Servo – Monsters

Presque quatre ans après le sublime Alien, transformé malgré lui en bande-son des confinements, Servo est de retour avec son troisième album Monsters pour cimenter sa place unique dans la scène underground française.

Sorti de la bouillonnante scène rock de Rouen il y a déjà dix ans, Servo a fait sa réputation en concert. Des prestations live absolument ahurissantes, sorte de transe collective partagée par toute une salle où les corps se mettent à bouger tout seuls et où la reverb semble pénétrer jusqu’à notre âme. Monsters est le troisième disque des Français, attendu avec impatience après le choc esthétique et musical de Alien. Et loin de calmer le jeu, Servo a décidé de nous envoyer un nouvel uppercut dans la mâchoire avec un album encore plus difficile d’accès et exigeant, mais d’une force brute saisissante.

Bon courage pour coller une étiquette sur ces neufs nouveaux titres. Post-punk, noise, psyché, indus, gothique ou un peu de tout ça à la fois. Depuis son premier disque The Lair of Gods, Servo s’est doucement métamorphosé en une entité plus sombre.

La musique du trio n’a jamais été des plus joyeuses mais on y retrouvait une sorte de rondeur désormais remplacée par une froideur mécanique. Si cet album était un film, il aurait pu s’appeler Metropolis. Sur les premiers titres Island et Glitch 2.1, les guitares grésillent comme les machines infernales d’une méga-usine et la voix alterne entre incantations mystiques et hurlements possédés, donnant une agressivité nouvelle qui n’est pas pour nous déplaire.

Emblématique de cette agressivité nouvelle, Who Else Likes Surprises est peut-être le titre le plus marquant, sorte de trip halluciné avec ses guitares mécaniques et son chant hurlé. Sûrement pas la chanson à passer en repas de famille mais un témoignage de la nouvelle mue fascinante des Rouennais.

La basse saturée à l’extrême est le point de départ d’une section rythmique toujours aussi infernale. Car si Servo a rendu sa musique plus austère, elle reste toujours aussi dansante. Difficile de rester de marbre devant des titres comme Peaks ou Giants, où Servo fait ce qu’il sait faire de mieux : faire bouger les corps le plus naturellement du monde.

Il vous faudra probablement plusieurs écoutes pour se familiariser avec l’univers du disque mais une fois que ce cap est passé, certains titres hyper accrocheurs ne devraient plus quitter votre playlist en boucle (Day And Night Monsters, Stadium …).

On regrette presque l’absence de titres approchant les neuf ou dix minutes tant on aimait les ambiances étirées qu’on pouvait trouver sur Alien mais Monsters décide d’aller droit au but et de ne pas relâcher la pression pendant 35 minutes, mis à part sur le petit Interlude, respiration bienvenue avant de replonger dans l’abîme.

Difficile de pouvoir pleinement voir le potentiel d’un album de Servo sans en avoir fait d’abord l’expérience sur scène, mais ce Monsters se présente déjà comme un monolithe d’excellente qualité. En poussant et testant les limites de son art, le trio continue de bâtir son univers unique. A retrouver au printemps en première partie de Slift, si la planète n’explose pas avant de la rencontre entre ces deux groupes au son pachydermique.

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