The 1975 : Nuit d’ivresse de joie à l’Olympia

The 1975 se fait rare en France. Leur dernière date remonte à 2019 lors du Pitchfork Music Festival. Le groupe ne foule plus que les pieds à Paris depuis leur tournée française en 2014. Leur troisième venue à l’Olympia Bruno Coquatrix où toutes les places ont été vendues en un éclair, était donc très attendue par les fans en ce mercredi 12 juillet.

Le quartet de Wilmslow ne finit plus de connaître le succès. Son cinquième et dernier album Being Funny in a Foreign Language a été une nouvelle fois acclamée par les critiques par la qualité de sa composition et du songwriting de Matty Healy. Il a même été nominé dans la catégorie Album of the Year 2023 aux Brits Awards ! The 1975 est le dernier fleuron groupe pop rock à succès qui parvient à remplir des stades outre-manche tout en gardant ses origines britpop et ses accents eightys.

Quand on regarde les setlist de leur tournée en Angleterre, on est alléchés par le programme de ce soir : 27 titres sont proposés avec l’intégralité du dernier album en première partie et un best-of des autres albums en deuxième partie qui débouche crescendo avec un final sur People. Wow ! Est-ce une bonne idée de spoiler le concert ? Ici, oui. C’est comme notre pizzaïolo italien favori : on connaît le résultat final, il nous manque juste à goûter la croûte croustillante et cette Mozzarella di Buffala tellement fondante. Autrement dit, l’expérience mérite d’être vécue.

Mais avant de déguster le met principal, l’hors d’œuvre proposé est Naya, une jeune chanteuse française à la guitare acoustique accompagné de son batteur. Elle aura bien saisie sa chance de jouer dans cette mythique salle parisienne en mettant le punch nécessaire sur ces six titres pour chauffer l’audience. Elle finira le set par Ghost By Your Side qu’il la mettra à terre avec son joujou à cordes. Difficile d’en juger plus, cependant Naya a une présence scénique saisissante et une voix envoutante. Un nom à retenir par la suite…

Il faudra attendre une demi-heure entre les deux concerts. L’Olympia (ou The 1975 ?) propose une setlist de qualité avec notamment oh baby de LCD Soundsystem. Tous les fans le savent, c’est Love Me Tender de Elvis Presley qui lance le point de départ du show. Dès l’apparition des musiciens, le son lancé est immédiat : « AAAAAAAAAAAAAaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh »

Ok, le public est déjà acquis. Matty Healy part en conquête sur scène comme Carlos Alcaraz qui chasse les grands chelems jusqu’en 2030 : tout sera couronné de succès. La bande attaque par Looking for Somebody (to Love), digne générique d’une série US des années 80. Comme prévu, The 1975 défend immédiatement Being Funny in a Foreign Language avec brio.

Mea Culpa. Le quartet se transforme en huit entités sur scène. Matty Healy s’entoure de Adam Hann en guitariste principale à sa droite et de Ross MacDonald en bassiste à l’opposé. Derrière eux, sur une plateforme surélevée, le batteur George Daniel se place au centre avec un saxophoniste et un percussionniste à sa gauche et une guitare rythmique et un synthé à sa droite. C’est une belle surprise ! Pourquoi ? Tout simplement parce que le groupe joue en live ! Pas de bande pré-enregistrée pour faciliter le show, The 1975 part en tournée avec des musiciens pour replacer toutes les subtilités instrumentales des albums en live.

Matty Healy est habillé d’un pantalon large beige, d’une chemise blanche plus large que sa taille également et coiffé gras et délavé. Le style émo du début de carrière semble loin désormais : la trentaine approche. Son air est blasé et nonchalant. Est-ce de l’acting (son père étant un acteur reconnu…) ? Son état d’humeur du moment ? Difficile à savoir. En live, il est clair qu’on a affaire à un sacré personnage qui apporte un surplus à l’écoute studio.

Il ne tarde pas pour se lâcher complétement. Dès l’entame du second morceau Happiness, le chanteur prend son petit verre, fume une clope et s’assoit sur son fauteuil d’intérieur. A l’aise, blaise. Puis il se permet de jouer quelques notes de piano pour faire chavirer encore plus ses fans. Il sait tout faire, quel BG ! Je l’imite à la fin du morceau, je prends ma bière posée au sol pour une petite gorgée. Mes yeux se rivent de nouveau sur la scène…et où est passé le piano de Matty ? Tout va trop vite !

Le groupe enchaîne les pépites du dernier album avec Oh Caroline et I’m In Love With You. C’est catchy mais ça fonctionne. Ce dernier titre est repris en chœur par le public qui paye donc sa place et fait le boulot de Matty. En contrepartie, le leader de la formation nous rassure (sic) : « I’m totally sober, sorry ! » après s’être excusé d’avoir oublié un peu les paroles. Ah ! Ça ne l’empêche pas de sortir la bouteille de vin sur l’intro sur Me & You Together Song. Cet homme a bout goût en choisissant le plus beau des symboles de notre chère France. Hâte de le voir au comptoir de mon bar préféré ! Un poivrot comme lui, une carrière de rockstar m’attend, fin de cette review.

Anyway, la claviériste et le guitariste rythmique change de rôle en arrière-plan pour A Change of Heart. Le public chantonne pourtant Seven Nation Army avant son début. Matty, toujours avec son brin d’humour interpelle le public : « Ce n’est pas le concert des Whites Stripes ce soir, c’est le nôtre ! ». Le sixième morceau du concert peut débuter. Cette fois-ci, Matty sort un bouquet de fleur, c’est moins romantique que la bouteille. Nonobstant, les fans les plus hystériques espèrent épouser ces fleurs. Il n’en sera rien. Il les pose à terre et reprend quelques vapeurs de cigarettes car…le titre parle de cigarettes. Après avoir mis un chapeau melon comme dans le clip, il tend le micro pour faire chanter la foule, il est payé pour ça.

Derrière la plateforme, un écran géant affiche le concert filmé en noir et blanc par l’équipe technique du groupe. On y découvre des pépites de spectateurs qui affiche désespérément sur leur téléphone : « I desserve a hug » ou encoe « Can I smoke with you ? ». Alors qu’il aurait été plus intéressant qu’il partage son stock de bouteille de vin. Il balance son chapeau melon, boit (encore !) cette fois-ci dans une fiole (eau ? alcool ?) et met un terme à cette première partie concentrée sur le dernier album.

Place donc aux classiques ! If You’re too Shy (Let Me Know) lance les hostilités. Tout le balcon et se met à danser sur ces airs 80’s et estivales.  Le saxophoniste joue un rôle principal ici avec son solo sur le dernier tiers du titre. Il est assez impressionnant à vrai dire. The 1975 replonge ensuite dans les vieux souvenirs avec fallingforyou qui figure sur les premiers EP de 2013. Très peu fan de cette époque, je choisis cet instant pour un arrêt stratégique toilette – bar. Mais je rate la photo souvenir du groupe avec son public. Judicieux. C’est le moment de About You, la plus belle chanson de Being Funny in a Foreign Language. Chaque effet du titre est joué, les guitares foisonnent davantage sur scène, la sensibilité de Matty Healy est doublée et on découvre la divine voix de la claviériste. L’instant est magique.

Les titres électro-pop plus dansants débarquent avec It’s Not Living You (If it’s Not with You) et Chocolate. Le cadre est plus sombre et les lumières scintillent comme sur l’esthétique du premier album, le moins bon de leur discographie. La bouteille de vin est déjà à moitié vide. Matty semble ivre : supporte-t-il autant ses fans ? En tout cas, il danse comme un pied : il sait juste taper des genoux en restant sur place. Effectivement, reste sur le chant ou sur la batterie comme à tes débuts.

Connu pour jouer les clichés, il n’est pas étonnant de voir le groupe jouer Paris à Paris. Cette balade est magnifique et berçante : le public dandine de gauche à droite. Comme Matty qui semble trop ivre sur scène. Bienvenu dans l’Etat de la pochtronnerie. Il a certainement voulu imiter Emmanuel Macron qui a bu cul sec une bouteille de bière avec des rugbymans toulousains. Très certainement que je finirai en gardav pour cette comparaison avec le président de la République.

Somebody Else découle ensuite ! La foule semble mieux connaître les paroles du titre que ses leçons de mathématiques. Il s’agit certainement du meilleur morceau R’n’B de la formation. Matty continue à déambuler sur scène : il balance son trépied avec le micro qui fait renverser la bouteille de vin. Voilà ! Il tâche la scène, aussitôt nettoyé par le staff ! Et ça ne chante qu’un couplet sur Guys ensuite alors qu’on aurait aimé l’intégralité. Paroles encore oubliées ? On ne le répètera jamais assez : buvez avec modération !

Cependant, son état résume à la perfection le morceau suivant : I Always Wanna Die (Sometimes). Une véritable réussite en live. Emportée par ses vibes britpop, tout le monde chantonne et sent son esprit se détacher de son corps. L’enchainement avec Robbers est malin et parfait. L’atmosphère continue à creuser dans les abysses des émotions. Bon, Matty, lui, continue à tituber après quelques nouvelles gorgées de vin. Cela devient même inquiétant. Il n’avance pas droit, plane et semble même chialer avec honnêteté sur Be my Mistake.

Rappelons le , Matty Healy est un bon comédien provocateur, peut-être que tout cela est une énième mise en scène. La prestation reste dans les mémoires car on vit pleinement les titres avec le groupe, au moins. On arrive au dix-huitième titre du concert. Seuls les quatre membres fondateurs du groupe restent sur la scène.

Place au ROCK ! La tension grimpe sur le synthé et les coups de batterie de Love It If We Made It. L’énergie est puissante. On chante avec rage le refrain où Matty se déchire les poumons. The 1975, ça joue sur scène ! Les notes électroniques du morceau sont même appuyées en live par Adam ! Les guitares deviennent aussitôt plus agressives sur Sex avant d’exploser sur son final. Le groupe délivre une prestation magistrale dès que les mélodies deviennent plus nerveuses. Give Yourself a Try vient logiquement poursuivre cette frénésie électrique. On sent que la formation prend véritablement son pied quand elle revient sur origines émo punk.

Après ce vingtième titre, Matty remercie ses fans et promet de revenir très vite l’année prochaine dans une plus grande salle. Pardon ? Pas de rappel ? C’est déjà fini ? Pas de People ? Pourquoi les anglais ont le droit à plus de titres ? Une certaine frustration vient emporter la joie donnée durant ces quatre-vingt-dix minutes de prestation. Au fond, le set est déjà généreux et nous donne envie de poursuivre avec eux. C’est plutôt bon signe. S’il faut viser plus grand que l’Olympia, on peut parier au moins sur un Zénith voire un Bercy. The 1975 est prêt à accueillir plus de people et donc à jouer PEOPLE cette fois, OK ?