Cela fait déjà un petit moment que l’on porte Thx4Crying dans nos cœurs. On a eu le plaisir à le voir évoluer jusqu’à l’arrivée de montagne d’émeraudes, son premier EP. L’occasion était donc idéale pour le rencontrer et en découvrir un peu plus sur cet artiste sensible et attachant.
La Face B : Hello Florian, comment ça va ?
Thx4crying : En vrai, ça va plutôt bien. J’ai l’impression d’être en sorte de petite rémission d’un down hivernal parce que l’année dernière a été un peu intense, j’ai fait plein de concerts, j’ai sorti mon EP, j’ai fait plein de clips et tout ça. C’était trop cool. Mais le moment où ça s’est arrêté, j’ai ressenti un peu la pression qui redescendait et tout. Du coup, j’ai fait une petite pause et maintenant j’écris des nouvelles chansons et tout. Le quotidien s’est un peu ré-installé dans un truc très chouette et du coup voilà.
LFB : Entre Refuge et Thx4crying, t’as une vraie passion pour les noms avec une grosse symbolique non ?
Thx4crying : Oui je crois, c’est possible.
LFB : Les deux, dans ce qu’ils représentent, représentent énormément la musique que tu fais selon les projets.
Thx4crying : J’ai l’impression qu’il y a un truc qui me suit un petit peu : cette notion d’intime et d’essayer à la fois de créer un peu son cocon pour pouvoir juste exister sans que ça soit trop douloureux et en même temps, s’exprimer pour pas garder trop de choses enfouies et enterrées.
LFB : On te demande souvent d’où vient ton nom. La vraie question que j’ai envie de poser, c’est : en quoi il influence ton projet ? C’est une note d’intention un nom comme ça.
Thx4crying: Oui, c’est vrai. Je pense que ça influence mon projet dans le sens où… Oui en effet, c’est un peu une note d’intention, c’est un peu comme un petit post-it / rappel d’exprimer les choses qui sont importantes pour moi et que c’est une belle chose de faire ça. Que c’est positif d’exprimer des choses qui sont tristes. C’est une façon d’essayer d’avancer quoi.
LFB : Est-ce que tu te sens parfois un peu limité dans les thématiques que tu vas proposer du fait du nom ?
Thx4crying : Pour l’instant, non. J’ai l’impression qu’on peut avoir des larmes pour plein de choses. Elles peuvent être rattachées à plein d’émotions. Et je n’ai pas l’impression de stagner dans les choses que j’ai raconté et tout ça. Par rapport à il y a deux, trois ans, quand je faisais mes premières chansons, j’ai l’impression que mes thématiques ont changé et que finalement, c’est un peu infini tout ce que je pourrais encore raconter.
LFB : Il y a un rapport hyper fort à l’adolescence pour moi. J’ai l’impression que tu exorcises un peu des traumas qui ne se sont jamais effacés en tant que jeune adulte et que tu utilises la musique pour gommer un peu tout ça.
Thx4crying : Oui, c’est vrai. Avec ce nom d’artiste et comment il est écrit, c’est un vrai « hommage » à toute cette époque de mon adolescence. C’est un peu un pseudo skyblog quoi. Et dans mes chansons maintenant, j’ai l’impression qu’il y a un peu toujours une double lecture entre quelque chose qui fait référence à ce que je vis actuellement et à un souvenir de mon adolescence qui a été assez tumultueuse.
LFB : Est-ce qu’on peut dire que Thx4crying c’est un peu l’émoji musical de Florian ? Une version un peu amplifiée et surréaliste.
Thx4crying : En vrai, oui, j’aime beaucoup. Bravo d’avoir trouvé ça. Je te citerai si jamais je le réutilise.
LFB : Il y a un truc un peu bigger than life. J’ai l’impression que tu amplifies un peu toutes les émotions pour ce personnage et pour la musique que tu fais.
Thx4crying : Oui, oui, c’est vrai qu’il y a un peu ce côté là. Finalement, quand j’écris des chansons, je n’ai pas forcément la sensation d’amplifier mais plutôt la sensation de me laisser m’exprimer en toute vulnérabilité, sans trop réfléchir justement à comment ça va être reçu et si les gens vont se dire que j’en fais un peu des caisses, tu vois, sur un truc. Je pense que c’est surtout que je m’autorise cette vulnérabilité là.
LFB : Du coup, il y a un truc assez direct et franc dans la façon presque enfantine dont tu poses les mots. Comme tu dis, tu te moques un peu de comment les gens pourraient le recueillir. Il y a un truc presque de casser les murs en fait.
Thx4crying : Oui. En vrai, j’ai mis du temps avant de réussir à écrire des chansons en français. C’est une des façons que j’ai trouvé pour le faire. Enfin, ce n’était pas du tout obligé dans ma vie mais en tout cas, quand j’ai eu envie de faire ça et que j’ai écrit ma première chanson en français, la première étape était de me libérer de toute cette pression qu’on peut avoir sur la chanson française, sur ce que c’est censé représenter.
Enfin, tu sais cet héritage culturel qui existe et qui est super cool mais qui, pour moi, n’était aps dans mes références. Tout de suite, dès ma première chanson, je me suis rendu compte que cette façon de poser les mots, déjà pour moi, elle avait un impact. Je me suis rendu compte que c n’est pas anodin de dire cette phrase et cette phrase à la suite, ça veut dire plein de choses. Oui du coup, c’était en mode : on ouvre les vannes.
LFB : Tu voyais une pression particulière à écrire en français ?
Thx4crying : Non, pas du tout de pression. Juste, je pense que j’avais envie de dire des choses et d’être sûr qu’elles soient comprises. Enfin, qu’elles soient reçues tel quel. Vu que j’habite en France et que c’est là où je fais la plupart des concerts.
LFB : Du coup, par rapport à Refuge, c’est une écriture différente ?
Thx4crying : Ouais, je pense que c’est assez différent parce que quand j’écrivais mes chansons de l’album de Refuge, il y avait un truc où je travaillais beaucoup sur les images. Créer toute une imagerie autour de mes thématiques. Un travail de réflexion un peu plus sur le long terme et tout ça. Là où quand j’ai commencé à faire des chansons en tant que Thx4crying, j’étais en mode : maintenant je veux parler de ça et puis zoup. Parfois même, je me laisse surprendre par les thématiques.
Enfin, souvent, quand je fais de la musique, je fais un peu des petits bouts d’instru, une suite d’accords, des choses comme ça et très vite, je branche mon micro et j’appuie sur enregistrer et je laisse un peu sortir ce qui vient dans les premières prises. Et souvent, il y a un truc qui sort de ces premières phrases qui me dirigent un peu vers des thématiques de chansons.
LFB : C’est très instinctif au final. Finalement, c’est beaucoup plus personnel que ce que tu faisais avant. Est-ce que tu arrives à prendre du recul par rapport à ce que tu chantes et à te détacher un petit peu ? Parce qu’il y a des choses assez lourdes quand même.
Thx4crying : A m’en détacher ? Disons que ça ne m’empêche pas d’avancer quoi, d’essayer de ranger un peu des choses dans ma vie. Mais je pense que ce qui m’aide, c’est un peu de revivre les chansons à travers l’interprétation des gens et de voir que ça raisonne de différentes façon chez les gens. Ça leur rappelle des choses et tout ça. C’est un truc que je trouve hyper joli et ça me permet de pas être trop enfermé non plus.
LFB : C’est surtout que la façon dont tu montes les chansons, les propos sont assez universels pour que, même si c’est personnel, ça puisse impacter tout à chacun. Tu parles de rupture, d’angoisse et j’ai l’impression que tu ne genres pas les choses. Je trouve qu’il y a un choix dans les mots et dans l’écriture qui fait que ça va vers tout le monde.
Thx4crying: Oui, oui, c’est clair. Je pense que j’ai eu envie et que naturellement, j’écris des chansons qui parlent de ma vie et de mes espoirs. Donc de la vie d’une personne queer et qui raconte ses histoires d’amour, de solitude, d’adolescence qui peut être compliquée. Donc oui, assez naturellement, c n’est pas forcément genré parce que ça vient aussi du rapport que j’ai avec l’identité de genre et tout ça.
LFB : Du coup, le fait est qu’il y a quand même quelque chose d’assez épique et de très enlevé. Je trouve qu’il y a un rapport très intéressant avec la production parce que tu as ce côté un peu drama qui va aussi dans la production mais tout en restant très dansant. Il y a un vrai équilibre entre la danse et le drama dans la musique que tu fais.
Thx4crying: Trop bien. En vrai, c’est un peu ça que j’ai envie de faire aussi mais si parfois, quand je fais des concerts et que je vois ma setlist, je me dis putain, les pauvres gens, ils vont vraiment aller dans les ténèbres. Mais c’est vrai que dans la production, il y a un truc où on s’est beaucoup amusé à travailler dessus avec Louise BSX qui a réalisé tout mon EP, et un peu les chansons que j’ai sorti avant aussi. Il y a un truc où on avait envie d’aller à fond quoi, de creuser un peu chaque émotion, chaque ambiance, d’aller un peu dans le mélodrame parfois. Créer des esthétiques très chevaleresques et tout ça.
LFB : Du coup, comment se passe ton travail avec Louise ? Elle rajoute sa touche ou tu as déjà un truc déjà très structuré ?
Thx4crying : En général, je fais d’abord mes maquettes seul sur mon ordinateur. Vraiment avec un setup très très petit : un ordi, un mini clavier et mon micro. Je fais des sortes de pré-prod’ avec une structure définie quand même de la chanson. Ensuite, comme elle habite juste à côté de chez moi, quand j’ai fini une pré-prod’, je prends mon ordi et je vais chez Louise. Là, on l’écoute ensemble. Généralement, vu qu’on passe un peu toute notre vie ensemble, je lui ai déjà raconté que j’avais une chanson qui parlait de ça. Et puis après, elle rajoute complètement sa touche. Je la laisse vraiment s’exprimer dans sa production et tout. Elle a une vraie esthétique. Pour moi, c’est un peu une génie de la production.
LFB : Le pendant visuel est aussi très important. Que ce soit le visuel de tes pochettes ou des clips. Je trouve que ça rajoute une autre vision à ta musique, qu’on a pas forcément à la première écoute. Il y a énormément d’onirisme. Il y a beaucoup de rapport au rêve dans les visuels, qui sont hyper importants, même dans les clips. La façon dont c’est filmé. Parfois, tu as des espèces de flous, de trucs faits exprès pour te ramener dans des rêves.
Thx4crying : Oui, carrément. En fait, une des choses importantes dans ma musique et un peu dans mon identité, c’est un peu le virtuel qui se mélange à la vie réelle, comme quand j’étais adolescent que j’ai été assez isolé à un moment. Ma vie sociale, la musique que je faisais, les gens avec qui je parlais, les gens dont je tombais amoureux, c’était via internet. C’était le virtuel. C’est aussi un des propos de cet EP. Internet ça peut être un endroit où on vit et en même temps, on peut être qui on veut. Quand parfois, c n’est pas possible dans la vie réelle.
LFB : Je trouve que la pochette mélange, joue un peu avec les codes de la chevalerie et de la pseudo-virilité. Elle les détourne complètement. Il y a beaucoup d’idées de ta personne qui se retrouvent dans ces visuels.
Thx4crying : Oui, c’est ça. Au delà du concept de mélanger une photo en prise de vue réelle et de la 3D, il y a en effet cette idée d’avoir son armure qui se casse pour laisser pousser de belles fleurs.
LFB : Finalement, est-ce que tu es heureux dans la vie ? Est-ce que faire cette musique, ça te permet de tenir à l’écart le drame ?
Thx4crying : Je pense que c’est un peu la quête ultime de chercher à être heureux ou heureuse, et tout ça. Moi, j’ai l’impression de ne pas stagner en tout cas. J’ai l’impression d’avancer, que la musique m’aide en effet. Tu vois, quand je suis en concert, souvent je raconte des petites anecdotes sur telle chanson qui me fait penser à tel moment et tout ça. C’est aussi un moyen de le laisser derrière moi et de vivre un peu les moments présents. Mais par ailleurs, en effet, il y a des trucs qui parfois sont durs et c’est difficile de s’en détacher. Ça prend du temps et donc je suis un petit peu plus heureux qu’avant. Mais je sais qu’il y a du boulot encore.
LFB : Tu es moins heureux que demain quoi.
Thx4crying : Oui, je pense.
LFB : Tu parlais du concert. Comment tu la vie ta musique en live ? Parce que finalement, je trouve que tu laisses beaucoup place à l’expression du corps, à des choses comme ça. Pas forcément utiliser d’instruments.
Thx4crying : En vrai, j’aime beaucoup faire des concerts parce que ça me permet d’expérimenter une liberté sur scène. Ça me permet juste d’être un peu au point culminant de cette vulnérabilité. C’est un peu bizarre d’avoir ça dans sa vie : un moment où tu montes sur scène, tu as des lumières sur toi et les gens te regardent et tout. Toi tu racontes ta vie, tu racontes des trucs.
Je pense qu’en fait, pour moi, c’est une façon d’exprimer les choses là où pendant longtemps, je racontais des trucs dans mes chansons et je faisais référence à des souvenirs où mes amis les plus proches n’étaient pas au courant que certaines choses s’étaient passées. Donc ça a eu vraiment ce rôle là au début. Maintenant, c’est un truc un peu grisant pour moi de me dire : voilà, je vais tout raconter.
LFB : Je t’ai vu plusieurs fois. Je t’ai vu au début déjà, en 2019, 2020. J’ai vu une vraie évolution aussi. Tu es beaucoup plus ouvert vers les autres. Le fait de plus parler entre les morceaux et d’amener des ambiances et tout.
Thx4crying: Je pense qu’au début, j’avais pas mal de peur. Ça peut encore m’arriver parfois, d’être aussi vulnérable quand je monte sur scène et de raconter ce genre de choses. Tu vois, le fait de monter sur scène, d’être en robe, de raconter des histoires qui ne sont pas forcément genrées, voire passablement queer, des thématiques comme ça, se permettre de libérer son corps et tout, ça peut créer de l’appréhension aussi.
Tu te dis que si ça se trouve, les gens vont hyper mal réagir. Tu ne sais pas s’il y a des homophobes dans la salle, s’il y a des racistes. Il y a mille raisons d’avoir des craintes. Je pense que d’avoir fait des concerts l’année dernière, dans plein d’endroits différents, avec des artistes qui faisaient une musique vraiment pareille, devant des publics de plein d’âges différents, dans plein de lieux différents, ça m’a permis de comprendre qu’en fait, je pouvais un peu me libérer de ça et juste faire mon truc, sans avoir trop de peur.
LFB : Et sans avoir peur des gens en face de toi.
Thx4crying: Oui, ça serait un peu dommage. Sans overthink ce truc de : qu’est-ce que les gens vont penser de moi ? de cette histoire ? Est-ce qu’ils vont m’attendre à la sortie ? Vraiment les PTST du lycée.
LFB : Qu’est-ce que ça fait d’être la dernière personne de France à avoir un skyblog ?
Thx4crying : Franchement, c’est super. Moi j’adore. Après, c’est vrai que je ’ai pas beaucoup de répondant sur mes petits articles. Mais en même temps, j’ai posté un nouveal article hier. Ça faisait un moment que je ne l’avais pas fait. Et j’ai trop aimé y retourner et voir tous les trucs que j’avais posté, tous les petits visuels que j’ai créé exprès pour ça. Du coup, je vois ça un peu comme un journal un peu scrapbooking quoi.
LFB : Je ne savais même pas que ça existait encore. J’ai découvert ça toute à l’heure.
Thx4crying: En fait, à la base, quand j’ai créé tout ce projet de musique, j’ai créé mon skyblog en parallèle. Je me suis dit que ça serait un peu mon site internet quoi. Mais oui, c’était en 2019 ou 2020. J’ai posté plein de truc mais personne n’a trop commenté.
LFB : Est-ce que tu as des coups de coeur récents que tu as à partager avec nous ?
Thx4crying : Oui. Bien sûr. En vrai, Louise BSX. C’est pas un coup de coeur récent mais en même temps, j’admire tellement cette personne, sa musique, sa façon de créer et tout ça. J’ai tellement envie que ce soit la star de ce monde que voilà. Vraiment, Louise BSX, number one. Après, j’aime beaucoup THEA. Elle a joué dans des soirées Afterlife. C’est des soirées qu’on organise avec Louise, où on met en avant des artistes queer. Thanas aussi qui a fait un remix sur mon EP, qui est hyper productive. J’ai l’impression qu’elle sort une chanson par semaine sur soundcloud, en plus de préparer ses albums et tout. Vraiment, ces trois artistes, c’est la découverte d’une vie je pense.
Crédit Photos : Clara de Latour