Après la sortie de son album Journal d’un Loup-Garou le 24 janvier 2025, Lou-Adriane Cassidy s’est dit, qu’entre de la promo et une tournée qui s’en venait, qu’elle avait sûrement le temps et l’énergie de sortir un AUTRE album, Triste Animal, le 6 mai 2025, soit 3 mois après. Il y a vraiment des personnes qui ont une énergie et un talent débordant. À l’occasion de son passage aux Francos de Montréal, on a pu discuter un peu avec elle de ces deux albums, de comment ça va et de ce que les deux disques signifient pour elle.

La Face B : Salut Lou-Adriane, comment ça va ?
Lou-Adriane Cassidy : Ça va super bien. En cette période de reconnaissance, j’essaie d’être présente dans tout ce qui arrive dans ma vie.
LFB : Ça tombe bien que tu dises ça. Si on devait ouvrir ta valise émotionnelle du moment, on trouverait quoi dedans ?
Lou-Adriane Cassidy : De la fierté. Beaucoup de fierté. Beaucoup de peur aussi.
Parce que déjà, je suis quelqu’un d’assez anxieux. Puis dans des périodes où tu reçois beaucoup, tu prends vraiment conscience du fait que c’est fragile. Fait que je dirais, les deux en même temps. Donc beaucoup de fierté et beaucoup de reconnaissance d’être si bien entourée, d’avoir construit une grande famille au cours des dernières années de ma carrière.
LFB : Avant de parler des albums, je vais te poser une question que j’ai aussi posée à Ariane Roy il n’y a pas longtemps. Vous avez fait une grosse tournée à trois, et toutes les deux, vous avez sorti juste après un nouvel album. Et justement, ce travail collectif, qu’est-ce qu’il a apporté à ta musique ? Et aussi, est-ce qu’il y avait une nécessité de te retrouver et de recréer quelque chose de nouveau toute seule ?
Lou-Adriane Cassidy : Il y avait la nécessité de peut-être se prouver qu’on pouvait exister seuls, en fait. Ça a été pour nous, avec Le Roy, la Rose et le Lou[p], un peu le premier pas dans une espèce de vraie grande validation au Québec et dans ce qu’on faisait.
L’enjeu à trois, il est tellement partagé que tout devient un jeu. Tout devient vraiment le fun. Mais on partageait aussi tous les sentiments négatifs. On avait peur de se retrouver seuls, de faire face aux regards extérieurs.
Ça nous a aussi beaucoup apporté. Je pense que l’esprit de communauté qu’on a construit restera toujours. C’est une équipe, dans le fond, qui reste présente. Je joue avec Thierry Larose, Thierry joue avec moi. On partage plein de musiciens. Mais je pense que ça nous a aussi apporté une grande confiance dans ce qu’on était capables de faire, de susciter aussi aux yeux des autres, du public.
Puis une confiance qu’on avait un message à porter, qu’on avait envie qu’il soit entendu, sur notre capacité d’être des artistes québécois, notre ambition, tout ça.
LFB : Et donc tu ne reviens pas avec un, mais deux albums. Tu dis qu’il y a un concept de loup-garou derrière l’un d’eux. Mais est-ce que t’as pas l’impression d’être un serpent qui fait sa mue à chaque nouvel album ?
Lou-Adriane Cassidy : C’est une belle image ! Je pense que j’aime jouer avec ça, j’aime jouer avec les attentes, j’aime surprendre mes propres attentes. Je n’ai pas envie d’aller là où on m’attend nécessairement. Je trouve que je fonctionne beaucoup en réaction, créativement parlant. Je trouve ça intéressant. Je trouve que de se donner des défis, surtout après des réussites, de savoir que t’as réussi à accomplir quelque chose dont tu avais vraiment peur de ne pas être capable de terminer, c’est tout le temps très le fun.
LFB : Est-ce que tu serais d’accord pour dire que Journal d’un Loup-Garou, c’est un peu une comédie musicale ?
Lou-Adriane Cassidy : Ah ! Il y a des influences, je comprends ce que tu veux dire. Ça fait partie de moi, les comédies musicales comme Starmania, j’écoutais ça pour m’endormir, et aussi Les Misérables, quand j’étais ado. Je pense aussi au côté cinématographique de mon album, qui ramène à la comédie musicale. Je pense que c’est plus inspiré du cinéma que de la comédie musicale, mais j’accepte, j’embrasse la comédie musicale !
LFB : Il y a une personne tout au long de l’album, mais il y a aussi un truc très grandiloquent, qui n’y avait pas forcément dans ta musique avant.
Lou-Adriane Cassidy : Je voulais me permettre ça aussi dans les arrangements, m’éclater dans tout ça, et me permettre des grandes expositions, des grandes nuances.
LFB : En fait, c’est un album où les sentiments sont exacerbés.
Lou-Adriane Cassidy : C’est un peu adolescent, dans le côté très à fleur de peau, et dans le spectacle aussi, je pense. Pendant longtemps, ça n’a pas été à la mode de se prendre au sérieux dans la musique au Québec. Mais aujourd’hui, on dédie notre vie à ça, on essaie de dire des choses, de transmettre des grandes affaires. Il faut aller jusqu’au bout.
LFB : Par opposition au côté très grand, il y a aussi un côté très petit qui va aussi avec l’idée du journal, de quelque chose de très intime. Je me demandais si c’était 100 % toi, ce que tu racontes, ou si t’avais créé une espèce de miroir musical et poétique pour cet album.
Lou-Adriane Cassidy : Cet album-là, particulièrement, c’est beaucoup moi. La chanson Prière quotidienne a été plus poussée, et un peu plus extrapolée, mais en général, pour toutes les chansons, je me suis beaucoup inspirée d’éléments dans ma vie, de personnes dans ma vie, d’enjeux que je vis. C’est sûr, en les romantisant un peu, dans la façon d’en parler, en faisant un peu des parallèles avec de grandes histoires, des contes, des films de mon enfance, mais ça reste que cet album-là est très proche de moi.


LFB : Et justement, à côté du journal, il y a le loup-garou. Qu’est-ce que cette figure fantasmagorique de films, elle t’a apporté, et qu’est-ce que t’es allée chercher là-dedans, justement ?
Lou-Adriane Cassidy : Cet élément-là, premièrement de fantastique, puis de ces créatures dont l’idée est plus grande. C’est un imaginaire collectif très fort pour nous tous. Pour moi, il y avait aussi l’idée de jouer entre la victime et le bourreau.
C’est un album qui parle beaucoup de l’abandon que j’ai subi à l’adolescence de mon père, mais en même temps, je me positionne un peu comme ce prédateur-là. C’est comme jouer sur ces deux tableaux-là : Lequel est-on ? Est-ce qu’on devient l’un parce qu’on a été l’autre ? Ce questionnement-là aussi de est-ce que c’est moi le monstre ? Est-ce que je suis le chaperon rouge ou plutôt le loup-garou ? C’était beaucoup ça, la trame narrative de tout cet album.
LFB : Un peu entre cercle vicieux et remise en question en même temps.
Lou-Adriane Cassidy : C’est ça. Est-ce que, dans le fond, t’as un peu le doigt dans l’engrenage ? La dernière chanson de l’album, 16 ans bientôt 30, c’est un peu de ça dont ça parle. C’est cette espèce d’état d’entre-deux constant, de plus jeune avoir voulu être plus vieille, puis plus vieille rester dans sa nostalgie de la jeunesse. Arriver à sortir de cet espèce d’état latent-là.
LFB : Le loup-garou, finalement, c’est un monstre qui n’en est pas un, c’est une personne qui subit un peu les horreurs qu’elle peut faire, parce qu’en plus, le loup-garou lui-même ne se souvient pas de ce qu’il a fait quand il est loup-garou.
Lou-Adriane Cassidy : Il subit la transformation même, il s’est fait mordre lui-même, il a été attaqué, il n’a pas demandé à être comme ça.
LFB : Oui, c’est une transmission de l’horreur un peu.
Lou-Adriane Cassidy : Oui, c’est aussi quelque chose sur la transmission.
LFB : Justement, est-ce que t’as l’impression d’avoir réparé certaines choses de ton existence avec cet album-là ?
Lou-Adriane Cassidy : Je pense que oui, mais que je n’aurais pas du tout pensé ça au moment où je l’ai écrit. Je n’ai pas cette idée-là de la création réparatrice. Je n’avais jamais eu vraiment cette perception-là de l’écriture, puis je l’ai pourtant vraiment vécue, notamment par rapport à tous ces enjeux-là, par rapport à mon père. Oui, j’ai été apaisée, ça a calmé quelque chose que je ne savais même pas qui était tant que ça à vif. Finalement, ça a fait ressortir beaucoup de choses. La poussière s’est déposée, comme on dit.
LFB : Parce qu’il y a la figure du père, mais il y a aussi une vision de l’industrie du spectacle qui est nourrie, qui détruit. Il y a l’amitié, qui est en même temps de l’amitié et en même temps de la compétition. Il y a le féminin aussi.
Lou-Adriane Cassidy : Oui, beaucoup de choses. C’est drôle parce que je pense à Je pars en vacances, je faisais le spectacle sur la grosse scène des Franco, tout le monde chantait les paroles et dedans je dis “De toute façon, personne t’écoute si c’est pas un cover des Colocs”. Je me trouvais drôle dans mon cynisme. Mais oui, paradoxalement, ça m’a peut-être fait sortir de cet état adolescent-là un peu. Je ne dirais pas que je suis une personne nouvelle, mais ça a contribué à la transformation.
LFB : Même le morceau sur Ariane qui est très beau, mais qui est en même temps teinté d’un peu de noirceur sur certaines choses.
Lou-Adriane Cassidy : C’est très transparent par rapport aux enjeux qu’on peut vivre l’une par rapport à l’autre, et en même temps, l’amour infini qu’on a l’une pour l’autre aussi. C’est pour ça que je trouvais ça vraiment émouvant qu’elle vienne la chanter avec moi samedi aux Francos. C’était vraiment étrange de dire à ma meilleure amie que j’aime, qui est sur scène “Tu le sais, je voudrais toujours tout gagner”. J’étais tellement émotive ! Ça m’a beaucoup touchée.
LFB : On a le son qui est aussi très important. Est-ce qu’il y avait une recherche presque obsessionnelle dans la création musicale de cet album-là ? Une ambition qui a pu te nourrir, mais qui aurait pu aussi complètement détruire ce que tu as cherché à faire ?
Lou-Adriane Cassidy : Oui, je pense qu’il y a un risque quand on passe autant de temps sur un album, il y a une recherche presque maladive. Je pense que j’étais bien entourée aussi.
Je pense à Alexandre Martel, qui réalisait, qui a coécrit tous les textes avec moi, et qui était vraiment le phare dans tout ce processus-là. C’est quelqu’un d’extrêmement méticuleux, mais qui sait aussi quand s’arrêter. Il a vraiment cette qualité-là de voir toujours la direction. Fait que oui, c’est une peur que j’avais.
Je pense que seule je me serais certainement perdue, mais j’étais très bien entourée. On a fait attention aux détails, mais on ne s’est pas perdus, et je suis très fière de ça.


LFB : Le fait de travailler avec les mêmes personnes depuis trois albums, quatre même maintenant, est-ce que ça aide dans la compréhension de ce que toi, tu veux faire et qu’ils te poussent aussi à aller plus loin dans l’ambition de ta musique ?
Lou-Adriane Cassidy : Vraiment ! Premièrement, on évolue ensemble, c’est ça qui est magnifique parce qu’on part d’une place pour aller plus loin ensemble. Je réécoutais une session live qu’on avait faite pour mon premier album, et je me disais “On vient de loin”. Ça a toujours été des musiciens incroyables, mais je vois qu’on a vraiment grandi ensemble.
Ils m’ont aussi pris sous leur aile quand je commençais et que je n’avais aucune idée d’où je m’en allais. Je pense qu’on peut même aller plus loin parce qu’on se comprend déjà. Par exemple, j’écoutais un documentaire sur Wes Anderson parce que lui, c’est une équipe où ça fait 20 ans qu’ils travaillent ensemble et c’est une machine bien huilée, ils savent où ils s’en vont. Je ne suis pas en train de me comparer à Wes Anderson [rires]. Je veux juste dire qu’on a ça, cette force d’équipe-là. On sait où on s’en va.
On a confiance en la capacité des autres. On connaît nos propres faiblesses. On connaît les forces des uns et des autres. On sait ce qu’on peut pallier et construire le noyau le plus solide possible. Je veux continuer comme ça, mais je comprends que ça puisse être un risque parfois quand tu as toujours une même équipe, de t’enliser dans ce confort-là. Mais il y a quand même plusieurs générations différentes, il y a souvent des nouvelles personnes qui s’ajoutent, on essaie de brasser la cage. On ne veut pas rester pogné dans nos vieilles chaussettes, dans nos vieilles pantoufles.
LFB : Vous vous tirez tous et toutes vers le haut, en fait.
Lou-Adriane Cassidy : On essaie, en tout cas, pis je ne sais pas. On va voir. Les années nous le diront aussi. On n’est jamais à l’abri de rien, mais on essaie.
LFB : Tu as fait ton lancement au Théâtre Beanfield avec une scénographie incroyable. Est-ce qu’on va revoir ce show avec la même configuration un jour ?
Lou-Adriane Cassidy : Malheureusement non. C’est un spectacle qui devait exister seulement deux fois. Finalement, on a fait une supplémentaire à Montréal, on a pu le faire à Sherbrooke, il y a des festivals qui l’ont acheté, mais on doit l’adapter parce que le montage, c’est comme 5 heures. Même sur la grande scène des Francos, on avait maximum 3 heures incluant le test de son, donc ce n’est pas possible. Mais ça va être un nouveau spectacle qui va prendre la route.
Oui, j’ai un deuil parce que c’est un spectacle qui m’a beaucoup apporté et que j’ai eu beaucoup de plaisir à faire. Cette ambition-là aussi au Québec, c’est quelque chose de rare et on a réussi à atteindre nos objectifs. Je ne pensais pas que ça allait se faire parce que même monétairement, c’est coûteux. Je ne pouvais pas ramener ça en Abitibi, par exemple.
Donc, on va faire un autre spectacle et on le veut tout aussi ambitieux, mais peut-être juste d’une façon différente et moins dans la scénographie et plus peut-être dans la mise en scène, dans les arrangements des chansons.
LFB : Justement, en janvier, quand tu faisais les entrevues pour Journal d’un Loup-Garou, tu disais : “Je fais deux shows, je pars en vacances.” Quatre mois après, tu sors un nouvel album.
Lou-Adriane Cassidy : Mais ça, c’était une blague le “je pars en vacances”, je savais que l’album s’enchaînait. Je restais mystérieuse. Mais l’album s’est fait quand même rapidement, un peu de façon incongrue. Mais j’avoue que quand Journal Loup-Garou est sorti, je savais que j’avais Triste Animal qui était déjà enregistré, et je savais qu’il y avait la tournée aussi.
LFB : Des cachotteries, quoi !
Lou-Adriane Cassidy : Mais comme je dis, c’est un autre spectacle aussi qu’on va tourner. Le spectacle Journal d’un Loup-Garou, c’est quelque chose qu’on aura très peu fait et qui va garder de sa rareté. On n’a même pas de captation !
LFB : C’était quoi l’impulsion qui t’a poussée à sortir ton album surprise Triste Animal aussi vite après ? Et où est-ce que tu as trouvé le temps de le faire ?
Lou-Adriane Cassidy : On en parlait tantôt de l’hyper-méticulosité de Journal d’un Loup-Garou et de ce travail d’orfèvre. Je dirais que ça m’a donné cette impulsion-là d’aller complètement ailleurs.
J’avais déjà commencé à écrire la chanson Adieu, puis Stéphane Lafleur du groupe Avec pas d’casque m’envoyait des chansons parfois par-ci par-là au cours des dernières années, mais qui ne fonctionnaient pas avec l’esthétique de Journal d’un Loup-Garou. Mais c’est quand même un auteur-compositeur que j’admire beaucoup, et j’avais envie de leur donner leur vie. On dirait que le mélange de tout ça a donné l’idée de faire un album très organique. Je ne sais pas quel autre mot utiliser, mais justement qu’on allait, tous les musiciens, enregistrer ensemble dans la même pièce, y compris moi, les choristes. C’est un album avec beaucoup de voix, avec des arrangements beaucoup plus minimalistes, mais aussi justement une chaleur et un esprit de groupe. Le concept est venu avant l’écriture, en fait, de faire ce type d’album-là, et d’avoir très peu de temps pour l’enregistrer.
J’ai même booké le studio un mois avant, je pense, j’avais trois chansons et il fallait un album au complet. Je me suis un peu mise dans une situation inconfortable. C’est comme ça que j’ai trouvé le temps, dans le fond. Souvent, c’est comme ça que je fais, j’ai besoin d’avoir un deadline. Je suis allée deux semaines au Pantoum, un studio à Québec, dans un petit local. Je me suis infligé ça, mais je pense que j’aime ça, être un peu sous pression. Je pense que j’aime me confronter à la limite de l’inconfort. Mais là, je pense que c’était plus que la limite ! J’ai même failli annuler le studio peu de temps avant. Mais on l’a fait, on a réussi ! C’était ma plus belle expérience de studio à vie, cet album-là, parce que justement, le fait d’être tout le monde ensemble, il y avait vraiment un esprit d’équipe. Ce n’était pas une question de trouver les meilleurs sons, les meilleurs arrangements. Ils étaient tous déjà trouvés. Donc, c’est juste comment on joue le plus possible, de trouver la meilleure technique de voix, la meilleure musicalité, la meilleure nuance… Ça nous a vraiment fait du bien de tout lâcher, on a eu beaucoup de plaisir.
LFB : Ça vient d’où le nom de ton album Triste Animal ? Est-ce que c’est une continuité d’un loup-garou qui devient triste ? Ou un peu comme une espèce de Face B du loup-garou ?
Lou-Adriane Cassidy : C’est l’idée de Thierry, Triste animal, parce que c’est une des paroles de Jamais tout à fait. C’est venu après qu’on a écrit la chanson. Je parle beaucoup de ma constante insatisfaction dans cet album-là. Je trouve que l’album en lui-même incarne un peu ça. Du fait qu’il est sorti si rapidement, de cette espèce de volonté d’en vouloir toujours plus, de toujours vouloir se prouver quelque chose à soi-même. C’est dans ma nature, ce côté-là, dans mon instinct. Je trouve qu’on est autant victimes de nos conditions et de nos instincts que les animaux. Je me mettais un peu dans cette position-là. Il y a quelque chose de triste de se mettre soi-même dans une boîte, je ne sais pas pour quelles raisons on fait ça. Cet album, pour moi, n’est pas nécessairement triste, mais il parle beaucoup de solitude, il parle de deuil.
LFB : C’est un peu comme une catharsis après Journal d’un Loup-Garou ?
Lou-Adriane Cassidy : Oui, on dirait que ça parle un peu de l’après Journal d’un Loup-Garou. Paradoxalement, même si je l’ai écrit avant, il y a beaucoup de chansons qui prennent un
nouveau sens en le réécoutant après.
LFB : Tu vas aussi chercher des styles musicaux complètement différents. Je pense aux sonorités de bossa nova, de salsa… Et surtout, la voix est beaucoup plus mise en avant sur cet album-là, elle est moins noyée dans les orchestrations. Est-ce que c’était une volonté de répondre de la même manière que dans les thématiques, à ce qui avait été fait avant ? D’aérer un peu la chose ?
Lou-Adriane Cassidy : Oui, vraiment. Je pense que c’est pour mettre en avant d’autres aspects.
C’est toujours quelque chose qui m’intéresse, d’explorer l’éventail de ce que je peux faire, tout en restant moi-même. Jusqu’où on peut aller pour que ce soit nous-même, mais que ce soit quand même ailleurs. Je pense que se mettre en danger dans l’interprétation… Pour moi, c’était quand même confrontant, honnêtement, faire ces voix-là, live, avec tous les musiciens, qu’elles soient aussi présentes, qu’il n’y ait pas d’artifice, ne pas prendre des petits morceaux et faire la meilleure version. Il faut se dire que la beauté est dans cette imperfection-là, mais quand c’est pour soi-même, c’est dur de voir cette beauté. Ça a été confrontant, mais c’était ça aussi l’exercice.
LFB : J’ai l’impression que sur les deux albums, mais d’un point d’entrée différent, il y a une esthétique très 70-80 dans les enregistrements mais à la fois avec des choses presque électroniques, progressives, très amplifiées. De l’autre côté, il y a des choses très brutes et très directes, dans une musique qui est très collective.
Lou-Adriane Cassidy : C’est vrai, mais il y a toujours cette idée-là de collectivité. Je ne sais pas si je dirais qu’il y a une esthétique 70-80 pour Journal d’un Loup-Garou. Mais le côté progressif, on m’en parle souvent. Je sais que ça ressort. Même si je n’en ai pas trop écouté dans ma vie, j’aime trop ça, les petits chants, les petites twists d’accords et de métriques et tout ça. J’aime ça aller chercher les affaires là-dedans. Je dirais que j’aime beaucoup m’inspirer de plein d’éléments de plusieurs décennies et styles différents. C’est là que je trouve mon terrain de jeu.
LFB : J’ai une question de Français. Dans Journal d’un Loup-Garou, tu dis “j’ai conquis la France”, est-ce que tu as toujours la volonté de t’étendre sur les territoires européens et surtout, comment tu te vois présenter cet album-là ? Parce que tu ne peux pas le présenter comme tu le présentes ici.
Lou-Adriane Cassidy : Déjà, c’est ironique quand je dis ça, je ne veux pas qu’on me prenne pour ce que je ne suis pas. Ensuite, oui. J’ai la volonté de faire voyager ma musique le plus possible. Je pense que je suis quelqu’un avec beaucoup d’ambition. Je pense aussi que je suis quelqu’un qui valorise beaucoup ce que je construis en ce moment au Québec et je veux nourrir ça. Par le passé, moi et beaucoup d’artistes québécois sommes tombés dans le piège de vouloir tellement conquérir un territoire qui ne veut souvent pas nécessairement le plus de notre musique, et de perdre énormément d’argent et d’énergie dans cette démarche-là.
Je ne veux pas l’Europe à n’importe quel prix. Je ne veux pas que ce que je construis ici en pâtisse. Mais en même temps, j’adore aller en France et j’aime les Français et pas juste la France, la Belgique, la Suisse… Je suis très ouverte à y aller. S’il y a vraiment un intérêt, ça va me faire plaisir d’y répondre. Mais je me questionne par rapport aux techniques. C’est la même chose que pour mon album, ce n’est pas nécessairement faire comme on fait toujours, sans se poser la question, mais peut-être questionner chaque étape. Pourquoi on va là ? Pourquoi on fait ça ? À quel moment ? Combien ? Pourquoi ? D’essayer d’être stratégique puis organique dans nos façons de le faire. Je vais faire une première partie bientôt aux Francofolies de La Rochelle, et je vais revenir à Paris, c’est sûr.
LFB : C’est vrai qu’à chaque fois que je t’ai vue, c’était des formules un peu différentes. Je me souviens, je t’ai vue à Roubaix, à l’époque, au Crossroads Festival.
Lou-Adriane Cassidy : Mais c’est ça, faire une tournée là à 12, c’est impossible en fait. Puis même pour les artistes français, c’est impossible. Déjà, ils tournent à 3.
LFB : Il y en a encore, ils sont 5.
Lou-Adriane Cassidy : Nous, pour Journal d’un Loup-Garou, on était quoi 12, ça ne se fait pas. Mais en tout cas, j’adorerais, à un moment donné, faire des spectacles à 10 ou à 12 en France, mais on va commencer par le fait qu’ils connaissent une de mes chansons, puis on verra après ce qu’on fait avec ça.


LFB : J’ai ma question piège de fin d’interview. Si tu devais ranger tes deux albums dans une bibliothèque, à côté d’un film, d’un disque et d’un livre, tu choisirais quoi ?
Lou-Adriane Cassidy : Ouh ! Ok, grosse question. Livre, je vais dire Cent ans de solitude, parce que je l’ai lu juste avant puis ça m’a inspirée. L’idée du réalisme magique m’inspirait vraiment beaucoup quand j’ai écrit cet album-là, puis pourtant, ce n’est pas exactement ça le réalisme magique dans Journal d’un Loup-Garou, mais j’aime la cohabitation des éléments fantastiques avec du très intime. Cent ans de solitude, c’est comme ça. C’est une tragédie familiale, mais juste avec des petits éléments fantastiques, des fantômes, une espèce de métaphysique spirituelle autour de ça.
Pour le film, c’est One from the Heart de Francis Ford Coppola, qui est son film le plus sous-estimé et le plus détesté de son répertoire, mais c’est un de mes films préférés. J’adore ce film-là, il y a un romantisme et justement, c’est très comédie musicale. Ce n’est pas une comédie musicale, mais il y a beaucoup d’éléments de ça dans ce film-là. J’adore ce film-là, j’adore le romantisme, les scènes de danse, la D.O.P., c’est exceptionnel.
Puis le disque… On dirait que j’ai le goût de dire Kate Bush. Il y a comme quelque chose dans sa façon de voir l’écriture, justement, ses arrangements, de ne pas avoir peur d’être grandiose. Je dirais donc Hounds of Love de Kate Bush.
LFB : Dernière question qui n’a rien à voir avec ce dont on vient de parler, mais l’été s’en vient, ça sent la crème solaire, ça sent les vacances. Et puis pendant les vacances, il y a aussi les amours de vacances. C’est quoi ton souvenir le plus marquant d’amour de vacances, et la chanson que tu mettrais en bande-son sur ce souvenir ?
Lou-Adriane Cassidy : Ok, ok, j’ai tout de suite. C’est mes débuts avec mon copain, qui étaient pendant la tournée de Hubert Lenoir, la tournée Darlène, c’est très marquant et positivement et négativement.
On a vécu beaucoup d’émotions très, très fortes à ce moment-là. Je pense que personne n’était outillé, mais en même temps, ça a fait une espèce de passion dévorante très marquante pour moi du haut de mes 21 ans.
La chanson, c’est You Get What You Give de New Radicals, qui est une chanson qu’on écoutait dans la van très fort, très souvent et qui me fait voyager à chaque fois que je la réécoute. Il y a une adolescence, justement, dans cette chanson-là. Je trouve que You Get What You Give, c’est un leitmotiv de vie. Il faut donner pour recevoir. C’est quelque chose qui m’inspire beaucoup.
LFB : Merci beaucoup Lou-Adriane pour tes réponses et pour ton temps !
Lou-Adriane Cassidy : Merci à vous autres.