La tachycardie est une maladie qui fait battre le cœur trop vite. Elle peut être causée par l’exercice physique, le stress, la peur mais aussi par … Bandit Bandit. Parce que oui, depuis deux ans maintenant ces deux là s’amusent à joyeusement nous malmener. Une musique abrasive, explosive et diablement attractive pour un duo qui avait mis en place toute une mythologie autour de leur histoire à travers un premier EP. La facilité aurait pu les pousser à continuer dans cette direction pourtant Hugo et Maëva nous offre un second EP plus ample, ambitieux, moins dans l’égo et plus dans l’humain. Et une nouvelle fois, nos cœurs s’emballent et en redemandent.
On avait donc laissé Bandit Bandit au cœur de la nuit. Leur histoire commune, ses hauts, ses bas, cette violence sous-entendue autant que l’idée d’attraction et de répulsion était au cœur de leur premier EP. Cette salve de titres servaient autant de socle à leur histoire musicale que de carte de visite pour ce qui était alors l’ambition principale de ces brigands : faire du live, beaucoup de live. On sentait alors cette urgence, ce besoin de figer des ambiances et des fulgurances afin de les envoyer ensuite sur scène comme autant de pains envoyés dans nos tronches souriantes.
Une volonté d’aller vite en regardant droit devant qui s’est, comme beaucoup, fracassée sur un mur sanitaire aussi inattendu que violent. Cela en aurait découragé plus d’un, mais pas ces deux là. Il en aurait fallu plus pour stopper Hugo et Maëva. D’une certaine manière, on pourrait même dire que cette stagnation forcée leur aura fait du bien, les amenant d’une certaine manière a peaufiner ce Tachycardie qui, on en est presque sûr, n’aurait sans doute pas eu cette aura ni cette saveur. En effet, si les cinq morceaux qui le composent ne sont pas inconnus à nos oreilles et semblent former un chapitre global avec Bandit Bandit, le son est ici beaucoup plus travaillé et nous offre un mur du son psychédélique, et bien plus pop dans certains aspects, à la couleur musicale uniforme et puissante. Un choix esthétique fort, qui appelle de nombreux changements.
Si l’esthétique tient une place centrale dans l’identité du groupe, la pochette de Tachycardie laisse de côté l’iconisation du duo pour s’orienter vers quelques choses de très différents, laissant ressortir une influence importante du groupe : le cinéma. Si la nuit est toujours présente, elle se teinte de bleu pour un rendu bien plus onirique et ouvert aux interprétations. On pense forcément à tout un pan du cinéma des années 70 autant qu’aux œuvres les plus radicales de Nicolas Winding Refn.
Une présence inquiétante, une femme à contre-jour dans une saturation orangée. Est-elle prisonnière ou en attente ? On ne le sait pas mais cette illustration tient en elle des informations importantes, comme des petits indices disséminés ici et là pour nous montrer l’évolution de Bandit Bandit avec Tachycardie.
À l’exception de Siamese Love, rappel anglophone des histoires amoureuses de nos deux héros où les voix de Hugo et Maëva se mélangent, c’est la jeune femme qui prend le lead et le contrôle vocal de ces nouveaux morceaux.
Un choix fort de sens mais qui à l’écoute de ces nouveaux morceaux jouit d’une logique absolument imparable. Cette femme mystérieuse qui nous observe du haut de sa tour est l’héroïne de cette histoire. Un personnage féminin central duquel découle toutes les thématiques des morceaux. Un jeu de rôle autant qu’un jeu de miroir qui nous entraine dans une danse désordonnée, intense et hypnotique au centre de laquelle les cœurs explosifs s’emballent et où les corps se brisent et se reconstruisent dans des cycles sans fin.
Il faut prendre Désorganisée, placée très justement au centre de Tachycardie, pour réaliser autant l’évolution du groupe que les thématiques universelles des morceaux. Morceau le plus psychédélique et pop de la collection, Désorganisée met la poésie métaphorique du groupe au service d’un sujet inédit dans le rock : le syndrome prémenstruel.
On y voit des désirs de libération, des violences souvent tues et profondément incomprises par la société pourtant moderne. Le morceau joue à mêler l’intime et le global, changement plusieurs fois les perspectives alors que les envolées sonores et des chœurs nous entrainent dans une danse chamanique et intense.
Pour le reste, on est ravi de retrouver Néant en ouverture de l’EP. Le morceau étant la première rencontre que l’on peut faire avec Bandit Bandit sur scène est un tir qui vise parfaitement le centre de sa cible. Des guitares abrasives et un chant habité qui s’amuse avec une certaine réverb fantomatique nous attrape par le col pour ne plus nous lâcher. Ici aussi le cœur et l’âme cherche un point de réglage. Une quête d’harmonisation qui finit pourtant fatalement par une plongée dans le chaos. Comme si le monde normal n’était pas assez et qu’il fallait s’en détourner pour mieux le conquérir par la suite.
On enchaine avec Dimension, plongée psychotique dans des nuits où la vie se transforme en univers parallèle et où les visages et les souvenirs viennent nous hanter. Des histoires qui hantent autant le réveil que le sommeil. On note une nouvelle fois l’équilibre parfait qui existe entre les moments chantés et les moments instrumentaux, on sent ici que ce genre de morceaux est clairement taillés pour le live et on voit déjà Maëva se déchainer.
Cette sensation on la retrouvera aussi sur Tachycardie qui clôture l’EP du même nom. Plus que les emballements du cœur, le morceau scrute les dérèglements du monde, les injustices et les colères qui sont exprimées de plus en plus fortes et c’est d’ailleurs tant mieux.
Avec Tachycardie, Bandit Bandit clôture un premier chapitre de son histoire. Comme un yin et yang sonore, les deux premiers formats courts du groupe forme un tout intense et prenant où les cœurs s’emballent et explosent. Ces cinq nouveaux titres permettent aussi de voir la belle évolution du groupe avec un bloc sonore plus compact et maitrisé et des thématiques plus universelles. Une page blanche s’ouvre pour le duo mais désormais il nous tarde de les retrouver dans leur royaume : sur scène.