A la Face B, on suit avec beaucoup d’affection la carrière des Stuffed Foxes. Car ces six tourangeaux, qui partagent scène et cuisine, possèdent une particularité difficilement descriptible. Un talent, certain, pour les compositions et un plaisir, communicatif, pour le live. Ils sortent aujourd’hui leur second album, Songs/Motion Return et c’est une pépite. Au dos de la pochette, vestige d’un autre temps, cette note, que l’on connait déjà: « Chansons écrites pour être jouées encore plus fortes que celles du précédent album ». On dit oui, un grand oui.
Comment parler, encore, des Stuffed Foxes, sans se répéter et se perdre dans des tournures alambiquées, tandis qu’eux nous offrent une fois encore, un bijou, ne ressemblant à rien d’autre ? Songs/Motion Return est sorti aujourd’hui, le 18 novembre. Album imaginé en miroir avec Songs/Revolving, qui nous ravissait déjà l’an dernier, c’est un pastiche de la trilogie berlinoise de David Bowie. 7 titres, soit trente-quatre minutes et cinquante-six secondes de frénésie, d’impétuosité et d’exaltation.
Nos six tourangeaux préférés colorent leur musique de mots insaisissables et d’effusions harmoniques. A leur contact, les corps se dressent, se plient et tournoient. Avalanche de synthés, tornade de guitares, séisme de batterie et tsunami de basses. Des reflets shoegaze qui nous rappellent un EP oublié, mais aussi une sacré dose de psyché, entre distorsion et fusion. Alors, s’éclater la tête et les oreilles. Laisser son cerveau chez soi, le récupérer trois jours après.
Bienvenue chez les Stuffed Foxes.
Recurring ouvre les festivités. Introduction étirée comme eux seuls en ont le secret. Percussions et caisse claire, des guitares et de la basse. Puis, la voix de Léo nous parvient. Elle nous avait manqué. Elle se montre d’abord traînante et lancinante, avant de s’élever tout à coup: « And treat me as you own me, and treat me as you love». C’est le moment que choisissent les instruments, jusqu’ici de côté, pour faire le premier pas et nous aider à rentrer dans la danse. Le rythme, sans cesse questionné, est poussé jusqu’au point de non-retour. Accalmie de courte durée, car en un instant, les distorsions s’emparent du morceau et libèrent l’énergie bienfaitrice des renards.
Cette fougue se retrouve ensuite avec Hovel (clip chroniqué ici), qui se déploie progressivement. On s’habitue alors à la guitare et ses riffs, aux percussions, légères et régulières. La voix, toujours en filigrane, nous apaise et nous berce. Mais tout à coup, nous voilà surpris par la guitare qui se contorsionne et les mots qui s’élancent, un peu plus fort.
Pas le temps de se remettre de ses émotions, car Stuffed Foxes nous embarquent dorénavant à San Diego, là où la batterie rugit dès les premières secondes. Là où les distorsions planent, dès les premiers accords. Quelques phrases, lancées en plein vol, qu’on saisit un peu trop vite et qui brûlent les doigts. San Diego, la torche enflammée, qu’on fait passer, vite. Vite. Et qu’on éteint avec Opium ||. Prendre le temps. De respirer. De s’échapper. Bienfaitrice quiétude au sein de laquelle on se prélasse, observant les volutes de fumées, qui forment des cercles irréguliers en se propageant dans la pièce. Et, pas à pas, se préparer à la montée psychédélique, dominée par les altérations, les silences et les retenues.
Puis Rough Up surgit. Une minute et cinquante secondes d’introduction intrigante. Effleurant la musique drone, les sons deviennent sensations. Impression de connexion totale avec le groupe, impression d’être déjà là, en concert, dans cette étrange atmosphère qu’ils construisent au fil du temps et des morceaux. Avant que tout à coup, guitares et percussions se mêlent à la fête et défoncent le plafond de verre. Ça grésille, ça craquèle. Voilà les six membres réunis au plus fort de la tempête. La voix s’étend mais elle semble loin. Elle nous raconte les peurs afférentes à la musique tandis que le titre, composé à l’origine sur des paroles des Velvet Underground, nous plonge inexorablement vers la fin. Écrasante et étourdissante.
Une fin qui nous fait partir en live sur Drift (chroniqué ici). Morceau qui se joue et rejoue en concert, sans jamais se ressembler car prenant toujours des formes différentes, à s’étirer et s’éteindre. Alors quel plaisir de l’entendre enfin en studio. Pouvoir le re-écouter et accorder toute son attention à des points spécifiques : le synthétiseur, discret mais singulier, les guitares et leur force de frappe. Ce morceau qui nous a tant fait danser et qui a réussi à nous faire patienter, somme toute, jusqu’à cet album.
Puis, la coupure nette qui nous dirige, finalement vers Modern Mother and Gods. Dernier titre de Songs/Motion Return, et non des moindres. En effet, Léo égrène immédiatement une suite de mots qui épousent parfaitement les contours mélodiques de cet extrait, psyché à souhait. Le synthétiseur n’a jamais été aussi présent, aussi prégnant. Il s’en dégage un charme suranné ainsi qu’une force, céleste et aérienne. Ce sont plus de cinq minutes qui nous immergent, totalement et jusqu’au dernier instant, au sein de l’univers des Stuffed Foxes. Sublime conclusion.
Sans accroc ni faux pas, Songs/Motion Return pousse encore un peu plus loin les limites du rock. A contre-courant, survoltés et libérés de toutes contraintes, les musiciens poursuivent leur ascension. Et nous, on retient notre souffle. On a un peu envie de crier au génie, de s’affranchir, nous aussi, des conventions et de la bienséance. Mais en attendant, on vous exhorte d’écouter cet album, déshabillé de toutes fioritures et gouverné par la seule et unique passion des six amis.
On saluera encore une fois le merveilleux travail de Thomas Poli, qui l’a produit, enregistré et mixé, ainsi que celui de Peter Deimel, qui l’a masterisé au studio Black Box. Songs/Motion Return est à retrouver sur le label Yotanka.
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(Re)découvrez notre interview réalisée à l’occasion de Songs/Revolving.