The Psychotic Monks : « On a réalisé un rêve ! »

A l’occasion de Rock en Seine, la Face B a pu échanger avec The Psychotic Monks, l’un des meilleurs groupes de rock français de notre époque. On les remercie énormément d’avoir pris du temps pour nous en sachant qu’un des membres du groupe n’allait pas bien. Paul et Artie étaient donc à nos côtés pour échanger autour de cinq thématiques alors que leur tournée se poursuit encore actuellement. Au programme de cette interview : rêve, inclusivité et islamo-gauchisme.

La Face B : Bonjour à vous deux pour cette interview qui va se dessiner sur quatre thèmes. Prêts ?

The Psychotic Monks : Bonjour à toi ! On est prêts !

Premier thème : The Psychotic Monks avant le festival

La Face B : Quel est votre état d’esprit avant votre concert ce soir ?

Artie : En train de bouillir !

Paul : Ah ouais, pareil, je te rejoins.

La Face B : Au printemps, vous avez réalisé une première partie de votre tournée de votre troisième album. Quel en est le bilan ?

Paul : Moi, le bilan, c’est un peu un rêve, l’accomplissement d’une vie. Après, on peut aller plus loin, on peut avoir des ambitions pour continuer à voyager, découvrir des choses, mais le bilan, reconnaissance, genre merci.

La Face B : Quel est votre rituel avant de monter sur scène ?

Artie : Ça va dépendre de chaque membre du groupe. De mon côté, j’écoute de la musique qui m’inspire comme Green Day en ce moment. Je fais aussi des étirements.

Paul : J’aime bien regarder ce qui se passe dans la salle ou dans le festival. Être un peu avec les gens qui écoutent les groupes d’avant pour avoir une continuité et une intention similaire tout au long de la soirée. Quand tu es au milieu avec les gens, tu ressens s’ils sont plus réceptifs au noise ou à la pop.

On ne change pas notre set, etc. Mais la manière de communiquer avec les gens, de partager, de s’investir sur scène, ça peut être un peu différent. Par exemple, si ça fait trois heures que les gens se plaignent déjà de toute la distorsion dans les oreilles à fond, j’ai envie d’envoyer une énergie qui va imiter un truc en douceur, je ne sais pas comment dire, mais ouais.

La Face B : Programmés en 2016, programmés en 2018 et encore cette année, vous êtes un peu les chouchous du festival, non ?

Paul : C’est clair. Il nous en manque une pour la Grande Scène dans quatre ans !

La Face B : Vous vous rappelez des têtes d’affiche de 2016 ?

Artie : Il y avait Massive Attack, ça m’avait marqué. Et il y avait aussi le groupe islandais… Sigur Ros.

La Face B : Et en 2018 ?

Artie : Je ne me souviens plus, mais on était un peu sous l’eau, donc…

La Face B : PNL, Michael Moore… Justice aussi, Liam Gallagher.

Artie : Justice, je m’en rappelle bien en vrai !

Deuxième thème : Rock en Seine

La Face B : Vous avez joué trois fois à Rock en Seine en huit ans. Que représente ce festival pour vous ? C’est un peu particulier quand même.

Artie: C’est forcément particulier parce que, vu que le groupe a été créé en région parisienne, du coup, c’est un festival où déjà nous, on est pas mal allés en tant que festivaliers, festivalières. Et aussi, il y a tout un public d’Ile de France qui vient aussi nous voir ici. Donc c’est pas comme un festival dans un endroit où c’est que des gens qui nous découvrent, par exemple. Et puis nous, on a des souvenirs d’avoir vu des groupes incroyables ici. C’est d’ailleurs sur la scène où on va jouer ce soir : moi, je me souviens, il y a presque dix ans, j’avais vu Fuzz là-bas. On avait vu Idles ici, sur cette scène, et c’était incroyable. Je ne me serais pas douté qu’un jour, on jouerait sur la même scène.

La Face B : Quel a été votre meilleur souvenir, peut-être en tant que groupe ou peut-être en tant que festivalier, à Rock en Seine ?

Paul : Moi, j’ai vraiment un très bon souvenir de Fuzz, je crois, justement. Et puis après, les concerts qu’on a faits, la scène Ile de France, c’était fou aussi. Le premier concert qu’on a fait ici, déjà d’être invités sur le festival et d’être présents. Rock en Seine est un peu un tremplin. Ce n’est pas sur tous les festivals qu’on a autant de rendez-vous médias, où on est sollicités pour discuter, parler un peu de nous et d’échanger avec des professionnels de la musique, etc. Du coup, la première fois qu’on est arrivés ici, en 2016, c’était un peu en mode, ok, il y a une porte du possible qui s’ouvre, et c’est génial de commencer à rentrer là-dedans.

La Face B : Qu’est-ce que le festival peut de faire de plus pour mieux mettre en avant les jeunes artistes ? En sachant qu’ils multiplient ce type d’action depuis quelques années !

Paul : Ouais. C’est toujours participer à une forme d’égalité, d’inclusivité, vis-à-vis des personnes qui sont jouées, que ce soit des minorités de genre, que ce soit des personnes racisées et non à un seul profil d’artiste, qui peuvent être souvent que des mecs sur scène. Ça, je sais pas exactement où ça en est, vis-à-vis de Rock en Seine particulièrement, mais globalement, je pense qu’on peut militer pour, globalement, une petite inclusivité dans le milieu de la musique. Il faut checker les sponsors, checker ceux qui participent, ce qu’ils vendent, etc..On essaie quand même d’être un peu vigilants et vigilantes sur les festivals auxquels on joue maintenant. Et que le groupe soit plus positif aussi, de plus en plus. Essayer de faire attention.

La Face B : En voyant cette programmation 2024, s’il y a un artiste à voir, à part vous, bien sûr, quel serait le groupe que vous aimeriez voir ?

Paul : J’avais beaucoup aimé Astérotypie, PJ Harvey et Bonnie Banane !

Artie : J’aime beaucoup Last Dinner Party, Massive Attack et Charlotte Adigéry.

Troisième thème : The Psychotic Monks sur scène

La Face B : Quelle différence entre un concert qu’on peut avoir de vous en salle et un concert qu’on peut avoir de vous en festival ?

Paul : Là, c’est un morceau. C’est clairement un morceau qu’on a retiré du set pour des histoires de timing et pour des histoires de rythme. Sinon, c’est pareil.

La Face B : Quel est le morceau qui va vous mettre le plus en transcendance durant le show ?

Paul : Franchement, le premier, c’est souvent un peu une brèche, je crois. Le premier morceau, c’est souvent là où ça prend. Après, on a beaucoup des blocs, un peu, de morceaux. Puis on a des longs morceaux aussi. Donc là, ce soir, si ça se passe comme prévu, on finit aussi par un long morceau qui est vraiment dans cette recherche de transe. Tu perds la notion du temps où tu es juste dans une boucle infinie qui t’emporte.

La Face B : Est-ce que vous allez rajouter ou modifier des visuels ou modifier un peu la setlist au fil de votre tournée ?

Artie : C’est constamment… Ça s’ajuste constamment, la façon de le faire. Et c’est ça qu’on aime aussi avec notre pratique. C’est qu’il y a autant musicalement que visuellement, c’est toujours en évolution. Après, je pense que globalement, ça ne va pas changer parce que là, on est quand même dans la même impulsion que tout le reste de l’année, depuis le début de la tournée.

Paul : Un petit peu plus, oui. C’est vrai que depuis la tournée, depuis un an et demi, on a pu faire une résidence, réfléchir un peu avec nos trois propositions de lumière. Mais tu vois, même ça, ça a pas mal bougé. Au début de la tournée, on avait un peu des strobes. On prend cet exemple-là, qui partait assez fort, assez vite dans le concert. Et maintenant, plus on a fait la tournée, plus on s’est rendu compte qu’on voulait de moins en moins de strobes dans le set. Donc ça, c’est des petites modifs qui changent au fur et à mesure. Par exemple, tu prends cet élément-là. Après, nous, on profite un peu de trucs musicaux. Mais c’est vrai qu’on a un petit peu plus de moyens. Il y a des gens qui nous font confiance et qui nous disent en mode sur notre tournée, il faut que ça pète. Il faut que vous ayez un show light. Du coup, ça fait un peu se poser les questions de ce qu’on doit raconter, etc. Chaque fois, c’est dans des temps réduits. Donc on n’a pas vraiment non plus l’occasion de tester complètement toutes les idées et d’essayer à 100%. Mais ça se configure sur le live petit à petit.

La Face B : Vous ne jouez plus les morceaux des premiers albums ?

Artie : Oui, c’est ça. Oui, on a réessayé. Mais en fait, c’est juste une question d’honnêteté avec nous-mêmes. On est tellement passés à autre chose.

La Face B : Est-ce qu’il y a des mots sur scène qui, quand vous les criez au micro, quand vous les chantez, sont les plus jubilatoires du live ?

Paul : Moi, je dirais que sur Crash, il y a deux ou trois moments où parler du fait de répéter des concerts, d’être sur scène, d’être, encore une fois. Mine de rien, faire de la musique, au début, c’était un peu vouloir esquiver le monde du travail, et au final se rendre compte que c’est un job, et c’est génial. Je suis trop content, je suis trop reconnaissant.

Avec tous les mécanismes un petit peu compliqués ou pervers qu’il peut y avoir autour de l’industrie de la musique, c’est le cas avec Crash. Il y a deux ou trois phrases où le fait de le chanter sur scène au milieu d’un festival, ça me transcende un peu plus de le dire. Pareil, sur le morceau Décors où je chante, il y a deux ou trois souvenirs que je revisite, deux ou trois personnes auxquelles je pense. Du coup, ça me donne beaucoup d’émotions.

Quatrième thème : Après le concert

La Face B : Une fois que vous avez fini votre set, quel morceau avez-vous envie de rejouer ?

Paul : C’est fini, ciao, bye bye. C’est ça qui est cool, c’est que des fois, quand on répète et qu’on fait deux ou trois sets dans la journée, je sens que la première fois qu’on joue le morceau, il y a un truc qui est déjà sorti. Quand après, il faut le répéter, c’est presque un peu un compteur d’une journée. Et je pense qu’on n’a pas ce format-là de morceau à rejouer.

Artie : C’est la première fois qu’on l’a donné, et ensuite… C’est une musique où on est obligé de s’investir pour la faire bien. Quand on s’est investi dans un morceau, c’est difficile d’y retourner. C’est impossible. C’est juste le genre de sensation d’être sincère.

La Face B : Quelles sont vos premières pensées une fois que vous avez terminé le concert ?

Artie : Je me dis tout le temps, ça y est, c’est fini. Une bonne chose de faite. Franchement, ça dépend comment ça s’est passé avec les gens aussi.

Paul : Les premières pensées, ça va vers les gens qui sont là aussi. Essayer d’aller les capter. Justement, vu qu’il y a eu quelque chose qui est sorti de nous, qui est parti vers nous, vers les gens, c’est cool d’aller à leur rencontre, d’avoir le retour du public. Pour moi, la musique a du sens aussi parce que c’est important d’échanger autour de cela.

Après, il y a des soirs où on est rincés aussi, et moi, je sais que le moment que je préfère, parfois, c’est aussi celui où tu ranges le plateau, et genre doucement, on se capte en mode… On va ranger nos câbles, et genre en mode c’est bon, le truc est fini, c’est assez apaisant.

La Face B : Quel groupe avez-vous envie d’entendre, ou d’ailleurs, que vous n’avez pas envie d’entendre après votre set ?

Paul : Moi, souvent, je n’ai pas envie d’entendre un truc trop similaire sur lequel je m’identifie trop. J’aime bien une continuité, mais peut-être basculer dans d’autres styles. Alors des fois, il y a quelqu’un à la régie qui met un Léonard Cohen, un Bashung, ou un morceau techno, ou un truc qui change de style, après, ça fait du bien. Tu passes dans une autre énergie, dans une autre ambiance. Et des fois, je trouve que c’est difficile, les festivals, où tout se ressemble beaucoup, tous les groupes…

Artie : Ce soir, il y a Maneskin qui joue en même temps, c’est trop bien ! Les queers qui reprennent le pouvoir !

La Face B : Est-ce que vous avez déjà un nouvel album en tête ?

Paul : On l’a toujours en tête. On n’a pas encore annoncé pour l’automne, aussi. C’est bientôt. Et puis après, on verra comment ça se profile. Mais… Je pense qu’on fera peut-être une petite pause de concerts. La tournée dure depuis deux ans et demi quand même.

Cinquième thème : la positive attitude

La Face B : Avez-vous quelque chose de gentil et de positif à dire sur chacun des membres du groupe ?

Paul : C’est des amours. C’est la famille choisie, c’est la confiance. C’est les câlins. C’est l’écoute. Ouais, globalement, ils sont précieux !

La Face B : Quelle est la principale qualité de votre public ?

Artie : De plus en plus, c’est des islamo-gauchistes. (rires)

La Face B : Quel est le souvenir le plus marquant de votre tournée ?

Paul : Je ne sais pas pourquoi, mais tu m’as dit ça : d’un coup, j’ai pensé au Canada, l’année dernière. C’était la première fois qu’on allait aussi loin. On a fait au Brésil aussi, mais… En plus, le passage au KEXP dans l’Institut de Seattle. C’était un but d’une vie. C’est un rêve, ouais. On voit tous les groupes qu’on adore sur cette radio ! Et en plus, on a eu un peu de pause là-bas, donc on a pu aller faire des randos dans des montagnes, voir des lacs. C’est là où tout se mélange : amitié, voyage, passion, travail.

La Face B : Quelle est la date ou le lieu où vous êtes le plus fier d’avoir joué ?

Artie : La Flèche d’Or. C’était la soirée pour la Palestine.

Paul : Je pensais aussi à la Gaité Lyrique pour pouvoir mobiliser autant de monde dans une salle pour notre premier concert de l’année, où je sens qu’il y a vraiment quelque chose qui se créait.

La Face B : Merci pour cette interview !

The Psychotic Monks : Merci à toi !

© Crédit photos : Clara De Latour