The Lemon Twigs – Le Trianon, Paris, 25 mai 2023

« Quand la vie t’apporte des citrons, fais en de la limonade » : expression issue du folklore anglais qui signifie en bon français qu’il vous faut à tout prix vous saisir de l’incroyable duo de génies New Yorkais The Lemon Twigs, de retour à Paris pour leur 4e album Everything Harmony, un titre à peine en dessous de la réalité pour qualifier la musique des jeunes américains.
 
Débutons cette chronique par un constat : nous avons de moins en moins l’opportunité dans une vie de mélomane de pouvoir assister à la naissance d’un vrai phénomène musical. Attention, pas de celui qui génère toute une vague de clones qui font beaucoup de like sur TikTok, les menant rapidement sur les grandes scènes puis les faisant sombrer dans l’oubli sauf à être recrutés comme chroniqueurs de vide à la télévision ou dans des podcasts de mauvais goûts.
Non, nous évoquons ici les artistes qui naissent et s’épanouissent à leur rythme, et qui évoluent gracieusement, portés par un très haut niveau de talent leur permettant de traverser les années et de s’installer de façon pérenne dans notre culture musicale.
 
 
J’évoque bien évidement The Lemon Twigs, duo mené par les frères Brian et Michael D’Addario, qui nous ont encore donné une sacrée leçon de classe avec leur dernier album Everything Harmony, et ce du haut de leur petite vingtaine. Avec quatre albums à ce jour, les jeunes New Yorkais n’ont eu de cesse à peine sortis de l’école de sillonner les routes les menant en France à chaque tournée. Adoubés par les grands noms de la presse musicale, c’est en 2016 qu’ils ont fait leurs premiers pas chez nous lors du Festival Inrocks au Bataclan, à peine un an suite aux évènements. Et pour celles et ceux présents, en plus de la grosse émotion ressentie lors du retour dans ce lieu cher à nos cœurs, une bonne claque à la vue de ces petits génies qui dégageaient à pas même vingt balais un savoir-faire époustouflant.
C’est depuis lors que nous avons suivi les pérégrinations de The Lemon Twigs, au travers de leurs voyages les menant sur les terres du rock américain : pop fleurie, glam destroy ou folk veloutée, tout sied à Brian et Michael, véritables éponges des références qui les ont nourri depuis leur plus jeune âge. Et ce qui épate est leur capacité à s’approprier des codes datant de bien loin avant leur naissance pour les rendre modernes et accessibles. C’est donc avec un certain entrain que nous retrouvons les frangins à Paris, cette fois ci au Trianon. Devant un parterre plein, tout comme les balcons du théâtre, The Lemon Twigs vont avec pas moins de vingt titres et presque 1h30 de show se balader dans leur discographie déjà très fournie.
 
 
Là où nous attendions de pied ferme le groupe est sur les nouveaux titres de Everything Harmony. Comme son nom l’indique, cet album est un florilège de mélodies à la fois douces, raffinées, dynamiques et surtout munies d’une orchestration riche et d’une production comme de la dentelle. Et comme attendu, ayant pratiqué les jeunots à chacun de leur passage parisien, c’est bien à nouveau la puissance du live qui l’emporte. Ainsi, hormis sur le rappel lorsque Brian se muni de sa guitare acoustique pour interpréter Winter Comes Around et Corner Of My Eye, les autres morceaux sont électrifiés, et nous retrouvons un jeu de guitare explosif ainsi que des lignes de basses très profondes venant dynamiser In My Head, Ghost Run Free, What Happens To A Heart et Any Time A Day.
Cette réinterprétation ne sera en rien un obstacle aux titres ainsi remaniés, nichés au creux de la setlist qui remet sur le devant de la scène les morceaux les plus exaltants des disques précédents comme Leather Together, The One et le très lycéen The Queen Of My School. Le concert prend alors des réelles allures de petite messe rock entre amis. Arrivent enfin les titres du tout premier album Do Hollywood, tellement pétillants qu’ils continuent de faire l’unanimité parmi tous les fans, dessinant dans le public un joli patchwork générationnel.
 
 
Sur scène, Brian le posé et Michael l’excentrique tiennent parfaitement leur rôle respectif, les chants sont toujours aussi complémentaires et on apprécie de les observer passer d’un instrument à l’autre avec tant de facilité, nous prouvant encore une fois leurs formidables dons de multi instrumentistes, faisant saliver tous les guitaristes qui n’ont jamais été au-delà des murs de leur chambre à coucher en grattouillant les accords de Bigmouth Strikes Again de The Smiths ou de Songs Of Love de The Divine Comedy (oui, cela sent le vécu).
Terminons cette chronique avec un autre constat : le public parisien est donc fier d’être le témoin privilégié de l’ascension de The Lemon Twigs et, qu’ils persistent en duo ou qu’ils continuent chacun de leur côté dans quelques années, confirme que Brian et Michael D’Addario sont de véritables phénomènes musicaux qui s’établissent déjà de façon pérenne dans notre culture musicale.
 
Setlist : The One
In My Head
Live In Favor Of Tomorrow
Tailor Made
I’ve Got Something On My Mind (The Left Bank cover)
Only A Fool
Any Time A Day
I Wanna Prove To You
What Happens To A Heart
The Queen Of My School
Foolin Around
No One Holds You (Closer Than The One You Haven’t Met)
What You Were Doing
Ghost Run Free
Leather Together
When Winter Comes Around
Corner Of My eye
Rock On
As Long As We’re Together