Dans la musique il y a deux types d’artistes : ceux qui se trouvent un style et le font défiler au film d’albums. Et puis il y a les autres, ceux qui voient chaque album comme une aventure, un renouveau. Perez avait déjà ouvert deux portes de son esprit avec Saltos et Cavernes, le prince noir de la pop française revient aujourd’hui et nous balance un nouveau chapitre surprenant que ce soit au niveau de la voix, des textes ou des couleurs musicales. Bienvenue dans Surex, le nouveau chapitre psychédelique de Perez.
» Je veux quitter la réalité« , cette phrase dite au détour d’une rime dans Ticket pourrait passer inaperçu, elle est pourtant, pour nous du moins, la colonne vertébrale du Surex de Perez. Toute l’idée de l’album ce trouve dans cette phrase toute simple. Parler du réel pour mieux le distordre, insérer une dose de suréealisme et d’étrangeté dans un monde bien codifié. Nous offrir un miroir déformé du monde, nous donner une matière qui trouvera un écho différent chez chaque personne qui l’écoutera, voilà à la foix le but et la grande réussite de Surex. Tout commence avec cette pochette, que l’on tient dans nos mains. Ce nom et ce titre qui semblent se confronter autant que s’assembler. Et puis notre regarder tombe sur la représentation visuelle d’Aldéric Trevel (qui aura aussi travaillé toute la campagne instagram de l’album). Ce visage de Julien Perez, si proche de la réalité qu’il nous trouble et qui pourtant trouve cette échappée du réelle à travers ce regard plus proche du cartoon et du manga. Une petite touche qui nous fait nous évader, une porte entrouverte vers un ailleurs, vous ne l’avez pas encore écouter et pourtant tout Surex est la entre vos doigts.
On pousse donc la porte de cette nouvelle porte mentale, laissant derrière nous Cavernes et ses ambiances nocturnes et brutales, direction le futur et une musique bien plus lumineuse comme les néons de Blade Runner qui cachent pourtant une vérité moins glorieuse qu’elle n’y parait.
Ce futur ou l’on a plus le temps de dire les mots en entier, ou les émoticones ont remplacé la parole, ou tout est tranché, direct et parfois brutal. Surex, surexcité, surexcitant, un vernis dansant qui nous attire et qui lorsqu’il se craquèle cache des trésors à la fois de monstruosités et d’étrangeté. C’est lorsque le visage se brise que le monstre se dévoile et que cet album nous montre tout ce qu’il a de fascinant et d’addictif. Il faut le dire, la musique de Perez a toujours été une incertitude, une exploration pleine de dangers et de surprises, un acte libérateur pour lui mais aussi pour ceux qui écouteront réellement sa musique. C’était déjà le cas dans le passage entre Saltos et Carvenes, mais c’est encore plus le cas ici. D’apparence Surex semble pourtant l’album le plus facile d’accès, mais au fur et à mesure qu’on s’enfonce dans ses méandres, dans ses vapeurs rêveuses, ses aspérités qui nous accrochent, que les écoutes se répètent et qu’on réalise qu’elles sont à chaque fois différentes que la conclusion est implacable : ces treize titres sont le travail le plus extrême et intense de l’artiste.
Pourquoi nous direz vous ? Si on connaissait la capacité de Perez à renouveler ses inspirations musicales, il s’attaque ici à l’autre pendant de sa musique : les paroles. On connaissait son appétance pour le story-telling, ce besoin de raconter des histoires, de transformer chaque titre en court métrage à laquelle il associait une voix grave basculant parfois dans le spoken word. Et à l’exception de la synthétique et magnétique Du Lait Dans Les Yeux ou du très pop Acier, Perez a totalement renouvelé cette manière d’écrire. Moins d’histoire, plus de flou, plus d’ouverture à l’interprétation, les textes qui composent Surex se font plus oriniques, encore plus surréalistes devenant parfois carrément des cadavres exquis comme sur Hiroshima. Une réelle évolution qui ne déroute pourtant pas vraiment tant l’univers de Perez est une nouvelle fois présent, ancré et attractif. On l’a déjà dit, on entre dans une nouvelle pièce mais on reste finalement dans la même maison, si on peut être dérouté à certains moments, on retrouve rapidement le confort d’un artiste qui nous plait tant. Guidés par une voix bien plus claires et chantantes, qui se transforment à certains moments en instrument à part entière notamment sur Animaux, Allongé sur la Plage, El Sueño ou Feu, les titres forment un tout uniforme avec des titres qui se répondent et se font échos, on peut pourtant le dissocier assez facilement, ainsi l’album peut s’écouter d’une traite, comme il peut aussi se dissocier, se recomposer et se réinventer.
Musicalement, Perez continue d’explorer, les genres musicaux mais aussi son association avec Strip Steve. On sent l’association des idées, le ping pong musicale qui a pu se jouer entre les garçons, on peut s’amuser à trouver qui a apporté telle ou telle idée, comme cette incursion dans la trap avec Allongé Sur La Plage, la puissance house de Z ou les plages plus atmosphériques comme Ecole ou Ticket.
Entre ombre et lumière, entre fantasme et réalité, entre l’envie de fuite et un besoin réel de rester rattacher au réel, Perez fait une nouvelle fois sa mue avec Surex. Quittant les territoires connus de sa narration pour s’offrir un nouveau terrain de jeu surréaliste et plus indécis, le bordelais surprenant encore et fascine toujours. Qu’on se le dise, on est Surex comme Perez.