Peu de jeunes musiciens ont connus une ascension aussi fulgurante et impressionnante que celle de Samara Joy. Alors âgée d’à peine 25 ans, la new-yorkaise est déjà sur toutes les bouches dans le monde du Jazz. Après une soirée des Grammy Awards 2023 auréolée d’un franc et surprenant succès – cette dernière repartant notamment avec la récompense de la Meilleure Nouvelle Artiste – et une édition 2024 également victorieuse, la chanteuse est de retour. Suivant un EP revisitant le succès typiquement Jazz des fêtes, A Joyful Holiday, l’originaire du Bronx nous présentait son troisième album studio : Portrait. Une occasion pour nous d’aborder avec l’américaine ce nouveau disque, de son changement de méthode de travail ou encore la succès et l’attention qui l’entourent aujourd’hui.
version française
SAMARA JOY : Salut !
LA FACE B : Salut !
SAMARA JOY : Comment ça va ?
LA FACE B : Ça va super, merci beaucoup. Et toi ?
SAMARA JOY : Je vais très bien. Merci de m’accueillir [rires].
LA FACE B : Et bien, merci à toi d’être présente aujourd’hui ! Ça compte beaucoup pour nous de pouvoir t’accueillir sur notre site. Avant de commencer, je voulais te féliciter pour Portrait. C’est vraiment magnifique. Je suis un fan de ton travail depuis Linger Awhile, et je pense que c’est peut-être ton meilleur disque à ce jour. Je voulais juste t’en faire part avant de commencer l’interview.
SAMARA JOY : Merci beaucoup, ça me va droit au cœur.
LA FACE B : Il n’y a pas de quoi. Donc, commençons ! Tu sors demain ton tout nouvel album : Portrait. Comment tu te sens ? Est-ce que tu as des ambitions, que ce soit généralement ou sur le plan personnel, concernant ce nouveau projet ?
SAMARA JOY : Tout d’abord, je me sens très reconnaissante et excitée de sortir de la nouvelle musique. Mon dernier album est sorti en septembre 2022. Donc ça faisait un an et quelques mois. J’ai le sentiment pendant cette période de temps d’avoir réussi à ne pas nécessairement me concentrer sur un concept ou un album mais simplement sur la musique et sur mon groupe – quels morceaux je veux chanter, quels paroles j’ai envie d’écrire. Personnellement, je pense que c’est un gros pas en avant pour moi. Une progression tant bien au niveau de la présentation qu’en termes d’apprentissage. J’ai hâte que les gens puissent l’entendre.
LA FACE B : Si j’ai bien compris, le processus d’enregistrement a été très court, il s’est déroulé au studio Van Gelder dans le New Jersey. Comment tu t’es organisée avec ton groupe pour enregistrer ton nouvel album ? Quelle a été ta méthode pour donner naissance à ces nouveaux morceaux ?
SAMARA JOY : Je dirais que ça a commencé par la formation du groupe. Je l’ai mis sur pieds en février ou en mars 2023. Donc ça fait un an et quelques mois. L’idée originelle derrière ce groupe était d’avoir plus de soutien, je voulais une structure plus musicale, j’avais envie de mettre en place plus d’arrangements. Je voulais une espèce de forme condensée d’un big band avec ces quatre cuivres, la section rythmique et pouvoir donner la liberté d’écrire sans barrière, de nous donner l’opportunité d’expérimenter et de cultiver un son et une alchimie tous ensemble. C’était la première volonté. Puis toutes les idées sont venues. Les autres membres du groupe écoutent de la musique que moi je n’écoute pas, comme Sun Ra, Charles Mingus ou même de la musique classique.
C’était presque comme si on s’aidait les uns les autres et qu’on apprenait à s’exposer à une musique différente que l’on n’écouterait pas si on ne s’était pas rencontrés. C’est de là que l’idée d’écrire des paroles pour des morceaux de Jazz qui n’en avaient pas m’est venue, en plus d’offrir une chance aux personnes d’écouter des compositions de Jazz qu’ils ne connaissent pas, ça me donne l’occasion d’être mise au défi. C’est tellement différent d’interpréter un morceau que quelqu’un a déjà écrit que d’interpréter une mélodie et d’essayer d’écrire des paroles qui collent. Je pense que c’était un défi magnifique tout du long, la progression du groupe entre sa création et quelques mois plus tard m’a fait réaliser que c’était un projet génial et qu’il ne stagnerait jamais. En ce qui concerne la construction de notre son, je vois à quel point on a progressé en l’espace de quelques mois, donc pourquoi pas enregistrer un album ?
J’ai donc décidé il y a environ un an que nous devrions enregistrer un album. Au même moment, j’ai été approchée par le label avec la même idée, le moment était venu d’enregistrer un nouveau projet, ça faisait deux ans. J’avais déjà l’idée parfaite, je n’ai pas eu besoin de réfléchir. C’était déjà prêt devant mes yeux. Ça s’est déroulé assez facilement et on a tout enregistré en trois jours. On a enregistré dix huit morceaux, ce qui correspondait à l’entièreté de notre répertoire à ce moment-là. Aujourd’hui il est plus étoffé, donc peut-être qu’on enregistrera les autres dans les années à venir. Mais c’est comme ça que tout a commencé.
LA FACE B : Super, et comment tu as choisi ces musiciens ?
SAMARA JOY : Alors, c’est une histoire marrante [rires]. Je suis allé à l’université avec certains d’entre-eux. Je les connaissais déjà depuis quatre ou cinq ans, certains d’entre-eux en tout cas. J’ai été présentée à leurs amis qui venaient d’autres universités et qui étaient aussi dans le même état d’esprit de jouer à New York, d’écrire et d’arranger – et se servir de tous ces outils qu’on nous a appris en cours et en écoutant des albums, mettre tout cela à l’œuvre. Ça a parfaitement fonctionné, mais l’idée qu’on avait n’était pas de trouver la prochaine génération de jeunes musiciens. J’ai l’impression que j’ai juste cherché dans les gens autour de moi, et je me suis rendu compte que c’était de là dont les idées fraîches venaient.
C’est là que l’on peut contribuer aux nouvelles choses qui apparaissent dans cette forme d’art, c’est à cet endroit que ça se passe. Si tu regardes les noms des musiciens qui sont sur l’album, c’est possible que tu n’en reconnaisses aucun. C’est là ou les gens qui dédient leur vie à la musique sont. En tout cas de notre point de vue, dans notre vingtaine. C’est la seule chose que j’avais en tête. Je suis reconnaissante d’avoir ces musiciens avec qui m’entourer, qui sont d’enrichir le groupe avec leur propre style musical. Même si chacun a un style différent, c’est tellement frais et c’est tellement vibrant et plein d’énergie. C’est en tout cas le sentiment que j’ai concernant l’album.
LA FACE B : Je suis plutôt d’accord. On sent cette synergie tout au long de l’album, ce qui me donne presque l’impression qu’il a été enregistré sur scène en face d’une foule. Ce que je suppose être une bonne quand on parle de Jazz [rires]. Quelle est ta relation avec le fait de travailler avec un groupe et de t’exprimer dans cette forme spécifique ?
SAMARA JOY : C’est ce que tu as dit, que ça sonne comme un live parce que la musique qui nous a inspiré ne sonne pas nécessairement comme si c’était du studio. Il y a quelques disque que j’écoute et qui me font me dire « Wow ! Est-ce que c’est du live ? », avec tellement d’énergie et joué comme si c’était la première et dernière fois. Ce qui finit par passer par les studios Van Gelder ou au Blue Note, ce genre de chose. Personnellement, je ne pense pas que j’aurais autant évolué et pris autant confiance avec ma voix et ma capacité à écouter la musique qui circule autour de moi si je n’avais pas formé ce groupe. À un certain stade, sans dire que c’est jamais facile, mais j’ai l’impression d’être très bonne à cette chose particulière. Chanter avec un trio, interpréter mes morceaux préférés, c’est facile. Mais si tu le fais pendant trop longtemps il n’y a plus aucun défi.
Je sais que j’étais douée dans ce registre spécifique, j’ai enregistré comme ça, c’est ce qui m’a emmené sur la route, mais maintenant quelle est la prochaine étape ? Comment est-ce que je grandis ? Comment est-ce que je deviens une meilleure musicienne sans juste chanter des grands standards et faire en sorte que les gens accrochent toujours ? Je pense qu’il y a une connexion entre tous mes albums et celui-ci. Une similarité qui à mon sens reste la même et c’est le répertoire. J’ai simplement choisi tous les morceaux de chaque album. Même si certains d’eux sonnent comme des standards, ils sont en vérité écrits par des musiciens qui étaient des musiciens de Jazz.
Évidemment, il y a une différence entre les standards des songbooks, le Great American Songbook, et les compositions de Jazz. Certains d’entre-eux sonnent comme des standards même l’album d’avant, comme Social Call ou Sweet Pumpkin qui sont des compositions de Jazz. Être introduite à ce genre de morceaux et d’essayer intentionnellement de sélectionner des morceaux qui ne sont pas souvent interprétés, je pense que c’était ma manière de grandir. Ça m’a amené à écouter des mélodies plus complexes écrites par des compositeurs de Jazz et voir si je pouvais les apprendre et les interpréter en utilisants tout ce que j’ai appris en chantant des standards et en chantant avec un groupe plus petit pour l’appliquer à une formation plus conséquente. C’était un défi pour ma tessiture, pour mon oreille, pour ma capacité à écrire des paroles. Il y a un fond quand quelqu’un prend un solo, les cuivres jouent derrière le soliste.
En écrivant avec ce groupe, je me suis retrouvé à plus écouter ce fond. Je voulais chanter mais je ne voulais pas être la voix mise en avant. Je veux faire partie de l’harmonie. J’ai fini par tellement adorer ça que le groupe a commencé à écrire pour moi. J’ai été très surprise. C’est comme ça que je me suis ouverte, que je me donnée le défi de former ce groupe, et les choses ont naturellement pris forme, que ce soit les paroles, notre son, notre capacité à étendre les arrangements — à m’intégrer à chaque morceau. J’ai dû affronter beaucoup de défis différents dans ce contexte précis, mais c’était merveilleux. La seule que je souhaitais éviter était de stagner [rires]. J’ai trouvé de l’intérêt et du succès dans une chose et je ne veux pas faire que ça. Je veux découvrir plusieurs manières de le faire et d’introduire les gens au fait que c’est possible, mais avant tout je dois trouver comment le faire moi-même [rires].
LA FACE B : Oui bien sûr [rires]. Tu as évoqué le fait que les musiciens avec qui tu as travaillé écoutent des choses différentes de toi. Est-ce que tu dirais qu’il y a des influences spécifiques qui ont, en quelque sorte, guidées le processus créatif de Portrait ?
SAMARA JOY : C’est une bonne question. Quand j’ai formé le groupe je leur ai donné des morceaux à arranger, pris de mon répertoire. Je leur ai dit « Ce sont mes morceaux favoris, j’en donne deux à telle personne, deux à cette personne. C’est comme ça que nous allons construire notre répertoire d’arrangements ». Je savais qu’ils étaient tous différents les uns des autres mais je ne savais pas à quel point leurs cultures musicales était différentes. Je suppose que le processus créatif de Portrait se base sur ces différents mondes musicaux qu’ils étaient en train de créer. Il y en a un qui est vraiment qui est vraiment à fond dans Wayne Shorter, mais qui adore aussi la musique afro-cubaine. Et il y en a un autre qui adore la musique classique mais qui écoute aussi Sun Ra et Ken Kirkland. Un qui écoute de la musique classique mais qui aussi Budd Powell, Charlie Parker mais qui a des influences plus ésotériques, qui incorpore plus de Free dans le son du groupe.
En tirant des éléments de ces différents monde, c’était inévitable qu’on allait donner vie à quelque chose de frais. Il n’y a que deux morceaux dans l’album qui peuvent être considérées comme tirés du Songbook, mais même ceux-ci sont rafraichi à leur manière — You Stepped Out Of A Dream et Day By Day. Mais Reincarnation of A Lovebird est une composition de Charles Mingus, Now And Then est une composition Jazz de Berry Harris, et j’ai écrit des paroles pour ces deux morceaux. A Fool In Love (Is Called A Clown) est une composition originale, la musique et les paroles ont été écrites par l’un des membres du groupe. No More Blues est une composition brésilienne. Ça n’a pas seulement eu une influence sur le processus créatif de Portrait, mais j’ai l’impression que ça a aussi eu un impact sur le répertoire de compositeurs différents que j’ai choisi, ils sonnent différemment mais je pense que chaque morceau qu’on a interprété et développé en tant que groupe s’intègre bien à l’album. Je dirais que tout le monde a mis un coup de crayon aux origines différentes mais que ça a créé un son unique et collectif.
LA FACE B : C’est la première fois que tu sors un album depuis tes différentes victoires aux Grammy Awards, en 2023 et en 2024. Tu as gagné le prix de la Meilleure Nouvelle Artiste en 2023, en compétition avec des artistes comme DOMi & JD Beck, Omar Apollo, Maneskin ou encore Wet Leg. Et cette année, tu as remporté le prix de la Meilleure Performance Jazz grâce au morceau « Tight ». Est-ce que ça représente pas beaucoup de pression de sortir de la nouvelle musique après un tel succès académique ?
SAMARA JOY : Oui c’était très écrasant. Je ne m’attendais pas à gagner un Grammy [rires]. Ça semble tellement inatteignable, on a l’impression que c’est pour les gens qui soit y ont mis des années de travail, qui ont le bon réseau et qui ont soit une bonne voie de secours ou qui explosent et deviennent des superstars. J’ai l’impression que mon histoire est un peu différente. J’ai été signée par un label indépendant, avec qui j’ai sorti mon premier album. D’abord j’ai enregistré l’album, puis je l’ai envoyé à Verve. J’ai signé avec eux, on a tout sorti en deux mois. Et quelque chose comme un mois plus tard j’étais nominée, ce qui m’a choqué [rires].
LA FACE B : C’était très rapide !
SAMARA JOY : C’était très rapide ! Je n’ai pas passé toute une année dans une campagne de promo pour ce single ou cet album pour que ça fasse sens. Malgré tout, c’était rapide, une année ça aurait fait sens. Mais deux mois [rires] ? Et même quelques mois plus tard, j’étais toujours autant surprise d’avoir gagné. Donc c’était une retournement de situation assez fou. J’ai commencé à ressentir un peu de pression. Tout d’un coup j’étais arrivée dans un tout nouveau monde. Est-ce que je dois entrer dans un moule maintenant ? Qu’est-ce que je dois faire ou est-ce que je devrais prendre certaines décisions pour maintenir cette attention ? Et la musique va t-elle souffrir du fait de capitaliser sur ce moment ? Beaucoup de questions se sont posées, et je suis ravie de ne m’être concentrée sur rien de tout ça [rires].
J’ai fait des interviews et tout ce genre de choses évidemment, mais je suis repartie en tournée et je me suis concentrée sur ma musique. Il y a un nouveau meilleur artiste tous les ans. La meilleure manière de continuer à grandir est d’aller de l’avant, aussi cliché que ça puisse sonner. Au-delà du fait que j’ai de l’attention ou non, que je sois célèbre ou non, je veux mettre en avant que j’adore faire ça. J’adore chanter du Jazz, j’adore chanter, j’adore faire de la musique, j’adore collaborer avec les gens qui m’entourent.
S’ils me retirent mon Grammy demain, est-ce que je serais toujours une personne et une artiste intègre ? Heureusement, à l’heure actuelle, c’est le cas. J’aurais toujours cette chose à laquelle je m’accroche tendrement, plus qu’une quelconque forme d’attention que l’on pourrait me donner. Quelque chose qui me donne envie de me lever le matin et de passer une autre journée à poursuivre cette même chose. Je sais que ce n’est pas seulement devenue une partie de moi, je sais qu’il y a tellement à en apprendre. Donc oui c’était écrasant, avec beaucoup de pression, c’est un peu fou mais avec du recul, mais si ça ne fait que deux ans que j’ai gagné, je suis tellement reconnaissante et honorée d’être considérée pour une telle récompense et je suis ravie que ça m’ait donné envie d’aller encore plus loin dans la musique.
LA FACE B : Je me souviens que quand j’ai appris que tu avais gagné, j’étais en cours. J’étais très surpris, positivement, parce que j’espérais que tu puisses gagner, mais je m’attendais plutôt à une victoire de Maneskin avec toute la hype qu’il y avait autour d’eux.
SAMARA JOY : Mais moi aussi ! [rires]
LA FACE B : Et je me souviens même avoir poussé un cri de surprise en plein cours [rires].
SAMARA JOY : [rires]
LA FACE B : En parlant des Grammy, il y a une autre artiste qui en 2023 a gagné la récompense du Meilleur Album de Pop Vocal Traditionnel, et c’est Laufey. Vous êtes toutes les deux en quelque sorte considérées comme les nouvelles têtes d’affiche du monde du Jazz. Comment tu te sens par rapport à ça ? Est-ce que ça a un impact sur la manière dont tu travailles en tant qu’artiste ?
SAMARA JOY : D’être considéré la prochaine artiste importante ?
LA FACE B : Oui, je sais que Laufey a dit que c’était oppressant de savoir que tout le monde prête attention à ce que tu fais et à ce que tu feras dans le futur. Dans un sens, est-ce que ça a le même effet sur toi ?
SAMARA JOY : Ça a un impact. Et je pense que ça serait le cas pour n’importe qui. Avoir une attention importante d’un coup sur vous, d’être tout d’un coup catégorisée comme faisant partie de toutes ses superstars du Jazz, qu’on te dise que tu portes le flambeau. Nom de Dieu, j’ai mes épaules qui deviennent un peu lourdes là [rires]. Aussi normal soit-il de se ressentir ça dans cette situation, si tu y penses trop ça va commencer à affecter ton travail. Si tu commences à penser que tu es validée par les gens qui te suivent, ou que cette même audience ne va t’aimer seulement si tu fais une chose précise, c’est effrayant de se retrouver dans ce genre pensées. Les gens ne savent pas ce qu’ils veulent.
Je ne dis pas ça pour dire qu’on se moque de ce que l’audience dit, qu’on ne les écoute pas. Mais si en tant qu’artiste, tu essayes d’expérimenter des choses, tu ne peux pas laisser ce que tu as fait dans le passé ou ce que ton public a aimé affecter la manière dont tu évolues, sinon tu risques de rester bloqué, à moins que toi, l’artiste, décide d’aller vers quelque chose de nouveau. Si tu ne le fais pas, le public va rester, là ou tu étais il y a deux ou trois ans. Si tu as déjà commencé à évoluer, tu n’es pas obligée d’embarquer tout le monde avec toi. Les gens peuvent être surpris et se dire qu’ils ne t’auraient pas imaginé faire ce genre de chose avec ta voix, ou évoluer dans ce style. J’ai l’impression que si tu essayes de trop penser à tous ces prix, ça commence à envahir ton cerveau et je croise vraiment les doigts pour que ça n’arrive jamais.
En tant qu’individu, en tant qu’individu imparfait, on est à la recherche d’attention et de validation, pour se sentir aimé par les autres. Ça peut vraiment affecter ton point de vue ainsi que ta vision et donc ton art. C’est une équilibre dangereux mais je pense que tu dois continuer à être rester honnête envers toi-même et de continuer sur ta propre lancée. Tu ne dois pas te laisser distraire par ce que les autres pensent de toi ou ce qu’ils pensent que tu devrais faire. Tu dois rester constant pour continuer à aller de l’avant.
LA FACE B : Comme tu l’as dit, on dit que tu « portes le flambeau » du Jazz. Sur un plan plus personnel, ou est-ce que tu te situe dans toute cette grande tradition en tant que musicienne de Jazz ?
SAMARA JOY : Je suppose que je me situe à la même place qu’une Sarah Vaughn ou une Betty Carter quand elles avaient vingt ans, pendant qu’elles étaient en train de découvrir tout ça. Elles ont vu cette musique prendre vie autour d’elles, et elles voulaient en faire partie et elles ont fait tout ce qu’elles ont pu pour faire leur chemin et laisser marque et apporter leur contribution à cette musique qu’elles aimaient tant. Je pense que c’est là ou je me vois. Je ne me considère pas comme une star. Je suis tombée amoureuse de cette musique. J’ai grandi en écoutant de la musique mais je me suis éprise de celle-ci, il y a maintenant quelques années. Et maintenant j’ai l’impression que je me suis en quelque sorte faite la promesse à moi-même d’être une contributrice active à cette musique, tout comme ceux qui ont fait de même dans le passé.
Les génies après qui on passe, ils étaient dans leur vingtaine et leur trentaine alors qu’ils créaient le son de cette musique. Je ne sais pas si ça leur importait d’être des superstars ou peut-être qu’ils cherchaient comment travailler et quels morceaux enregistrer. Au bout du compte, ils ont trouvé leur chemin et laisser leur marque sur cette musique très tôt dans leur carrière et ils sont restés constants. Je pense que c’est là que je me situe.
LA FACE B : Merveilleux. Je ne sais pas ce que tu ressens par rapport à ça, mais j’ai l’impression que le Jazz est en quelque sorte en train d’entrer dans une nouvelle phase de son histoire. On peut voir de nouvelles formes d’expression se développer et permettre aux jeunes de devenir plus familiers avec le genre. J’ai en tête les Lives From Emmet’s Place par exemple, au sein desquels tu es apparue deux fois, et les deux performances étaient magnifiques. Que penses-tu de cette espèce de renouvellement du genre et comment penses-tu pouvoir y contribuer ?
SAMARA JOY : Je pense que ce renouvellement du genre fait probablement partie du processus. Comme c’est probablement le cas dans toutes les formes de musique qui est en pleine phase de transition. Beaucoup de personnes ayant contribué à cette musique sont aussi décédés aussi. Mais ceux qui ont vécu plus longtemps, ils sont actuellement en train de nous quitter. Comme Benny Golson très récemment, il est décédé il y a quelques semaines. J’ai juste l’impression que c’est naturel de compter sur les gens qui ne faisaient pas partie du mouvement du Jazz quand il était en train de prendre vie. Du fait que nous n’étions pas nécessairement là, tu vas l’entendre différemment. Tu vas expérimenter l’univers de la musique d’une autre manière, on est à une époque différente.
Il y a maintenant de nombreuses manières de nous exprimer à travers cette musique qui n’existaient peut-être pas lors de sa création. On a beaucoup plus de choses à écouter. Pendant que c’était en pleine création, ils écoutaient beaucoup de musique mais ils étaient en train de la créer, et c’est leurs créations qu’on écoute aujourd’hui sur le cours de leurs vies entières. On a la merveilleuse opportunité de pouvoir écouter Miles Davis quand il avait vingt ans, mais aussi quand il en avait trente, tu vois ce que je veux dire. On peut écouter toute leur contribution, et maintenant on est au commencent de la nôtre. C’est une opportunité magnifique et je pense que c’est naturel que de jeunes musiciens créent de nouvelles formes d’expression parce qu’ils ont pu entendre comment ça a été fait.
Je pense que ma contribution est plus ou moins la même. J’ai vingt quatre ans en 2024, j’ai découvert le Jazz il y a six ans, mais avant j’écoutais du Gospel, du R&B et la Motown. J’écoutais ce que mes parents écoutaient. J’écoutais de la Pop ! Tu vois, j’écoutais ce qui passait à la radio je regardais Disney Channel [rires]. J’ai toutes ces influences en plus de la musique dans laquelle je me suis immergée. Évidemment, la manière dont je m’exprime va être différente parce que je suis dans une autre époque et que je suis une personne différente. J’écoute les mêmes morceaux que tout le monde, mais je vais l’entendre différemment. Tout simplement en me basant sur nos origines qui sont différentes. Je pense que c’est une partie naturelle du processus de l’évolution de la musique.
LA FACE B : Pour conclure cette interview, il y a une question que j’aime bien poser aux artistes avec qui je discute. Dernièrement, il y avait-il un album ou un artiste que tu écoutes régulièrement et que tu aimerais recommander à nos lecteurs en France ?
SAMARA JOY : J’ai l’impression d’être un peu éparpillée quand je dois me concentrer sur un seul artiste à la fois. Mais il y en a un que j’ai pas mal écouté ces derniers temps, je me suis mise à Benny Golson. Je m’y suis mise il y a quelques temps, mais maintenant qu’il est décédé je me suis retrouvée à explorer ses albums et observer sa contribution à cette musique au fil du temps. Que ce soit à travers ses arrangements ou comment il sonnait avec son saxophone ténor. Je recommanderais son album Take A Number From 1 to 10. Le concept est qu’il y a dix morceaux, et sur le premier il joue seul, sur le second il joue avec une autre personne en duo, et en trio et ça continue jusqu’à ce qu’il atteigne dix musiciens sur le dernier morceau. Il y a un morceau qui s’appelle The Touch, et c’est sans doute l’une des plus belles compositions que j’ai pu entendre. Donc c’est ce que je recommanderais.
LA FACE B : Okay ! Et bien, merci beaucoup pour ton temps. C’était un vrai vrai plaisir. En espérant te croiser un de ces quatre sur la route !
SAMARA JOY : Oui ! À bientôt et merci beaucoup pour tes questions.
LA FACE B : Merci beaucoup, salut !
english version
SAMARA JOY : Hello!
LA FACE B : Hello there!
SAMARA JOY : How is it going?
LA FACE B : Beautiful, thank you. And you?
SAMARA JOY : I’m doing great. Thank you for having me [laughs].
LA FACE B : Well thank you for being here! It means the world to us to be able to welcome you on our website. First, I wanted to congratulate you for Portrait. It is really really beautiful. I’m a fan of your work since Linger Awhile, and I think it’s your best work so far. So I just wanted to congratulate you before we begin.
SAMARA JOY : Thank you very much, I appreciate that.
LA FACE B : Your welcome. So, let’s start and dive into the interview! Tomorrow, you’ll be releasing your brand new album: Portrait. How do you feel about it? Do you have any ambition concerning this new project, personally or more generally speaking?
SAMARA JOY : First, I feel really excited and grateful to be releasing music. The last album that I released came out in September 2022. So it’s been a couple of years. I feel like within these couple of years I’ve been able to, not necessarily trying to focus on a concept or an album, but just focus on the music and focus on the band, what songs I wanted to sing, what lyrics I felt like I wanted to write. I personally feel like it’s a big step for me. A big step as far as growth and presentation. So I’m really excited for people to ear it.
LA FACE B : If I understood correctly the recording process was very short, it went on the Van Gelder Studio in New Jersey. How did you organise with your band to record this new album? What was your method ti give birth to these new songs?
SAMARA JOY : I would say it started by first forming the band. So I formed it in February or March of 2023. So that’s about a year and a couple months ago. The initial purpose behind the band was to have more support, I wanted more musical support, I wanted more arrangements. And I figured I would have this kind of condensed version of a big band and have these four horns, the rhythm section and sort of just give everybody the freedom to write without boundaries and allow us the opportunity to experiment and cultivate a sound and a chemistry together. So that was the first part. Then all the one ideas came. Peers in the band were listening to music I wasn’t listening to, like Sun Ra, Charles Mingus or some classical music.
It was almost like we were helping each other and learning to expose each other to different music that we wouldn’t listen to if we have not met each other. That’s where the idea came for me to write more lyrics to Jazz compositions that didn’t had lyrics, because it would offer not only a chance for people to listen to these songs but it would offer a chance for me to be challenged. It’s so different interpreting a song somebody else wrote and interpret a melody and try to write lyrics that match that. I think it was a beautiful challenge all around and once I started, the growth from when we first formed the band to a couple months later, I figured out that it was an amazing project and that it’ll never be plato, it will never grow still. We can always find different ways to learn and to grow. And to build the sound with each, I see how much we’ve grown in a couple months so what if we recorded an album together?
A year, or so in, a couple months ago, that’s when I decided that we should record an album. At the same time, I was approached with the idea from the label, it was time to record another project because it’s been two years. I had the perfect thing already, I didn’t have to try to figure it out. It was already kind of laid out in front of me. It came up pretty easily and we recorded in three days. We recorded about eighteen songs and that makes at least the entirety of our book at that point. We have more songs now, so maybe we’ll record them in years to come. But that’s how it started.
LA FACE B : Beautiful, and how did you choose these musicians?
SAMARA JOY : So, funny story [laughs]. A couple of them I actually went to college with. I knew them from about four or five years already, a couple of them. I was kind of introduced to their friends from other colleges who are also kind of the same mind in wanting to play in New York and write and arrange – and pull of these tools we’ve learned in school and listening to records, pull all of that to work. It worked out perfectly, although the idea going in wasn’t to just to find the next generation of young players. I fell like I just looked around in my peers and figured out that this is where fresh ideas come from.
This is where we can contribute to new things to the art form, this is where it lies. Although you look at the names on the album and you may not notice or recognise any of them. This is where the people who are dedicating their lives to music are. From this point, in our twenties. That’s the only thing I had in mind. I’m grateful to have find this group of peers to surround myself with, who are able to contribute their individual styles musically to this group. Even though everybody style is different, it’s so fresh and it’s so energised and vibrant. That’s hopefully what I fell like we come across on the album.
LA FACE B : Actually I do agree. We feel that there is a very synergetic energy throughout the whole album, which in a way almost makes me feel like it was recorded on stage in front of a crowd. Which I guess is a good point when we’re talking about Jazz [laughs]. What is your relation with the fact of working with a band and express yourself in that specific form?
SAMARA JOY : It’s that you said, that it sounds like a live because listening to records from our inspiration doesn’t sound like it necessarily in the studio. There some records that I listen to and I’m like « Damn! Is this played live? », with so much energy and played like it’s the first or last take they ever gonna do. It ends up being in Van Gelder studios or Blue Note, that kind of stuff. Me personally, I don’t feel like I would’ve grown to have so much confidence in my voice and in my ability to listen to the music going all around me if I hadn’t started this band. At a certain point, not to say that it’s never easy, but I feel like I’m really good at doing this one thing. Singing with a trio, singing my favorite songs, this is easy. But it’s like if you do that for too long there’s no challenge behind it anymore.
I knew that I was good at this specific thing, I recorded like that, I’ve toured with that, and so now what’s the next step? How do I grow? How do I get better as a musician overall without just singing great standards and expect people to love it? I feel like there’s a connection between all of the albums and this one. One similarity I feel like remains the same and it’s the repertoire. I choose basically all the songs for each of the albums. Even though some of them sound standard, they’re really written by musicians who were Jazz musicians.
Obviously, there’s a difference between Songbook standards, Great American Songbook and Jazz compositions. Some of them sound standard like on the last album, like Social Call or Sweet Pumpkin which are Jazz compositions. But being introduced to this kind of songs and try to choose songs intentionally that weren’t often performed, I felt like it was my way of personal grow. It led me to listen to more complex melodies by Jazz composers and see if I can learn them and interpret them and use all of the tools that I learned singing standards and singing with a smaller group and apply it to this bigger band. My range was challenged, my ear was challenged, my ability to write lyrics was challenged. There are little backgrounds when someone is taking a solo, the horns play behind the soloist.
With writing with this band, I found myself listen to that more. I wanted to sing but I didn’t wanna to be the lead voice. I wanna be a part of the harmony. I ended up loving to do that so much that the band started writing for me. I was like « Ow shoot! ». I opened myself up in this way, challenged myself to form this band, and naturally things progressed with lyricism, with range and with being able to expand the arrangements — to incorporate me throughout each song. I’ve been challenged in many ways in this context but it’s a beautiful thing. I just don’t wanna stay still [laughs]. I found interest and success doing this one thing and I don’t wanna stick to it and only doing that one thing. I wanna figure out to do it different ways to do this thing and introduce people to the fact that it is possible, but first I have to figure out how to do it myself [laughs].
LA FACE B : Yeah of course [laughs]. You evoked the fact that the musicians with whom you work are listening to different things from what you are listening to. Would you say that there are some specific influences that kind of guided the creation process of Portait?
SAMARA JOY : That’s a good question. When I first started the group I gave them song to arrange, taken from my repertoire. I was like « These are my favorite songs, I give two to this person, two songs for this person, two songs for this person. That’s how we gonna build the book of arrangement ». I knew they were different people but I didn’t know how different their backgrounds musically were. I guess the creation process of Portrait stand from each of these musical worlds that they were creating. There’s one who’s really really deep into Wayne Shorter, but also love Afro-Cuban music. And there’s another who loves classical music but also listens to Sun Ra and Ken Kirkland. One, he listens to classical music but listens to Budd Powell, Charlie Parker and there’s more esoteric influences, more loose, more Free incorporated into this whole thing.
To pull from all of these different worlds, it was inevitable that there was gonna be something fresh. There’s only two songs on the album that could be considered Songbook, but even those are kind of refreshed in their own way — You Stepped Out Of A Dream and Day By Day. But Reincarnation Of A Lovebird is Charles Mingus composition, Now And Then is a Berry Harris Jazz composition, and I wrote lyrics for these two. A Fool In Love (Is Called A Clown) is an original composition, both music and lyrics written by one of the members of the band. No More Blues is a Brazilian composition. It not only did affect the creation process of Portait but I feel like it affected the repertoire that I chose by different composers and somehow, it sounds different but I feel like every song that we’ve played together and developed as a band, it fits into this album. I would say that everybody’s drawing from different sources but it created a unified sound.
LA FACE B : It’s the first time that you’re releasing an album since your Grammy Awards winnings, both in 2023 and 2024. You won the Best New Artist in 2023, over artists such as DOMi & JD Beck, Omar Apollo, Maneskin or Wet Leg. And this year, you won the Best Jazz Performance thanks to the song « Tight ». Isn’t that a bit overwhelming to release some new music after such an academic success?
SAMARA JOY : Yes it was very overwhelming. I didn’t expect to win a Grammy [laughs]. It seems so unattainable and it seems like it’s for people who either put in years of work, who have the right connections and have the right back-up or who blow up and become like superstars. I feel like my story was a little different. I was signed to an independent label, released my first album. I recorded the album first, then brought it to Verve. I signed with them, we released it in two months. And like a month after I was nominated, which shocked me [laughs].
LA FACE B : It was very fast!
SAMARA JOY : It was very fast! It wasn’t like I spent a whole year campaigning for this one single or this one album and that it made sense. Even though it was fast, a year makes sense. Two months? [laughs] And then a couple months after that I was still surprised that I won. So it was a pretty crazy turn around. I felt a little bit like « Ow shoot! » I’m all of a sudden in this new world. Do I have to go a certain wrap now? What do I have to do or should I be making the decision and try to maintain this attention? And will the music suffer as a result of capitalising on this moment? So a lot of questions rolling around, and I’m really glad I didn’t focus on any of that [laughs].
I did interviews and stuff like that of course, but I went back on the road and I was focusing on music. There’s another Best New Artist next year and the year after that. For me, it makes no point in trying to chase after what has happened. The only way to continue to grow is to move forward, as cliché as it sounds. Regardless of whether I have attention or not, whether I have « fame » or not, I wanna say that I love doing this. I love singing Jazz, I love singing, I love making music, I love collaborating with my peers.
If they take the Grammys away tomorrow, would I still be a person and an artist of substance? Thankfully, right now the answer is yes. I still would have something that I hold dear more than any sort of attention could ever give. Something that I feel like makes me wanna get up and spend another day pursuing this thing. I know that it doesn’t only became a part of me, I know that there’s much more to learn about it. So yes it was overwhelming, it’s a bit crazy but I’m really glad looking back, even though I won only two years ago, I’m so grateful and honored to be considered for such an award and I’m glad that it only made me wanna pursue music even more.
LA FACE B : I remember that when I learned that you won, I was in a class. I was really surprised in a positive way because I was hoping that you’ll be able to win, but I was expecting Maneskin, with the huge hype around them to win.
SAMARA JOY : I was the same! [laughs]
LA FACE B : And I remember having a quick shout in class and being like « Ow! Gosh! » [laughs]
SAMARA JOY : [laughs]
LA FACE B : So yeah and talking about the Grammys, there is another artist in 2023 who won in the Best Traditional Pop Vocal Album category, who’s Laufey. Both of you are kind of considered as the two new headlines of the Jazz world. How do you feel about that? Does it impact in some way your work as an artist?
SAMARA JOY : Being considered like the next up?
LA FACE B : Yeah, because I know that Laufey said that it was kind of overwhelming to know that everybody’s watching you and paying attention to what you’ll do. But in a way, does it has the same effect on you?
SAMARA JOY : I mean it does. It feels that it would have that kind of effect on anybody. Having any sort of huge draw and attention on you, to go from that to all of sudden being called all of these superstar Jazz, being told that you carry the torch. Jeez, my shoulders are feeling kind of heavy [laughs]. As normal as it is to feel that way in this situation, if you think about it too much it will start to impact your work. If you start to feel like you’re validated by the followers you have, or like your audience likes when you do this so you’re only gonna do this, that’s a scary place to be. People don’t know what they want.
I’m not saying that as to be saying that we don’t ware about what the audience says, that we don’t listen to them. But if you, as an artist, are seeking to try to experiment with something, you can’t let what you’ve done in the past or maybe what audience liked in the past affect how you move forward, or you’ll always be stuck there unless you, the artist, decides to affect something new. If you don’t do it, the audience will stay right there, where you were two or three years ago. If you’re already up here, you aren’t supposed to bring everybody with you. Like « Ow she’s doing this now. Wow, I couldn’t imagine that she’d do something with that voice or in this context or in this style ». And so I feel like if you tryna think about of all the title and all of that stuff too much, it starts to go to your head and I really am crossing my fingers that it never does.
As people, as imperfect people you crave attention and feeling validated, to feel loved by people. It can really start to affect your personal view and it could affect your view and so your art. It’s a dangerous balance but I feel like you have to continue to stay true to yourself and continue to stay grounded in what you’ve been. And don’t get carried away by what other people think of you and what other people project on you about what you should do. You have to stay grounded in order to continue to move forward.
LA FACE B : As you said, people are saying that you’re « carrying the torch » of Jazz. On a more personal plan, how do you locate yourself in this big whole tradition of being a Jazz musician?
SAMARA JOY : I guess I locate myself in this whole tradition the same way that maybe a Sarah Vaughn or a Betty Carter at twenty years old was, as they were trying to figure it out. They see this music happening around them, and they wanna be a part of it and so they do all that they can to make their stamp and make your individual mark and contribution into this music that they love so much. I think that’s where I see myself. I don’t see myself as a star. I fell in love with this music. I grew up with music but I fell in love with this one, a couple years ago. And now I feel like I’m making maybe a promise to myself to be an active contributor to it, similar to those who did in the past.
The genius that we uplift, they were in their twenties and thirties when they were creating the sound of this music. I don’t know if they were worried about being superstars or maybe they was figuring out how to work and what songs to record. In the end, they made their stamp and their mark on this music very early in their career and they were consistent throughout. I guess that’s were I am right now.
LA FACE B : Beautiful. I don’t know how you feel about it, but I feel like Jazz is kind of entering in a brand new phase in its history. We can see new forms of expression that are developing and enable youngsters to get familiar with the genre. I have in mind the Lives From Emmet’s Place for instance, in which you actually performed twice, and both performances are actually beautiful. What do you think about this kind of renewal of the genre and how do you think being able to contribute to it?
SAMARA JOY : I thin the renewal of the genre is probably a part of the process. As it probably is in any form of music that’s kind of experiencing and transition. A lot of people who contributed to this music died very young as well. But the ones who lived on, now they’re passing. Like Benny Golson just recently, he passed away a couple of weeks ago. I feel like it’s just natural to have people who weren’t a part of Jazz when it was being created. Because you weren’t necessarily there, you’re gonna ear it differently. You gonna experience the world of music differently, we’re in a different time.
There’s different ways to express ourselves through this music now that maybe weren’t when it was being created. We have a lot more to listen to. As it was being created, they were listening to a lot of music but they were creating it, and we’re listening to their creations now over the course of their entire lives. We have that fortunate opportunity to listen to Miles Davis when he was twenty, but also when he was thirty, you know what I mean. We can listen to their whole contribution to music, and now we’re here at the beginning of our own. It’s a beautiful opportunity and I think that it’s natural that young musicians are creating new ways of expressing themselves because they heard how it was done.
I guess my contribution to it is kind of the same. I’m twenty four in 2024, I heard Jazz six years ago, but before that I was listening to Gospel and R&B and Motown. I was listening to all the music my parents were listening to. I was listening to Pop! You know, I was listening to what’s on the radio, I was watching Disney Channel [laughs]. I have all of those influences on me in addition to this new music form that I’ve emerged myself into. Obviously, my expression is gonna be different because it’s in a different time and I’m a different person. I listen to the same songs as somebody else, I’m gonna ear it differently. Just based on my background and their background. I think it’s a natural part of the process of musical growth and evolution.
LA FACE B : To conclude this interview, there’s a question that I like to ask to the artists with whom I discuss. Lately, was there any album or artist that you’re regularly listening to and that you would like to recommend to our readers in France?
SAMARA JOY : I feel like I’m a bit scattered when it comes to focusing on one artist in one thing at a time. But one artist that I’ve even listening to, getting into a lot recently has been Benny Golson. I listened to him a little bit before, but now that he’s passed on I found myself going through his records and see his contribution over time to music. Whether it’s through his arrangements or his sound on a Tenor Saxophone. So I would recommend this Benny Golson album called Take A Number From 1 to 10. The concept of it is, there’s ten tracks, and on the first one he plays solo, on the second he plays with another person as a duet, and as trio and it goes on until he reaches ten people on the last track. And there’s a track called The Touch, and it’s probably one of the most beautiful compositions I ever heard. So that’s what I would recommend.
LA FACE B : Okay! Well, thank you very much for your time. I really really appreciate it. Hope to see you one day on the road!
SAMARA JOY : Yes! See you soon and thank you so much for your questions.
LA FACE B : Thank you very much, bye!