Gwendoline : « La Cigale, c’était rassurant »

Le Printemps de Bourges 2025 était définitivement un passage obligé. Le duo Gwendoline était lui-même très surpris et nous, des enfants heureux comme à Noël. On a retrouvé Pierre et Mickaël le temps d’une entrevue sur la signature avec Born bad, la tournée en cours et les choix que ça implique, la langue française qui traverse les frontières. Bières sur la table, la pression ils la boivent plus qu’ils la subissent.

© Romane Leo Marsault

La Face B :  Salut les gars !

Gwendoline
Mickaël : Salut !

Pierre (après avoir posé sa bouteille de bière, tout sourire) : Salut !

LFB : Comment ça va ? Vous êtes frais ?

Gwendoline
Mickaël : Ça va, ça va.

Pierre : Ouais, plutôt bien.

LFB : Vous avez fait un grand pas récemment, vous avez signé chez Born Bad Record, qu’est-ce qui vous a convaincu ? Parce que vous auriez pu rester indépendants sans label, c’est faire le choix de se professionnaliser ?

Gwendoline
Pierre : L’engagement musical du label, le fait de sentir que c’était un label sans concessions qui allait se positionner sur l’album parce qu’il l’aimait bien et qu’il allait le défendre, bec et ongles, voilà, c’est rassurant de se sentir soutenus.

Ca permet aussi peut-être d’ouvrir d’autres horizons, au sens d’être mieux distribué, d’être un peu plus appuyé.

Mickaël : Clairement, ouais, même beaucoup plus. En fait, on ne savait pas trop ce que ça représentait aussi avant un label, on n’avait jamais vraiment eu l’expérience d’un vrai label aussi comme ça. Et en l’ayant fait, maintenant on voit aussi ce que ça représente peut-être en termes de tâches.

LFB : Tu l’as vécue cette expérience toi pourtant…

Gwendoline 
Mickaël : Non pas vraiment. Mais si tu veux, je n’ai pas vécu les trucs hyper établis avec de la promo, des choses plus professionnelles, comme tu dis. En tout cas, c’est sûr que ça met quand même un gros coup de pouce au groupe.

LFB : Le son sur l’album est beaucoup plus soigné que le premier. Peut-être dû au fait d’être désormais dans un label, un peu plus de moyens pour le faire ?

Gwendoline 
Mickaël : Ce n’est pas tant le label qui a fait que c’était plus perfectionné, c’était plus notre façon de faire qui a été plus soignée, on va dire. Parce qu’on a fait ça sur notre ordi.

Pierre : Et le plaisir de passer du temps à faire de la musique, pas plus à ranger, etc.

Mickaël : Ouais, ranger les dossiers dans l’ordi, des trucs comme ça.

Pierre : Plus d’allers-retours sur les chansons aussi. Pour le premier album, on a juste dit que c’était un album parce qu’il y avait neuf démos et que ça faisait un album.

LFB : J’avoue, j’avais tendance à l’appeler l’EP.  Pourquoi l’avoir intitulé C’est à moi ça quand il y a un vrai nous qui s’est créé derrière vous et qui a créé une attente maintenant ?

Gwendoline
Pierre : Ouais, ça c’était peut-être plus, justement, ça rejoint ce qu’on a dit juste avant, c’est peut-être né de la sensation de l’avoir fait nous-mêmes, par nous-mêmes, pour nous-mêmes, malgré tout.

LFB : Nous, pourtant.

Gwendoline 
Pierre : Ouais, nous deux. Du coup, C’est à moi ça, c’est Gwendoline qui le dit. Cette chose de ne pas s’en sentir dépossédé, de ne pas avoir à faire de concessions pour satisfaire les attentes, justement, peut-être d’un label ou d’un public, etc.

LFB : Vous avez opéré un gros tri, j’imagine, pour choisir les titres de cet album dont Conspire qui était super attendue. Comment on fait pour choisir, vraiment, pour le live ? Vous avez dégainé 1 new 2 pc à la Cigale par exemple. Elle me tue cette chanson. Elle n’est pas sur l’album mais conservée en concert. Elle plonge le public dans une noirceur, je pleure. Pourquoi vous l’avez, par exemple, choisi pour le live et pas pour l’album ?

Gwendoline
Pierre : On l’a sortie avant l’album. On a fait un EP digital. Sans contact, d’ailleurs. Ouais, et du coup, je ne sais pas, l’idée de remettre des trucs dans l’album.

Mickaël : Moi, je voulais, je crois.

Pierre : Ouais, et Loin de moi aussi tu voulais mettre.

Mickaël : Bon, et c’est qu’il y avait autre chose, et puis, il fallait faire du nouveau aussi. Et on s’est dit, bon, non, ok, quitte à sortir un album, autant faire dans la nouveauté.

LFB : Justement, comment vous avez choisi les titres qui allaient être dans le live ? Parce qu’il y avait quand même l’idée de faire de la promo de l’album. Donc, de faire un mix des deux, à la fois pour retrouver votre public de fidèles qui vous connaissaient depuis 2021, voire en 2023 pour les derniers.

Gwendoline 
Mickaël : Alors, le choix, il s’est fait surtout en commençant à bosser pour le live. C’est-à-dire que quand on a testé certains morceaux en les jouant, ça ne marchait pas vraiment déjà. Pour certains, on a fait un peu notre choix comme ça.

C’était un choix pratique aussi, beaucoup. Mais on a essayé quand même d’en mettre une majorité du nouveau.

Pierre : Puis on aime bien quand même les lives où il y a possibilité de se retrouver avec les gens à scander des choses, etc. Quand tu as des formats un peu plus pop avec des refrains sur lesquels se raccrocher, machin.

Alors que, par exemple, si on prend Le sang de papa et maman, je ne sais pas, on aurait galéré à jouer en live. Le truc que ça met, ce n’est pas la même ambiance non plus. On aime bien quand même les trucs où le public est un peu à fond pour le live.

LFB : Mais le public qui est à fond, ce n’est pas prendre le risque qu’il vous demande des titres, que vous changez toute la setlist parce que, justement, il y a de la demande qui se crée ?

Gwendoline
Mickaël : En fait, on ne répète pas. Et de fait, le problème, c’est que l’on fait un peu des blocs de travail, genre pour un an et on met un peu en place un set. C’est un peu compliqué pour nous, techniquement, même avec nos boîtes à rythme et tout. Ça demande, en fait, un travail de remix pour le live et tout, donc ça n’est pas trop possible, dans le sens où c’est un peu compliqué, techniquement.

Pierre : Ouais, on chasse des morceaux, on s’arrête sur l’idée qu’on va les travailler, et puis après, on peut les mettre dans l’attente qu’on veut, mais il n’y en a pas non plus.

LFB : Et l’album, en l’occurrence, pourquoi ne pas avoir conservé certaines de Sans contact dessus ? Ca ne vous plaisait pas ?

Gwendoline 
Pierre : Si, la preuve, on en joue une en live, ouais. Non, je crois que c’était l’idée de juste dire qu’on faisait un truc nouveau. C’est cool d’avancer.

Mickaël : Déjà qu’on joue des morceaux du premier, c’était peut-être bien aussi de dire que l’on défend aussi le deuxième album, finalement, parce que si on commençait à mettre des morceaux de l’EP, en plus, ça diminuait encore un peu la setlist… Donc c’était peut-être un peu dommage, c’était plus un choix aussi, voilà, de l’avancement, comme dit Pierre, on avance et puis on défend une nouvelle chose.

LFB : Sur la tournée, vous avez eu différents types de salles, une Maroquinerie, une Cigale, c’était complet dans les deux cas. Vertigineux, je pense, quand on n’avait pas l’intention de faire ça professionnellement. Comment vous le vivez, ça ?

Gwendoline 
Pierre : Ça va, c’est chouette de voir qu’il y a du monde aux concerts. La Cigale, c’était rassurant, quoi, après coup, de voir le public à fond.

Mickaël : On a quand même appris à vivre le truc avec beaucoup de légèreté, au vu de l’historique du groupe, comment il s’est fait. Et aujourd’hui, en ayant vu un peu tout ce qui est l’arrière-scène, savoir un peu gérer la pression, de tout ça, le nombre aussi de dates qu’on a faites, on a réussi à avoir moins de pression et moins d’angoisse. Voilà, de jouer devant des gens, devant plus de mille personnes, c’est déjà beaucoup, quoi, quand on commence un peu à en faire. Mais la Cigale, oui, c’était trop, trop bien !

LFB : Vous avez gardé la scénographie karaoké du début de Gwendoline, vous allez la garder sur le long terme ? J’étais très contente que vous la gardiez, mais vous pensez que vous allez réussir à la garder sur des grosses dates ?

Gwendoline
Pierre : Je ne suis pas sûr qu’on fera beaucoup plus gros. Justement, la Cigale, c’est quand même un peu la sensation de toucher un peu la plafond de verre, c’est quand même un truc qui n’est pas non plus ultra accessible. Je suis pas sûr qu’un jour, on aurait les moyens d’avoir une scéno immense, etc. et qu’on en ait l’envie non plus, je ne sais pas. Mais l’idée de la vidéo, c’est sûr, c’est cool. Déjà, à la base, on l’a fait parce que ça nous protégeait, je pense, ça nous permettait de ne pas avoir tout le temps les regards fixés sur nos corps en mouvement ou non, sur la scène. C’est plutôt agréable. Après, ça pourrait évoluer, ça pourrait être plusieurs diffusions ou sur des panneaux métalliques ou j’en sais rien, ouais.

Mickaël : C’est une question aussi de budget et des trucs, c’est vrai qu’après, l’écran, je pense qu’on y est attaché par la suite, je pense que l’on serait capables complètement de continuer avec l’écran. Enfin, moi, j’aimerais bien, je pense. Parce que dans nos personnalités, on aime aussi ne pas être trop mis en avant. Et puis, on aime bien le fait que les gens puissent voir aussi une sorte de fil conducteur en visuel, c’est chouette, je pense.

LFB : Pour le coup, vous avez aussi sur cette tournée joué à l’international et là, je parle vraiment en dehors des frontières. Vous avez joué notamment au Pays-Bas. Comment est-ce que le public vous a accueilli ? Sachant qu’il passe quand même à côté de vos textes, vous tapez fort en français, ce qui est quand même un créneau d’engagement fort et je vous remercie de le faire. Je pensais notamment du fait qu’ils passent à côté de vos textes, eux, ils ont vécu la musique à fond, sans doute. Chez Tsugi, vous parliez d’un groupe allemand qui fait sensiblement la même chose que vous. Je vais écorcher leur nom : Steintor Herrenchor.

Gwendoline
Pierre : Oui, oui, je pense que c’est plus ou moins ça.

LFB : Eux, j’ai l’impression, même si je ne comprends pas l’allemand, ils scandent un peu les mêmes choses que vous, le fond est vraiment un mal être sociétal dans son ensemble. Comment on fait pour affirmer son identité, son projet par la langue, mais en se disant qu’on veut véhiculer le projet à l’étranger ?

Gwendoline
Pierre : Je pense que quand tu écoutes un truc en anglais, tu es sensible à l’interprétation et tu sens ce que quelqu’un raconte… Si tu fermes les yeux et que tu as une intonation d’une voix, quelle que soit la nationalité, en fonction de l’intonation, de la rapidité entre les mots, etc.

Tu vas réussir à quand même capter un peu sur quelle émotion aller, sur quel ton on est en train de discuter.

Je pense que clairement, si tu fais face à quelqu’un qui chante dans une autre langue, en fonction de son interprétation, tu sens un peu quand même ce qu’il veut te dire.

Mickaël : Par exemple, c’est aussi entendre une musicalité de voix qui te plaît, et c’est pour ça qu’on a beaucoup écouté de musique anglaise, parce qu’il y avait beaucoup de musicalité dans les voix, dans les lignes de voix, c’était comme des instruments, finalement. Et tu écoutes un peu la voix comme l’intention, la ligne mélodique de la voix.

Pierre : Tu vois King Krule ou Sleaford Mods, ce genre de trucs, moi, je ne bite rien à ce qu’ils racontent mais je ressens des choses et je me fais mon histoire dessus.

Mickaël : Il y a un groupe, là, aussi, de rock britannique, ils bossent tous à l’usine. C’est hyper bien, ça joue la Route du Rock, encore, là, cette année. Enfin, ça a joué, je ne sais plus comment ça s’appelle.

Pierre : Je ne sais pas, justement, si c’est intéressant, parce que ça veut dire qu’on peut dépasser juste ce truc du texte, et que finalement, est-ce que ce n’est pas des fois plus l’interprétation, le ton. On se rattache un peu à ça aussi. La musicalité des voix…

LFB : Je vais prendre un exemple de groupe pour le groupe Taxi Girl qui, pour moi, se ressent un peu dans certains morceaux. Et pour le coup, tu vois, on va s’attacher autant à la musique qu’à ce qu’ils racontent,  Taxi Girl a eu ce problème d’être très cloisonné en France. Je ne vous demande pas de chanter en breton non plus, faut pas déconner.

Gwendoline
Pierre (sourire) : Oui, en plus on ne sait pas parler en breton.

LFB : On est au Printemps de Bourges, qu’est-ce que ça évoque pour vous ?

Gwendoline
Mickaël : Je ne sais pas… C’est un endroit où il y a beaucoup de gens, de professionnels de la musique, qui peuvent potentiellement nous programmer dans d’autres choses. C’est assez intéressant. C’est quand même un festival que l’on connaît depuis longtemps, c’est chouette. C’est un peu comme les Trans’, c’est des lieux, c’est un peu le marché aussi de la musique.

Pierre : Moi c’est des trucs où on pensait que c’était des portes qu’on pensait être fermées pour nous, mais c’est marrant d’être arrivé là. Il y a trois ans, je ne l’aurais pas cru…

Mickaël : C’est clair.

LFB : C’est donc ça de se professionnaliser ?

Gwendoline
Mickaël : Il faut croire, oui (sourire)

LFB : Enfin, est-ce que vous avez des recommandations culturelles en tout genre, que ce soit littéraire, que ce soit musical, cinématographique ? Tu parlais d’un groupe, ça t’est revenu ?

Gwendoline
Mickaël : Je ne sais plus. Pourtant c’est évident, c’est un truc que l’on écoute tout le temps. Le morceau c’est Come and see, c’est leur tube… C’est un gros trou là, c’est l’enfer. Protomartyr !

J’ai découvert aussi un groupe qui s’appelle Sales. Qui est super sympa. Le morceau Ivy, il est trop bien. C’est très doux. Voilà, j’ai découvert ça. Le dernier album de Yann Tiersen, ça aussi, trop bien. Après je ne vais pas aller creuser plus loin.

Pierre : Je viens de finir le livre Fuck Up, mais je ne sais plus qui l’a écrit… Ah si, Arthur Nersesian ! C’est un peu un classique américain en tout cas. C’est intéressant. Pourquoi pas à lire. Ça se rapproche vachement de ce qu’on écrit en fait. C’est un peu dans la lignée de Bukowski.

A (re)lire aussi :
> Notre chronique de C’est à moi ça
> Notre chronique de l’EP Sans contact
> Notre première rencontre avec Gwendoline

Retrouvez Gwendoline sur Facebook et Instagram

Laisser un commentaire