Au coeur de la programmation du Printemps de Bourges, il y avait la Trilogie 72, reprenant trois albums iconiques de cette année musicalement chargée. Silly Boy Blue avait été choisie pour reprendre Transformer de Lou Reed, on l’a donc questionné sur son rapport à ce chef d’oeuvre de la musique contemporaine et sur comment reprendre Lou Reed.
LFB : Salut Ana ! Première question importante : comment va ta maman ?
SBB : Elle va bien (rires), elle sera au concert demain ! Mais ça fait longtemps que je l’ai pas vue. Depuis Noël.
LFB : Comment as-tu réagi quand on t’a proposé de faire cette création ?
SBB : Et bien…j’étais à la gare pour aller en Auvergne, je crois, et Manuel (Bonnefond ndlr) m’a appelée et me l’a proposé. J’ai souvent tendance à en parler à mes équipes avant de dire oui mais là, j’ai eu un pressentiment et j’ai dit oui sans consulter personne. Même si après on a tout validé ensemble. J’ai senti que c’était une belle idée et même s’il y avait énormément de taf, je pensais que j’avais les épaules pour le faire. Et je suis pas toute seule, il y a Vincent qui m’accompagne au piano. Mais ça m’a paru très censé même si, vue la quantité de taf qu’il y a eu après, c’était pas censé du tout ! Mais j’étais très contente.
LFB : Et du coup, comme tu t’appelles Silly Boy Blue, pourquoi tu n’as pas repris Bowie ? Qu’est-ce qui t’a poussée vers Lou Reed ?
SBB : La première chose, c’est que Manuel a pensé à Lou Reed pour moi. La seconde, c’est qu’il y avait une autre création de prévue sur Ziggy Stardust. Mais je n’aurais pas accepté Bowie. J’aurais eu peur de chaque pas de côté, d’une sur théorisation. Non pas que je respecte moins Lou Reed que j’admire énormément, mais il y a un tel affect avec Bowie que ça aurait plus été une reprise de morceau pour se faire plaisir et pas forcément une création pour le printemps de Bourges. Moins un moment figé, même si c’est un peu flou. Et je connais déjà toutes les reprises de Bowie pour les avoir jouées depuis que je suis enfant. Là, il y a une dynamique de création. Et ça m’effraie de reprendre Lou Reed mais ça restait moins dur pour moi.
LFB : Est-ce que tu as une histoire particulière avec cet album ? L’as-tu redécouvert ?
SBB : Je l’ai beaucoup écouté sans avoir une histoire particulière avec l’album.
Bien-sûr, Walk on the Wild Side est un titre que je savais jouer depuis toute jeune et c’est assez simple à jouer vu que j’étais fan. Mais ça reste l’album que j’aurai le plus écouté sur mon fil Spotify en 2023. Et dorénavant, il y aura plein de souvenirs liés à ça.
LFB : Alors comment tranforme-t-on Transformer ?
SBB : On avait plein d’options. Je n’ai pas contacté Vincent par hasard vu que j’avais déjà fait une création avec lui. Mais ça m’a confortée dans l’idée que c’est un génie du piano. Et puis c’est Vincent Taurelle, le pianiste de Air, quoi ! Et on a eu une relation hyper forte et hyper vite, donc c’est trop bien. On s’est posé la question de la manière de la revisiter. Soit on modifiait la trakclist, Vincent aurait fait des variations, j’aurais modifié ma voix. Et puis on s’est rendu compte à quel point Lou Reed écrivait bien. Donc quand tu reprends ses morceaux au piano/voix, ça marche tout seul. C’est beau. Donc cette création, j’ai comme l’impression que tu es dans une chambre d’ados avec deux personnes qui chantent des morceaux et tu chantes avec eux. Très intimiste.
LFB : Quand tu dois gérer des morceaux comme Walk on…ou Perfect day, N’y a t-il pas quelque chose d’hyper impressionnant ?
SBB : Si si ! Parce que tu as trop peur de te dire que finalement, tu n’as pas respecté Lou Reed et que c’est de la merde ! Mais on tellement bossé, essayé de faire la meilleure chose possible autant pour les gens, qu’Emmanuel qui m’a fait confiance… on a bien fait attention à ne rien foirer.
LFB : Quel est le morceau que tu as le plus hâte d’interpréter ?
SBB : Quand on écoute les répétitions, on se dit que tous les morceaux sont mes préférés. Mais dans I’m so Free, qu’on fait tous les deux avec Vincent, il y a tellement de proximité entre nous, sans parler du fait qu’on l’ai rebaptisé « Anne-Sophie » et que ça nous fait bien marrer ce type d’humour, que je dirais que c’est celui-là. Et puis Satellite of Love que j’aime énormément aussi, quoi. Sublime, avec de belles paroles. En fait tous. Sauf Perfect Day, qu’on a mis à la toute fin de la tracklist parce que j’avais peur de pleurer sur celui-là.
LFB : Jouer dans une église avec une acoustique particulière, est-ce que c’est quelque chose que vous avez préparé ?
SBB : Ouais ! On a mis plein de réverb’ partout pour s’imaginer qu’on était dans cette église et on a répété de manière éloignée. On s’est mis en condition ou le plus possible en condition. Et toi, c’est laquelle ta préférée de l’album ?
LFB : Je l’ai réécouté deux fois. Alors bien sûr il y a Walk on the wild side, mais difficile de ne pas pas penser à Trainspotting en écoutant Perfect day. et ça risque une grosse chialade !
SBB : T’inquiètes ! On l’a mis à la fin exprès !
LFB : Justement, Transformer est un album qui dure 38-40 minutes. Est-ce que vous allez étirer les morceaux ?
SBB : On a fait un peu ça, mais j’ai aussi envie de créer un moment particulier, de discuter avec les gens. Ce n’est pas un concert où tu as déjà ton rodage, les gens sont débout. Là, tout le monde sera assis. On a tellement bossé que j’ai envie d’un moment unique où l’on puisse discuter avec les gens comment la rencontre avec les gens s’est faite, du printemps de Bourges lui-même. J’ai vraiment envie de partager, de discuter.
LFB : Si tu avais le choix de reprendre n’importe quel album, tu choisirais quoi ?
SBB : Transformer était un excellent choix vu que tous les morceaux sont hyper bien écrits donc c’est plutôt facile de les connaitre. Mais si je devais choisir un album…je réfléchis… alors pas Rosalia ni Bon Iver, mon album préféré du monde entier ! Jamais je le reprends ! Je réfléchis…il y a trop d’options…un album… il y a aussi celui de MGMT mais trop dur à reprendre. Ou comme James Blake ! Jamais je reprends un James Blake.
Ah si, je sais ! Avec des gens super solides, je reprendrais Figure 8 de Elliot Smith. Avec des gens talentueux, ça serait un très bel album à reprendre. Très épuré, tout beau.
Un moment unique, c’est effectivement ce que nous aurons vécu avec ce concert de la collection Trilogie 72. Loin d’être un simple concert de reprise, c’est effectivement un vrai concert de Silly Boy Blue auquel nous auront eu la chance d’assister. Avec énormément de talent forcément, beaucoup d’humour, de tendresse et la sincérité pleine dont Ana fait preuve à chaque moment.
Finalement, contrairement à ce qui nous aura été annoncé au moment de l’interview, la tracklist de l’album aura été respectée, on aura donc fini en larmes dès le troisième morceau du concert avec cette impeccable version de Perfect Day. Le reste était à l’avenant avec notamment des versions sublimes de Satellite of Love, I’m So Free ou New York Telephone Conversation.
Pour les plus chanceux, Silly Boy Blue et Vincent Taurelle rejoueront ce spectacle lors du festival d’Avignon. On vous conseille vivement de ne pas le manquer.
Crédit Photos : Jean-Adrien Morandeau