Le quatuor Moloch/Monolyth dévoile un sublime nouvel album, How Strange Is It To Miss You When You’re Right Here Next To Me. Onze titres qui empruntent autant à la folk qu’au rock et à la pop. Onze titres pour dire le deuil, la mort, l’amour.
Illustration : Ita Duclair
Je me rappelle parfaitement lorsque j’ai entendu pour la première fois le nouvel album du désormais quatuor Moloch/Monolyth. C’était le 22 décembre, les vacances de fin d’année approchaient et je m’apprêtais à rejoindre le sud et la famille morcelée. Ces onze morceaux m’ont accompagné jour et nuit. Le matin dans la salle de bain ensoleillée, le soir tandis que je cherchais encore le sommeil.
Si à l’origine le groupe existait uniquement à travers la voix de Michaël, il s’est consolidé dès 2022 autour d’Ita (chant et batterie), Tony (guitare et chant) et enfin Alexandre (claviers et chant).
Un premier album en 2019, Naïve Stories, pour poser les bases d’une musique intimiste et universelle. How Strange Is It To Miss You When You’re Right Here Next To Me aujourd’hui pour évoquer la parentalité, le deuil ou encore l’amour. C’est la pop qu’on retrouve au sein d’Équipe de Foot, la poésie d’Ita qui illustre finement chacun des titres, les bruits d’enfants et les mots échangés. Un album entier, puissant et définitivement troublant.
Dès l’ouverture avec Even Better Now, c’est l’assurance d’être face à un grand opus. En guise d’introduction, comme pour ne jamais oublier l’important, Moloch/Monolyth raconte la parentalité, le bonheur intense d’être dorénavant trois dans cette aventure humaine incroyable. De ces quelques minutes, on ne retient que la douceur et l’amour à travers la voix de Michaël, seule et profonde.
Suns nous saisit et nous surprend, agrémentant les notes finales des pleurs d’un bébé, qu’on berce, délicatement, à travers la musique sacrée. Mais il faut attendre I Can’t Be Yours pour explorer entièrement le potentiel du groupe. Le morceau, déjà clippé (chroniqué ici), chante l’amour, celui qu’on célèbre et qui mérite d’être décrit. Ita et Michaël se répondent tandis que les chœurs se font aussi explosifs que fougueux. Puis, la batteuse conclut sur fond de piano en répétant quelques mots. « In my special place, we wait et we dance ». Quelques mots que l’on retrouvait déjà dans Suns. Comme si les mots pouvaient se superposer et se dissocier.
Mais s’il y a bien un titre qui dépasse, c’est bien How Strange It Is To Miss You When You’re Right Here Next To Me. Ita livre la vie et de sa voix tout à coup autotunée, dévoile la complexité des liens familiaux face au deuil et à la dépression. Susurrer alors un instant les liens qui nous unissent grâce aux claviers et aux percussions.
Avec The Best Life, il s’agit de créer un interlude joyeux. Où guitare et batterie s’associent avant de nous diriger doucement vers la fin de l’album. Voilà Clothes, Shoes,Wigs, Make-up, Nice Black Ties. Un titre en tension, faussement radieux et un brin cynique pour parler de la vie qui disparaît. Les chœurs, omniprésents, apportent vitalité et vigueur. Et si plusieurs fois le morceau semble se terminer, c’est pour mieux repartir. Vers une fin exaltée et clairement addictive. Où les dernières secondes laissent apercevoir l’envers du décor, les instruments qui se préparent et s’affairent.
Vers There’s Nothing After, qui poursuit la thématique de la mort et du vide qu’elle laisse derrière elle. Sans doute un de mes morceaux préférés (chroniqué ici). Passées les injonctions, « Don’t be cynical / Don’t be ironic / Don’t be evil ou encore Don’t be proud », Moloch/Monolyth évoque la sécurité que cela procure de croire en un possible « après ». Et si le sujet est de prime abord délicat, le morceau nous mène vers un final explosif et profondément vivant, emporté par des riffs électriques. Enfin, les dernières secondes nous rappellent la beauté du monde avec les éternuements du bébé Moloch.
Parfaite transition pour nous emporter vers Pure Innocence au rythme étonnant. Cordes tirées, chœurs solaires et chaleureux, explosion émouvante qui mériterait très certainement de s’entendre en live. Et tandis qu’on se rapproche doucement de la fin, A Nice Day At The Beach surgit. Lancinante. Michaël et les bruissements en fond, ceux qui nous laissent imaginer le bord de mer, les rochers coupants et les crabes qui se défilent. Celui qui parle presque, les synthés et la basse omniprésents, les percussions légères et la guitare qui donne l’air à fredonner. Michaël et Ita, sa voix rassurante, douce et chaude. Michaël et Ita qui chantent pourtant une histoire qui finit mal.
Finalement, I Will Leave You At Once conclut l’album. Un titre galvanisant, qui nous aide à faire face aux angoisses inexpliquées et éphémères. « Are you happy with your life ? » entonné d’une seule et même voix, profonde et convaincante. Finalement, les chœurs lumineux qui viennent éteindre le brasier, étreindre les cœurs. Et les notes qui se muent progressivement en un tourbillon noise, effacé par une pluie de pop doucereuse.
Avec ce nouvel album Moloch/Monolyth explore ainsi des affects universels, qui peuvent traverser un jour ou l’autre nos existences. Être confronté à la maladie, au deuil ou encore à la dépression. Ces sentiments qui donnent la sensation d’être empêtrés dans nos pensées noires. Ces sentiments qui peuvent finalement mener à une certaine lumière grâce à l’aide des copaines, de l’amour, de la parentalité ou de la musique. Surtout la musique de Moloch/Monolyth. Vibrante, émouvante et ancrée dans une réalité poétique et fugace. How Strange Is It To Miss You When You’re Right Here Next To Me c’est la sincérité poignante d’Ita et la justesse des mots de Michaël. Les claviers doux et joyeux d’Alexandre et les accords vifs et électriques de Tony. Ces onze titres traversent la vie et la réparent, la subliment. De ses manques, de ses fêlures. Ces onze titres apportent ivresse et sécurité, reconstruction et sérénité. Définitivement mon premier coup de coeur de l’année.