Le duo d’Oakland nous emmène dans un voyage introspectif sur l’amitié et le temps qui passe, dont on ressort avec un petit pincement au cœur et un grand sourire aux lèvres.
Un album conceptuel qui explore les relations à travers cet « ami sacré »
« Holy friend », sorti le 16 août, signe le retour du groupe de folk californien dog eyes, découvert un an et demi plus tôt avec « good, proper send off ». Avec ce deuxième album, le projet porté par Hailey Firstman et Davis Leach prend une nouvelle dimension. Un son plus mature et une écriture plus conceptuelle, qui nous entraînent dans des réflexions intimes et universelles sur les relations et le temps. Morceau après morceau, dog eyes dessine le portrait de cet « ami sacré » imaginaire, idéalisé dans nos yeux d’enfants, et sur lequel on pose un regard plus nuancé avec l’âge. À mesure que les années passent, l’idéal se confronte à la réalité et on est plus à même d’apprécier la beauté de l’imperfection.
Dans « crush », court morceau qui ouvre l’album, les voix du duo se dévoilent et se joignent en toute simplicité pour raconter les retrouvailles d’un amour de jeunesse. Le style lo-fi et l’ingénuité du texte n’est pas sans rappeler les Moldy Peaches. En quelques mesures, le ton est donné. On sort les Polaroïds et on se laisse emporter par cette vague de douceur, teintée de nostalgie et un brin rétro. Elle nous accompagnera délicatement jusqu’à la fin de l’été.
Une introspection sensible sur l’amour et l’amitié
« Firsts » aborde les premiers émois qui suivent une rencontre, les questionnements qu’ils suscitent et les espoirs déçus. (« Thought you were supposed to be a better guy than the last ones »). Il évoque aussi la recherche d’authenticité et de vulnérabilité . (« I don’t wanna get all nice dressed / Just want you to be soft like you said »). La ligne mélodique est partagée entre la voix cristalline d’Hailey Firstman et un piano vintage. Ce dernier apporte une touche de légèreté à ce morceau aux consonances indie pop.
Si le nom du groupe rappelle l’amour pur et inconditionnel d’un fidèle compagnon, « rusty, my dog » en est le miroir. Le morceau dépeint en effet l’animal à travers les yeux de l’humain. Le thème peut prêter à sourire, pourtant le tempo lent et le pouvoir évocateur des images – « I don’t exist outside of his big ears » – en font un morceau profond sur l’attachement à un être cher.
« Drive » nous embarque en « Sequoia » dans une introspection douce-amère, sur les routes californiennes bordées d’arbres du même nom. Le besoin de prendre le large est plus fort que tout dans ce morceau qui sonne comme une supplique. (« Just drive me so far / I forget how to tell where I am »). L’arrangement épuré permet à la voix de gagner en puissance au fil du voyage, à mesure que se démêlent les pensées.
On retrouve la candeur des deux premiers titres dans « fair ». Le titre nous plonge dans l’insouciance des relations enfantines, les promesses d’éternité tenues le temps d’un été. (« Living like we had forever / Knowing though it was fair weather »). En grandissant, les liens se défont mais on garde au fond de soi l’intensité des émotions passées, vives et réconfortantes : « Close your eyes see our heaven ».
Des influences pop-rock au service d’une intensité nouvelle
Retour à l’instant présent avec « moment », sorti le 16 juillet. Dog eyes s’y essaye – avec brio – à un son plus proche de la bedroom pop. Au-delà d’être l’un des rares titres à posséder une structure classique « couplet / refrain », il apporte une énergie nouvelle à travers un tempo plus marqué qui s’installe progressivement, ainsi que des synthés aux sonorités « eighties » qui s’accordent parfaitement à la tendre nostalgie de l’album. Il en résulte un morceau solaire et planant, qui donne envie de reprendre la route. De la côte cette fois-ci, et en décapotable.
Le bleu du ciel s’assombrit sans crier gare avec « nothing at all », le morceau le plus triste du projet. Il y est question de rupture et de deuil. Du vide créé par le manque, d’une douleur si forte qu’elle devient absence de sensation. (« Sensory deprivation / Nothing at all »). Le rythme de guitare électrique introduit un registre nettement plus rock. Il se répète en boucle, à l’instar des questionnements qui reviennent à la fin de chaque strophe sans trouver de réponse. « Am I gonna hear what you said », « Am I rolling with my eyes closed », « Do I wanna know what they meant ». L’autotune contraste avec le traitement plus naturel des voix dans le reste de l’album. Il participe à créer un son froid et dur – sans rien enlever à l’émotion.
Un atterrissage tout en douceur
L’espoir n’est heureusement pas loin, avec « go together » et « ties ». Les deux titres prennent la forme d’odes à l’amitié, aux connexions qui tiennent l’épreuve du temps malgré l’éloignement, les déceptions ou encore la mauvaise foi. (« I forgot college was always an easy excuse of mine »). Alors que l’album touche presque à sa fin, on prend de la hauteur. Il n’est plus question de relations fantasmées mais du réel. Imparfait, maladroit et vibrant.
Dans « go together », les voix du duo s’entremêlent progressivement, comme pour se donner de la force face aux épreuves. (« I’m broke down on the side of the road / You get the can and I’ll tie the rope », « Where she walks / I am »). La guitare qui accompagne le premier couplet s’enrichit au fil du morceau pour créer un son chaud et réconfortant.
C’est aussi l’effet que produit « ties ». Ce titre folk-rock met particulièrement bien en valeur la polyvalence vocale d’Hailey Firstman. Il se termine sur une jolie déclaration à demi-mot. « Well what if I like easy / And what if I like staying by your side ».
« Holy friend », qui clôt l’album, est un témoignage de gratitude adressé à cet ami imaginaire, et peut-être à travers lui aux relations passées et présentes qu’on porte en soi. (« I can’t win when you’re not there »). La boucle est bouclée avec ce titre teinté d’autodérision (« Holy friend we get it / You’re sacred and I’m aimless »). Il nous ramène un instant dans la naïveté de l’enfance et s’achève sur des mesures instrumentales, expérimentales et planantes.
On quitte « holy friend » le cœur léger, avec la sensation de s’être fait un nouvel ami. Celui-ci nous accompagnera bien après la fin de l’été et réchauffera nos soirées pluvieuses de sa folk ensoleillée.
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