Solann : « Je me sens liée à ceux qui sont venus avant moi. »

À tout juste 25 ans, Solann a reçu en février dernier une Victoire de la musique en tant que Révélation féminine pour son premier album Si on sombre ce sera beau. L’artiste prodige et prometteuse confie travailler sur un deuxième disque.

La Face B : Tu abordes de nombreuses thématiques dans Si on sombre ce sera beau :  violences sexistes et sexuelles, engagement politique, rapport au succès, aux origines etc. As-tu dessiné une ligne directrice ?

Solann : Je n’ai pas de storytelling dans cet album, mais ça viendra pour le deuxième. C’était plus l’envie de vider mon sac. Il y a un côté un peu bordel. C’est l’euphorie d’avoir plein de choses à raconter à travers des chansons. Pour moi, elles ont toutes un sens. Ce sont des frustrations que j’exprime. Si je devais trouver un fil rouge, sans vouloir le faire de manière pompeuse, je dirais « moi ».

LFB : Tu évoques ton intimité dans toute sa fragilité, parfois sa violence avec le titre Les draps, est-ce que tu appréhendais la sortie de ce morceau ?

Solann : Cette chanson était écrite et programmée dans le set de mon premier gros concert, en janvier 2024 au Café de la danse. En la chantant sur scène, je me suis rendue compte que ma famille était dans la salle, alors que c’était l’une de mes plus grandes peurs : que ma famille découvre mon vécu par cette chanson. Il fallait juste que je passe le cadre intime et familial. Sinon, ça ne me posait pas de problème. Je n’ai jamais envie d’épiloguer sur le thème de ce morceau.

LFB : Ta famille a une grande place dans ce projet, est-ce que c’était une volonté de ta part ? Par exemple, de sampler ton grand-père ou de parler à ton toi enfant ?

Solann : J’ai toujours écrit sur ma famille, les gens que j’aime. Parfois, ils peuvent même faire partie des frustrations et des traumas que j’évoquais (sourire). J’évoque ma mère avec Mayrig, la transmission avec Marcher droit, c’est pour ça le sample. Plus j’avance dans ma vie, plus je pense à eux et je regarde leur parcours. Je me sens liée à ceux qui sont venus avant moi.

LFB : Dans la continuité du titre Marcher droit, est-ce qu’il y a des choses que tu aurais envie de dire à une jeune femme qui voudrait avoir le même parcours que le tien ?

Solann : Il faut s’écouter, le corps et l’esprit savent. C’était la seule chose que je voulais faire, que je sais faire et qui me rend heureuse. J’aurais pu faire un autre métier, des études… mais je n’aurais pas été heureuse. Je l’ai su très tôt, quand j’avais douze ans que je discutais avec ma mère de ce que je voulais faire plus tard. Je crois qu’il ne faut pas non plus foncer dans tous les sens, assurer ses arrières et faire attention à qui on rencontre dans ce milieu. On peut autant échouer dans un métier qu’on déteste que dans un métier qu’on aime, donc autant tester celui qu’on aime.

LFB : Tu étais dans une autre vie : actrice. Cela se ressent dans l’album, il y a une certaine théâtralité et le préambule, tu l’abordes comme une actrice ou une chanteuse ?

Solann : Humm… je dirais plus comme une conteuse ! J’ai grandi avec des femmes qui racontaient des histoires comme Marlène Jobert, une actrice et qui a fait énormément de contes audio. Il y avait tout un monde dans sa voix, et ça m’a beaucoup inspirée.

LFB : Et même dans la musique il y a beaucoup de sound design et de bruitages. C’était un choix de ta part ?

Solann : Je voulais que les morceaux soient très visuels. En tout cas que ceux qui s’y prêtent, pour Les Ogres, Tout cramer. Dans Comme des animaux, on voulait que les gens sentent que ça vient de la terre, qu’il y a de la boue, de la crasse, On voulait utiliser tous les outils à notre disposition pour pouvoir écrire des histoires.

LFB : Et pourquoi le serpent ? Qu’on entend dans l’un de tes morceaux et qui figure comme logo de ton merch ?

Solann : J’aime beaucoup les symboliques, les mythes, les mythologies… Le serpent représente beaucoup de choses. Puis c’est un animal que j’adore, c’est câlin comme tout  ! Aussi, un de mes beaux-pères qui ne m’aimait pas beaucoup me traitait de « couleuvre » alors c’est un moyen de me réapproprier l’insulte. Je me disais que c’était même hyperclasse de se faire traiter de couleuvre.

LFB : Tu avais été encensée pour la sortie de ton premier EP, comment te sentais-tu pour la sortie de l’album ?

Solann : J’étais terrifiée, même si je suis très contente. Je me posais plein de questions : est-ce que les gens vont apprécier le côté « fouillis » de l’album ? Est-ce qu’ils vont accepter le changement ? Que des morceaux bougent beaucoup plus que d’autres ? Est-ce que Les draps, ça va passer ? Que les gens comprendront la signification de L’oiseau ? … J’avais des doutes sur toutes les chansons et en même temps je les aime énormément. Maintenant, j’ai peur pour le deuxième album.

LFB : Par rapport à la scène, tu avoues avoir un peu le trac et on a pu te reprocher d’avoir une voix plus fragile, plus étouffée, sensible, que sur l’album. Est-ce que tu travailles dessus ou est-ce que tu te dis que tu veux rester dans cette sincérité, cette authenticité ?

Solann : Je le travaille pour être la plus juste possible mais je ne veux pas non plus gommer tous les défauts que je peux avoir. Je veux garder cette fragilité sur scène, qui me permet d’être honnête. J’ai envie d’habiter mes chansons. Après, oui, j’aimerais avoir moins le ventre retourné avant de monter sur scène, car ce n’est jamais très agréable.

LFB : En début d’interview, tu parlais de ton deuxième album, tu aimerais instaurer une ligne directive ?

Solann : J’ai déjà des morceaux en tête pour ce disque mais pas énormément avec un fil rouge, notamment encore plus travailler sur mes racines, mais peut-être que je vais complètement oublier ce projet et que le deuxième album sera aussi fouillis que le premier ! Et ça deviendra mon style ! Aussi, j’ai peur de ne plus rien avoir à raconter… j’attends que la vie me fasse tomber une tuile sur la gueule et j’aurais des choses à raconter (rires).

Retrouvez notre chronique de si on sombre ce sera beau de Solann par ici

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