C’est à l’occasion du passage de The Haunted Youth à Beauregard que nous avons rencontré Joachim Liebens. Nous avons parlé avec le belge de son premier album, Dawn Of The Freak, de son rapport à la belgique, à l’écriture et de sa façon de créer un « son ». Rencontre.
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La Face B : La première question que je pose toujours est : Comment vas-tu aujourd’hui ?
Joachim Liebens : Très bien.
LFB : Est-ce que tu as apprécié le concert ?
JL : J’adore ! En Belgique, quand on joue à cette heure-ci il n’y a personne. Et quand il y a des gens, iels sont juste comme ‘uhhh’. Et là, tout le monde était content de nous voir, donc on a vraiment passé un bon moment.
LFB : Je vais commencer par une blague parce que je connais le nom du groupe et de l’album mais… ça sent vraiment « l’esprit adolescent » (“smells like teen spirit” en anglais -ndr) non ?
JL : (Rires) Oui, il sent le teen spirit… Il a cette odeur partout. Je pense que ma musique a toujours eu ça. Je n’aime pas la musique de vieux. On dirait que vous êtes en train de mourir. Je veux être vivant et je veux sentir… ouais, je ne sais pas… c’est vraiment ça.
LFB : Je me demandais si tu avais envisagé d’écrire cet album en te plaçant comme narrateur. Chaque chanson est l’histoire d’un personnage, et pas seulement la tienne. Mais les chansons sont vraiment racontées par toi…
JL : J’utilise des éléments personnels de ma vie, des choses que j’ai ressenties et qui sont vraies, mais je voulais aussi être… Je ne veux pas traîner mon histoire misérable. Je veux écrire une histoire dans laquelle beaucoup de gens peuvent se reconnaître.
LFB : Oui, comme si tu livrais souvent ton âme, parce qu’il y a des parties de toi dans les paroles.
JL : Oui.
LFB : J’ai l’impression que les paroles sont très honnêtes et directes, et parfois très dures. Était-ce important pour toi d’utiliser des mots qui frappent directement à la tête et qui décrivent les sentiments et les émotions que tu veux mettre dans tes chansons ?
JL : J’aime écrire des paroles très sombres. C’est comme… Je sens que j’ai besoin d’être très direct, sans filtre. Je pense qu’il y a trop de filtres de nos jours. En ligne, dans la vie de tous les jours, on essaie toujours de dire ce que les autres vont aimer. Et je ne veux pas de ça. Je veux écouter de la musique qui dit les choses telles que je les ressens. Et pas comme je devrais le penser rationnellement.
LFB : Oui, c’est un peu comme le punk des années 70. Ce n’est pas de notre époque, mais c’est ce dont nous avons besoin maintenant…
JL : Exactement.
LFB : …pour être honnête.
JL : Et ce n’est pas vraiment un son ou quoi. C’est plutôt une attitude où l’on laisse la colère sortir. Je pense que c’est aussi très libérateur de dire ce que l’on pense au lieu de réfléchir à la meilleure façon de le dire. On a parfois l’impression que la vie est passionnante, parfois qu’elle est triste. C’est comme ca que quelqu’un qui se sent comme ça ne se sentira pas seul.
LFB : Oui. Pour moi, l’exemple parfait est la chanson I Feel Like Shit and I Want to Die. C’est comme un petit poème, comme si tout le monde se sentait comme ça, tu vois.
JL : Exactement.
LFB : Pour moi, et avec une amie, nous aimons ta musique, et nous nous disons « C’est la perfection ». Parce que cette chanson ne fait que quatre lignes et c’est la Vie. Parfois, on se réveille, on se sent mal et on a envie de mourir (rires).
JL : Exactement. Surtout dans cette chanson, il faut vraiment que les mots soient prononcés. Comme une fête d’anniversaire triste. Oui, j’essaie aussi de m’amuser, pour que ce ne soit pas si sombre que ça. Parfois, le meilleur moyen d’être moins déprimé est de rire de soi-même. Voir l’ironie de la situation.
LFB : Oui, il y a une sorte d’équilibre. Il y a toujours un peu de lumière dans ta musique.
JL : Exactement. Il doit y avoir une échappatoire et je la pousse plus loin.
LFB : Écris-tu des chansons une par une, comme des courts métrages ou des nouvelles plutôt que de longues histoires ?
JL : Je papillonne de fleur en fleur, en quelque sorte. Parfois, une chanson est terminée en une nuit, et ensuite, c’est le mixage, le mastering, la mise en place de tout ce qu’il faut….
Pour ce qui est de l’écriture de la chanson, je passe des semaines, voire des mois, à imaginer des progressions d’accords et des sons que je veux entendre… Je fais des démos instrumentales. Ensuite, il y a un moment où j’ai rassemblé beaucoup de paroles et beaucoup de lignes, juste toutes les lignes des chansons qui me parlent, et des titres…
Et c’est là que je commence à relier les points comme un détective qui aurait un tableau, différents stylos et différents papiers et qui relierait toutes les bonnes lignes… c’est comme ça que ça se passe en fait. Parfois, les choses se passent comme on le souhaite, parfois, on bidouille pendant des jours et il ne se passe rien.
LFB : J’ai une question un peu bizarre. Je viens du nord de la France, près de la Belgique, et c’est vraiment déprimant (rires). Et je me demandais si le fait de vivre en Belgique influençait ta musique et tes paroles.
JL : Je crois que je n’aime pas vivre en Belgique. C’est ennuyeux, c’est privilégié et je pense que c’est comme… il y a beaucoup de choses que j’aime, mais c’est plus le côté campagnard, la façon dont les gens sont à l campagne.
Mais là d’où je viens, les gens sont vraiment posh. Ils se croient meilleurs que tout le monde, ils parlent français entre eux juste pour faire la différence entre la classe inférieure et la classe supérieure. C’est vraiment un truc dans la ville où j’ai grandi. Et je n’aime vraiment pas ça. Je n’aime pas la politique…
Mais c’est un pays où il fait bon vivre et qui bénéficie d’un grand soutien de la part du gouvernement, en tant qu’artiste. C’est vraiment agréable d’y vivre.
Outre ma propre expérience de la vie et des gens, c’est aussi la façon dont le gouvernement et les institutions… Je n’aime pas qu’on me dise ce que je dois faire et c’est en quelque sorte mon combat contre cela. Même si je ne me suis pas beaucoup battu, au sens large du terme. Je me bats à ma façon.
La façon dont je vois les choses, c’est que les gens sont tellement… J’ai tellement de mal à me connecter avec ce qu’il y a à l’intérieur d’eux parce qu’ils sont toujours en train de regarder vers l’extérieur. Ils manquent tellement de confiance en eux, ils ont tellement de raisons d’être déprimés et désespérés que je me suis dit : « Je veux les mettre dans une chanson où tout n’est qu’un jeu », tu sais, un jeu du genre « tu n’es pas assez bien ». C’est comme ça dans le premier album. Il n’y a pas beaucoup de colère, c’est pour le deuxième.
LFB : Il y a quelque chose de très évanescent dans ta musique. La façon dont tu travailles en musique est comme un rêve, c’est comme du shoegaze. C’est le son de l’album, mais je me demandais… Je ne suis pas sûr que ce soit ton son. Est-ce que tu voudrais explorer autre chose à l’avenir et dans les prochains albums ?
JL : Eh bien, j’ai déjà fait beaucoup de chansons, 10 ou 15 ou quelque chose comme ça, pour le nouvel album et j’étais comme, (parlant avec une voix grave) « Je vais être plus pop ! », « Je vais faire ça ! », « Je vais faire ça ! Et ça va être comme ça ! ». Et je suis rentré en studio et j’ai obtenu un son de Haunted Youth et je ne sais pas ce qui s’est passé.
Donc, oui ! J’essaie de faire les choses différemment, mais parce que c’est moi qui les fais, ce sera toujours une chanson de Haunted Youth. Peu importe à quel point j’essaie d’être différent, ça finira toujours par…
Les choses que j’aime et que je mets dans ces chansons seront toujours les mêmes. Je pense que c’est mon son et je ne peux pas vraiment m’en échapper, même si j’essaie, parce que je m’ennuie (rires).
LFB : L’expérience de quand on te voit en live est très différente. C’est plus physique. Je t’ai vu à La Boule Noire et je trouve que ce n’est pas la même expérience de t’écouter en live que sur l’album.
JL : L’écoute de l’album est une expérience plus introvertie, Tu l’écoutes seul je suppose, en regardant par la fenêtre et en pensant à tes affaires, et la musique est comme un catalyseur pour tes pensées.
Quand nous jouons en live, je veux que ce soit juste une catharsis, tu sais, une catharsis physique, sauter partout et je ne sais pas… Parfois, je suis vraiment fatigué avant un concert et je me dis « oh, je vais rester immobile cette fois » et puis je me retrouve en sueur et avec du sang partout parce que je… et mon cou complètement foutu… mais ouais, je ne sais pas, ça se passe comme ça se passe, je suppose. Je suis quelqu’un de très énergique, j’ai besoin d’extérioriser.
LFB : As-tu des coups de cœur récents à partager avec nous ?
JL : J’aime beaucoup Billie Toppy de Men I Trust, c’est ma chanson préférée en ce moment. C’est mon groupe préféré. Leur nouvel album est un véritable bombe.
LFB : Merci.
Crédit Photos : David Tabary
Retrouvez notre chronique de l’album de The Haunted Youth par ici
La Face B: So the first question I always ask is: How are you today?
Joachim Liebens: Great man.
LFB: Did you like the show?
JL: I love it! In Belgium when you play at this time there is nobody. And whenever somebody’s there, they’re just like ‘uhhh’. And there everyone was happy to see us so we really had a great time
LFB: I’m going to start with a joke because I know the name of the band and of the album but… it really does “smells like teen spirit” no?
JL: (Laughs)Yeah it does smell like teen spirit… It has this smell all over. I think my music always has had that. I don’t like old people music. It sounds like you’re dying. I want to be alive and I want to feel… yeah, I don’t know… it definitely is.
LFB: I was wondering if you had considered writing this album placing yourself as the narrator.
JL: Come again?
LFB: You know when you were writing the lyrics and the album, are you the narrator of the story? Like every single, every song is a story about a character and not only yourself. Because the songs are really told by you…
JL: I use personal elements from my life, and things that I fell that are true, but I also wanted to be… I don’t want to drag my miserable story around. I want to write a story in which a lot of people can see themselves.
LFB: Yes, like you deliver your soul a lot, ‘cause they are parts of yourself in the lyrics.
JL: Yeah.
LFB: I feel the lyrics are very honest and direct and sometimes very harsh. Was it important for you to use words that strike straight to the head and describe feelings and emotions you want to put in your songs?
JL: Well I do like writing lyrics which are very dark at phase. This is like… because I feel I need to be very direct, without filters. I think there is too much filtering going on this days. Online, irl, you always try to say what other people are gonna like. And I don’t want that. I want to listen to music that says things the way I feel it. And not the way I should rationally think about it.
LFB: Yeah, it’s really like punk in the 70’s in a kind of way you know. It not in our time but it’s the thing we need right now you know…
JL: Exactly.
LFB: …to be honest.
JL: And it’s not really a sound or something. It’s more like an attitude in which you leave the anger out. I think it’s also really liberating to just speak your mind instead of think about the best way to say it. Sometimes we feel life is exiting sometimes that life is sad. That’s why somebody who feels like that is gonna feel not alone you know.
LFB: Yeah. And for me the perfect example is the song I Feel Like Shit and I Want to Die. It’s like a small poem, it’s like everybody feels this way, you know.
JL: Exactly.
LFB: For me, and with a friend we love your music, and we’re like “This is perfection”. Because this song is like four lines and this is Life. Sometimes you wake up and you feel like shit and you want to die you know (laughs).
JL: Exactly, exactly. Especially that song, you need to really get words said you know. Like a sad birthday party. Yeah, I also try to make fun, so it’s not all dark. Sometimes the best way to get less depressed is to laugh at yourself. See the irony of it.
LFB: Yes, there’s a kind of balance. there’s always a little life in your music.
JL: Exactly. There’s got to be an escape and I push it deeper.
LFB: Do you write your songs one by one, like short movies or novels more than big stories?
JL: I always like… I butterfly from flower to flower in a way. Sometimes a song gets finished in a night, and then it’s just, mixing, mastering, putting everything into place….
The writing of the song, like, I’ll fuck around for weeks or months like chords progressions and sounds I want to hear… I’ll make instrumental demos. Then comes a point when I’d also have collected a lot of lyrics and lots of lines, just all the lines for songs that speak to me and titles… And that’s when I start connecting the dots like a detective who would like have a board and like different pens and different papers and connect all the right lines… that how it goes really. Sometimes it goes like you would expect, sometimes you fuck around for days and nothing happens.
LFB: I have kind of a weird question. I come from the north of France, so near Belgium, and it’s like really depressing you know? (laughs) and I was wondering how living in Belgium influences your music and your lyrics?
JL: I guess I don’t like living in Belgium. I think it’s boring, I think it’s privileged as fuck and I think it’s like… there are a lot of things I do love about it, but it’s more the country side, the way people are there.
But like where I come from people are posh as fuck. They think they’re better that everyone, they speak French amongst themselves just to make a difference between the lower class and the higher class. It’s really a thing in the city I grew up in. And I really don’t like that. I don’t like the politics…
But it’s a very chilled country to live in that has a great support from the government in ways, as an artist. It’s really chilled to live there.
Apart from my own experiences in life and of the people, it’s also the way the government and institution… like I don’t like to be told what to do and that’s my fight against it in a way. Even though I didn’t give much of a strong fight, like in the broad sense of the word. I fight it on my own terms.
The way I see it is people are so… I have such a hard time to connect with what’s inside of them because they’re always looking out. They get so insecure, they get so many reasons to be depressed and to be hopeless that I was like “I want to put them in a song where everything is just a game”, you know, a game like “you’re not good enough”. That’s the way of the first album. There’s not a lot of anger in it, that’s for the second one.
LFB: There is something very evanescent in your music. The way you work in music is like a dream, it’s like shoegaze. This is the sound of the album but, I was wondering… I’m not sure it’s your sound. Do you want to explore something else in the future and in the next albums?
JL: Well, I’ve already made a lot of songs, 10 or 15 or something for the new album and I was like, (talking with a deep voice) “I’m going popper!”, “I’m going this!”, “I’m gonna do this! And it’s going to be like this!”. And I got in the studio and I got a doily Haunted Youth sounding sound and I don’t know what happened. So, Yeah! I’m trying to do differently but the thing is like ‘cause it’s me who’s making it, it’s always going to be an Haunted Youth song. No matter how hard I try to be different, it’s always going to end up…
Like the things I like and that I put into these songs are always going to be the same things you know. So I guess this is my sound and I can’t really escape it even though I try because I get bored (laughs).
LFB: You put a very different experience in live. It’s more physical. I saw you at La Boule Noire and I think it’s not the same experience to listen to you live, than the album.
JL: Listening to the album is more an introverted experience, it’s like you listen to it alone I guess, staring at the window thinking about your stuff, and music being like a catalyst for your thoughts. When we play live I want it to be just catharsis, you know, physical catharsis, just jump around and I don’t know… Sometimes I’m really tired to do a show and I’m like, “oh I’m going to stand still this time” and then I’m going down sweating and with blood all over because I… and my neck totally fucked… but yeah, I don’t know, it just happens the way it happens I guess. I’m a very energetic person so I need to get it out.
LFB: Do you have recent favourites to share with us?
JL: I really like Billie Toppy by Men I Trust, it’s my favourite song right now I think. It’s just perfect the way she does it. it’s my favourite song right now, my favourite band. Their new album is fire.
LFB: Thank you.