorti en 2023, Rouperou était de retour au début du mois de mars avec Dreamland, un premier album aventureux, poétique et politique. C’est à l’occasion de leur passage à Paris qu’on a pris le temps d’échanger longuement avec le quatuor autour de la construction de l’album mais aussi de la façon dont leur collectif fonctionne.

Rouperou

La Face B : Salut Rouperou, comment ça va ?

Louis: Très bien. Vincent va mieux, en tout cas.

Vincent: Ah oui, il va bien.

Adrien Legrand: Vincent va mieux.

Louis: Et Adrien va bien aussi ?

Adrien Leprêtre: Ouais ça va. C’est cool. Début de tournée.

Louis: Début de tournée. Première galette.

Adrien Legrand: Première galette pour Louis.

Adrien Leprêtre: On a reçu les vinyles aujourd’hui alors que ça sort vendredi. Adrien a été le chercher à Montaigu hier chez B-Side.

Adrien Legrand: Un run à Montaigu hier.

Adrien Leprêtre: T’as ramené 50 vinyles ?

Adrien Legrand: J’en ai ramené 100 ! Mais je n’ai pas pu prendre les 100 dans ma valise.

LFB: Vous aviez sorti un premier EP avant cet album qui était un peu un terrain d’expérimentation puisque vous n’avez pas énormément tourné. Je me demandais ce que vous aviez gardé et ce que vous aviez appris justement de ces premiers morceaux ?

Louis: Par rapport à la composition ça a un peu changé dans le sens où on est toujours en train d’improviser. On fait en live quoi. Et j’ai l’impression que maintenant ça se dessine un peu plus rapidement. Et en tout cas par rapport à la voix, j’ai l’impression qu’elle s’insère dans certaines compositions directement dans ces sessions d’improvisation.

Alors que dans le premier EP, la voix, il y avait un peu de la mélodie qui arrivait comme ça, mais surtout après, il y avait de la composition, elle était après que les instruments soient définis et que la structure soit limite terminée. Donc c’est pour ça qu’il y a une approche peut-être un peu plus frontale de la voix, je pense. Et c’est cool, parce qu’on se dit que c’est chouette d’être un peu débloqué là-dessus. Enfin, en tout cas, pour ma part, c’est chouette d’arriver, parfois même à oublier un peu le synthé, et tester directement des trucs à la voix. Alors qu’avant, je ne faisais pas du tout ça. Je n’osais pas, ou ça n’arrivait pas naturellement, en tout cas.

Adrien Leprêtre: Oui, il y a des choses qui se sont mis en place où même nos instruments se placent mieux, plus vite quand on jamme, donc chacun a un peu plus sa place. Ce qui ne nous empêche pas d’essayer de nouvelles choses, mais c’est vrai que là sur l’album, ça a été rapide de faire des morceaux. Et oui, grâce au live, je pense que ça a pris une place plus frontale.

Vincent: Je pense qu’il y a un truc de continuité par rapport au premier disque. On n’est pas dans une rupture, mais ça s’est affiné. Après, sur les prochains disques, si ça se trouve, on va tester d’autres trucs, mais sur le premier album, c’est une espèce de maturation de notre taff sur le premier EP. On partait un peu dans tous les sens sur le premier EP, peu importe la cohérence entre les morceaux. Là, ça part un peu dans tous les sens quand même, mais les curseurs sont peut-être un peu resserrés.

Louis: Ouais, c’est vrai qu’il y a eu les placements. En tout cas, de ma part, c’est sûr que j’ai évolué par rapport à ça : les placements, écouter plus peut-être, être un peu plus attentif peut-être et attendre un peu avant de se placer.

Adrien Leprêtre: Et puis affirmer ta place de chanteur aussi.

Adrien Legrand: Oui, plus affirmé, plus frontal, c’est sûr, à tout niveau.

LFB: Ce premier album s’appelle Dreamland et moi j’aime beaucoup le nom. J’aime beaucoup la pochette aussi qui colle un peu. Je me demandais si avec cet album-là, il y avait aussi la volonté de créer une espèce de territoire imaginaire à travers la musique ?

Louis : Complètement, il y a un truc dystopique aussi dans le terme et dans la texture, j’ai l’impression. En tout cas, c’est ce qu’on aimait dans la pochette. C’est qu’il y a un sens, on ne sait pas si c’est dans le positif ou dans le bizarre. Il y a des non-dits, et c’est vrai que ça renvoyait un peu à certaines paroles.

Adrien Legrand: Une espèce de cartographie.

Louis: On passe vraiment vers des trucs un peu joyeux et assez sombres. Donc il y a cet antagonisme qui est intéressant.

Vincent: On ne l’a pas vraiment conscientisé à la base ce truc-là. On a pris ça d’un morceau qui s’appelait Dreamland, on trouvait ça cool. Genre pas trop conceptualisé. Mais à force de la voir, on s’est dit que ça marchait quand même par rapport à tous les textes écrits, toutes les ambiances et tout ça, où en effet, il y a un peu ce truc-là.

Louis: Par rapport au graphique, c’était intéressant.

Adrien Leprêtre: Les visuels ont inspiré le nom aussi, je pense. On avait un peu deux noms d’albums et ça a fini sur Dreamland.

Adrien Legrand: Rappelez-vous, ce morceau-là n’existait même pas. Il est né une ou deux semaines avant le live. On voulait un petit morceau. On avait une petite ambiance qu’on a mis en place assez rapidement et c’est devenu Dreamland, ce qui n’était même pas prévu. Et finalement ce truc-là a donné le nom à l’album et a recréé un truc, un autre regard sur l’album. C’est marrant.

LFB: Au-delà du titre et de la pochette, c’est un truc qui était aussi très présent dans les premiers morceaux. S’approprier un style particulier mais en explorer toute la diversité. Je trouve que c’est encore beaucoup le cas sur les morceaux qui sont présents. C’est vrai que si tu le regardes, en hauteur, tu sens que c’est un style particulier, une idée particulière, mais chaque morceau a sa personnalité bien définie musicalement.

Vincent: Je pense que c’est vraiment ça, c’est ce qu’on recherche aussi. Nous, on a toujours travaillé ou modelé un peu de la pop. Chacun dans nos coins avant de jouer de la musique ensemble. Quand on se retrouve comme on le disait tout à l’heure, il y a un jam et puis une espèce d’ambiance qui se dégage et du coup on essaie d’y aller à fond avec ce qu’on a à donner chacun là-dessus. Mais ouais en effet, ça peut voyager tout en restant sur cette base un peu pop qu’on a à la base.

Louis : Et même si ça part sur quelque chose qui change un peu au niveau même des sonorités, on y va quand même.

Adrien Leprêtre : Après le socle basse/batterie/synthé. On est contraints par ce qu’on est et les instruments qu’on utilise. Donc en fait on a aussi une sorte de son entre chaque morceau qui se crée de lui-même un peu. Mais on cherche une certaine température de cuisson pour qu’on soit bien englobé, que ça bouille un peu. Ça bouille et à la fois, il faut qu’il y ait un peu de vapeur. Ça peut déborder. C’est le truc qu’on cherche un peu plus aujourd’hui, de ne pas trop maîtriser aussi, de se laisser plus aller. Je pense que la voix de Louis, comment elle s’impose aujourd’hui au live et la manière dont il chante, ça fait que ça déborde un peu plus. Là où sur l’ EP, c’était très maîtrisé dans la manière dont c’est enregistré aussi, là on déborde et c’est cool. L’eau peut passer par-dessus la marmite et ça fait du bien quand ça passe.

Rouperou

LFB: J’ai l’impression qu’il y a vraiment cette idée de faire front commun et de faire une force commune. Il y a un truc très massif. On sent que c’est un groupe qui a enregistré ensemble et qui jouait ensemble dans la même pièce.

Louis: Complètement. De toute façon, il n’y a aucune compo qui arrive d’une personne. Tout arrive comme ça directement ensemble, donc c’est vrai que ça apporte cet esprit live. On l’a enregistré aussi en live, là.

Adrien Legrand: Ouais, là où au premier EP, on l’avait vraiment fait piste par piste, parce qu’on avait pas trop réfléchi, c’était comme ça.

Adrien Leprêtre: Les morceaux n’étaient pas finis avant.

Adrien Legrand: Ouais, les morceaux étaient pas finis. On était encore dans l’arrangement et même la compo pour certains. Donc là, on s’est dit qu’il fallait que ça se fasse live. Pour vraiment raccrocher à ce qui se passe quand on est tous les quatre dans une pièce à la base des morceaux. L’intention initiale c’est ça, on joue tous les quatre, ça se construit comme ça. Du coup il y a une couleur live sur cet album-là.

LFB: Et du coup, comment tu le captures ça ? Comment tu sais quel morceau est le bon pour l’album et comment tu captures justement cette intensité, cette intention du live ?

Vincent: Je pense qu’il y a un truc où nous, c’est comme si cet enregistrement aurait pu être une répét’ enregistrée. C’est vraiment le moment où on se dit : là on a un truc. Déjà, sur le disque, on a empilé des espèces d’ambiances qui n’étaient pas vraiment des morceaux. Puis on a écrémé un peu. Il n’y a pas eu beaucoup de déchets. La plupart des titres se sont retrouvés sur le disque. Parce qu’on sent que quand on creuse une idée plus d’une ou deux répét’, c’est que on est tous d’accord et qu’on tient un truc. On a envie d’aller au bout et du coup ça se retrouve sur le disque. Plus tard on fera peut-être un album complètement différent, je ne sais pas. Mais en tout cas sur celui là, c’était vraiment la continuité de la salle de répét’. On a choisi l’endroit, l’installation et tout ça pour pouvoir vraiment faire un album live et puis pouvoir accéder au matos qu’il y avait sur place. Et puis expérimenter des trucs parce que c’était une installation quand même plus élaborée et plus complexe que ce qu’on a en répét’. Mais dans cette idée d’y aller et puis de faire ça assez rapidement. Je me souviens que ça n’a pas tergiversé non plus. C’était assez direct. C’est vrai que ça nous allait bien. De toute façon, on n’avait pas trop le temps non plus de tergiverser.

Adrien Leprêtre: Moi, je me suis retrouvé avec une matière après… C’est moi qui ai mixé le disque. C’est vrai que dès le premier titre, il n’y avait pas besoin de produire le disque. Sur le premier, il y avait vraiment beaucoup de travail sur l’EP. Il fallait trouver un son. Là, le son était déjà là. C’était incroyable à mixer parce que sur la batterie, il y avait déjà tous les effets. Le son était là.

Louis: On a moins fait d’aller-retour clairement dans la composition en répét’. On a une structure de base qu’on a envie de développer et j’ai l’impression que dans le premier EP, on revenait un peu en arrière. On rajoutait des choses et on mettait des parties. Sauf que finalement on les enlevait à la prochaine repét’ parce que ça ne nous allait pas. On n’était pas très satisfait. j’ai l’impression que là, on n’a pas du tout fait ce cheminement-là d’enlever des choses. On gardait les choses qu’on aimait bien, basse-batterie ou un lead de synthé, et après on développait, on y allait. Mais je ne sais pas, c’était une autre réflexion. Moins d’aller-retour, j’ai l’impression.

Adrien Legrand: Après, on a poussé des versions. Tu parlais de capturer un moment. Moi, j’ai un truc très précis qui me revient quand tu dis ça. C’est dans l’album, il y a un morceau qui s’appelle Superstar. Il est un peu plus punk que les autres. Il est joué un peu plus rapide, un peu plus arraché. Cette version-là, je pense que c’est la huitième ou la neuvième. On en a enchaîné plein jusqu’à une espèce d’épuisement. Moi, je me souviens qu’à la batterie, quand tu écoutes la version, j’ai l’impression que je vais me casser la gueule à la fin.

Adrien Leprêtre: Il y a un break où la basse se casse la gueule complètement.

Adrien Legrand: C’est limite, mais en fait, c’est un truc qu’on n’arriverait jamais à refaire. Qu’on n’aurait jamais fait en temps normal, en première version. Quand on écoutait les autres, on était là, ouais, bien, mais manque d’intensité, manque de magie, de trucs. Parfois, c’est ça aussi. On se les répète, on se les mets mais c’est des moments entre nous. Le moment dans la journée, si c’est le matin, le soir, l’après-midi, si on a fait une balade avant, si on est un peu énervé, si on a mangé un truc, peu importe. Ça crée toujours des trucs.

Vincent : Et puis il y avait un truc aussi, c’est que certains des morceaux de l’album, on les jouait déjà en live avant l’enregistrement. Et ça je pense que ce sont des trucs qui ont fait que ces morceaux étaient mûrs pour être envoyés comme ça.

LFB: Mais justement malgré tout sur les huit morceaux, il y a quand même une colonne vertébrale assez importante sur la basse et la batterie. Est-ce qu’avoir cet axe-là, qui est quand même très présent, j’ai l’impression que la basse souvent tu l’utilises pour donner le rythme alors que là c’est quand même un élément mélodique hyper important aussi, ça permet aussi de libérer au niveau des synthés et de la voix justement ?

Louis : Oui complètement. On a peut-être des affinités au niveau de la musique dub, la musique funk, des trucs un peu ronds qui apportent un gros groove. C’est vrai que moi, en tout cas par rapport aux synthés, c’est qu’il peut être un peu derrière, ce n’est pas grave.

Vincent : Non, pas vraiment. Moi j’ai l’impression plus ça va… On voit même dans les morceaux qu’on est en train de composer pour le prochain disque, où parfois ça assèche. On est en train d’assécher encore plus la musique autour du basse-batterie ou en tout cas, on se laisse la possibilité d’assécher vraiment. Et du coup, il n’y a pas besoin forcément de plein d’arrangements. Et ça, c’est vrai que c’est marrant.

Louis : Ça laisse de la place. C’est vraiment là, le basse/batterie, c’est vrai que ça inspire. On se base juste sur les rebondissements de chacun. Et là, c’est vrai que c’est la première fois où sur certaines chansons, je ne fais pas grand chose au synthé. La voix doit être un peu plus là. C’est une autre approche.

Adrien Leprêtre: Moi je ne peux pas écrire mes lignes de synthé si lui il n’a pas figé sa basse par exemple. Et ça met du temps chez lui (rires). Mais des fois, quand ils jamment tous les trois, je prends du temps à à écouter vraiment, à attendre que Vincent trouve aussi sa place. Et parfois son cerveau fait en sorte qu’il ne soit pas satisfait de ce qu’il fait alors que c’est super. Mais ça peut prendre un peu de temps. Mais c’est vrai que moi je ne peux pas, je veux vraiment que les deux soient bien pour amener une mélodie parce qu’elle est très inspirée par ce qu’il fait.

Adrien Legrand: Mais parfois on a l’impression qu’il a appuyé sur un bouton random et que du coup chaque mesure ça va être un motif un peu différent.

Adrien Leprêtre: Jusqu’à ce qu’il trouve le bon.

Adrien Legrand: Il y a à chaque fois plein d’idées mais on est obligé de l’arrêter.

LFB: J’aimerais parler un peu du texte parce que malgré ce côté très frontal, je trouve que dans les sonorités un côté très vaporeux aussi qui va aussi très bien avec le titre de l’album. Et ce qui est intéressant, c’est que j’ai l’impression que c’est quelque chose qui vit vachement aussi dans le texte. Cette idée de réalité floue. Je ne sais pas si c’est toi qui écris les textes ou si vous écrivez tous ensemble, mais justement dans l’écriture des textes il y a vraiment cette idée là. Même cette idée de mouvement aussi, d’explorer les choses qui revient beaucoup. Et du coup je me demandais comment tu écrivais les textes et quelle part d’inconscient tu laissais parler dans ton écriture ?

Louis : Alors pour l’écriture des textes, ça peut partir de mots. C’est rare, mais il y a la chanson Molly où là on savait direct que ça allait partir. J’avais déjà un peu le thème d’une petite fille brimée et tout ça. Quand j’écris les textes, je fais un yaourt, avec des sonorités plutôt anglaises. Et tout d’un coup, il y a un mot, il y a une phrase qui se détache, mais en rapport avec la musique. Et là, il y a un début de phrase et un début d’histoire qui est modelé par la musique. Après, je l’adapte. Mais à chaque fois, ça provient vraiment d’un mot ou alors d’une mini-phrase où là je me dis que ça pourrait se caler. Ça fait tilt avec la musique. Vas-y, lance-toi dans cette histoire. C’est souvent des histoires racontées.

Adrien Leprêtre: Tu développes un imaginaire assez impressionnant. Sur Rundown, c’est la boucle de basse/batterie qui fait que tu racontes l’histoire d’un gars qui fait toujours un peu le même taf, le jour, la nuit. Tout d’un coup, tu développes un imaginaire que tu ne connais pas. Mais en même temps qu’on imagine du travail de quelqu’un qui ne verra jamais le jour. Et c’est vrai que cette chanson elle est très en lien avec ça. Tout de suite, ça colle avec la musique qu’on a faite et moi ça me drive pas mal. Dès que tu as un peu le thème, là sur l’album c’était différent de l’EP où en fait on avait un peu les thématiques en jouant aussi. Donc c’était plutôt inspirant d’avoir aussi cet aspect-là du chant et de ce que ça raconte.

Rouperou
Rouperou

LFB: C’est intéressant parce que tu parlais de dystopie tout à l’heure et c’est vrai qu’il y a aussi un point de vue très précis et très acéré sur la société. Notamment sur des morceaux comme Superstar ou Cocktails and Dogs où tu sens qu’il y a un point de vue sociétal.

Louis: Oui. Superstar c’est parce que c’est le monde musical parfois où oui c’est assez marrant, il y a plein de personnes. Tu parlais de gros melons qui ne passaient par travers les portes, bah ça en fait il y en a et tu le vis. Quand tu le vis et quand tu rencontres des personnes comme ça, c’est assez inspirant parce que c’est assez absurde. Dans le monde où on est, la musique c’est tellement vaste, c’est tellement infini on va dire, que se prendre pour pas n’importe qui, c’est assez marrant je trouve. Mais après, par exemple, sur Cocktails and Dogs, c’est plus une histoire… Enfin, une histoire un peu vécue. C’est pas un fait divers, mais c’est quelque chose qui est vécu.

J’ai pris ce thème-là. C’est une distribution alimentaire de la Croix-Rouge qui s’est fait dégager parce qu’elle gênait un restaurant nouvellement ouvert. Et donc, on imagine les clients qui mangent. Et c’était un peu dérangeant pour les propriétaires qu’il y ait ça devant leur porte. Ce n’était pas devant leur porte, c’était à 50 mètres. Mais tout ça, c’est vrai que c’est inspirant. Ça arrivait assez rapidement. On fait rarement des trucs ultra joyeux et gais sur les sonorités.

J’ai l’impression qu’il y a une sorte de noirceur, souvent une profondeur qui t’ancre bien dans le sol et qui t’enfonce peut-être un peu. Sauf certaines musiques un peu plus légères, The Ballet et tout ça c’est plus onirique, peut-être un peu plus des histoires un peu plus poétiques. Souvent c’est un peu plus terre-à-terre.

LFB: Il y a des morceaux aussi comme Pattern vote, où à l’opposé de raconter des histoires, tu es sûr quelque chose qui est peut-être influencé par la musique aussi, mais qui est très poétique, mais très haché, qui complète un peu les autres morceaux, où justement c’est plus littéraire. J’ai l’impression que ça laisse aussi plus parler la musique.

Louis : Ça c’est vraiment fait sur place on va dire. C’est aussi l’actualité qui a fait ça.

Adrien Legrand : C’était un dimanche de retour de vote. J’ai eu ce riff-là tout seul et c’est Vincent qui est venu. On habitait ensemble à un moment et on répétait dans la même pièce. Il a dit, putain, c’est pas mal, ça. Vas-y, fais un mémo.

Louis : Et c’est arrivé vite. Et ça, c’est plutôt toi Adrien qui a dit que là, c’était le vote et ben on fait un truc où c’est toujours la même chose, toujours la même chose, toujours les mêmes. On vote, mais bon, en fin de compte, ça continue.

Vincent: Putain de pattern.

Adrien Leprêtre : Mais en effet, ouais, le texte est un peu en soutien juste pour mettre une espèce de cadre un peu aux propos, mais c’est sûr que c’est la musique qui a guidé la chanson, quoi. Alors que les autres, en effet, c’est plus lyrique.

LFB: Et justement, si je me trompe pas, Louis c’est ton premier projet. Est-ce qu’il y a quelque chose de rassurant d’être avec des musiciens comme ça pour son premier projet ?

Louis: Ah bah, carrément…

Vincent: Après, il nous connaît bien.

Louis: Ouais, ouais, c’est des potes, donc ils m’élèvent à la dure, mais c’est cool.

Adrien Legrand: On ne lui fait pas de cadeaux.

Louis: Non mais c’est vrai que c’est vachement rassurant. Et surtout, c’est une sorte de formation accélérée, quoi. Parce qu’ils me donnent plein de conseils, il me donne plein de trucs. Oublie ça, arrête avec ça. C’est très enrichissant. Je pense que ça me rassure ça, c’est sûr. Mais c’est vrai que c’est une formation vraiment accélérée. Parce que moi sinon je restais un peu dans ma bulle aussi au début. C’est pour ça peut-être qu’il y a un peu ça dans le premier EP où en fait j’étais dans les sonorités mais je n’avais pas beaucoup de contrôle sur tout le panel de son, mes pédales, ma voix. En fait je n’étais pas à l’aise, par exemple, rien qu’en faisant synthé-voix. Je n’étais pas du tout à l’aise. Donc en faisant des lives avec eux, c’est sûr que la voix, j’ai appris à faire ça avec le synthé, j’étais plus à l’aise. Mais ouais, c’est super, ils sont géniaux !

LFB : Et à l’inverse pour vous, est-ce qu’il y a un truc de rafraîchissant, parce que vous avez tous eu des projets qui étaient quand même très marqués dans des styles et avec des trucs très personnels, de retrouver un côté presque adolescent de groupe collectif et de plaisir de se fondre dans la masse un peu ?

Adrien Leprêtre: Je dis souvent que je reviens au moment où ça s’est fait avec Concrete Knives. C’était mon groupe d’avant. D’être au synthé, faire des mélodies et de jouer avec des gens dans une pièce avant toute chose. C’est devenu presque un luxe maintenant de faire de la musique avec des gens. J’ai l’impression que tout le monde fait son projet personnel. C’est vivifiant de pouvoir jouer avec des gens et de jammer en fait, faire de la musique. Juste c’est la musique qui prime et on verra où est-ce que ça va. Et puis en plus avec des amis, donc ça c’était un des points aussi hyper importants. Et ça a mis du temps, on a beaucoup discuté avec Louis. Tous, chacun de notre côté, on savait, enfin Vincent peut-être plus que nous tous parce qu’ils sont vraiment potes d’enfance mais qu’il avait des choses à dire et à faire et que Louis voulait le faire. Peut-être que le Covid nous a aidé à avoir ces discussions un peu plus longues, c’est-à-dire vas-y on le fait, on le fait. Et puis ça s’est lancé quoi. C’est vrai qu’en tout cas moi c’est super. Je suis hyper heureux de jouer de la musique quoi. Et d’être un peu derrière aussi, par rapport à vos projets.

Adrien Legrand: Ça m’a fait me mettre à la batterie. C’est assez fou. À partir du moment où j’habitais avec eux, il y avait la salle de répétition et une batterie toujours disponible. J’ai commencé à en faire comme ça. J’étais loin de me dire que j’allais me projeter dans un groupe à jouer vraiment devant des gens. Au final, ça s’est fait. C’est de plus en plus naturel. Je trouve un truc là-dedans que je ne retrouve pas ailleurs. Dans d’autres instruments aussi, avec eux, il y a un truc. Mais pourtant, je pense que je ne ferais pas de la batterie dans un autre groupe. Ça n’a pas trop de sens. En tout cas, là où j’en suis maintenant. Mais là, ça trouve sa place et c’est trop bien.

Vincent : Il a sorti son petit EP aussi tout seul, Takanakui. C’est très, très bon. Au moment où on a commencé, ça se croisait un peu, on avait joué des trucs de ça tous ensemble. Mais Louis disait qu’on était ensemble à jammer, donc faisons des nouveaux trucs., il les a sortis, ce qui est très bien. A la base, ça aurait pu partir sur un truc plus leadé. Nous, on n’était pas forcément contre cette idée-là. Et puis, en fait, on ne t’a pas appris grand-chose, finalement. C’est aussi toi qui nous as appris. En fait, non, les gars, c’est ce qui se passe là, tous ensemble, qui est important.

Louis: C’est huit fois plus fort que ce qu’on a essayé de faire.

Adrien Legrand: Oui, c’est quand même quelqu’un qui propose beaucoup depuis longtemps, mais plus en solo qu’en sous-marin. Il y a quand même ce truc où il avait plein de morceaux…

LFB: Du coup, vous l’avez ramené à la surface. Qu’est-ce que les lieux et le fait d’être normand, ça influe et ça amène à votre musique ? Parce que c’est quand même un territoire qui a quand même une histoire forte, qui a un mélange de cultures aussi de par cette histoire, de la dernière guerre mondiale ou des choses comme ça. Et je me demandais ce que ça pouvait amener ou ne pas amener dans votre musique.

Adrien Leprêtre: Moi je suis assez fasciné, de manière hyper inconsciente, comment nous on est assez inspiré par l’Angleterre, mais pourquoi on est autant inspiré ? Est-ce que c’est la proximité ? Je ne sais pas. Je parle pour moi, mais en même temps que vous avez signé un disque sur un label anglais avec Veik, on partage souvent des choses qui viennent d’Angleterre ou alors de pas mal de la Hollande aujourd’hui. C’est vrai que c’est un territoire qui n’est pas loin. Je pense que c’est plus les gens autour de la table qui ont influencé le projet Rouperou plus que l’endroit d’être à Caen.

Louis: En tout cas, on ne le sait pas encore. Moi, j’ai difficilement du recul là-dessus.

Vincent: Il y a la salle de répétition qui était pratique, on va dire, quand on était en colocation.

Adrien Leprêtre: C’est sûr que le lieu, oui, par contre, a fait ça.

Adrien Legrand: Ça a créé un truc.

Vincent: Ça a facilité la chose. Ta maison a créé un truc.

Louis: Le premier EP, on l’a enregistré justement en campagne à Rouperou.

Adrien Leprêtre: Donc ça, c’est vrai que de manière plus resserrée, ça a vraiment inspiré le groupe. La salle de répét’ en tout cas de ta maison, c’était un son. Pour l’album, je pense que j’ai eu un peu peur d’arriver dans une grande salle d’un studio, là où dans notre pièce on a un son où on pourrait faire le disque. C’est vrai que quand on en sort, on était un peu perdus. Maintenant, on a pris l’habitude. Parce que je pense qu’on a affiné certaines choses. Peut-être ce n’est pas Caen, ce n’est pas la Normandie, mais c’est cette pièce de 10 mètres carrés, qui a fait le son de Rouperou, parce que c’était incroyable.

Louis: Ouais, et puis je pense du coup, plus que l’histoire qui s’est passée sur notre territoire, c’est plutôt ce qui se passe en ce moment, comment on vit nos vies chacun, qui va inspirer la musique.

Adrien Legrand: De manière inconsciente, c’est sûr.

Vincent: Les réseaux, les amis dans la musique, les machins, tout ça.

Adrien Legrand: Ce qui est sûr, c’est que Caen, c’est la ville qui nous a réunis, dans laquelle on est. Moi je n’y suis plus, mais j’y suis quand même encore tout le temps, j’ai encore de la famille.

Vincent: Parce qu’on a été colocataires quand on a joué au Rouperou.

Louis: En général, quand ce sont les anniversaires du débarquement, on est plutôt à se terrer qu’à sortir la jupe.

LFB: Si vous pouviez ranger Dreamland dans une bibliothèque à côté d’un livre, d’un film et d’un album, vous choisiriez quoi ?

Adrien Leprêtre: Un disque, on peut dire naturellement un truc qui nous a réunis. Enfin, le dernier. C’est quoi, Devon Rexi ? Ta question est vraiment piège pour un groupe qui ne sait pas prendre des décisions. Devon rexi, c’est un groupe d’Amsterdam et le dernier album ou EP, on en a beaucoup parlé ensemble.

Louis: C’est une espèce de dub un peu, mais qui a éclaté le genre vraiment. C’est très intéressant, on peut retrouver certains trucs, mais ce n’est pas du tout la même musique. Mais en film, moi je pensais par exemple, La Jetée de Chris Marker, qui est un film des années 60. Un court-métrage un peu, complètement dystopique, mais c’est une espèce de photo-roman, que des photos. Et donc il y a un truc un peu anachronique. Ce n’est pas de l’image vive et tout ça comme on a aujourd’hui, mais c’est un truc qui prend un peu le temps, mais qui est en même temps complètement frais. Je pense qu’il y a un truc, je trouvais ça complémentaire avec Devon Rexi.

Adrien Legrand : Et puis un bouquin, Moi, ce que j’aime, c’est les monstres d’Emil Ferris.

Louis: Voilà, très bien. C’est beau.

Vincent: Graphiquement, ça ira très bien.

Adrien Leprêtre: Moi, ce que j’aime, c’est les monstres. Il y a un peu un bordel, mais à la fois, c’est tellement précis et tellement beau.

Adrien Legrand: Rien que pour l’histoire de cette meuf, ça vaut le coup d’en parler.

Adrien Leprêtre: Le premier, parce que le deuxième, je n’ai pas lu.

Crédit Photos : Félix Hureau-Parreira

Retrouvez notre live session de Molly par Rouperou ici

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