Après un premier projet, Carmin sorti l’année passée et qui a permis à Solray de poser les premières briques de son univers, il revient à nouveau avec cinq titres groupés sous l’appellation Udaya. On a pris le temps de plonger dans cette nouvelle proposition avec son auteur pour en apprendre plus sur sa musique mais également sur ce jeune artiste et son processus créatif.
LFB : Dans quel état d’esprit tu te trouves avant la sortie du projet ?
Solray : Je le sens grave bien, je pense qu’on a tout préparé en amont comme il fallait pour que ça se passe bien, donc il n’y a pas de raisons que ça se passe mal.
Le projet me ressemble beaucoup, il n’y a aucune raison que ça se passe mal !
LFB : Pour les gens qui ne te connaitrais pas encore, saurais-tu te présenter ?
Solray : C’est Solray, j’ai 21 ans. Je suis arrivé en France il y a trois ans pour mes études de base, mais la musique m’a eu.
J’ai sorti Carmin l’année passée qui est une petite carte de visite pour voir ce que j’ai pu faire et ce que je vais proposer. Ça ressemble aux sorties rap actuelles avec ma patte en plus, qui me ressemble, je reste authentique.
LFB : Avec l’année écoulée, quel regard portes-tu sur Carmin ?
Solray : Je pense que ça a été un bon projet, qui me ressemblait mais qu’il manquait tout l’aspect production, que ça soit les mixs ou les masters, des domaines dans lesquels je n’avais pas d’expérience.
Le projet qui arrive va être le moyen de montrer que j’ai pu évoluer à ce niveau là mais aussi dans mon art.
LFB : Tu avais déjà des attentes particulières avec ce premier projet ?
Solray : Honnêtement, aucune ! Je l’ai juste sorti parce que j’avais besoin de sortir de la musique. J’étais à un moment où il fallait que j’en sorte et que je montre aux gens que je travaillais de mon petit côté et que j’existais.
Je n’attendais rien et le fait que ça a fait les streams que ça a fait, que les gens en aient parlé,… Ça fait plaisir ! Je ne m’y attendais pas du tout.
LFB : Et pour ce projet, tu as plus d’attentes ?
Solray : Je pense qu’on est dans le même schéma même si j’ai envie que ça plaise, que les gens se disent qu’il y a eu du travail entre les deux projets. Donc, il y a cette attente autour de l’estimation de mon travail. Au-delà de ça, en termes de chiffres ou de répercussions, je n’en attends pas plus que ça.
LFB : Il y a un single qui vient de sortir, issu d’un concours organisé par 1863 que tu as remporté. Qu’est ce qui t’as fait participer à ce concours ?
Solray : C’est une histoire assez marrante. C’est Relleak, un beatmaker avec qui je travaille pas mal qui m’a parlé du concours. Au début j’étais pas chaud, je venais de sortir Carmin qui était ma carte de visite, je n’avais pas les compétences pour faire quelque chose comme ça. Au final, j’envoie une maquette à Relleak qui me dit de la poster, mon pote Delta me dit la même chose. Je l’ai fait et au cours de quelques semaines serrées avec Lyre, j’ai gagné ! J’étais grave heureux parce que 1863 ça reste une référence dans ce milieu niche/underground du rap. Ensuite on a travaillé le morceau et ça a donné 1899.
LFB : Quel regard as-tu justement sur cette nouvelle scène médiatique ?
Solray : Je pense que c’est un bonheur pour des artistes comme moi. C’est une manière de réellement partager ce qu’on fait avec des gens qui aiment ce qu’on fait. Je trouve qu’il y a un côté plus sincère et authentique qu’avec les grands médias.
Là il y a une proximité qui est assez cool.
LFB : Ça t’as permis aussi de bosser avec 99. Comment ça s’est passé ?
Solray : Franchement ça s’est bien passé, la session a été assez vite. C’était ma vraie première session en studio, j’ai pu tisser des liens avec des gens et c’était cool. Malheureusement, il y a eu énormément de latences et de temps pour des raisons X ou Y. Au final, on a pu retravailler le morceau et j’en étais fier. Il est sorti comme il fallait et j’espère que les gens ont apprécié.
LFB : As-tu été content des retours sur ce titre ?
Solray : J’avais une petite peur, parce que je me disais que c’était un peu différent de ce que je pouvais faire jusqu’à maintenant. C’était plus travaillé aussi et j’étais curieux de voir ce que le public allait en penser. Au final, les retours ont été très bons et le morceau tourne bien dans les playlists donc c’est cool !
LFB : Maintenant, on va parler un peu plus du projet à venir. On est de nouveau sur cinq morceaux, comme pour Carmin, c’est un format qui te convient ?
Solray : Je suis super à l’aise avec ce format, il me permet d’expérimenter des choses, sans non plus devoir en donner trop et m’enfermer dans quelque chose. Mais de quand même aller chercher des directions artistiques sympathiques. C’est aussi un peu moins de temps de travail, donc ça sort plus vite, ce qui fait que je peux être plus actif.
Si je ne pouvais faire que ça, je ne ferais que ça, en tout cas pour le moment.
Je pense que sur un huit ou neuf titres c’est que ma palette sera devenue plus grande et que j’aurais besoin de plus de couleurs, plus de place pour peindre. Je passerai à cette étape quand j’aurais estimé que ma palette se sera élargie. Pour le moment, on est encore dans du développement de compétences et je ne pense pas avoir besoin d’aller plus loin.
LFB : En plus de ce côté expérimental, j’ai l’impression que ça te permet aussi d’être concis et d’aller droit au but à chaque fois.
Solray : C’est clair ! En tant qu’auditeur, je remarque vite les skips ou les morceaux que je passe dans un projet, ce qui arrive rarement dans un cinq titres. Même s’il y a des morceaux qui vont me déranger, je sais que ça me dérangera moins et que je vais prendre le projet à coeur.
LFB : À la réécoute des deux projets, c’est vraiment ce qui m’a marqué.
Solray : C’est impactant, je pense que ça me ressemble. J’ai tendance à me perdre beaucoup dans ce que je fais et je peux mettre du temps à faire des choses mais quand ça me plait c’est droit au but.
LFB : Ta voix et les traitements appliqués dessus sont également plus maitrisés, c’est quelque chose que t’as remarqué ?
Solray : Je pense que j’ai une manière de travailler qui fait que j’ai besoin de m’investir dans toutes les facettes de ma musique. J’ai un diamant brut et il faut que je le taille. J’aime bien le fait que ça soit moi qui m’en occupe, que ça soit en m’occupant du mix, du master, maintenant des instrumentales,… Au final ça me donne plus d’ouverture sur ma propre musique, ce qui me permet d’aller beaucoup plus loin. C’est pour ça que je pense que le projet est efficace et objectivement meilleur.
LFB : Il y a aussi une vraie recherche concernant le choix des instrumentales, comment le travailles-tu ?
Solray : Le plus souvent, j’ai un certain nombre de beatmakers avec qui j’ai l’habitude de travailler qui me propose des choses. Ça m’arrive d’aller chercher un type beat parce qu’on peut tomber sur des pépites avec des sonorités qu’on a pas l’habitude d’entendre.
Globalement c’est ce truc là plus mon apport avec mes proches qui font que je me retrouve avec un panel d’instrumentales. Au final, je ne pense pas avoir une manière si différente que les autres artistes de travailler.
LFB : Maintenant, il y a de plus en plus d’artistes qui décident de travailler avec un seul beatmaker. Ici, les cinq morceaux sont produit à chaque fois par des beatmakers différents. Pourtant il y a une unicité entre les morceaux…
Solray : Je pense que même dans un même cadre ou une même boite, on va tous avoir notre différence même si on vient d’un même style. Je pense qu’on devrait tous tendre vers la pluridisciplinarité et aller chercher plusieurs artistes qui ont leur pattes sans que ça dénature non plus le projet et le sortir de l’environnement dans lequel il a été créé.
LFB : Ces instrumentales sont aussi fort chargées, laissant par moment moins de places à ta voix, c’était un choix de ta part ?
Solray : Il faut savoir que sur Carmin j’ai été sur quelque chose de plus « lyrique », j’ai voulu travailler les mots et les paroles. Là j’ai voulu faire totalement le contraire et aller plus dans la musicalité.
Au final, c’est comme je suis dans la vie de tous les jours. Je suis quelqu’un qui a toujours pleins d’idées en tête et j’aime beaucoup charger les choses que je fais.
Les instrumentales avant de les retravailler étaient encore plus chargées que ça. Ça me dérange pas, tant que c’est bien exécuté.
Du coup, oui c’est un choix. Je ne sais pas si ça continuera sur les prochains projets mais là j’avais besoin d’aller vers cette case là et de voir ce que ça pouvait donner. Je me suis dit que tant que j’essayais pas, je ne pouvais pas savoir si ça marchait ou non.
LFB : De toute façon, je pense que ça trouvera son public, parce qu’il y a une recherche au niveau de la musicalité très intéressante.
Solray : Ça me fait plaisir que tu me dises ça, c’était un peu ce que je recherchais aussi. Je veux que les auditeurs sur certains morceaux soient « dérangés » mais qu’en même temps ça leur plaise.
LFB : Personnellement, j’ai par moment eu du mal à me concentrer à la fois sur les instrumentales chargées, sur la manière dont tu traites ta voix et sur ce que tu racontes.
Solray : C’est sur que ça demande plusieurs écoutes, mais j’aime bien que ça attire à la fois l’oeil et le cerveau. Il faut vraiment se pencher sur les morceaux pour les apprécier à leur juste valeur.
LFB : Maintenant, on va rentrer en peu plus dans le projet, en commençant par le morceau Idylle où tu parles de ta productivité, t’es un charbonneur ?
Solray : Ouais ! Ce n’est pas forcément que dans la musique, j’ai toujours besoin de faire quelque chose, j’aime trop ça.
LFB : Du coup, c’est important pour toi de toucher à tout ?
Solray : Ouais, je pense que j’ai besoin d’aller vers tout, sinon je pense que je finis par me lasser.
Ça me donne aussi d’autres visions et ça me permet de parler avec un ingénieur du son et de lui expliquer clairement ce que je veux.
LFB : C’est une facilité pour toi d’avoir la mainmise sur tout ce qui entoure ta musique ?
Solray : En tout cas, il n’y a pas un moment où je me dis que ça ne me ressemble pas. La question ne se pose même pas puisque j’ai mis la main sur tout donc je sais tout ce qui a été fait et je sais que ça me ressemble.
LFB : A contrario, c’est aussi important pour toi d’être entouré et d’avoir l’avis ou la vision d’autres personnes ?
Solray : C’est clair, parce que sinon j’ai l’impression de me replier sur moi-même et de vite tourner en rond, si je fais tout seul.
J’ai aussi besoin d’être encadré et qu’on me montre d’autres voies dans lesquelles je pourrais aller.
LFB : Sur Menace, il y a une phase où tu dis que t’aimes le rap à l’ancienne, quelles sont tes influences ?
Solray : Je suis en enfant de L’Entourage, ce qui veut dire que tout ce qui est 1995, Nekfeu,…C’est ce qui a construit mon rap aujourd’hui.
Comme des gens de ma famille et des amis, j’ai pu écouter du Booba à l’ancienne comme tout le monde. Mais pour être honnête, le « vrai » rap à l’ancienne, comme Lunatic c’est que récemment que je m’y suis mis et quelle claque !
En plus, j’écoute tous styles de musique, je suis un grand amateur de jazz.
Il y a aussi les musiques de chez moi, du Maroc qui me viennent de ma mère. Mon père écoutait plus de la variété française, comme Jacques Brel.
LFB : Le fait que t’aies été biberonné à ce style de rap se ressent aussi un peu dans ta musique. C’était important pour toi de montrer que t’avais aussi assimilé les bases ?
Solray : En vrai, c’est pas quelque chose que je m’efforce à faire. Pour être honnête, j’essaye même de m’en détacher pour trouver de nouvelles choses. C’est juste que je me suis trop buté à ça, je peux rien y faire.
Les deux premières années de ma vie où j’ai fait de la musique, je ne faisais que des morceaux comme ça. Je pense qu’on est tous passés par là.
Maintenant ça fait partie de moi et je sais que ça se retrouvera dans mes morceaux.
LFB : Je trouve ça intéressant, parce qu’on voit de plus en plus d’artistes se détacher des sonorités boom-bap mais en gardant un rap qui puise dans cette école.
Solray : C’est avant tout parce que ça nous plait et parce qu’on a mangé de ça tout le temps. Mais c’est vrai que ça fait plaisir de voir ce nouveau vent de fraicheur avec des artistes qui y apportent de nouvelles choses.
LFB : C’est cool parce que ça montre qu’on peut clairement faire évoluer le rap et mélanger mélodies et rap plus brut.
Solray : Ouais ! J’aimerais bien qu’aussi bien l’un que l’autre tapent autant l’auditeur.
Dans le futur, j’ai envie d’envoyer des morceaux aussi bien écrits avec des sonorités arabiques qui turn-up que des instrumentales plus jazz où j’écris ce que je veux, aller encore plus dans l’extrême à ce niveau là.
LFB : Le seul invité du projet c’est Bludelta avec qui t’as une vraie alchimie musicale…
Solray : On a commencé à faire de la musique ensemble. On se connaît depuis qu’on est au Maroc, on s’est suivis tous les deux. On continue de faire de la musique et d’évoluer ensemble.
Si un jour j’ai commencé à mettre de l’autotune dans mes morceaux c’est grâce à lui alors que pendant deux ans je ne voulais pas (rires).
Je pense que cette alchimie va continuer et que les gens ne sont pas prêts, on a quelques morceaux en stock.
LFB : J’ai trouvé que l’introduction du projet, Certain est une parfaite mise en bouche pour cerner l’ambiance du projet.
Solray : C’est aussi du au format. En cinq titres, je trouve que c’est plus facile d’amener l’auditeur là où l’on a envie que sur un 12 titres, par exemple, où l’on peut vite se perdre.
Je suis aussi grave fier de l’outro qui annonce bien ce qui va suivre et ce vers quoi je me dirige. C’est encore un morceau qui illustre bien l’alchimie avec Bludelta.
LFB : On sent que Scaphandre a été réfléchi comme une clôture de projet, je me trompe ?
Solray : Non, pas du tout, c’est totalement ça ! J’ai besoin qu’il y ait une cohérence entre les morceaux. Même si je fais trois titres, il y aura une introduction et une outro. J’ai besoin de me mettre et de mettre l’auditeur directement dans le projet comme j’ai besoin de le terminer aussi.
LFB : Avant de clôturer, on va parler de ton image. Tu es assez discret, c’est ta volonté de faire parler uniquement la musique ?
Solray : Dans un premier temps, oui ! Parce que je pense que si on est tous là, c’est parce qu’on aime la même chose, la musique. On aime les convers parce que c’est associé à la musique. Raegular, il fait un travail de fou, on aime ce qu’il fait et c’est parce qu’on aime aussi la musique qui va avec.
C’est juste qu’il faut aussi que je trouve la manière de bien mettre en visuel les choses. Je ne veux pas faire un clip juste pour sortir un clip, il faut que ça soit cohérent.
Donc, les visuels, pas pour l’instant mais ça ne saurait tarder. Quand je penserai que c’est le bon moment et que je les aurais travailler, ça sortira.
LFB : Que penses-tu de l’impact qu’à le visuel dans la musique à l’heure actuelle ?
Solray : C’est juste indisociable ! Je pense qu’on sait tous qu’au bout de notre rue, il y a un artiste super talentueux mais qui ne sortira peut-être rien parce qu’il n’en a pas envie ou n’en a pas les moyens. Dans la même idée, c’est pas tout le monde qui peut créer des visuels, c’est un vrai travail.
Tassa (manageuse) : Si je peux me permettre, je pense aussi qu’on essaye dans le travail qu’on fait ensemble d’accorder un crédit de ouf à chaque corps de métier avec lequel on va collaborer. C’est pour ça que c’était une opportunité de travailler avec 99 dont la figure de beatmaker est plus en place que celle de Solray en tant que rappeur. Du coup ça centralisait de ouf son rôle de beatmaker. Comme c’est une pratique qu’on méprise sur les crédits, les droits d’auteurs,… On a ce soucis là d’essayer de rentre hommage au maximum la place de chacun et chacune pour constituer un projet.
Effectivement, sur le visuel, on a envie de faire des choses très propres et travaillées.
Solray : Il faut aussi que ça nous plaise à nous ! C’est ça le problème c’est qu’aujourd’hui la sphère Twitter elle permet de mettre en valeur tout le monde, ce qui est grave cool mais les gens qui ont moins d’auditeurs, pour arriver à un stade où leurs visuels les représentent vraiment, ça demande beaucoup d’efforts et de moyens, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Du coup, l’image qu’on a aujourd’hui dans les médias, même si je suis très heureux de faire peu de choses avec beaucoup de moyens, je pense qu’il me faut plus de temps pour l’affiner.
LFB : Pour terminer, qu’est ce que je peux te souhaiter pour la suite ?
Solray : La santé, le bonheur pour moi et mes proches, rien d’autre !
Et que ça commence à payer un jour, de toute façon on travaille pour !