Ornament : La nouvelle voi(x)e de Samba De La Muerte

La vie d’un artiste peut se voir de deux manières différentes. Si certains tracent une ligne droite sans jamais se défaire de leur idée de départ, d’autres empruntent un chemin plus sinueux, où les embuches et les changements marquent des évolutions surprenantes et bien souvent passionnantes. En véritable explorateur du son, Samba De La Muerte est de la seconde école et son Ornament le prouve à merveille. Une nouvelle voix au service d’une nouvelle voie, à la fois plus intime et collective, pour un résultat qui marche un nouveau chapitre brillant.

Une nouvelle voix…

Parfois, le hasard fait bien les choses. On n’est pas certain qu’il partage notre analyse, mais pourtant à l’écoute, on n’imagine que ça : Ornament porte bien son nom, car chaque pièce d’orfèvrerie sonore qui nous est proposée permet à la voix d’Adrien, et celles qui l’accompagnent, d’être ornée d’une manière subtile et différente.

Ce virage, celui d’un artiste qui se vit désormais comme un chanteur et qui ne voit plus sa voix comme une ligne mélodique, avait déjà pris corps précédemment, notamment sur des titres comme Lockdown Groove ou Park, elle est bien plus évidente dans les 11 titres qui composent Ornament.

L’idée avait grandi sur scène, elle prend désormais corps en album. Sur les 11 titres, c’est la voix qui est le guide des émotions, c’est elle qui montre le chemin, qui accroche en premier lieu nos oreilles attentives.

Qu’elle groove sur Memory, se mette en colère sur OCB, devienne évanescente sur Ornament, lancinante sur Sweet Lights ou joyeusement collective sur The Parade, Adrien, désormais maître de ses variations s’autorise tout avec une candeur et une tendresse qui ne peut que frapper nos cœurs. Elle trouve aussi une compagne de route absolument parfaite dans celle d’Hannah Jacobs de Peck, qui vient se mélanger, voire par moment confronter, au cours de l’aventure notamment sur la superbe 1989.

Le travail sonore autour de la voix est remarquable, puisqu’il créé une véritable symbiose avec les expérimentations musicales de Samba de La Muerte qui vont de la cacophonie jazz aux sonorités reggae de A Note et We Head For en passant par un esprit gospel assez emballant. Sur de sa force, Adrien s’autorise même, avec brio, l’exercice périlleux du piano-voix avec Day After Day, toutefois accompagné par d’autre voix, ici celle des oiseaux qu’il a enregistré en forêt.

La voix est donc le fil d’Ariane de cet album, celle qui relie tout, qui donne cohérence à l’ensemble. Elle est l’ouverture vers d’autres sujets qui habitent aussi Ornament.

… au service d’une nouvelle voie.

La création n’est pas un exercice facile, surtout quand elle est solitaire. Si la musique se partage, il faut pourtant avant tout la sortir et cela peut être douloureux. Si pendant longtemps Samba De La Muerte aura été le médium d’Adrien Leprêtre, ce n’est désormais plus le cas. Fini la solitude, place à la grande fête collective et comme il le dit si bien dans The Parade :  » I Want To Bring My Friends ».

Ce besoin collectif, il le met en place dans la façon d’enregistrer la musique mais aussi dans la façon de la créer. Ainsi, si les premiers pas sont solitaires, Adrien s’est rapidement tourné vers son camarade de scène Philippe Boudot ainsi que Nils Peschanski, moitié des excellents Global Network.

Une évolution nécessaire, comme une seconde naissance qui permettra aussi à Adrien de s’autoriser à creuser un sillon plus personnel dans les paroles, allant plus loin en lui même pour raconter ses souvenirs, ses colères et ses envies.

Ainsi, parfois antinomique, l’intime et le personnel se lie sur ses 11 morceaux chatoyants, pensés à plusieurs comme une aventure évidente qui s’écoute du début à la fin, de Memory à The Parade. Comme le dit si justement la pochette, Ornament est une aventure en 11 chapitres, un voyage varié, porté par une certaine urgence et une beauté organique qui nous emballe et nous secoue.

Étrange au premier abord, Ornament, qui donne son titre à l’album, est une pièce centrale évidente. En plus de venir faussement ralentir le rythme, elle est aussi celle qui laisse entrer le réel dans les morceaux, une sorte de cristal brillant dans laquelle se reflète toutes les couleurs et les idées qui vibrent sur les autres morceaux. Un poème court mis en musique pour mieux devenir le mantra musical de l’album.

Séparant les sonorités post-punk de Memory ou OCB pour laisser place aux inspirations reggae de A Note et We Head For, tout en traçant le chemin intime et apaisé de We Fade Away et Day After Day et laissant à The Parade le soin de terminer l’ensemble en énorme feu d’artifice joyeux.

Aventure autant humaine qu’intérieure, Ornament célèbre de manière brillante une premier décennie pour Samba de la Muerte. Au vu du talent et de la beauté qui envahissent chaque partie de ces 11 titres, on est prêt à signer pour 10 ans de plus en compagnie des caennais.

Retrouvez l’interview de Samba De La Muerte par ici

Bonus : Découvrez la version de 1989 par Samba De La Muerte en session pour La Face B :